Malaisie (Fédération de Malaisie )

GORDON P. MEANS

1 histoire et évolution du fédéralisme

La Fédération de Malaisie comprend 13 états et trois territoires fédéraux1. Elle se situe dans la péninsule malaise, à la pointe sud-est de l’Asie continentale et de la frontière septentrionale de l’île de Bornéo. La Fédération s’inspire d’un modèle britannique lui-même fondé sur les traités conclus avec les sultanats malais. La Fédération de 1896 compte quatre États malais, alors que cinq États demeurent non fédérés. À l’époque coloniale, les Britanniques administrent directement trois colonies, soit Singapour, Melaka et Penang, et exercent des droits coloniaux indirects sur les États de Sarawak et de Bornéo septentrional, dans l’île de Bornéo. Après la Deuxième Guerre mondiale, plusieurs efforts sont faits pour unifier ces États et territoires. Une proposition visant à créer une union est rejetée en raison de l’opposition des sultans malais et de la population malaise, qui craignent de perdre certains pouvoirs si jamais les groupes d’immigrants chinois, indiens et

1 Les trois territoires fédéraux sont les suivants: Kuala Lumpur, territoire

fédéral depuis 1974; Labuan, territoire fédéral depuis 1984; et Putra

jaya, territoire fédéral depuis 2001. La capitale administative de la

Malaisie est maintenant Putrajaya, une nouvelle ville située à environ

40 kilomètres au nord de Kuala Lumpur et qui est au service exclusif du

gouvernement fédéral.

autres étaient pleinement représentés au sein des institutions démocratiques envisagées. On crée plutôt, en 1948, la Fédération de Malaya, et l’on prévoit des dispositions pour protéger les pouvoirs des chefs malais et les intérêts de leurs sujets. Ce régime fédéral vise alors à garantir la domination politique des Malais et à contrer la pression des groupes d’immigrants qui réclamaient une pleine représentation as-sortie de réformes démocratiques. La Fédération de 1948 comprend neuf états malais et les anciennes colonies de Melaka et Penang, mais non pas Singapour.

La domination des Britanniques sur la Fédération de Malaya se poursuit jusqu’en 1957, date où Malaya obtient son indépendance. L’adoption, la même année, d’une nouvelle Constitution pour tenir compte de cette séparation permet du même coup de réviser le régime fédéral pour déléguer à chaque niveau de gouvernement l’entière responsabilité des sujets au sein de sa compétence propre. On accorde aux gouvernements des états comme au gouvernement fédéral la capacité de se déléguer mutuellement des pouvoirs à la discrétion de l’exécutif. Au fil du temps, cette caractéristique rend très polyvalent le régime fédéral et l’aide à renforcer l’autorité fédérale.

Entre 1948 et 1960, le gouvernement doit faire face à une insurrection de guérilleros communistes qu’il réussit graduellement à réprimer. Ces guérilleros tentent d’obtenir l’appui des collectivités rurales et ouvrières chinoises. En réaction, le gouvernement se dote de politiques anti-insurrectionnelles pour réduire la menace. Il adopte aussi des mesures militaires vigoureuses, et tente de répondre à certaines demandes des communautés immigrantes, ce qui réduit quelque peu la discrimination ethnique flagrante en faveur de la population malaise, qui est manifeste au sein du régime fédéral.

En 1963, la Fédération de Malaya s’élargit pour inclure les États de Singapour, Sarawak et Sabah (autrefois Bornéo septentrional), jusquelà sous la férule des Britanniques, qui font face à l’indépendance. On conclut une entente dans le but d’élargir la Fédération. Cette proposition est vigoureusement rejetée par certaines minorités des États adhérents, de même que par l’Indonésie et les Philippines. Malgré tout, la nouvelle Fédération de Malaisie voit le jour en 1963. L’accord de la Malaisie modifie davantage le régime fédéral, grâce à une série d’ententes spéciales complexes qui visent à répondre aux préoccupations des états adhérents et des chefs fédéraux à Malaya.

Peu après la formation de la Fédération de Malaisie, les autorités de Singapour et le gouvernement fédéral se mettent à se quereller au sujet de l’accord, qui définit l’autonomie relative de Singapour et la portée des pouvoirs fédéraux dans des domaines comme la sécurité et l’activité politique. L’enjeu consiste à établir si le parti au pouvoir à Singapour a le droit de mobiliser l’appui politique dans le reste de la Malaisie, et si les partisans politiques du gouvernement fédéral, appuyés par des forces de sécurité compatissantes contrôlées par le gouvernement fédéral, peuvent réussir à mobiliser l’opposition au gouvernement de Singapour. Les manifestations politiques prennent rapidement une tangente ethnique, puisque la population de Singapour est composée à 75 pour cent de Chinois et à 14 pour cent seulement de Malais. Dans le reste de la Malaisie, cette proportion s’établit à 45,9 pour cent de Malais et à 36 pour cent de Chinois. En outre, le gouvernement fédéral s’est engagé à consolider la primauté des Malais comme peuple indigène grâce à un système raffiné de droits spéciaux. Ainsi, la concurrence entre les autorités fédérales et celles de Singapour soulève des questions fondamentales de suprématie politique fondée sur l’ethnie, de droits minoritaires et d’égalité des citoyens. Les manifestations et contre-manifestations menées tour à tour par les deux partis attisent les passions ethniques, et le premier ministre de Malaisie, Tunku Abdul Rahman, décide finalement qu’il est temps que Singapour soit rejeté de la Fédération. Face à l’ultimatum, les autorités de Singapour s’inclinent. En août 1965, rapidement et dans le plus grand secret, le Parlement de Malaisie ratifie le projet de modification constitutionnelle qui va dorénavant exclure Singapour.

Cet événement saisissant confirmera la supériorité des pouvoirs politiques et légaux du gouvernement fédéral et aura un profond impact sur le développement subséquent des rapports entre les autorités fédérales et celles des états au sein d’une Fédération de Malaisie remaniée. Le départ de Singapour affecte également les calculs politiques car sans Singapour, la Malaisie peut affermir la dominance politique des Malais et bloquer la contestation des politiques fédérales. Ceci touche particulièrement la formule des relations interethniques fondée sur un système de droits et privilèges malais et dont les chefs malais font la promotion au sein du gouvernement fédéral. On notait déjà des différences entre les mosaïques ethniques des états de la péninsule et celles de Bornéo, mais à la suite du départ de Singapour, les autorités fédérales exercent des pressions constantes pour obliger les états de Bornéo à se conformer aux politiques fédérales et à intégrer leurs structures de parti au système d’alliances de partis ethniques soutenant le gouvernement fédéral.

Les autorités fédérales font tout pour s’ingérer dans la politique des deux états de Bornéo afin de maintenir au pouvoir des coalitions politiques qui collaborent avec elles et qui acceptent de souscrire aux objectifs et aux politiques de l’administration fédérale. Un favoritisme fédéral systémique, jumelé aux pouvoirs policiers et à d’autres pouvoirs coercitifs fédéraux, est utilisé pour récompenser des partisans et pour isoler et vaincre les chefs des états qui défendent toutes les conditions d’autonomie de Sarawak et de Sabah incluses dans l’accord de la Malaisie original.

La crise constitutionnelle de mai 1969 transforme radicalement l’équilibre du régime fédéral. La tenue d’élections aux résultats nébuleux donne lieu à des émeutes raciales, et le gouvernement déclare l’état d’urgence national, qui suspend les droits constitutionnels et le Parlement. Pendant 15 mois, le pays est dirigé par un conseil opérationnel national établi par décret gouvernemental. Les gouvernements des états continuent de fonctionner, tout en respectant des règles d’urgence. Une fois le régime constitutionnel rétabli, la Loi sur la sédition est modifiée; il est dorénavant illégal pour quiconque, y compris les membres du Parlement, de discuter du pouvoir ou du statut des chefs malais, des droits des citoyens, des droits spéciaux malais, du statut de l’Islam comme religion officielle, et du choix du malais comme langue officielle, ou encore de les critiquer. Puisque certains enjeux touchent la répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les états, cette ordonnance rend criminelle toute discussion publique sur l’un ou l’autre sujet, même au sein du Parlement ou des assemblées législatives des états. Toute peine imposée en vertu de la Loi sur la sédition interdit automatiquement à la personne d’occuper un poste de représentant élu. En ce qui a trait aux questions ethniques, il est clair que les états doivent se conformer aux directives des autorités fédérales.

2 dispositions constitutionnelles relatives au fédéralisme

La Malaisie est une démocratie parlementaire. Le chef d’État est un monarque constitutionnel, ou chef suprême (Yang Di-Pertuan Agong). Ce dernier est élu selon l’ancienneté, pour un mandat de cinq ans, par la Conférence des chefs parmi les membres de celle-ci, soit les neuf chefs malais (sultans) des états qui constituaient auparavant la Fédération de Malaya (articles 32 à 38). Ce système permet une rotation de la fonction parmi les chefs malais. Ces derniers sont d’ardents défenseurs du fédéralisme, puisqu’ils jouissent d’importants pouvoirs au niveau de l’État et assurent la continuité politique avec un régime politique traditionnel plus ancien que celui du régime colonial britannique.

Depuis l’expulsion de Singapour de la Malaisie en mai 1965, le régime fédéral compte treize unités constituantes: neuf états malais, plus Penang et Melaka (deux anciennes colonies britanniques) dans la péninsule malaise, ainsi que les deux états de Malaisie orientale (Bornéo), soit Sarawak et Sabah. Les neuf états malais sont gouvernés par un chef héréditaire (sultan), et les quatre autres états relèvent d’un gouverneur nommé par le chef suprême (sur avis du premier ministre fédéral). Chaque unité constituante est régie par une assemblée législative élue, sous l’égide d’un ministre en chef élu à la majorité par l’assemblée en question.

Chaque état possède une Constitution qui intègre les «dispositions essentielles» de la huitième annexe de la Constitution fédérale, ce qui assure une certaine homogénéité dans tous les états. Le Parlement jouit d’un pouvoir législatif suffisant pour forcer les états à éliminer des dispositions constitutionnelles non conformes à la huitième annexe. On accorde au gouvernement fédéral et aux états la possibilité de déléguer certains pouvoirs à d’autres en signant des accords exécutifs en ce sens.

Le partage officiel des compétences au sein de la Constitution attribue au gouvernement fédéral les compétences les plus importantes, ce qui dote la Fédération d’un gouvernement central très fort. Ces compétences fédérales touchent, entre autres, les affaires étrangères, la défense, le droit civil et criminel, la citoyenneté, les élections fédérales et celles des états, les finances, le commerce, l’industrie, les taxes, l’éducation, la santé, la main-d’œuvre et la sécurité sociale (article 74, neuxième annexe). En cas de conflit, la loi fédérale prévaut. Même si les états ont droit à des compétences résiduelles, la liste des fonctions incluse dans la Constitution est si longue qu’il ne reste pratiquement aucune compétence résiduelle à revendiquer. Les états sont les premiers responsables de l’aménagement du territoire et de l’agriculture, des administrations locales et des services locaux, ainsi que de l’administration du droit coutumier islamique et malais (article 95B, neuvième annexe). Puisque ces derniers enjeux sont moins pertinents dans le cas des états non malais, on a accordé des compétences supplémentaires à Sarawak et Sabah lorsqu’ils ont adhéré à la Fédération. Ceci a engendré un régime fédéral au sein duquel les unités constituantes jouissent de compétences inégales.

Au niveau fédéral, la Chambre haute du Parlement, soit le Sénat (Dewan Negara), a été conçue pour représenter les états et pour empêcher le gouvernement fédéral d’empiéter sur leurs droits. Le Sénat comprend 69 membres, soit deux représentants des états élus par les assemblées législatives, et 22 nommés par le chef suprême sur avis du premier ministre. Puisque le parti de l’Alliance au pouvoir obtient généralement la majorité dominante dans au moins neuf assemblées des états, les sénateurs sont nommés en fonction de leur loyauté et des services rendus au parti au pouvoir, ce qui fait du Sénat un important siège de favoritisme pour le parti au pouvoir. Dans les faits, le Sénat ne défend donc pas les intérêts des états mais constitue un simple comptoir où l’on estampille les lois fédérales provenant de la Chambre basse du Parlement (Dewan Rakyat), qui est élue par le peuple.

Une modification constitutionnelle exige le soutien d’une majorité des deux tiers au Parlement, sans aucune participation des états (article 15). Puisque le gouvernement fédéral jouit toujours d’une majorité de plus des deux tiers, les modifications constitutionnelles sont rapidement adoptées. Certaines de ces modifications ont même profité d’un traitement rétroactif dans le but de rendre légales des mesures fédérales qui, autrement, auraient pu être contestées en cour. Diverses modifications constitutionnelles ont été introduites, adoptées par les deux chambres du Parlement et approuvées par assentiment royal en quelques heures seulement, sans annonce préalable et sans débat sur la place publique. Entre 1957 et 2003, la Constitution a été modifiée 43 fois, ce qui a résulté, au total, en la modification de 643 articles. L’effet cumulatif de ces modifications a fini par accorder au gouvernement fédéral énormément de pouvoirs et de contrôle sur les politiques et l’administration des états.

Les arrangements fiscaux contenus dans la Constitution favorisent le gouvernement central. Toutes les grandes compétences fiscales sont attribuées au gouvernement fédéral, même si on garantit aux états une part des recettes fédérales calculée principalement à partir du taux de population et du millage des routes (dixième annexe). On a aussi conclu des ententes de partage de revenus relativement aux revenus pétroliers du sous-sol marin des états du littoral. Un conseil national des finances regroupant des représentants du gouvernement fédéral et des états devait en assurer la coordination; n’ayant qu’un rôle consultatif, il n’est toutefois jamais devenu un organisme de coordination efficace. C’est l’Unité de planification économique du Bureau du premier ministre qui produit les rapports économiques annuels et les plans économiques quinquennaux nationaux qui déterminent le mode de répartition des revenus publics et qui fixent les objectifs économiques. Un groupe de comités de développement au niveau de l’État, des états et des districts supervise et coordonne la mise en œuvre de ces plans économiques nationaux, sous l’étroite surveillance de l’administration fédérale.

Puisque tous les grands pouvoirs de taxation relèvent du gouvernement fédéral, les ordres de gouvernement doivent compter sur un système de transfert des pouvoirs du gouvernement fédéral aux états, et des états aux municipalités. En 2003, les recettes fédérales correspondaient à 23,1 pour cent du produit intérieur brut (PIB) alors que les recettes combinées des états, y compris les subventions fédérales, constituaient 2,85 pour cent du PIB. Si l’on effectue les calculs en tenant compte de l’ampleur relative des recettes, cela signifie que les recettes du gouvernement fédéral sont plus de huit fois supérieures à celles de tous les états pris ensemble. À leur tour, les états transfèrent quelque 40 pour cent de leurs recettes aux autorités locales. Ce système a produit un déficit financier périodique à l’échelle des états et des municipalités et a permis aux autorités fédérales d’exercer une très forte mainmise sur la gestion et les politiques des états et des municipalités.

La plus grande source de recettes fédérales provient de la perception d’impôts directs sur les sociétés, de taxes pétrolières et de l’impôt sur le revenu des particuliers qui, ensemble, représentaient 52,1 pour cent des recettes fédérales en 2003. Il existe diverses autres sources de recettes fédérales dont les impôts fonciers, les gains en capital et les droits successoraux. De plus, les droits sur les exportations et les importations imposés sur une large gamme de produits et services, ainsi que les droits d’accise sur les produits, le pétrole et les véhicules à moteur, combinés avec des impôts indirects, accordent au gouvernement fédéral une très large assiette fiscale. Les recettes des états proviennent pour leur part en grande partie des frais de permis et des redevances liées à l’exploitation des forêts, des terres et des mines. L’assiette fiscale grandement restreinte des états a eu pour effet d’accélérer l’adoption rapide de politiques sur l’épuisement des ressources par leurs autorités. Ceci a permis de générer des recettes mais a aussi entraîné la forte corruption des autorités, au niveau des états, qui contrôlent l’attribution des permis d’exploitation des ressources. L’épuisement rapide des res-sources est particulièrement fréquent au sein des états où l’on retrouve de grandes forêts denses et tropicales, et il s’est produit malgré l’opposition soutenue de nombreux habitants des régions affectées.

En vertu de la Constitution, il revient aux tribunaux de régler les différends constitutionnels. Les tribunaux jouissent néanmoins de pouvoirs limités en vertu de l’article 50 de la Constitution qui donne au gouvernement fédéral le pouvoir de décréter une «situation d’urgence». Lorsque cette clause est invoquée, il n’est plus possible de contester en cour la constitutionnalité de la loi d’urgence, sauf si cette dernière se rapporte à la religion, à la citoyenneté, à la langue, aux coutumes malaises et aux droits autochtones. Les lois sur la détention préventive et la Loi sur la sédition interdisant toute «tendance séditieuse» accordent des pouvoirs presque illimités au premier ministre, y compris celui de restreindre les droits et libertés de la personne. Ces lois supplantent également l’équilibre du pouvoir au sein du régime fédéral. En outre, le rôle des tribunaux s’est encore compliqué en 1988 lorsque le premier ministre Mahathir s’est opposé à plusieurs décisions de la Cour suprême (aujourd’hui Cour fédérale) portant sur les droits individuels et la légalité du parti au pouvoir. D’une part, on a modifié la Constitution de façon à limiter les pouvoirs judiciaires et à jouir d’une mainmise complète sur la Fédération en ayant recours aux promulgations parlementaires. Puis, le premier ministre a créé un tribunal de destitution qui retirait de la Haute Cour le juge en chef (Lord President) et deux autres juges de la Cour suprême. Finalement, le premier ministre nommait des juges moins contestataires. Suivant cette crise, une modification constitutionnelle assurait le transfert, des tribunaux au Parlement, des pouvoirs de contrôle judiciaire. Depuis, sous réserve d’un contrôle exécutif accru, les tribunaux s’en remettent en très grande partie aux pouvoirs fédéraux pour interpréter les lois et la Constitution.

En plus de leurs pouvoirs financiers prééminents et de leur forte influence sur les pouvoirs judiciaires, les autorités fédérales ont toujours eu recours aux pouvoirs parlementaires pour modifier la Constitution et imposer leur point de vue sur tout dossier controversé au sein du régime fédéral.

3 dynamique politique récente

Les traditionnels sultans des neuf états malais symbolisaient la domination politique malaise, et leur prérogative consistait à protéger les droits malais. Parce qu’ils faisaient également partie des institutions démocratiques, leur rôle était quelque peu ambigu, surtout au niveau de dossiers exigeant l’«assentiment royal». Dans plusieurs états, le sultan refusait de coopérer avec le ministre en chef en cas de différend touchant les concessions forestières, le favoritisme, la législation ou un prétendu manque de déférence. Dans les années 80, le premier ministre Mahathir a décidé de réduire la portée des prérogatives royales par le biais d’une modification constitutionnelle limitant à 15 jours le délai pour l’assentiment royal des projets de loi, après quoi cet assentiment royal serait considéré comme accordé. Une crise s’est déclarée lorsque le chef suprême a refusé d’entériner cette modification approuvée par le Parlement. À la suite d’une entente conclue avec les sultans, il a été convenu que l’assentiment royal ne pourrait être retardé que de 30 jours. Plus tard, soit en 1993, des modifications constitutionnelles enlevaient aux chefs le pouvoir de retarder l’assentiment royal, supprimaient leur immunité face aux actes personnels, et résiliaient leur pouvoir de pardon.

En 1997, les pays d’Asie traversent une crise économique désastreuse marquée par la chute des marchés boursiers, l’endettement massif des sociétés, les faillites et la baisse des valeurs monétaires. En Malaisie, une querelle fait rage entre le premier ministre Mahathir et le vice-premier ministre Anwar Ibrahim, qui est également ministre des Finances, quant à la meilleure façon de composer avec ces problèmes. Mahathir favorise des mesures de contrôle économique afin d’imposer des taux monétaires fixes, de limiter le transfert des devises, d’offrir une aide financière gouvernementale et de forcer des alliances entre les entreprises fortement endettées. Anwar Ibrahim souscrit plutôt au programme des réformes économiques axées sur le libre-échange du Fonds monétaire international, y compris une réduction des dépenses gouvernementales et l’élimination du gaspillage et du favoritisme. Mahathir rend la «mondialisation», les investisseurs monétaires internationaux et les spéculateurs financiers responsables de la crise économique. Anwar blâme le favoritisme, le népotisme et la corruption.

Une fois la population sensibilisée à ces diverses approches, Mahathir sent que son poste peut être menacé. Il destitue donc Anwar et élimine ses appuis au niveau du gouvernement, des postes du parti et des sociétés appartenant au parti. À la suite des protestations publiques en faveur d’Anwar, Mahathir le fait arrêter, l’accusant de corruption et de sodomie. Ce procès, tenu au centre des accusations décriant les violations des droits de la personne, les aveux forcés, les témoins violentés et la manipulation du système judiciaire, ébranle fortement les fondements politiques du gouvernement. Après un procès de 14 mois et malgré d’énormes contestations populaires, Anwar est condamné à 15 ans de prison et banni de la vie politique pour une période de cinq ans suivant sa libération. Toutes les protestations entourant son emprisonnement n’arrivent pas à le faire libérer et les appels aux tribunaux sont aussi rejetés.

Même si la question continue de diviser la population, l’attention des gens a éventuellement gravité vers d’autres enjeux. Au mois de juin 2003, Mahathir déclare qu’il prendra sa retraite en octobre. En octobre 2003, le vice-premier ministre Abdullah Ahmad Badawi le remplace à la tête du parti et du gouvernement. Cette déclaration donne lieu à d’intenses spéculations quant aux conséquences de la succession au leadership. Les Malaisiens informés sont loin d’être tous du même avis sur ce point. Certains croient qu’il n’y aura «presque aucun changement». D’autres s’attendent à «une réévaluation en profondeur de certaines politiques établies et à une réorientation des alliances politiques». Toute cette période est marquée par un climat d’incertitude et d’anticipation qui a teinté l’ensemble des activités politiques. Compte tenu des priorités nationales, il y a fort à parier que le public délaissera, pour le moment, les questions de fédéralisme et d’équilibre entre les divers ordres de gouvernement.

Le régime fédéral de la Malaisie est dominé par un gouvernement central fort. Cependant, pour des motifs à la fois politiques et culturels, les états demeurent viables en raison de la loyauté des citoyens envers eux et envers leurs chefs politiques, particulièrement les chefs malais des états malais. Le gouvernement fédéral confie aux états l’administration de plusieurs programmes, et le régime politique est fondé, à tous les paliers, sur la représentation des états. On a déjà proposé diverses réformes pour équilibrer les sources de revenus à l’échelle fédérale et pour raviver les pouvoirs et l’autonomie des administrations locales. Si jamais on réussit à établir un régime politique plus démocratique et ouvert au niveau fédéral, il deviendra possible d’examiner les grands enjeux de la réforme et du renouvellement au niveau des gouvernements des états et des administrations locales.

4 sources de renseignements supplémentaires

Amnistie internationale, Malaysian Human Rights Undermined: Restrictive Laws in a Parliamentary Democracy, Londres, Amnistie internationale, 1999.

Awang, Muhammad Kamil, The Sultan and the Constitution, Kuala Lumpur, Dewan Bahasa dan Pustaka, 1998.

Crouch, Harold, Government and Society in Malaysia, Ithaca, New York, Cornell University Press, 1996.

Fritz, Nicole et Martin Flaherty, Unjust Order : Malaysia’s Internal Security Act, New York, Fordham Law School, 2003.

Khoo Boo Teik, Beyond Mahathir : Malaysian Politics and its Discontents, New York, Zed Books, 2003.

Lee, H. P., Constitutional Conflicts in Contemporary Malaysia, Kuala Lumpur, Oxford University Press, 1995.

Loh Kok Wah, Francis et Khoo Boo Teik (dir.), Democracy in Malaysia: Discourses and Practices, Richmond, Surrey, Curzon Press, 2002.

Malaisie (Gouvernement de la), Laws of Malaysia: Federal Constitution. Kuala Lumpur, Commissaire à la révision des lois (Commissioner of Law Revision), 2002.

Means, Gordon P., «Le fédéralisme au Malaya et en Malaisie» in Roman Serbyn (dir.), Fédéralisme et Nations, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 1971.

—, Malaysian Politics, 2e éd., Londres, Hodder and Stoughton, 1976.

—, Malaysian Politics: The Second Generation, Singapour, Oxford University Press, 1991.

Milne, R.S. et Diane K. Mauzy, Malaysian Politics Under Mahathir, Londres, Routledge, 1999.

Sheridan, L.A. et Harry E. Groves, The Constitution of Malaysia, Dobbs Ferry, New York, Oceana Publications, 1967.

http ://www.Malaysianews.net/, bulletin de nouvelles électronique

http ://www.asia1.com.sg/, bulletin de nouvelles de Singapour

http://www.ceri-sciencespo.com/publica/cahiers/cahier11.pdf, article sur la politique nationale et étrangère

Tableau I Indicateurs politiques et géographiques

Capitale Kuala Lumpur N.B. Putrajaya est la capitale administrative.
Nombre et type d’unités constituantes 13 états : Johor, Kedah, Kelantan, Melaka, Negeri Sembilan, Pahang, Penang (Pulau Pinang), Perak, Perlis, Sabah, Sarawak, Selangor, Terengganu 3 territoires fédéraux : Kuala Lumpur, Labuan, Putrajaya (créé le 1er février 2001)
Langue(s) officielle(s) Bahasa melayu
Superficie 329 750 km2
Superficie – plus grande unité constituante Sarawak – 124 449 km2
Superficie – plus petite unité constituante Territoire fédéral de Labuan – 98 km2
Population totale 24 305 000 (2002)
Population de chaque unité constituante (% de la population totale) Selangor 18 %, Johor 11,8 %, Sabah 11 %, Perak 9 %, Sarawak 9%, Kedah 7 %, Kelantan 5,8 %, Kuala Lumpur 5,8%, Pahang 5,5 %, Penang (Pulau Pinang) 5,5 %, Terengganu 4 %, Negeri Sembilan 3,7 %, Melaka 2,7 %, Perlis 0,9%, Labuan 0,3 %, Putrajaya : s.o.
Régime politique – fédéral Monarchie constitutionnelle, régime parlementaire
Chef d’État – fédéral Chef suprême: Tuanku Syed Sirajuddin ibni al-Marhum Tuanku Syed Putra Jamalullail, sultan de Perlis. Le roi est élu pour un mandat d’une durée de 5 ans par la Conférence des chefs, dont il est issu. Les dernières élections ont eu lieu le 13 décembre 2001.
(Les prochaines élections auront lieu en 2006.)

Chef de gouvernement – fédéral

Premier ministre: Datuk Seri Abdullah Ahmad Badawi (2003). Chef du parti ayant le plus grand nombre de sièges à la Chambre des représentants. Il exerce un mandat d’une durée de 5 ans. Les membres du Cabinet sont nommés par le premier ministre parmi les membres du Parlement, avec l’assentiment du chef suprême.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Parlement:

Chambre haute – Sénat (Dewan Negara), 69 sièges. 2 membres sont élus par l’assemblée législative de chaque état. Les autres membres sont nommés par le chef suprême sur avis du premier ministre. Les membres exercent un mandat d’une durée de 3 ans avec un maximum de 2 mandats.

Tableau I (suite)

Chambre basse – Chambre des représentants (Dewan Rakyat), 193 sièges. Les membres sont élus au suffrage populaire dans les circonscriptions uninominales pour un mandat d’une durée de 5 ans. Les dernières élections ont eu lieu le 29 novembre 1999. (Les prochaines élections auront lieu en novembre 2004.)

Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée Selangor – 17
Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Territoire fédéral de Labuan – 1
Répartition des représentants à la Chambre haute du gouvernement fédéral Les assemblées législatives des 13 états élisent chacune 2 représentants au Sénat. Les autres membres sont nommés par le chef suprême sur avis du premier ministre.
Partage des compétences Le Parlement fédéral a le pouvoir de légiférer dans les domaines suivants : affaires étrangères, défense et sécurité intérieure, justice (hormis la loi islamique), santé, éducation, sécurité sociale, industrie, commerce, finances, transports et communications. Les compétences des états visent surtout l’aménagement du territoire et des richesses naturelles, l’encadrement des administrations locales, et l’administration du droit coutumier et du droit islamique. Les états de Sabah et de Sarawak jouissent de certaines prérogatives constitutionnelles en matière de droit foncier, de finances et de religion. En cas de conflit, la loi fédérale prévaut.
Compétences résiduelles Les compétences résiduelles relèvent des états.
Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle) Régime politique – unités constituantes Chef de gouvernement – unités constituantes Cour fédérale de Malaisie. Les juges sont nommés par le chef suprême sur avis du premier ministre. Monocaméral – Assemblée législative comprenant entre 14 et 56 membres. Le territoire fédéral de Kuala Lumpur est administré directement par le gouvernement fédéral. Chaque état possède sa propre constitution. Chef d’état : Certains états de la péninsule malaise sont dirigés par un chef héréditaire (sultan). D’autres états sont dirigés par un gouverneur nommé par le chef suprême (sur avis du premier ministre fédéral). Chef de gouvernement : Ministre en chef, élu par les membres de l’assemblée.

Tableau II Indicateurs économiques et sociaux

PIB 216,8 milliards de $ US à PPA (2002)
PIB par habitant 8 921,4 $ US à PPA (2002)
Dette nationale extérieure 43,4 milliards de $ US (2001)
Dette infranationale s.o.
Taux national de chômage 3,4%
Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé s.o.
Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible s.o.
Taux d’alphabétisation chez les adultes 87,9 %1
Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB) 6,2 %
Espérance de vie (années) 72,8
Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes 12,8 milliards de $ US (prélim. 2000)
Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes 741,8 millions de $ US (prélim. 2000)
Transferts fédéraux aux unités constituantes 2 077 milliards de $ US (prélim. 2000)
Mécanismes de péréquation Les transferts fédéraux reposent sur une combinaison de parts inconditionnelles de certains impôts fédéraux et de subventions par habitant conditionnelles et inconditionnelles.

Sources

Banque mondiale, «Table A.42 – Total External Debt of Developing Countries 1995–2001»,Global Development Finance 2003 – Striving for Stability in Development Finance: Statistical Appendix (External Liabilities and Assets), 2003, sur Internet: http:// www.worldbank.org/prospects/gdf2003/statappendix/ externalliabilitiesandassets.pdf

Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», sur Internet : http://www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html

Fonds monétaire international (FMI), «IMF Country Report: Malaysia – Statistical Appendix», octobre 2001, sur Internet: http://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/ 2001/cr01187.pdf

Malaisie, Parlement, 2003, sur Internet: http://www.parlimen.gov.my

Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain 2003: Indice du développement humain, sur Internet: http:// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf

Statoid, «Administrative Divisions of Countries: Malaysia», 2000, sur Internet: http:// www.statoids.com/umy.html

Watts, Ronald L., Comparing Federal Systems, 2e éd., Kingston, Institut de relations intergouvernementales, Université Queen’s, 1999.

World Directory of Parliamentary Libraries: Malaysia, Bundestag de l’Allemagne, sur Internet: http://www.bundestag.de/bic/bibliothek/library/malay.html

Note

1 15 ans et plus