Décentralisation asymétrique : fonctionnelle ou dysfonctionnelle Ronald L. Watts Université Queen’s

Résumé

Au cours de la dernière décennie, la communauté internationale a accordé de plus en plus d’attention aux formes asymétriques de décentralisation dans les régimes politiques unitaires, fédéraux et confédéraux. Étudier l’apport de la décentralisation asymétrique à la bonne gouvernance nous amène à établir des distinctions entre : (1) situations où l’asymétrie est motivée par un projet politique et situations où l’asymétrie répond à une différence dans la capacité d’administrer un champ de compétences,(2) asymétrie de facto et asymétrie de jure (constitutionnelle), (3) asymétrie entre unités constituantes à part entière et asymétrie concernant les unités constituantes de la périphérie, et (4) asymétrie transitoire (à « vitesse variable ») et asymétrie permanente (en tant que « géométrie variable »). Il faut donc analyser les raisons menant à l’asymétrie, la forme et la portée de l’asymétrie, le type d’unités constituantes touchées, et la durée de l’asymétrie. L’asymétrie dans les régimes politiques décentralisés estelle fonctionnelle ou dysfonctionnelle? Il s’agit là d’une question fondamentale. Avec sa complexité accrue et sa tendance à provoquer des pressions contraires pour obtenir un traitement égal et symétrique, la décentralisation asymétrique constitutionnelle s’est souvent révélée contreproductive, ce qui suggère qu’il a y des limites à l’efficacité des solutions asymétriques constitutionnelles. Néanmoins, dans certains cas, seule la décentralisation asymétrique constitutionnelle peut concilier les principales différences entre unités constituantes aux plans de la politique et de leur capacité.

A. Introduction

1. Sens contemporain de la question

Pour réduire les conflits internes ou obtenir un bon rendement de la décentralisation, on a souvent adopté des régimes politiques fédéraux et décentralisés qui allient institutions gouvernementales partagées et autonomie des unités constituantes; ce qu’il faut noter dans ce cas, c’est qu’il est possible que, du fait de leurs caractéristiques politiques ou de leur capacité, les unités constituantes touchées exigent un niveau de décentralisation différent pour les responsabilités qui leur sont attribuées. Pour trois fédérations classiques – les États-Unis (1789), la Suisse (1848) et l’Australie (1901) – les unités constituantes territoriales de base se sont vu attribuer une autorité et un statut symétriques constitutionnels, ce qui explique que, dans les documents traditionnels portant sur les régimes fédéraux, on croyait que la symétrie constituait la norme dans les régimes fédéraux. Mais en pratique, dans un grand nombre de régimes fédéraux,

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l’inégalité foncière entre unités constituantes quant à leur désir respectif de non-centralisation a exercé une pression pour obtenir une structure asymétrique fondée sur le statut et l’autorité des unités; c’est ce que l’on observe dans certaines fédérations modernes comme le Canada (1867), l’Inde (1950), la Malaisie (1963), l’Espagne (1978), la Belgique (1993) et la Russie (1993). Et l’asymétrie entre unités constituantes ne se limite pas non plus aux fédérations; l’Union européenne, qui est essentiellement une confédération mais qui possède quelques traits typiques aux fédérations, a intégré des éléments de « géométrie variable » et d’intégration à « vitesse variable ». Les mesures prises pour la délégation des pouvoirs et la décentralisation dans un nombre de régimes unitaires ont elles aussi donné jour à l’asymétrie, comme l’illustre la mise en place au Royaume-Uni de parlements déléguant des pouvoirs à l’Écosse, au pays de Galles et à l’Irlande du Nord. C’est pourquoi on peut dire que la question de savoir si la décentralisation asymétrique est fonctionnelle ou dysfonctionnelle et si cette structure contribue ou nui à l’harmonie interne et à l’efficacité d’un régime politique a une résonance moderne. i

2. La documentation théorique portant sur la décentralisation asymétrique

Il y a environ trente-cinq ans, Charles D. Tarlton rédigeait un essai très réfléchi « Symmetry and Asymmetry as Elements of Federalism : A Theoritical Speculation [La symétrie et l’asymétrie comme éléments du fédéralisme : une spéculation théorique], mais jusqu’à tout récemment, les spécialistes ne s’étaient guère attardés au cas de l’asymétrie dans les régimes politiques fédéraux, ni aux conséquences de l’asymétrie sur le fonctionnement de ces régimes. ii Dans son article, Tarlton fait état de l’influence dénaturante des notions théoriques du concept du fédéralisme qui tendaient, à l’époque, à définir implicitement le fédéralisme en termes d’unités politiques et légales entretenant toutes une relation symétrique avec le gouvernement fédéral. Il nous invite à cesser de nous concentrer sur les relations constitutionnelles officielles, l’argumentation sur la place ultime de la souveraineté, ou la relation entre institutions instrumentales; selon lui, il faudrait plutôt étudier, de façon générale, la diversité sociale et les divers moyens grâce auxquels tous les états membres d’un régime fédéral peuvent se rattacher à l’ensemble du régime, à l’autorité fédérale et aux autres états membres. iii Il estime que si nous le faisions, nous verrions que les facteurs culturels, économiques, sociaux et politiques entraînent des divers modes d’asymétrie dans la relation symbiotique entre un régime fédéral et ses états membres. iv Il ajoute de plus que la portée de la symétrie ou de l’asymétrie entre états constituants en relation avec l’autorité fédérale, l’ensemble de la fédération, et les autres états peut influer sur le degré d’harmonie ou de discorde dans un régime fédéral, et que la prédominance d’un nombre assez élevé d’éléments asymétriques pouvait exiger la présence d’autorités centralisatrices, voire coercitives, dans le régime pour maintenir l’unité. v

Aussi intéressantes que pouvaient l’être les théories de Tarlton, qui remontent à trentecinq ans, pendant un certain temps, son essai n’était suivi, dans la documentation théorique, que de quelques références partielles aux relations asymétriques entre fédérations. vi Toutefois, au cours de la dernière décennie, on a vu les spécialistes s’intéresser de plus en plus à la question des relations asymétriques, au point où les études à ce sujet ont connu un véritable essor. vii D’ailleurs, la Joint International Association of Centres for Federal Studies (IACFS)

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[Association internationale des centres d’études fédérales] s’y est énormément intéressée, de même que le Research Committee on Comparative Federalism and Federation [Comité de recherche sur le fédéralisme comparé et les fédérations]de l’AISP, lors de sa réunion à Kwa Maritane, en Afrique du Sud, en 1993, et de ses séances au congrès de l’AISP, à Berlin, en 1994. viii

Pourquoi cet intérêt de plus en plus marqué pour les relations asymétriques dans les régimes fédéraux? On s’y intéresse non seulement parce que Tarlton note que les changements dans les facteurs culturels, économiques, sociaux et politiques au sein des différents états membres d’un régime politique fédéral conduisent à l’asymétrie de facto entre eux, mais aussi parce qu’on reconnaît que l’élaboration et l’évolution d’un nombre considérable de régimes fédéraux ont provoqué une tension entre la pression qui s’exerce pour des relations symétriques de jure et celle pour les relations asymétriques de jure. Tel que mentionné précédemment, le Canada ne constitue pas le seul exemple où les relations entre unités membres du régime fédéral sont quelque peu teintées d’asymétrie constitutionnelle; c’est aussi le cas de l’Inde, de la Malaisie, de l’Espagne, de la Belgique et de la Russie. En fait, au Canada, les débats constitutionnels ont accordé une grande place à la question au cours des deux dernières décennies. D’une certaine façon, la situation de facto de l’ajout des Länder de l’Est lors de la réunification de l’Allemagne constitue aussi un exemple d’asymétrie. La question est aussi survenue dans l’Union européenne suite aux mesures spéciales prises en vertu du traité de Maastricht touchant au Royaume-Uni et au Danemark. ix Au Royaume-Uni, la récente délégation des pouvoirs à l’Écosse, au pays de Galles et à l’Irlande, selon des principes différents pour chacun, est visiblement asymétrique. x Et même aux États-Unis, où les cinquante États entretiennent une relation constitutionnellement symétrique avec la fédération, Elazar a relevé quelques unités périphériques – 2 fédératies, 3 États associés, 3 territoires autonomes, 3 territoires non intégrés et près de 130 nations autochtones américaines (fédératies de facto) – qui entretiennent une relation asymétrique avec la fédération. xi Mais la Fédération russe, avec sa panoplie de pouvoirs répartis en 89 unités constituantes – républiques, oblasts, okrugs, etc. – constitue sans doute l’exemple actuel le plus complexe d’asymétrie de facto et de jure dans un régime fédéral moderne. Malgré le cadre constitutionnel par définition symétrique, beaucoup d’unités constituantes de la Russie ont quand même pu ratifier des traités bilatéraux, entraînant une importante asymétrie.

Par conséquent, ce qui a de plus en plus interpellé les spécialistes, c’est le fait que l’asymétrie de facto, comme le dit Tarlton, est typique des relations dans la plupart des régimes politiques fédéraux, et que bon nombre de régimes fédéraux et décentralisés modernes ont adopté une certaine asymétrie de jure. Les multiples formes d’asymétrie, leurs effets sur la cohésion, l’efficacité, le fonctionnement de l’appareil démocratique et la protection des minorités, ainsi que les limites au-delà desquelles ces mesures asymétriques peuvent devenir dysfonctionnelles dans un régime fédéral sont autant d’éléments ayant contribué à stimuler l’intérêt.

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3. La portée de ce document

En sa qualité d’article de référence pour la table ronde spéciale sur la « Décentralisation asymétrique : Améliorer la gouvernance via une approche à vitesse variable? », dans le cadre du Congrès mondial de l’AISP, en 2000, à Québec, ce document cherche à tracer les grandes lignes de certaines questions théoriques et pratiques que soulève la gouvernance asymétrique. Scindé en trois parties, le document traite d’abord de quelques questions conceptuelles. La deuxième partie consiste en une étude comparative des différentes sortes d’asymétrie, et puis, finalement, il est question du niveau de fonctionnement ou de dysfonctionnement de la gouvernance asymétrique en pratique.

B. Questions conceptuelles

1. Faire la distinction entre gouvernance fédérale décentralisatrice, intégratrice et asymétrique.

Le titre de la table ronde renvoie à la « décentralisation asymétrique » mais aussi à « l’amélioration de la gouvernance ». Pour bien comprendre le sujet, il faut avant tout établir une distinction entre les concepts de décentralisation, d’intégration et de fédération. Ces termes ne sont pas synonymes, mais ils présentent tous des éléments de l’asymétrie; à cet égard, décentralisation fait référence au processus et aux résultats du transfert de compétences d’un gouvernement central aux gouvernements des unités constituantes. La récente délégation différentielle d’autorité aux parlements de l’Écosse, du pays de Galles et de l’Irlande du Nord, au Royaume-Uni, illustre bien la décentralisation asymétrique. La délégation aux unités constituantes du régime peut se faire uniformément, c’est-à-dire symétriquement, ou, comme au Royaume-Uni, différentiellement, c’est-à-dire asymétriquement. Par contre, intégration, ou centralisation, renvoie au processus de transfert des compétences des unités constituantes au centre d’un régime politique, concentrant ainsi l’autorité en une autorité centrale; ce processus de centralisation, ou transfert de compétences des unités constituantes au centre peut être uniforme, c’est-à-dire symétrique, ou différentiel, c’est-à-dire asymétrique. On trouve un exemple de ce phénomène dans la fusion en Union monétaire européenne de quelques pays membres de l’Union européenne. L’intégration se distingue aussi de la « décentralisation » par la « noncentralisation », la caractéristique déterminante des fédérations, qui, elle aussi, s’applique aux unités constituantes d’une fédération de façon symétrique ou asymétrique. Certains auteurs ont mis l’accent sur la distinction entre « non-centralisation » et « décentralisation » en établissant que la « décentralisation » consiste en une hiérarchie des compétences à partir du haut ou du centre, alors que la « non-centralisation » constitue une dispersion constitutionnelle structurée des compétences, et, par conséquent, représente mieux la qualité intrinsèque d’une fédération xii ; en effet, même si la décentralisation peut caractériser les relations dans les régimes politiques

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unitaires, il reste que la non-centralisation symbolise mieux la relation constitutionnelle au sein des fédérations. Toutefois, elles peuvent toutes deux être soit symétriques, soit asymétriques.

Il est vrai que la documentation théorique sur les relations asymétriques s’est en grande partie attachée aux régimes politiques fédéraux, mais il convient de noter que la gouvernance asymétrique peut aussi, dans une perspective plus large, s’appliquer à certains régimes unitaires décentralisés et confédéraux.

2. Définir symétrie et asymétrie

Si l’article de Tarlton sur l’asymétrie (1965) constitue le point de départ pour définir symétrie et asymétrie, il faut d’abord préciser que les termes symétrie et asymétrie se rapportent aux relations dans un régime fédéral. xiii Les relations dont il est question sont en fait les moyens grâce auxquels un état membre dans un régime politique fédéral établit des liens avec l’ensemble du régime, l’autorité fédérale, et les autres états membres.

Dans ces relations, la symétrie est, selon lui, « le niveau de conformité et de standardisation dans les relations qu’entretient chaque unité politique distincte avec l’ensemble de la fédération et les autres unités constituantes. » xiv En d’autres termes, la symétrie se rapporte à l’uniformité du type de relations des états membres au sein d’un régime fédéral. Toujours selon Tarlton, un régime fédéral symétrique idéal entretiendrait essentiellement la même relation avec l’autorité fédérale, le partage des pouvoirs entre fédéral et gouvernements d’unités constituantes serait pratiquement le même dans tous les cas, la représentation du fédéral se ferait sur la même base pour toutes les unités constituantes, et le soutien aux activités du fédéral serait équitablement réparti. xv

D’autre part, l’asymétrie dans un régime fédéral fait référence à une situation où la diversité d’une plus grande société se fait politiquement entendre par l’entremise des gouvernements des unités constituantes, qui « sont dotées, à divers niveaux, d’une autonomie et de responsabilités ». xvi Une unité constituante posséderait « une caractéristique unique ou un ensemble de caractéristiques » qui détermine sa relation à l’ensemble du régime, à l’autorité fédérale, et aux autres états. xvii

Tarlton, dans son analyse, s’intéressait surtout à la signification des conditions culturelles, économiques, sociales et politiques sous-jacentes qui exercent des pressions vers l’asymétrie, au point où un régime aux unités constituantes hautement asymétriques peut avoir de la difficulté à engendrer harmonie et unité. xviii Son article ne tentait donc pas d’analyser ou d’identifier empiriquement les diverses formes de relations structurelles asymétriques qui peuvent exister au sein de divers régimes fédéraux et décentralisés, une tâche dont tentera de s’acquitter ce document.

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3. Conditions nécessaires à l’asymétrie et résultats asymétriques

Il est important de faire la distinction entre conditions nécessaires à l’asymétrie et résultats asymétriques. xix Les conditions nécessaires correspondent à ce que Livingston pense des qualités fédérales d’une société, qui s’expriment ensuite par l’entremise des institutions fédérales. xx Burgess et Gress ont relevé quelques conditions nécessaires tendant à l’asymétrie ou à la décentralisation, comme les changements dans les cultures politiques et les traditions, les divisions sociales, les concentrations territoriales, les facteurs socio-économiques et les modèles démographiques. xxi

Il existe deux grandes catégories, ou raisonnements, d’asymétrie dans un régime : l’asymétrie motivée par des facteurs politiques et l’asymétrie motivée par la capacité des unités constituantes. xxii Les raisonnements politiques sur l’asymétrie font référence aux situations où un groupe territorialement défini réclame, pour des raisons comme celles qu’évoquent Burgess et Gress, une relation politique différentielle avec le gouvernement central. Les demandes régionales de plus grande autonomie se fondent souvent sur un besoin d’autodétermination. xxiii L’asymétrie conduite politiquement, bien qu’elle se fonde souvent sur les différences ethniques, peut aussi avoir d’autres motifs; Hong Kong, par exemple, pour préserver les caractéristiques de son système économique particulier, a demandé à la Chine d’adopter des mesures d’autonomie spéciales.

Les conditions nécessaires à l’asymétrie motivée par des facteurs politiques s’opposent aux conditions nécessaires à l’asymétrie motivée par la capacité des unités constituantes. Lorsque, pour maintenir l’efficacité des gouvernements sub-nationaux, des capacités divergentes apparaissent, il peut être souhaitable de recourir à une décentralisation différentielle ou à une non-centralisation; en effet, les différences au niveau des ressources financières et humaines entre les gouvernements sub-nationaux peuvent constituer un important motif pour l’adoption de mesures asymétriques au sein des gouvernements sub-nationaux, ce qui peut conduire à des niveaux de décentralisation ou de non-centralisation différents entre eux. On en trouve de bons exemples dans la disparité entre provinces/états et territoires dans un certain nombre de fédérations (par exemple, le Canada, l’Australie et l’Inde) et la polémique dans bon nombre de pays africains, au sujet du caractère inopportun d’une décentralisation de type universel dans les États africains où les régions ne se trouvent pas au même stade de développement.

4. Résultats asymétriques : Aspects de l’asymétrie structurelle dans les régimes

Les résultats asymétriques se rapportent aux relations qu’entretiennent les divers états membres avec l’autorité fédérale ou centrale, les autres états membres et l’ensemble du régime. La symétrie et l’asymétrie conviennent non seulement aux « fédérations » mais aussi à une catégorie plus étendue de « régimes politiques fédéraux », y compris les confédérations et les unions constitutionnellement décentralisées. xxiv L’analyse des résultats asymétriques ne touche donc pas uniquement les fédérations.

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L’étude de certains aspects de la symétrie et de l’asymétrie structurelles s’avère nécessaire. Premièrement, comme la population, la richesse et le territoire relatifs de chaque unité constituante agissent sur son pouvoir et sur son influence, il faut s’attarder longuement sur ces facteurs. Deuxièmement, le niveau d’autonomie et d’autorité attribué à chaque unité constituante ou mis en pratique est un autre facteur important. Troisièmement, un indicateur important de l’autonomie relative de chaque état membre par rapport aux autres états membres se trouve dans le niveau de disponibilité, dans cet état membre, des pouvoirs fiscaux et des ressources et autonomie financières relatives. Quatrièmement, un autre indicateur important de symétrie et d’asymétrie se trouve dans le calcul de représentation de chaque état – selon une base unique ou variée – étant donné que la représentation dans les institutions fédérales est un grand facteur d’influence sur la prise de décisions fédérale ou nationale. Cinquièmement, lorsqu’on met en place des mesures ou des processus spéciaux pour l’administration des relations intergouvernementales, la représentation, l’influence et le poids relatifs de chaque unité dans les mécanismes et les processus choisis deviennent d’importants facteurs pour déterminer le niveau de symétrie ou d’asymétrie. Sixièmement, la nature et le rôle différentiels des partis politiques régionaux dans un régime politique. Septièmement, le degré d’uniformité qui existe dans la mise en application de la charte constitutionnelle des droits (s’il y en a une) à chacun des états membres. Huitièmement, l’uniformité ou les variations dans le poids ou le rôle relatifs des états membres dans le processus d’amendement constitutionnel. Finalement, le degré d’uniformité imposé aux états membres dans les dispositions qui se rapportent à leur propre constitution.

L’analyse de la symétrie et de l’asymétrie en tant que relations au sein de régimes fédéraux et décentralisés appelle quelques distinctions : il faut faire la distinction entre la symétrie ou l’asymétrie structurelle de facto et de jure, entre les relations symétriques ou asymétriques qui touchent aux états membres à part entière et celles qui touchent aux entités politiques périphériques, et entre les mesures asymétriques permanentes et transitoires.

5. Résultats asymétriques « de facto » et « de jure »

Tarlton ne l’a pas explicité, mais il est permis de penser que, pour lui, dans toute fédération, la relation constitutionnelle ou de jure entre états membres est normalement symétrique; selon lui, on parle de relations asymétriques lorsque les conditions culturelles, économiques, sociales et politiques agissent sur le pouvoir, l’influence et les relations relatifs des différents états membres au sein d’un régime fédéral. xxv Il s’est donc surtout intéressé au niveau et aux conséquences sur la cohésion fédérale de l’asymétrie de facto émanant de conditions sousjacentes qui influent sur l’autonomie, le pouvoir et l’influence des unités constituantes d’un régime fédéral.

Mais si, comme le présuppose Tarlton, la symétrie de jure caractérise certaines fédérations, ce n’est pas universellement le cas; en effet, si l’on regarde le Canada, la Malaisie, l’Inde, l’Espagne, la Russie, et, plus récemment, l’Union européenne et le Royaume-Uni, on note une asymétrie de jure dans les pouvoirs constitutionnels relatifs des principales unités

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constituantes. Il est donc important de tenir compte de l’influence de l’asymétrie de jure sur les régimes fédéraux et décentralisés, de même que l’influence de l’asymétrie de facto.

Il est important de bien distinguer l’asymétrie de facto de l’asymétrie de jure. xxvi Les spécialistes en sciences politiques considèrent que l’influence de l’asymétrie de facto sur le fonctionnement des régimes fédéraux et décentralisés est un important domaine d’analyse; ceux qui participent à l’élaboration de la constitution ou à son adaptation croient, quant à eux, que la question fondamentale est de savoir si la constitution elle-même devrait de jure s’appliquer différemment aux diverses unités constituantes, et, par conséquent, quelles seraient les conséquences possibles de ces mesures sur le fonctionnement subséquent du régime politique. Il existe un certain nombre de régimes fédéraux à asymétrie de jure, ce qui indique bien qu’il est possible de prévoir ces mesures. Mais si ces exemples montrent que ces mesures ne sont pas impossibles, il n’en demeure pas moins qu’on s’interroge sur leur attrait et sur les limites au-delà desquelles elles peuvent être déstabilisantes ou dysfonctionnelles.

6. Résultats asymétriques : Asymétrie des unités constituantes à part entière et périphériques

L’asymétrie, qu’elle soit de facto ou de jure, peut se rapporter, dans un régime fédéral ou décentralisé, à un ou plusieurs états membres de base à part entière, qui constituent le régime, ou à quelques unités périphériques. Dans les unités périphériques, il y a les Territoires, qui, ayant un niveau d’autonomie moins élevé, peuvent être administrés au centre, ou les unités entretenant

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un rapport moins étroit par rapport au régime, comme les États associés ou les fédératies. De tous ces exemples d’unités périphériques, il faut retenir que normalement, il s’agit d’unités relativement petites sur le plan de la population, et que leurs relations sont assez distinctes de celles des unités constituantes principales dans une grande entité politique.

L’asymétrie dans les relations entre unités périphériques dans un régime politique n’a que très peu de chance de fortement influencer le fonctionnement du régime, alors que l’asymétrie dans les relations entre unités constituantes à part entière influence presque invariablement, et de façon considérable, les processus et les relations de pouvoir dans un régime fédéral. Il faut donc étudier de plus près ces conséquences.

7. Résultats asymétriques : Asymétrie permanente ou transitoire

Lorsque, dans les unités constituantes d’un régime politique, il existe deux camps nettement divisés, l’un en faveur de la centralisation, et l’autre, de la décentralisation, l’accord sur l’asymétrie de jure peut devenir nécessaire pour en arriver à un consensus sur la mise en place et l’administration du régime fédéral. Dans certains cas, au Canada, en Malaisie ou en Belgique, par exemple, on a envisagé des mesures asymétriques comme étant relativement permanentes, alors qu’ailleurs, en Espagne, par exemple, on les voit plutôt comme des mesures transitoires nécessaires, en attendant que toutes les unités constituantes aient atteint le même stade de développement économique, et que des liens plus forts de cohésion et d’acceptation se

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soient tissés. Il suffit de se tourner vers l’Europe, où l’on se demande si une Europe à « deux vitesses » ou à « géométrie variable » est une situation transitoire ou permanente, pour avoir une idée des autres perspectives possibles. Lorsque l’asymétrie s’explique par une motivation de capacité, on voit souvent les mesures asymétriques comme transitoires, en attendant que le problème de capacité soit résolu.

8. Asymétrie et cohésion politique

Considérer la symétrie et l’asymétrie comme des éléments des régimes fédéraux et décentralisés ne se résume pas à identifier le niveau et les sortes de symétrie et d’asymétrie dans chaque régime politique, ainsi que les conditions sous-jacentes du système responsables de leur éclosion. Il est également important d’étudier jusqu’à quel point, dans certains régimes, la tension entre les pressions divergentes vers la symétrie et l’asymétrie est elle-même devenue un sujet de discorde principal dans leur dynamique politique et leur évolution. En effet, en Espagne, et, indubitablement, au Canada, l’évolution politique se caractérise fortement par deux courants de pression : on désire à la fois plus de symétrie et plus d’asymétrie. xxviii

Il faut se demander si l’asymétrie dans les régimes politiques fédéraux et décentralisés est fonctionnelle ou dysfonctionnelle; une table ronde cherchant à évaluer jusqu’à quel point les régimes fédéraux peuvent contribuer à l’efficacité d’un gouvernement doit en faire sa question ultime. Puisque de facto toutes les fédérations, ainsi que la plupart des régimes décentralisés, possèdent une certaine asymétrie, il faut reformuler la question selon le niveau et les sortes d’asymétrie. Existe-t-il certaines limites au-delà desquelles l’asymétrie peut être déstabilisante ou dysfonctionnelle et existe-t-il des sortes d’asymétrie particulières qui, sur ce plan, peuvent être plus importantes que d’autres? Dans son essai conceptuel sur les éléments symétriques et asymétriques dans les régimes fédéraux, Tarlton s’est surtout attardé à l’influence de l’asymétrie sur la cohésion fédérale au niveau du « potentiel de sécession » qui en résulte dans un régime fédéral. xxix Il faut aussi tenir compte de l’influence du niveau et des sortes d’asymétrie sur l’efficacité d’une prise de décision sur les processus démocratiques et sur la protection des minorités. Un simple raisonnement a priori ne suffit pas pour répondre à ces questions; il faut faire une recherche empirique sur les véritables conséquences des différentes sortes d’asymétrie de facto et de jure au sein des régimes fédéraux et décentralisés.

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C. Comparer les formes d’asymétrie

1. Les fondements de la comparaison

Tout en gardant en tête les questions conceptuelles que nous venons d’étudier, nous pouvons maintenant, pour fins de comparaison, déterminer de façon préliminaire la portée et les modes d’asymétrie horizontale qui existent dans les régimes fédéraux et décentralisés. Bien entendu, dresser une liste d’exemples n’est qu’un commencement, mais il s’agit tout de même d’un premier pas. Cette étape devrait jeter les bases d’autres études empiriques et analyses approfondies des exemples : les études ultérieures pourraient expliquer comment certains facteurs en sont venus à produire différents modes et degrés d’asymétrie et comment cette asymétrie a influencé le fonctionnement et l’évolution d’un régime fédéral ou décentralisé en particulier.

Lorsque l’on passe en revue des exemples de structures politiques asymétriques, il faut faire une première distinction entre l’asymétrie de facto (deuxième section) et l’asymétrie de jure (troisième section) dans les unités constituantes de régimes fédéraux et décentralisés. Les deuxième et troisième sections étudieront les aspects suivants de l’asymétrie : les variations entre

(1) grandeurs des unités constituantes, qui agissent sur leur influence et leur pouvoir relatifs, (2) autonomie, juridiction et pouvoirs relatifs des unités, (3) autonomie, ressources financières et pouvoirs fiscaux relatifs des unités constituantes, (4) base sur laquelle les états membres sont représentés dans les institutions fédérales, (5) représentation des états membres dans les processus de relations intergouvernementales, (6) nature et influence différentielles des partis politiques régionaux sur le régime politique, (7) mise en application d’une charte constitutionnelle des droits, (8) pouvoir relatif dans le processus officiel d’amendement constitutionnel, et (9) forme et structure de la constitution des états membres. La quatrième section relèvera des exemples d’asymétrie de jure dans les unités constituantes périphériques, tandis que la cinquième section étudiera des exemples d’asymétrie de jure permanente et transitoire.

2. Asymétrie de facto des états membres

Cette section se consacre à l’étude des différentes sortes d’asymétrie de facto dans les états membres dans les régimes fédéraux. Comme l’ont souligné Tarlton ainsi que Burgess et Gress, dans pratiquement toute fédération et État décentralisé, les conditions culturelles, sociales, géographiques, économiques et démographiques ont contribué à l’émergence d’une asymétrie de facto qui se reflète autant dans les relations centre-états que dans l’exercice politique en général. Il faut relever les diverses formes et les divers degrés de résultats asymétriques de facto obtenus.

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(1) Variations de richesse et de grandeur des unités constituantes

Il existe dans tout régime fédéral des variations de population et de grandeur territoriale des unités constituantes, ce qui constitue chez chacun une source fondamentale d’asymétrie de facto xxx ; cette variation peut cependant être beaucoup plus grande dans certains régimes politiques que dans d’autres. L’asymétrie de facto causée par les différences de grandeur et de population des unités constituantes est importante, autant au plan de l’influence politique relative dans la fédération, qu’au plan de la capacité d’assumer des responsabilités juridictionnelles et administratives.

Deux aspects sont particulièrement importants : le fait qu’un ou deux états membres ou unités régionales dominent, et le fait que les états membres ou unités régionales particulièrement petits soient relativement impuissants. En ce qui concerne la première situation, on trouve des exemples d’unités constituantes qui contiennent, à elles seules, plus de la moitié de la population totale d’une fédération ou d’un régime décentralisé : la Prusse, dans la Confédération allemande et, plus tard, dans la Fédération jusqu’aux années 1930, la Région flamande dans la Fédération belge actuelle, la Jamaïque dans la Fédération aujourd’hui avortée des Indes de l’Ouest (19581962), le Bengale de l’Est au Pakistan, avant sa sécession en 1971, la province du Punjab au Pakistan actuel, la Russie dans l’ancienne URSS, la République tchèque dans l’ancienne Tchécoslovaquie, et l’Angleterre au Royaume-Uni. Il est éloquent que la plupart de ces exemples furent le théâtre de tensions et d’instabilité résultant du ressentiment à l’égard de l’hégémonie d’une unité régionale en particulier. Il arrive aussi que, comme l’illustre cet exemple canadien, deux provinces ou états membres aient une influence prépondérante sur un régime fédéral : l’Ontario et le Québec représentent ensemble 62 pour cent de la population totale des dix provinces et trois territoires au Canada. La Fédération australienne, qui se compose de six États et deux territoires, mais où la Nouvelles-Galles du Sud et Victoria constituent ensemble 60 pour cent de la population totale, représente un autre exemple de cette situation. Dans les deux cas, la situation a été source de ressentiment. On trouve ailleurs des cas d’unités constituantes vastes et influentes : la Californie et New York aux États-Unis; Uttar Pradesh, Bihar et Maharashtra, en Inde; Zurich et Berne, en Suisse; la Rhénanie du Nord/Westphalie, la Bavière et le Baden-Württemberg, en Allemagne; Perak, Johore et Selangor, en Malaisie; l’Andalousie, la Catalogne et Madrid, en Espagne. Toutefois, la plupart de ces unités constituent plus de 10 pour cent de la population fédérale, à l’exception de la Rhénanie du Nord/Westphalie, qui, avec ses 21,8 pour cent, forme plus d’un cinquième de la population totale de la fédération. Les problèmes y sont moins graves que dans les régimes où une ou deux unités constituantes dominent.

Par opposition à ces exemples de vastes unités constituantes, la plupart des fédérations et régimes décentralisés comportent, parmi leurs états membres, de très petits états membres. C’est le cas, par exemple, du Canada, où la plus petite province, l’Île-du-Prince-Édouard, ne comprend que 0,05 pour cent de la population fédérale, et de l’Australie, où le plus petit État, la Tasmanie, ne constitue que 2,7 pour cent de la population fédérale. On note ailleurs d’autres cas d’unités membres qui ne constituent qu’une minuscule proportion de la population fédérale totale : auxÉtats-Unis, le Wyoming, l’Alaska et le Vermont (0,2 pour cent chacun); en Inde, Sikkim (0,05

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pour cent), Mizoram (0,07 pour cent), Arimichal Pradesh (0,09 pour cent) et Nagaland (0,11 pour cent); en Suisse, Appenzell Rhodes Intérieures (0,2 pour cent), Obwald (0,4 pour cent), Nidwald (0,5 pour cent) et Uri (0,5 pour cent); en Allemagne, Brême (0,8 pour cent), la Sarre (1,3 pour cent) et Hambourg (2,0 pour cent); en Malaisie, Perlis (1,1 pour cent) et Malacca (3,3 pour cent); en Espagne, La Rioja (0,7 pour cent), Cantabria (1,3 pour cent) et la Navarre (1,3 pour cent). Les peurs et les angoisses de ces unités constituantes, qui sont causées par leur impuissance relative au sein du régime et leurs difficultés à offrir les mêmes services dont bénéficient les unités constituantes plus vastes, sont souvent source de tension.

Comme l’illustre clairement le Tableau 1, une nette asymétrie existe dans la population des unités constituantes de la plupart des fédérations, le rapport de la plus grande à la plus petite dans les exemples cités s’échelonnant de 342,6 pour l’Inde à 1,2 pour le Pakistan avant la sécession du Bangladesh. C’est une question capitale que la portée de l’asymétrie de facto dans la population et les ressources des unités constituantes de la plupart des fédérations parce qu’elle intervient autant dans les dynamiques politiques relatives aux relations entre unités et à l’influence politique des différentes unités dans ces fédérations, que dans les dynamiques relatives à la capacité d’assumer les responsabilités assignées aux unités constituantes. Au niveau de la grandeur relative des unités constituantes du moins, une asymétrie de facto découlant de la dynamique politique interne semblerait être la norme plutôt que l’exception dans les fédérations.

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12 Tableau 1 : Asymétrie dans la population des unités constituantes à part entière des régimes fédéraux

Régime fédéral Nombre d’unités Population totale Plus grande unité Population de la plus grande unité Pourcentage de la population fédérale Plus petite unité Population de la plus petite unité Pourcentage de la population fédérale Rapport plus grande unité / plus petite unité
Inde 25 846,303 m. Uttar Pradesh 139,112 m. 16,4 % Sikkim 0,406 m. 0,05 % 342,6
Union européenne 15 368,067 m. Allemagne 81,338 m. 22,1 % Luxembourg 0,378 m. 0,10 % 215,2
Suisse 26 6,873 m. Zurich 1,179 m. 17,2 % Appenzell Rhodes Int. 0,014 m. 0,20 % 84,2
Canada 10 29,108 m. Ontario 11,004 m. 37,8 % I.-P.-É. 0,135 m. 0,46 % 81,5
États-Unis 50 265,172 m. Californie 31,589 m. 11,9 % Wyoming 0,480 m. 0,18 % 65,8
Espagne 17 38,872 m. Andalousie 6,941 m. 17,9 % La Rioja 0,263 m. 0,68 % 26,4
Allemagne 16 81,338 m. Rhénanie du N. W. 17,759 m . 21,8 % Brême 0,683 m. 0,84 % 26,0
Australie 6 17,657 m. Nouvelle-Galles du S. 5,959 m. 33,7 % Tasmanie 0,472 m. 2,67 % 12,6
Malaisie 13 16,527 m. Perak 2,108 m. 12,8 % Perlis 0,176 m. 1,06 % 12,0
Belgique 3 10,022 m. R. flamande 5,769 m. 57,6 % Bruxelles 0,954 m. 9,52 % 6,0
Autriche 9 7,812 m. Vienne 1,533 m. 19,6 % Burgenland 0,274 m. 3,51 % 5,6
Tchécoslovaquie 2 15,600 m. Rép. tchèque 10,36 m. 66,4 % Rép. slovaque 5,264 m. 33,74 % 2,0
Pakistan 2 95,600 m. Pakisan de 51,97 m. 54,0 % Pakistan de 4,215 m. 44,16 % 1,2
(1957-8) l’Est l’Ouest

Source : R.L. Watts, Comparing Federal Systems, 2e éd., 1999, Tableau 4, p. 64.

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(2) Autonomie, juridiction et pouvoirs relatifs des unités

Il est plus difficile de mesurer avec précision l’asymétrie de facto au niveau de l’autonomie et des pouvoirs relatifs exercés par chacune des unités dans un régime fédéral. Manifestement, la grandeur relative à laquelle on faisait référence à la section précédente s’avère ici un facteur important. Les économies d’échelle et les services que peut offrir le gouvernement d’un état membre de la grandeur de l’Uttar Pradesh en Inde, avec une population de plus de 139 millions, ou la Californie aux États-Unis, avec une population avoisinant les 32 millions, est susceptible d’être beaucoup plus grande que celle d’états membres plus petits, constitués d’une population d’un demi-million de personnes ou moins.

La présence de variations dans la culture politique constitue un autre facteur menant à la formation d’une asymétrie de facto dans l’exercice des pouvoirs des états membres du même régime fédéral. La culture politique qui prévaut dans un état membre aide à préciser les préférences de politiques et le degré d’activisme gouvernemental dans les différents états membres; en Allemagne, par exemple, si l’asymétrie pénètre dans l’exercice des pouvoirs des Länder, c’est à cause des disparités sociales et des différences dans la culture politique entre les nouveaux Länder et les anciens suite à la réunification de l’Allemagne.

Bien que la grandeur et le nombre des états tendent à être des facteurs permettant aux états membres distincts d’un régime fédéral ou décentralisé d’exercer plus d’autonomie et de pouvoirs, ce ne sont pas les seuls facteurs qui permettent d’évaluer l’exercice de cette autonomie. Pour estimer le degré de variation de facto qui se produit lorsque les états exercent leur autonomie, il faut analyser empiriquement les moyens grâce auxquels les unités de chaque régime fédéral ont mis en pratique les pouvoirs constitutionnels qu’on leur a attribués. xxxi Mais il reste encore beaucoup de recherche à faire dans ce domaine avant de risquer des observations comparatives concluantes.

(3) Pouvoir fiscal et autonomie

Les fluctuations dans la capacité de taxation et les ressources financières disponibles dans les unités constituantes d’un régime fédéral ou décentralisé sont particulièrement importantes : les unités régionales qui jouissent d’un niveau élevé de ressources et de richesses par habitant sont plus susceptibles d’être autonomes dans l’exercice des responsabilités qu’on leur a constitutionnellement attribuées, en plus d’être moins dépendantes des transferts provenant du gouvernement fédéral. Il existe déjà une abondance de documents qui mettent en lumière les disparités financières et les efforts pour y remédier dans les diverses fédérations. xxxii

La Californie, aux États-Unis, l’Ontario et l’Alberta, au Canada, Victoria et la Nouvelle-Galles du Sud, en Australie, et Zurich, en Suisse, comptent parmi les exemples d’unités constituantes vastes et prospères qui ont su faire respecter leur autonomie relative au sein de la fédération. En règle générale, les unités constituantes plus petites doivent davantage compter sur les transferts financiers provenant du gouvernement central; c’est le cas des provinces atlantiques

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canadiennes. Mais Milne s’est interrogé sur la croyance très répandue voulant que ce système amène les provinces à se retrouver dans un état de dépendance relativement élevé. xxxiii On remarque que, pour réduire l’asymétrie fiscale entre unités constituantes, beaucoup de fédérations et de régimes décentralisés ont communément recours à des transferts financiers différentiels ou à des modèles de péréquation xxxiv ; ils croient que tous les citoyens dans un régime devrait avoir droit à des services comparables sans avoir à être sujets à des taux de taxation excessivement différents. Par conséquent, ils ont déployé des efforts pour réduire l’asymétrie dans la sphère financière. C’est aussi la reconnaissance du fait que les disparités dans la richesse entre régions sont susceptibles d’avoir un effet corrosif sur la cohésion d’un régime qui a conduit à ces mesures; c’est en effet pour cela que, dans la plupart des fédérations européennes, on a apposé l’étiquette de « transferts de solidarité » aux transferts de péréquation visant à réduire l’asymétrie fiscale.

(4) Représentation des états membres dans les institutions centrales

Dans la plupart des régimes fédéraux et décentralisés, pour garantir une représentation démocratique, au moins une chambre de la législature fédérale se fonde sur une distribution des sièges selon la population. Les variations de grandeur des états membres dans chaque fédération (tel que mentionné aux sections précédentes ainsi qu’au Tableau 1) ont eu comme conséquence inévitable d’établir une asymétrie de facto considérable dans le pouvoir et l’influence au sein de la législation fédérale et dans l’élaboration des politiques par les représentants des plus grands états membres, par opposition aux représentants des plus petits états. Il en existe des exemples : la prédominance du Canada central – l’Ontario et le Québec – à la Chambre des communes (que les huit autres provinces acceptent si mal), la grande influence de la Nouvelle-Galles du Sud et de Victoria à la Chambre des députés en Australie, et aussi, bien qu’à un degré moindre, l’influence relative de la Californie et de New York au Congrès américain, de Zurich et de Berne au parlement suisse et au Conseil fédéral, et de la Rhénanie du Nord/Westphalie, de la Bavière, du Baden-Württemberg et de la Basse-Saxe au Bundestag allemand.

Cette variation dans l’influence sur l’élaboration des politiques fédérales ne touche pas seulement à la représentation dans les institutions centrales, mais aussi à l’influence entre partis politiques fédéraux; toutefois, les bases régionales particulières des coalitions non officielles représentées dans les partis politiques au pouvoir freinent parfois l’influence asymétrique des différentes unités constituantes dans la politique fédérale. De plus, il arrive aussi, dans certains cas, que l’influence des plus grandes unités soit quelque peu contrecarrée par l’élaboration de conventions assurant une représentation adéquate aux comités ou cabinets fédéraux des unités membres plus petites ou de minorités particulières, comme c’est le cas, par exemple, en Suisse et au Canada.

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Les mesures de jure créant une deuxième chambre fédérale ou centrale ont aussi contribué à freiner l’asymétrie de facto dans l’influence des grands états membres par rapport à celle des petits; le pouvoir relatif de la deuxième chambre (habituellement un peu plus faible si l’on a adopté des institutions parlementaires) et le degré de symétrie dans la représentation des états membres à la deuxième chambre fédérale déterminent toutefois le degré d’efficacité de ces mesures. En optant pour une représentation égale de leurs états membres au Sénat, les États-Unis et l’Australie ont favorisé une représentation symétrique dans la deuxième chambre, mais la plupart des autres régimes fédéraux, tout en accordant une place favorable aux états membres plus petits dans leur deuxième chambre fédérale, n’y ont pas adopté une symétrie complète dans la représentation des états membres. xxxv

(5) Représentation dans les institutions ou processus intergouvernementaux

Certaines fédérations ont mis en place des institutions spéciales et des procédures pour l’administration des relations intergouvernementales, suite à une convention ou un accord intergouvernemental plutôt qu’à une clause constitutionnelle. xxxvi En Australie et au Canada, la caractéristique de facto de « fédéralisme exécutif » a donné lieu à de multiples exemples de ces agences, conseils et comités intergouvernementaux. Il est intéressant de constater que le modèle de conseil ou d’organisme intergouvernemental habituel pour ces deux fédérations en est un de symétrie, c’est-à-dire juste représentation des gouvernements participants, limitant ainsi l’asymétrie dans d’autres aspects de la fédération. Par ailleurs, on retrouve un exemple d’asymétrie de facto dans les mesures de coopération intergouvernementale entre le fédéral et les provinces au Canada : le Québec, contrairement aux neuf autres provinces, a refusé de collaborer à la récente « Convention collective cadre de l’union sociale ».

(6) La nature différentielle des partis politiques régionaux

Les partis politiques qui dominent dans les différentes unités constituantes et le niveau auquel ils sont ou non égaux aux partis qui se trouvent dans d’autres unités constituantes ou au centre constituent une source d’asymétrie de facto entre les états membres des régimes fédéraux ou décentralisés; la prédominance de l’Union sociale chrétienne (CSU) en Bavière, et le Parti Québécois (PQ) au Québec en sont des exemples, puisqu’ils confinent tous deux leurs activités électorales à leur propre unité régionale, et affichent des différences territoriales et culturelles profondément ancrées. Les fluctuations relatives au nombre de partis, aux partis dominants, et à la prépondérance de partis nationaux ou régionaux peuvent amplifier les divergences politiques, ce qui risque d’influencer le potentiel de conflit ou d’harmonie entre états membres d’un régime fédéral.

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(7) Mise en application des chartes de droits

On considère que l’élaboration de droits symétriques pour tous les citoyens d’un régime par l’entremise d’une charte des droits fondamentaux constitue une mesure de jure. Mais si la constitution fédérale ne comprend aucune charte des droits fondamentaux pour assurer que ces droits sont mis en application uniformément dans tout le régime, les états constituants individuels ou les gouvernements régionaux peuvent élaborer leur propre charte des droits, ce qui crée, au sein du régime fédéral, une asymétrie de facto dans les droits fondamentaux des citoyens, droits étant reconnus et protégés dans les diverses unités constituantes. Ce fut en effet le cas au Canada avant que la Charte des droits ne soit incorporée à la Constitution canadienne, en 1982, car plusieurs provinces avaient promulgué leur propre charte des droits. Mais même dans ces cas où l’on intègre une charte des droits à la constitution fédérale, il arrive que quelques états membres puissent promulguer leur propre charte des droits. Ces droits fondamentaux supplémentaires s’ajoutent aux droits de base déjà reconnus dans la constitution fédérale, introduisant donc une asymétrie de facto.

(8) Pouvoir relatif dans le processus d’amendement constitutionnel

Le processus d’amendement constitutionnel étant presque toujours officiellement prévu dans la constitution, l’influence relative des états membres sur ce processus est normalement établie de jure. Néanmoins, dans les constitutions où l’on précise des majorités spéciales pour l’adoption d’amendements constitutionnels par l’entremise de la législature fédérale, comme aux États-Unis, en Allemagne, en Inde et en Malaisie, ou par l’entremise d’un référendum, comme en Australie ou en Suisse, il peut y avoir une plus grande tendance à aller chercher l’appui des plus grands états membres, ce qui augmente leur influence de facto sur le processus d’amendement constitutionnel. On peut toutefois freiner cette tendance en exigeant aussi des majorités spéciales dans la deuxième chambre, où les états membres sont représentés également, comme c’est le cas aux États-Unis.

(9) La constitution des états membres

La plupart des constitutions fédérales imposent un certain degré de symétrie de jure aux constitutions de leurs états membres pour s’assurer de leur compatibilité avec l’ensemble du régime fédéral. Mais le niveau de symétrie nécessaire dans les constitutions des états membres varie considérablement d’un régime fédéral à l’autre. Si la constitution fédérale ne stipule de jure que quelques exigences essentielles, comme aux États-Unis, en Suisse et en Australie, il peut y avoir une grande possibilité de fluctuation de facto, d’où l’asymétrie dans la structure et les pouvoirs de l’exécutif, le recours aux référendums et aux initiatives, et les régimes électoraux dans les différentes unités membres. D’un autre côté, si le document fédéralcomprend des constitutions provinciales, comme en Inde, et que les États ne peuvent l’amender

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unilatéralement, la possibilité de fluctuation de facto entre constitutions des états membres est plus limitée. La plupart des constitutions fédérales se rangent entre les deux extrêmes : ne préciser que quelques conditions « essentielles » ou imposer une uniformité complète des constitutions des états membres.

3. Asymétrie de jure des états membres de base

Cette section se consacre à la prise en considération des différentes sortes d’asymétrie de jure dans les régimes fédéraux et décentralisés; il sera question de cas où la constitution et la loi ne prévoient pas les mêmes mesures pour toutes les unités constituantes.

(1) Délimiter les unités constituantes

Dans la plupart des fédérations, surtout si elles sont le produit d’un amalgame d’unités politiques déjà existantes, les fondements et les traditions historiques des états membres sont si profondément ancrés que l’on voit l’asymétrie qui en résulte dans la population, le territoire et la richesse comme un fait acquis qui ne peut être influencé par aucune modification constitutionnelle des frontières. Néanmoins, dans quelques fédérations, habituellement celles qui sont nées d’un processus décentralisateur, et dans les régimes unitaires décentralisés où les unités constituantes tirent leur autorité du gouvernement central, on a tenté de modifier le nombre, la grandeur et les frontières des unités existantes de façon à limiter le degré d’asymétrie dans les unités constituantes.

Deux fédérations, l’Inde et le Nigéria, l’ont fait à grande échelle. En Inde, on retient, parmi les temps forts de ce processus, l’intégration et la consolidation des États princiers au moment de leur avènement en 1947-60, le remaniement de la plupart des frontières étatiques selon des balises linguistiques, le passage, en 1956, de quatre à deux catégories d’états et de territoires, et, en commençant avec le Nagaland, en 1962, la création ultérieure d’un nombre de petits états à part entière représentant des populations distinctes. Si le remaniement des états en 1956 coïncidait avec une diminution de jure de l’asymétrie entre états membres, la création ultérieure d’un nombre d’états plus petits a augmenté le degré d’asymétrie de jure. Au Nigéria, la structure non-équilibrée des trois régions qui existait jusqu’au début des années 1960 fut source d’importantes tensions politiques. Depuis lors, on a progressivement scindé les trois régions originales : quatre régions en 1967, 12 États en 1968, 19 États en 1976, 21 États en 1987 et 30 États en 1991. On compte présentement 36 États et le territoire de la capitale fédérale. On voulait mieux représenter les concentrations ethniques et créer une plus grande symétrie dans la grandeur des unités constituantes. Il existe d’autres régimes fédéraux où l’on a redéfini les unités constituantes, entre autres l’Allemagne au cours des premières années de la République de l’Allemagne de l’Ouest, et l’Allemagne de l’Est, au moment de l’amalgamation. En Belgique, le processus de fédéralisation au cours des trois dernières décennies a conduit à la délimitation des Régions flamande, wallonne et bruxelloise, et des Communautés flamande, française et allemande. Plus récemment, l’Afrique du Sud a redessiné sa structure régionale en neuf

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provinces. Dans tous ces cas, on a atteint un degré relatif de symétrie dans les unités constituantes, produit de jure d’une refonte constitutionnelle (et dans la plupart des cas, les facteurs historiques, géographiques et ethniques ont inévitablement provoqué une certaine asymétrie permanente).

(2) Autonomie, juridiction et pouvoirs relatifs des unités

Dans la plupart des fédérations, la répartition constitutionnelle des juridictions législative et exécutive s’applique symétriquement à tous les états membres à part entière; elle s’applique aussi à la plupart des régimes unitaires décentralisés, mais de façon moins rigoureuse, comme au Royaume-Uni, un exemple de grande asymétrie. Néanmoins, il existe quelques cas où la constitution a explicitement prévu une asymétrie de jure dans la juridiction des unités régionales à part entière, pour des raisons de capacité ou de politiques; ces raisons étaient reliées aux grandes différences dans les unités constituantes, quant à l’importance du territoire et de la population, aux caractéristiques sociales et culturelles, ou à la situation économique.

Au fond, l’élaboration d’une asymétrie de jure dans le partage des pouvoirs au sein des régimes fédéraux s’est faite en trois approches, la première cherchant à dépasser la norme d’autorité fédérale prévue dans les états particuliers pour réaliser certaines fonctions spécifiques; on retrouve ces dispositions en Inde, de même que dans la brève Fédération de la Rhodésie et du Nyassaland.

La deuxième approche consistait à dépasser la norme de juridiction des états membres particuliers; les concessions faites aux États de Bornéo lorsqu’ils se sont joints, en 1963, à la Fédération malaysienne, constitue l’exemple le plus durable de cette approche. Certaines compétences, qui relèvent ailleurs du fédéral, comme les lois autochtones, les communications, la navigation et les pêches, relèvent exclusivement de la juridiction de l’État ou de la juridiction concurrente du Sabah et du Sarawak dans la Fédération malaysienne; d’autres responsabilités, comme l’immigration, qui relèvent exclusivement du fédéral ailleurs doivent, en Malaisie, obtenir l’approbation des États de Bornéo pour être appliquées à ces États. On a suivi une démarche semblable en Inde, où l’on a adapté la juridiction de jure à quelques nouveaux états plus petits qui comprennent des groupes ethniques distincts. Dès le début, le Canada fut doté d’une mesure asymétrique de jure dans l’attribution de la juridiction qui se rapporte spécialement au caractère distinct du Québec. xxxvii

La troisième approche constitutionnelle permet une asymétrie dans la juridiction et les pouvoirs qu’exercent certains états membres; il s’agit ici d’un cas où la constitution, en accordant les mêmes responsabilités à tous les états membres, est officiellement symétrique, mais comprend des dispositions qui permettent, dans certaines circonstances, à tout état membre de participer ou non à une initiative politique donnée, avec la possibilité de déléguer ses responsabilités à un autre gouvernement, ou d’exercer entièrement son autonomie à la vitesse qui lui convient. Ces mesures représentent donc une mise en application symétrique de jure officielle du partage constitutionnel des pouvoirs entre tous les états membres, tout en

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fournissant des moyens précis de concession dans un contexte d’asymétrie de facto lorsque les états membres exercent leurs pouvoirs. Ces mesures constitutionnelles existent, et il est question au Canada, depuis trente ans, de les développer davantage. xxxviii En Espagne, on a tenté de reconnaître les différences dans le désir d’autonomie des différentes régions en accordant à chaque Communauté Autonome un code d’autonomie qui lui est propre et qui est adapté à l’ensemble particulier de compromis négociés entre Madrid et les dirigeants régionaux. Mais cet accord fut établi dans un cadre permettant aux différentes Communautés Autonomes d’en arriver, à des vitesses différentes, à une position où sera éventuellement réduit entre elles le niveau d’asymétrie. xxxix

L’Union européenne, la Russie et la Belgique, dont il n’a pas encore été question, constituent des exemples de régimes confédéraux et fédéraux qui ont fait preuve d’une certaine asymétrie de jure dans la mise en application de la juridiction. L’Union européenne est un exemple d’intégration asymétrique : les négociations de l’adhésion d’un nouveau membre amènent souvent l’Union européenne à faire quelques concessions particulières. De plus, pour qu’il y ait accord sur l’adoption du traité de Maastricht, l’Union européenne a jugé nécessaire d’accepter de recourir à l’asymétrie pour mettre le traité en application, notamment au Royaume-Uni et au Danemark. En outre, l’établissement de l’Union monétaire européenne n’a pas inclus tous les membres de l’Union européenne. L’exemple courant le plus complexe d’asymétrie de jure dans un régime politique fédéral se trouve peut-être dans la variété des pouvoirs négociés par la Fédération russe, avec les 89 unités constituantes (républiques, oblasts, okrugs, etc.) qui la constituent. Dans un contexte constitutionnel officiellement symétrique, beaucoup d’unités constituantes en Russie ont conclu des traités bilatéraux, qui entretiennent l’asymétrie. Il existait déjà, en 1997, plus de 45 traités du genre. Dans la Fédération belge, on retrouve l’asymétrie de jure non seulement dans les différences de compétences des trois régions territoriales constituantes et les trois communautés non-territoriales constituantes, mais aussi dans l’interrelation des conseils régionaux et communautaires (qui, dans les Flandres, sont combinés) et dans le statut spécial de Bruxelles en tant que Région. S’ajoute à ces exemples le cas du Royaume-Uni, où le récent processus de décentralisation a donné des responsabilités législatives considérablement différentes aux parlements de l’Écosse, du pays de Galles et de l’Irlande du Nord.

L’asymétrie de jure est aussi présente lorsqu’il existe des dispositions dans les différents systèmes juridiques des unités constituantes. Le droit civil distinct du Québec, alors que les neuf autres provinces canadiennes ont un système juridique qui est fondé sur la common law, constitue un exemple classique; il existe des situations analogues dans certains pays d’Asie et d’Afrique, où des dispositions reconnaissent les différentes religions et lois de coutumes ou de traditions dans les différentes lois religieuses et coutumières ou traditionnelles dans les différentes unités constituantes, une question qui crée, en ce moment, de grandes tensions au Nigéria.

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(3) Pouvoir fiscal et autonomie

L’attribution constitutionnelle de jure des ressources financières constitue un important facteur d’un régime fédéral ou décentralisé. La documentation considérable sur le fédéralisme fiscal l’a invariablement souligné : dans la plupart des régimes fédéraux et décentralisés, une symétrie de jure initiale dans l’attribution constitutionnelle des pouvoirs fiscaux et des ressources financières a souvent entraîné de nettes variations dans la capacité fiscale et la richesse des états membres. xl Par conséquent, dans la plupart des régimes fédéraux, on a tenté d’amoindrir l’effet destructeur de ces disparités sur l’unité et de mettre l’accent sur la cohésion fédérale en se servant de modèles officiels de redistribution et de péréquation entre états membres. Grâce à ces efforts, on a également réduit les disparités entre la capacité financière des unités constituantes. C’est habituellement le gouvernement fédéral qui a entrepris, par le biais de programmes de transferts différentiels, des mesures de redistribution et de péréquation dans les régimes unitaires fédéraux et décentralisés, même si, dans le cas de l’Allemagne, la constitution prévoit aussi une mesure importante de redistribution horizontale entre Länder. On a donc employé les systèmes de jure de transferts asymétriques pour rendre plus symétriques les capacités fiscales de facto des états membres; ces modèles de péréquation globale officielle existent en Australie, au Canada, en Allemagne, en Inde, en Malaisie et en Suisse. Les États-Unis n’ont pas encore adopté de modèle général de transferts d’égalisation, mais on a enchâssé les mêmes objectifs dans maints programmes particuliers subventionnés par l’État.

La présence d’une asymétrie dans l’attribution de jure des responsabilités aux unités constituantes soulève une question : doit-on recourir à une asymétrie de jure correspondante dans l’attribution des pouvoirs fiscaux et des sources de revenus pour égaliser les différences au niveau des responsabilités? Un exemple : les mesures asymétriques qui se rapportent au prélèvement de l’impôt sur le revenu personnel au Québec, l’impôt sur les sociétés au Québec, en Ontario et en Alberta, et le prélèvement de la taxe sur les produits et services dans les différentes provinces canadiennes. L’Espagne constitue un exemple particulièrement frappant, où, depuis 1986, on répartit les 17 Communautés Autonomes en quatre catégories selon leurs relations fiscales avec le gouvernement national. xli On retrouve, dans la première catégorie, le pays Basque et la Navarre, deux cas exceptionnels qui ont un « régime spécial » de financement. La catégorie suivante correspond aux Communautés Autonomes à haut niveau d’autonomie (c’est-à-dire qui sont dotées de responsabilités liées à la santé et à l’éducation); on retrouve, dans cette catégorie, l’Andalousie, les îles Canaries, la Catalogne, la Galice et la Valence. En 1987, les transferts représentaient, dans ce groupe, 76,9 pour cent du revenu, 25,3 pour cent prenant la forme de transferts conditionnels et 49,7 pour cent, de transferts inconditionnels. La troisième catégorie se compose de quatre Communautés Autonomes multi-provinciales dont les responsabilités sont beaucoup plus limitées. Pour ces dernières, les revenus de transferts représentaient 71,7 pour cent du revenu total, mais les transferts conditionnels constituaient une portion beaucoup plus importante, 36,5 pour cent, que dans le cas précédent, alors que les transferts inconditionnels étaient plus faibles, à 35,2 pour cent. Finalement, dans une quatrième catégorie, on retrouve des Communautés Autonomes uni-provinciales dotées de pouvoirs très limités. Pour ce dernier groupe, les transferts représentent le même pourcentage des revenus que

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le groupe précédent (72,8 pour cent), mais la part des transferts inconditionnels était beaucoup plus élevée (45,7 pour cent). Il est donc clair que l’asymétrie existante dans la juridiction des Communautés Autonomes espagnoles se trouve reflétée dans les différents modèles de transferts financiers et le rapport entre transferts conditionnels et inconditionnels.

(1) Représentation des états membres dans les institutions centrales

Dans la plupart des régimes fédéraux, la législature fédérale est bicamérale : une chambre se fonde sur la représentation de la population et l’autre, sur la représentation des gouvernements, législatures ou populations des unités constituantes. Il est moins fréquent de rencontrer ce système dans les régimes unitaires décentralisés, mais il apparaît néanmoins chez plusieurs d’entre eux.

Comme le rapportait la section sur l’asymétrie de facto, fonder une chambre sur la représentation de la population, peut, à cause des différences de population entre les divers états membres, mener à une asymétrie de facto dans l’influence politique des états membres sur la prise de décisions fédérale; mais normalement, on applique de jure de façon symétrique le principe de représentation de la population à tous les états membres. On note toutefois des exceptions, et le Canada en est un exemple : il est constitutionnellement prévu que les provinces les plus petites jouissent d’une représentation minimale à la Chambre des communes, ce qui fait qu’elles sont légèrement mieux représentées que ne le justifierait rigoureusement leur population. xlii

C’est normalement la deuxième chambre fédérale qui fournit constitutionnellement la base de jure pour une meilleure représentation des unités constituantes plus petites. Aux États-Unis et en Australie, on a une représentation symétrique des états membres puisque chacun est représenté par un nombre égal de sénateurs. Dans d’autres régimes fédéraux, toutefois, on ne dispose pas de la même symétrie complète qu’offre la deuxième chambre fédérale pour la représentation de chaque état membre. En Suisse, sur les 26 cantons, on considère que six sont des demi-cantons; ces derniers n’ont droit qu’à un seul représentant, au lieu de deux, au Conseil d’État. Dans bon nombre de régimes fédéraux, on favorise la représentation des états membres dans la deuxième chambre, qui, tout en privilégiant les états plus petits, prend aussi en considération les différences de population; c’est ce qu’on observe en Allemagne, où des Länder différents ont 3, 4, 5 ou 6 membres au Bundesrat, et en Inde et en Autriche, où on constate encore plus de variation. En Malaisie, les états sont représentés également dans le nombre de membres qu’élisent les législatures étatiques, mais le grand nombre de membres supplémentaires nommés par le centre, et qui représentent 58 pour cent du nombre total de membres, n’est pas distribué également entre les états, ce qui conduit à une grande asymétrie dans la représentation des états individuels à la deuxième chambre fédérale. On constate au Canada une symétrie considérable dans la représentation au Sénat des quatre régions, composée, dans certains cas, d’un regroupement de provinces : les quatre régions, représentées également par 24 sénateurs

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chacune, sont les Maritimes (Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick et Île-du-Prince-Édouard), le Québec, l’Ontario et l’Ouest (Manitoba, Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique). De plus, 6 sénateurs viennent de Terre-Neuve, alors que les trois territoires sont représentés par 1 sénateur chacun. En résumé, il semblerait y avoir, dans les régimes fédéraux, une importante variation dans le niveau de symétrie de jure au plan de la représentation à la deuxième chambre fédérale des unités membres en tant qu’unités, mais la plupart ont tenté de contrebalancer, du moins à un certain niveau, l’influence des unités plus larges sur l’autre chambre législative. xliii

On trouve un autre élément d’asymétrie de jure dans la représentation des unités constituantes à la deuxième chambre fédérale suisse, où la Constitution fédérale de 1848 a laissé à chaque canton la liberté de choisir la méthode d’élection à la deuxième chambre fédérale, ce qui a donné des possibilités de variation. Avec le temps, toutefois, les cantons en sont tous venus de facto à opter pour le suffrage direct à la deuxième chambre fédérale.

La Fédération belge, telle qu’elle a évolué, présente une caractéristique intéressante : comme les tensions entre les deux groupes linguistiques principaux ont donné à la politique un caractère bipolaire, il existe un nombre de dispositions constitutionnelles visant à assurer un vote paritaire de jure des deux groupes linguistiques principaux dans les institutions fédérales, y compris le cabinet fédéral.

Il arrive que, dans certaines circonstances, les questions d’asymétrie de jure dans les responsabilités et d’asymétrie de jure dans la représentation fédérale soient interreliées. On se demande parfois si le fait d’accorder une plus grande autonomie de responsabilités à certains états membres influerait sur leur représentation dans les institutions fédérales; par exemple, si on limitait le droit de vote des représentants des états membres plus autonomes dans les institutions fédérales quand il s’agit de compétences ne relevant pas du gouvernement fédéral dans un état membre donné. On pourrait rationnellement justifier une telle mesure, et récemment, on a vivement débattu la question au Canada, à savoir s’il convenait d’augmenter de façon substantielle l’autonomie asymétrique du Québec. La même question s’est posée au Royaume-Uni, où la « West Lothian Question » concerne le rôle des membres du parlement écossais à Westminster sur les lois qui ne s’appliquent pas à l’Écosse après que certains des pouvoirs de Westminster aient été transférés au parlement écossais. Il y aurait toutefois de graves complications dans les fédérations qui emploient un régime de gouvernement de cabinet responsable si les cabinets dépendaient de majorités variables selon le sujet traité. De toute façon, le Canada, la Malaisie et l’Espagne évitent la question en n’ajustant pas la représentation fédérale ou en votant par représentants d’états selon une distribution asymétrique des responsabilités.

(5) Représentation dans les institutions ou processus intergouvernementaux

Dans la plupart des régimes fédéraux, la constitution ne prévoit pas la mise en place d’institutions pour les relations intergouvernementales, mais il arrive qu’elles le soient, le

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Australia Loan Council, par exemple, où il y a un représentant par état membre et deux du gouvernement du Commonwealth, ce qui instaure une symétrie de jure entre gouvernements d’État participants. Dans quelques fédérations plus récentes, où la constitution prévoit expressément des conseils intergouvernementaux, ce modèle de représentation symétrique des états membres est le modèle habituel, même si l’on n’applique normalement pas cette condition aux commissions consultatives. xliv

(5) La nature différentielle des partis politiques régionaux

Les différences dans la nature des partis politiques régionaux, même si elles ont souvent une influence politique considérable sur un régime, représentent essentiellement des exemples d’asymétrie de facto (comme en faisait état la section sur l’asymétrie de facto); elles reflètent souvent des divisions et des facteurs culturels, sociaux, géographiques et économiques profondément ancrés. Néanmoins, les mesures constitutionnelles de jure gouvernant les systèmes électoraux régionaux, dont, habituellement, les unités constituantes d’un régime fédéral disposent librement, peuvent influencer leur existence et leur importance.

(5) Mise en application des chartes des droits

Lorsque l’on intègre une charte de droits fondamentaux à une constitution fédérale ou centrale, la charte s’applique normalement de façon uniforme, et donc symétrique, aux états membres. La « clause nonobstant » de la Charte canadienne des droits et libertés, qui permet aux gouvernements, en termes spécifiques, d’exempter leur législation de la Charte pour une période limitée, peut, toutefois, entraîner une certaine asymétrie temporaire. De plus, le fait que quelques provinces canadiennes disposent d’une charte supplémentaire contribue aussi à l’asymétrie dans les droits des citoyens.

(5) Pouvoir relatif dans les amendements constitutionnels

Normalement, on met symétriquement en application les conditions de jure de participation des états membres au processus officiel d’amendement constitutionnel. Dans certaines fédérations, comme aux États-Unis et en Inde, il existe une condition de ratification par une majorité simple ou majorité spéciale de législatures d’État, tous les états étant traités également. xlv Dans d’autres fédérations, comme en Suisse et en Australie, la ratification se fait par référendum : on exige non seulement une majorité de votants, mais aussi des majorités dans une majorité d’états, tous les cantons et états étant traités également.

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En Allemagne et au Canada, on trouve toutefois des éléments d’asymétrie dans le rôle des unités constituantes lors de l’approbation des amendements constitutionnels. En Allemagne, les Länder approuvent les amendements constitutionnels grâce à une majorité spéciale au Bundesrat, et dans ce système, les différents Länder ont droit, selon leur catégorie, à 3, 4, 5 ou 6 voix. Au Canada, le processus normal d’amendement veut que sept des dix législatures provinciales représentant au moins 50 pour cent de la population fédérale ratifient l’amendement xlvi : pour qu’un amendement soit adopté, il doit donc obtenir l’approbation de la législature soit de l’Ontario, soit du Québec, puisque si les deux législatures provinciales refusent de signer, on ne peut pas atteindre le niveau exigé de 50 pour cent de la population fédérale, et ce, même si les huit autres législatures provinciales ont appuyé l’amendement.

(5) La constitution des états membres

Comme l’abordait la section sur l’asymétrie de facto, la plupart des constitutions fédérales exigent au moins un minimum de conditions pour les constitutions de leurs états membres, fixant ainsi un certain degré de symétrie de jure dans ces constitutions; cependant, la portée de ces exigences de jure quant aux constitutions des états membres varie considérablement. Dans certains cas, comme aux États-Unis et en Suisse, on ne précise de jure que quelques exigences « essentielles », alors qu’en Inde, on impose un haut degré de symétrie dans les constitutions d’État en les prescrivant complètement, sans que les états ne puissent les amender unilatéralement. La plupart des régimes fédéraux se rangent entre les deux extrêmes.

4. Asymétrie de jure des unités politiques périphériques

Dans les sections précédentes, on a abordé l’asymétrie de facto et de jure dans les états membres à part entière. Beaucoup de régimes politiques, autant fédéraux qu’unitaires, comprennent aussi quelques unités politiques périphériques qui n’entretiennent pas avec le régime la même relation que les unités régionales à part entière. Ces unités périphériques ont habituellement une population relativement plus petite ou un vaste territoire peu peuplé, ou bien, elles sont géographiquement isolées du reste du pays. À cause de ces circonstances, on a habituellement dû recourir à un autre niveau d’autonomie et de représentation (s’il y en a un) dans les institutions centrales, entraînant ainsi une profonde asymétrie avec la situation des états membres à part entière.

De manière générale, la relation asymétrique des unités politiques périphériques se classe en deux catégories. Premièrement, il existe des unités politiques qui n’ont qu’un faible niveau d’autonomie, voire une administration fédérale directe prédominante. Il s’agit habituellement d’unités peu peuplées et de territoires sous-développés, ou d’unités qui, en tant que territoires de la capitale fédérale, jouissent d’un statut spécial. Font partie de cette catégorie le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut, au Canada; le Territoire du Nord et le Territoire de la

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capitale australienne, en Australie; le district fédéral de Columbia, aux États-Unis; les sept Unions territoriales en Inde; ainsi que les Régions à administration fédérale et le Territoire de la capitale fédérale, au Pakistan.

On trouve, dans la deuxième catégorie, les unités périphériques, qui sont, en général, relativement petites et géographiquement isolées du reste des états membres, et qui désirent profiter des avantages que procure l’association à un régime plus large, sans toutefois en faire intégralement partie en tant qu’état membre à part entière. Selon Daniel Elazar, ce type d’associations prend deux formes xlvii : l’État associé, où soit la fédération, soit l’État associé peut dissoudre unilatéralement la relation en suivant la procédure établie dans le document constituant, et la fédératie, où les deux parties conviennent mutuellement de changements à la relation.

Voici quelques exemples d’États associés qui se rattachent à un régime fédéral ou unitaire : le Liechtenstein, associé à la Suisse; le Bouthan, associé à l’Inde; les îles Cook et l’île Niew, associées à la Nouvelle-Zélande; Monaco, associé à la France; Saint-Marin, associé à l’Italie; et les Antilles néerlandaises, associées aux Pays-Bas. Voici quelques exemples de fédératies qui se rattachent à des régimes fédéraux : les Mariannes du Nord et Puerto Rico, associés aux États-Unis; les îles Aaland, associées à la Finlande; les îles Açores et l’île de Madère, associées au Portugal; les îles Féroé et le Groenland, associés au Danemark; l’île de Jersey, l’île de Guernesey et l’île de Man, associées au Royaume-Uni; ainsi que l’État du Jammu et Kashmir, associé à l’Inde. Puerto Rico illustre très bien la relation de fédératie : il jouit pratiquement des mêmes pouvoirs de gouvernement interne qu’un État indépendant, en plus de bénéficier de plus d’autonomie que les états membres des États-Unis; cependant, bien que ses citoyens soient aussi des citoyens américains, ils n’ont pas le droit de vote aux élections nationales américaines. Ces exemples indiquent clairement que les relations fédérales asymétriques entre petits et grands états se font non seulement en relation avec les fédérations, mais aussi avec les États unitaires. Par exemple, Elazar a relevé sept États associés et huit fédératies qui se rattachent à des régimes politiques unitaires plus grands. xlviii

5. La durée de l’asymétrie de jure

L’asymétrie de jure en relation avec des états membres ou avec des unités politiques périphériques se veut, dans certains cas, simplement transitoire, alors qu’elle est permanente ailleurs. Dans un cas comme dans l’autre, on voit généralement l’asymétrie de jure comme une étape nécessaire pour en arriver à un consensus sur la participation au sein d’un régime politique plus large. L’acceptation première de l’asymétrie de jure en 1867, au Canada, en 1963, enMalaisie, en Inde (au cours des années suivant l’indépendance des États princiers), en Espagne, et, plus récemment, dans l’Union européenne, illustre cette perspective.

Dans certains cas, on s’attend à ce qu’il soit possible d’instaurer une symétrie de plus en plus grande entre unités participantes, étant donné que l’on encourage l’acceptation de la

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participation à un régime plus large et que l’on a atteint une cohésion et une intégration plus grandes; c’est du moins ce à quoi l’Espagne et l’Union européenne semblent s’attendre. Ici, on envisage l’asymétrie comme étant un moyen de décentralisation ou d’intégration symétrique ultime, qui sera atteint à « vitesse variable ». De même, on peut souvent s’attendre à ce que les territoires périphériques qui ne jouissent que d’une faible autonomie puissent un jour, grâce à leur progrès économique et politique qui améliorera leur capacité de gouvernement, accéder au statut de membre à part entière du régime fédéral, ou, dans le cas des États associés et fédératies, être, avec le temps, plus intégrés en tant qu’états membres à part entière. Pour ne citer que quelques exemples, on peut parler de l’Alaska et de Hawaii, qui se sont finalement intégrés en tant qu’états à part entière aux États-Unis, et la Saskatchewan et l’Alberta, qui sont devenues des provinces à part entière au Canada.

Dans d’autres cas, cependant, lorsque les résultats asymétriques furent le fruit de différences historiques, culturelles, sociales et économiques profondément ancrées plutôt que de différences de capacité, on a jugé que l’asymétrie de jure devait être plus permanente, commec’est le cas, par exemple, des États de Bornéo, en Malaisie. Il arrive même que les différences sociales sous-jacentes profondément ancrées conduisent non seulement à des pressions pour le maintien de l’asymétrie, mais aussi pour sa progression, comme c’est le cas du Québec, au Canada, au cours des dernières décennies.

D. Asymétrie et cohésion politique

(1) La tension entre la pression vers l’asymétrie et la pression vers la symétrie

Dans certains cas, la pression vers une asymétrie constitutionnelle a déclenché une contre-pression vers une symétrie constitutionnelle; dans ces situations, la tension entre pression vers la symétrie et pression vers l’asymétrie constitue en soi un important facteur dans la dynamique politique du régime fédéral. Ces tensions sont présentes au Canada, en Espagne et en Russie.

Depuis le début, mais surtout au cours des trois dernières décennies, y compris la Déclaration de Calgary en 1997, l’expérience canadienne a été marquée par la tension entre la pression vers une grande asymétrie de jure et, en même temps, la pression vers une plus grande symétrie de jure. À plusieurs reprises, lorsque l’on a plaidé en faveur de la constitutionnalité d’une plus grande asymétrie au Québec, les autres provinces ont refusé d’accorder un « statut spécial » ou un « traitement spécial » au Québec et ont insisté sur l’« égalité » des provinces; on peut, en effet, facilement dire que les trente dernières années de « politiques mégaconstitutionnelles » au Canada ont opposé les partisans de l’asymétrie à ceux de la symétrie. Il n’est pas étonnant que le plus récent effort de réconciliation, la Déclaration de Calgary du 14 septembre 1997, comprenne, en tant que principes fondamentaux pour les prochains débats

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constitutionnels, la reconnaissance du « caractère unique » du Québec et de l’ « égalité » des pouvoirs et des statuts provinciaux.

En Espagne, le fait que l’ont ait reconnu que le désir d’autonomie variait d’une région à l’autre a permis à chaque Communauté Autonome d’avoir son propre code d’autonomie, adapté à l’ensemble particulier de compromis négociés entre Madrid et les dirigeants régionaux. On a toutefois établi ces accords avec l’idée qu’il y a aurait éventuellement moins d’asymétrie entre elles. xlix On voit donc qu’il y a tension entre la pression vers l’asymétrie et la pression vers la symétrie en Espagne de telle sorte que « jusqu’à maintenant, la façon dont l’Espagne a réglé le problème de société distincte a accentué l’élaboration de mesures fédérales au sujet des différences ethniques sub-nationales sans entraîner un niveau trop élevé d’asymétrie ». l

La Fédération russe montre elle aussi une tension similaire entre la pression vers une symétrie et une asymétrie de jure. La Constitution de 1993 reconnaît que, parmi les 89 unités constituantes, il existe diverses catégories (articles 65(1) et 66) : 21 républiques, 6 territoires (krays), 49 régions (oblasts), 2 villes d’importance fédérale et 10 districts (okrugs). Pour préserver la symétrie, toutefois, l’article 72(2) stipule que le partage des pouvoirs doit se faire sur une base égalitaire. Malgré la symétrie apparente dans le partage officiel des pouvoirs, il reste que l’article 78(2) autorise la négociation contractuelle de traités entre la fédération et les unités constituantes individuelles qui jouissent de responsabilités et de pouvoirs particuliers, et, tel qu’abordé précédemment, on avait négocié, à la fin de 1997, 45 traités individuels; en pratique, on a donc un modèle complexe d’asymétrie. Pour remédier à cette situation complexe, on a tenté, en parallèle, de regrouper les entités constituantes en associations régionales; on cherchait à simplifier et à coordonner la collaboration exécutive entre le gouvernement fédéral et les unités par l’entremise de représentants plénipotentiaires du président dans les associations régionales. Néanmoins, il semble que la pression vers l’asymétrie dans les unités constituantes en Russie soit plus forte que la pression vers la symétrie.

(2) L’asymétrie dans les régimes fédéraux est-elle fonctionnelle ou dysfonctionnelle?

Dans son étude sur l’asymétrie dans les régimes fédéraux, Tarlton semble supposer, sans preuve empirique, que la symétrie représente l’harmonie, et que l’asymétrie fait naître des conflits au sein des fédérations li ; par conséquent, il rejette la politique de la reconnaissance et conclut que seule une importante autorité centrale peut faire échec au « potentiel de sécession » de l’asymétrie dans une fédération. lii En pratique, l’existence d’une asymétrie de facto et de jure vise à reconnaître plutôt qu’à absorber les conditions nécessaires très variées, et l’élaboration des divers résultats asymétriques que nous avons étudiés dans ce document a servi à satisfaire les diverses politiques et capacités d’unités régionales constituantes dans le but d’en arriver à une stabilité et à une légitimité politiques globales.

Néanmoins, la question empirique demeure : en pratique, les mesures asymétriques dans les fédérations, confédérations et régimes décentralisés ont-elles contribué ou nui à la cohésion politique? Dans certains cas, l’asymétrie s’est révélée avantageuse : malgré quelques fortes

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tensions, l’asymétrie a assez bien réussi à souder le Québec au Canada au cours des 133 ans d’existence de la fédération. Dans les fédérations européennes comme la Belgique, l’Allemagne (depuis la réunification) et l’Espagne (même si, en théorie, elle ne constitue pas une fédération, en pratique, elle possède les principales caractéristiques d’une fédération), malgré quelques périodes de tension, les mesures asymétriques ne furent pas si mauvaises. liii En Inde, aux prises avec les problèmes que lui causent la grandeur du pays et sa diversité complexe, l’emploi de l’asymétrie a permis, pendant cinq décennies, de satisfaire mieux qu’on ne le prévoyait au cours de la première décennie les diversités internes, surtout celle des états plus petits composés de minorités. liv Mais, on retrouve aussi un côté moins heureux à cet emploi relativement fructueux de l’asymétrie, les cas particuliers du Jammu et Kashmir et du Punjab, par exemple. En Malaisie, la mise en application de l’asymétrie constitutionnelle, en 1963, au Sabah et au Sarawak, les deux États de Bornéo, semble avoir réussi à concilier les différences entre eux et les États de la péninsule malaise. À cause de son caractère extrêmement complexe et des difficultés qu’elle a dû surmonter pour atteindre une stabilité politique et économique et pour maintenir l’intégrité territoriale, particulièrement en Tchétchénie, il est plus difficile de se faire une idée de l’asymétrie dans la Fédération russe. En ce qui concerne l’Union européenne et le Royaume-Uni, on constate que, récemment, l’asymétrie interne est plus prononcée; chacun a adopté l’asymétrie comme un moyen nécessaire pour satisfaire et concilier de nettes différences politiques, mais il est peut-être trop tôt pour déterminer l’efficacité à long terme de ces mesures dans l’Union européenne et au Royaume-Uni.

Ces succès cachent toutefois une face moins reluisante. La pathologie des fédérations et des unions jette ici un peu de lumière sur le sujet. Une importante asymétrie a grandement contribué à la désagrégation des fédérations des Indes de l’Ouest (1962), de la Rhodésie et du Nyassaland (1963), de la Yougoslavie (1991), et de l’URSS (1991); à la scission du Pakistan (1971) et de la Tchécoslovaquie (1992); à l’expulsion du Singapour de la Malaisie (1965); et à la guerre civile au Nigéria (1967-70), qui fut suivie de régimes tantôt civils, tantôt militaires. lv On ne peut donc nier le fait qu’à côté du succès de la décentralisation asymétrique, de l’intégration et du fédéralisme, il existe, ailleurs, des échecs.

Les exemples auxquels on a fait référence à la section précédente montrent que, dans certains cas, les mesures asymétriques de jure, ou la pression vers l’asymétrie, provoquent ellesmêmes une contre-pression vers la symétrie, et, par conséquent, contribuent au conflit interrégional au sein du régime fédéral plutôt que de l’apaiser. La décentralisation asymétrique ne représente pas une panacée et l’asymétrie de jure présente des limites au-delà desquelles une asymétrie extrême peut être dysfonctionnelle dans un régime fédéral ou décentralisé. De plus, l’asymétrie constitutionnelle entre unités régionales dans un régime fédéral peut compliquer la situation, au point de limiter son efficacité, comme cela semble avoir été le cas en Russie.

Néanmoins, même si on note des échecs et des problèmes associés à la décentralisation asymétrique, quelques fédérations – comme le Canada, l’Inde, la Malaisie et la Belgique – ont constaté que, en ce qui les concerne, l’introduction d’une certaine asymétrie permanente dans la relation des différentes unités constituantes au régime s’est révélée le seul moyen d’éliminer les pressions nettement différentielles vers une autonomie régionale et de préserver la fédération ou

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l’union. De plus, dans certains cas, l’asymétrie constitutionnelle s’est avérée utile comme mesure transitoire, satisfaisant les régions qui ne se trouvaient pas au même stade de développement politique, en attendant qu’une plus grande symétrie soit possible; c’est le cas de l’Espagne, avec ses diverses Communautés Autonomes, et le concept d’une Europe à « géométrie variable » fonctionnant à des « vitesse variable » constitue un deuxième exemple. Malgré la complexité accrue et le risque de provoquer des pressions contraires vers la symétrie, il appert donc que, dans bon nombre de régimes politiques, la reconnaissance de l’asymétrie constitutionnelle s’est avérée un moyen de concilier les grandes différences entre unités constituantes, ce qui n’aurait peut-être pas été possible autrement.

E. Conclusion

Cette étude comparative a tenté de dresser la liste de toute la gamme de mesures de facto et de jure enchâssées dans les mesures structurelles des divers régimes fédéraux, confédéraux et décentralisés. Étant donné l’étendue et la diversité des mesures asymétriques fédérales, il faut faire davantage de recherche empirique et d’analyse comparative pour savoir jusqu’à quel point ces relations fédérales structurelles asymétriques étaient issues de conditions et de facteurs culturels, sociaux, économiques et politiques particuliers, et jusqu’à quel point l’asymétrie structurelle résultante a contribué ou nui à la réalisation de la cohésion politique à court et à long terme. Pour en arriver à une compréhension comparative des régimes fédéraux, confédéraux et décentralisés, il importe d’étudier le potentiel des mesures asymétriques fédérales ainsi que les limites de leur efficacité.

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30 Notes

i Ce document reprend de façon plus approfondie le contenu du document originalement présenté, dans le cadre du Congrès mondial de l’Association internationale de science politique à Berlin, en 1994, au comité de recherche sur le fédéralisme comparé et les fédérations, (publié chez Robert Agranoff (éd.), Accommodating Diversity : Asymmetry in Federal States, Baden-Baden : Nomos Verlagsgesellshaft, 1999).

ii Tarlton, Charles D. « Symmetry and Asymmetry as Elements of Federalism : A Theoretical Speculation », Journal of Politics, 27 (1965) : 861-874.

iii Tarlton a précisément en tête les études de K.C. Wheare, F. Morley et W.S. Livingston, auxquels il fait référence, pp. 862-867.

iv Ibid., pp. 861, 867.

v Ibid., pp. 869-874. Pour un point de vue implicite semblable sur les limites de la diversité fondamentale dans les régimes fédéraux, voir Elazar, D.J., « International and Comparative Federalism », PS : Political Science and Politics, 26 juin 1993, 1 : 190-195.

vi Frenkel, Marx. Federal Theory (Canberra, 1986), pp. 79, 136-7, 138; Watts, R.L., New Federations : Experiments in the Commonwealth (Oxford : Clarendon Press, 1966), pp. 149-155, 176-177, 248-251; Watts, R.L., Multicultural Societies and Federalism, Études de la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme, no 8 (Ottawa, 1970), pp. 47-50.

vii Voir, par exemple, Elazar, Daniel J., Exploring Federalism (Tuscaloosa, AL : University of Alabama Press, 1957), pp. 54-59 et les chapitres par Ronald Watts; Anne Mullins, Lloyd Brown-John, Joan Boase, Max Nemni, Alain-G Gagnon, et Robert Agranoff, in Bertus de Villiers, éd., Evaluating Federal Systemes, Cape Town : Juta and Co., and Dordrecht : Martinus Nijhoff Publishers, 1994); Ramos, D.T., Federalism Assimétrico (Sao Paulo, Editora Plêirade, 1998); Agranoff, Robert, éd., Accommodating Diversity : Asymmetry in Federal States (Baden-Baden : Nomos Verlagsgesellschaft, 1999); Fossas, Enric and Requejo Ferran, éd., Asimmetría Federal y Estado Plurilingua (Madrid : Editorial Trotta, 1999); Watts, Ronald, Comparing Federal Systems, deuxième éd. (Montréal et Kingston : McGill-Queen’s University Press, 1999), chapitre 6.

viii Les documents présentés dans le cadre de la Joint Conference of the International Association of Centers for Federal Studies and the International Political Association Research Committee on Comparative Federalism and Federation, en 1993, ont été publiés chez de Villiers, éd., Evaluating Federal Systems (1994). Les documents du Research Committee on Comparative Federalism and Federation de l’AISP présentés dans le cadre du Congrès de Berlin ont été publiés chez Agranoff, éd., Accommodating Diversity : Asymmetry in Federal States (Baden-Baden : Nomos Verlagsgesellschaft, 1999).

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ix Keating, Micheal, « Asymmetrical Government : Multinational States in an Integrating Europe », Publius : The Journal of Federalism, 29(1), hiver 1999, pp. 71-86.

x Bogdanor, Vernon, « Devolution : Decentralization or Disintegration or Disintegration », Political Quarterly, 70(2), avril 1999 : pp. 185-194; Laffin, Martin et Alys Thomas, « The United Kingdom : Federalism or Denial », Publius : The Journal of Federalism, 29(3), été 1999 : pp. 89-107; Hazell, Robert, « The New Constitutional Settlement », dans R. Hazell, éd., Constitutional Futures : A History of the Next Ten Years, éd. R. Hazell (Oxford : Oxford University Press, 1999), pp. 230-247; Keating, Michael, The New Regionalism in Western Europe (Cheltenham : Edward Elgar Publishing Ltd. 1998; Horgan, Gerard, The United Kingdom as a Quasi-Federal State, Working Paper 1999 (3), (Kingston : Institute of Intergovernmental Relations, 1999).

xi Elazar, D.J., Exploring Federalism, pp. 54-7, et Elazar, D.J., éd., Federal Systems of the World : A handbook of federal, confederal and autonomy arrangements, deuxième éd. (Harlow, U.K. : Longman Current Affairs, 1994), pp. 275-296.

xii Elazar, D.J., Exploring Federalism, pp. 34-36. Voir aussi Agranoff, éd., Accommodating Diversity : Asymmetry in Federal States, p. 15.

xiii Tarlton, « Symmetry and Asymmetry as Elements of Federalism », s’attarder surtout aux pp. 861 et 867-9 pour sa définition de symétrie et d’asymétrie.

xiv Ibid., p. 867.

xv Ibid., p. 868.

xvi Ibid., p. 869.

xvii Ibid.

xviii

Ibid., p. 869-874.

xix M. Burgess et F. Gress, « Symmetry and Asymmetry Revised » in Agranoff, éd., Accommodating Diversity : Asymmetry in Federal States, pp. 43-56 à 48-54.

xx Livingston, W.S., « A Note on the Nature of Federalism », Political Science Quarterly, 67 (mars 1952), pp. 81-95.

xxi Burgess et Gress, p. 48-50.

xxii Wehner, Joachim H.-G., « Asymmetrical Devolution » in Development Southern Africa, à paraître.

xxiii

Lapidoth, R., Autonomy : Flexible Solutions to Ethnic Conflits (Washington, D.C. : U.S.

Institute of Peace Press, 1997).

xxiv Pour un débat sur la distinction entre les concepts de « fédération » et de « systèmes politiques fédéraux », voir Watts, Comparing Federal Systems, 2e éd., pp. 6_14, ainsi que Watts, « Contemporary Views on Federalism » in de Villiers, éd., Evaluating Federal Systmes, pp. 7-10. Voir aussi Elazar, Federal Systems of the World (2e éd.), pp. xv-xviii.

xxv Tarlton, pp. 861, 867, 869-871.

xxvi Voir de Villiers, Evaluating Federal Systems (1994), pp. xi-xii. On remarque aussi cette différence dans la plupart des contributions in Agranoff, éd., Accommodating Diversity : Asymmetry in Federal States (1999).

xxvii

Elazar, Exploring Federalism, pp. 54-57.

xxviii

Pour l’Espagne et le Canada, voir de Villiers, éd., Evaluating Federal Systems, et

Agranoff, éd., Accommodating Diversity : Asymmetry in Federal States.

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xxix Tarlton, p. 870-874.

xxx Pour illustrer le raisonnement, l’accent est mis ici sur l’asymétrie dans la population qui agit sur l’influence politique. Mais la grandeur du territoire et la richesse sont aussi d’importants indicateurs dont il faut tenir compte lorsqu’on dresse la liste des facteurs qui contribuent à une asymétrie de facto relative.

xxxi Voir, par exemple, le débat sur le degré de centralisation et de non-centralisation dans les fédérations dans Watts, Comparing Federal Systems, 2e éd., chap. 8, pp. 71-81.

xxxii

Voir, par exemple, Bird, Richard. Federal Finance in Comparative Perspective (Toronto : Canadian Tax Foundation, 1986; Bird, Richard, « A Comparative Perspective on Federal Finance » in K.G. Banting, D.M. Brown et T.J. Courchesne, éd., The Future of Fiscal Federalism (Kingston : School of Policy Studies and Institute of Intergovernemental Relations, Queen’s University, 1994), pp. 294-322; Watts, R.L., The Spending Power in Federal Systems : A Comparative Analysis (Kingston : Institute of Intergovernemental Relations, 1999); Watts, Comparing Federal Systems, 2e éd., chap. 4, pp. 46-7.

xxxiii

Milne, David, « Challenging Constitutional Dependency : A Revisionist View of Atlantic Canada » in J.N. McCrorie et M.L. MacDonald, éd., The Constitutional Future of the Prairie and Atlantic Regions in Canada (Régina : Sask., 1992), pp. 308-317.

xxxiv

Watts, Comparing Federal Systems, 2e éd., 1999, p. 50-3. xxxv Il en sera plus longuement question dans la section traitant de l’asymétrie de jure.

xxxvi

Certains, toutefois, ont un fondement constitutionnel, et il en sera question dans la section traitant de l’asymétrie de jure.

xxxvii

Voir Milne, David, « Equality or Symmetry? Why Choose », in R.L. Watts et D.M. Brown, éd., Options for a New Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1991), pp. 285-291.

xxxviii

Ibid., pp. 287-307.

xxxix

Agranoff, R. « Aymmetrical and Symmetrical Federalism in Spain », in de Villiers, éd.,

Evaluating Federal Systems, pp. 61-89.

xl Voir note 24.

xli Vilanova, J. Solé, « Regional and Local Government Finance in Spain : Is Fiscal Responsability the Missing Element? » dans R.J. Bennett, éd., Decentralization, Local Governments, and Markets : Towards a Post-Welfare Agenda (Oxford : Clarendon Press, 1990), tableau 20.1, p. 337.

xlii Voir la Loi constitutionnelle de 1867, s. 51A, la Loi constitutionnelle de 1982, s. 41B; Royal Commission Reform and Party Financing, Reforming Democracy : Final Report (Ottawa, 1991), vol. 1, pp. 123-135; et Gouvernement du Canada, Consensus Report on the Constitution, Charlottetown, 28 août 1992, texte final (Ottawa, 1992), p. 9.

xliii

Pour des détails complémentaires, voir Watts, Comparing Federal Systems, 2e éd., ch. 9,

pp. 83-97.

xliv Watts, Multicultural Societies and Federalism, pp. 51-58.

xlv En Inde, il existe différents processus pour l’amendement des différentes parties de la Constitution, mais celui dont il est question ici se rapporte au processus normal d’amendement des aspects fédéraux de la Constitution.

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xlvi Loi constitutionnelle de 1982, s. 38.xlvii

Elazar, Exploring Federalism, pp. 54-57.

xlviii

Ibid., pp. 55-7.

xlix Agranoff, « Asymmetrical and Symmetrical Federalism in Spain », pp. 61-89, surtout, pp. 70-72, 84.

l Ibid., p. 84.

li Tarlton (1965), p. 872.

lii Ibid., p. 874. Voir aussi Burgess et Gress (1999), pp. 46-7, 53-5.

liii Burgess et Gress, p. 54.

liv Watts, Comparing Federal Systems, 2e éd., 1999, p. 27-8.

lvlv Ibid., pp. 109-115.

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