Nigeria (République fédérale du Nigeria)

FESTUS C. NZE, AVEC LA COLLABORATION DE PAUL KING*

1 histoire et évolution du fédéralisme

La République fédérale du Nigeria, en Afrique occidentale, compte quelque 130 millions d’habitants, ce qui en fait le pays africain le plus peuplé. La superficie de son territoire est d’un peu moins de 925 000 kilomètres carrés, et sa masse terrestre s’étend de la pointe orientale du golfe de Guinée jusqu’aux savanes occidentales. Le Nigeria est bordé à l’est par le Cameroun et à l’ouest par la République du Bénin; au nord se trouve le Niger, et au nord-est le Tchad. Bien que le pays soit riche en ressources minérales – le pétrole en particulier – le revenu annuel par habitant se limite à environ 800 dollars par année.

Le territoire actuel du Nigeria correspond à ceux de plusieurs anciens États et empires auxquels se sont ajoutés divers petits territoires. Le plus vaste et le plus influent de ces empires est celui de Fulani qui, au XIXe siècle, occupait une bonne partie du nord du Nigeria. Le Sud, couvert de forêts que les cavaliers fulanis pouvaient difficilement pénétrer, était occupé par les États du Bénin et d’Oyo (Yoruba). À l’est du Niger vivaient les communautés igbo et ibibio. Selon les archives les plus anciennes, l’influence européenne dans les régions côtières du Nigeria remonte à 1472, année au cours de laquelle des bateaux

* Paul King a révisé le présent article pour la deuxième édition du Guide des pays fédéraux (2005).

portugais accostèrent pour la première fois au Bénin. Jusqu’à l’arrivée des Européens, la côte ne revêtait aucune importance du point de vue de la politique internationale. Avant l’arrivée des marins portugais, à la recherche d’or et d’esclaves d’Afrique occidentale, les contacts avec le monde extérieur se faisaient par le Sahara. Le débarquement des Britanniques dans la région, un siècle plus tard, marque un tournant dans l’histoire du Nigeria.

En 1885, lors de la conférence de Berlin, les Britanniques obtinrent une reconnaissance officielle de leurs intérêts le long de la rivière Niger. En 1900, la Compagnie royale du Niger (Royal Niger Company) remit l’administration du territoire à la Couronne britannique, qui établit des protectorats dans le sud et le nord du Nigeria. En 1914 fut constitué un conseil nigérian composé de 30 Européens et de six Nigérians. Ce conseil ne disposait d’aucun pouvoir exécutif ou législatif, son rôle étant uniquement consultatif. La Constitution de 1922 (dite «Constitution de sir Hugh Clifford») a donné plus d’ampleur à cet organisme en le transformant en conseil législatif; composé de 46 membres, dont dix élus, il pouvait adopter des lois s’appliquant à la colonie et aux provinces du Sud, le gouverneur légiférant sur les questions concernant les provinces du Nord.

La Constitution Richards de 1946 (du nom de son auteur principal, sir Arthur Richards) mettait en place un conseil législatif ayant le pouvoir de légiférer pour l’ensemble du pays, et établissait trois régions: le Nord, l’Ouest et l’Est. Le conseil était composé de 45 membres, dont 28 étaient d’origine nigériane (4 étaient élus et les 24 autres nommés). La Constitution prévoyait en outre la mise en place de trois assemblées législatives régionales qui, à titre consultatif, conseillaient le gouverneur sur des questions qu’il leur soumettait.

En 1951, on ajouta à la Constitution des dispositions prévoyant la création d’un Conseil des ministres composé de 18 membres (12 Nigérians et six membres provenant d’office de la bureaucratie coloniale). Les trois régions avaient une représentation égale au sein du Conseil et il appartenait à l’assemblée législative de chaque région de nommer ses représentants. On créa en outre une Chambre des représentants composée de 142 députés, dont 136 d’origine nigériane. Les organes législatifs régionaux avaient le pouvoir de légiférer dans certains domaines d’intérêt local mais les lois qu’ils adoptaient devaient être avalisées par le gouverneur. C’est la notion de «région» présentée par la Constitution Richards qui a ouvert la voie à un régime fédéral au Nigeria.

En 1954 a été adoptée une nouvelle Constitution qui renforçait le caractère fédéral du Nigeria; celle-ci stipulait que le Nigeria était une fédération, attribuait une marge limitée d’autonomie aux régions, et maintenait la représentation régionale au Conseil des ministres. Alors que les responsabilités du centre concernaient, entre autres, les relations étrangères, la défense et la police, celles des régions portaient sur l’enseignement élémentaire et secondaire, l’agriculture, la santé publique et les administrations locales. Le pouvoir judiciaire, la Commission de la fonction publique et les offices de commercialisation ont été régionalisés. Les responsabilités concernant le développement économique, les questions de main-d’œuvre et l’enseignement supérieur relevaient à la fois du centre et des régions. Ainsi, c’est par un processus de désagrégation que le Nigeria s’est constitué en fédération. Entre 1954 et 1960, les trois régions ont acquis une certaine autonomie gouvernementale. Le 1er octobre 1960, la fédération nigériane a acquis sa complète indépendance à l’égard de la Grande-Bretagne. Trois ans plus tard, le 1er octobre 1963, le Nigeria se dotait d’une Constitution républicaine, et devenait une république fédérale (la première République).

La Constitution républicaine de 1963 attribuait au gouvernement fédéral des compétences exclusives dans divers domaines comme la défense, les affaires étrangères, l’immigration, les passeports, la monnaie, les chemins de fer, la poste et les télécommunications, l’aviation et la météorologie. De plus, en période d’urgence nationale, le gouvernement fédéral était autorisé à légiférer sur toute question n’apparaissant pas sur sa liste de compétences exclusives. La liste des compétences concurrentes de la Constitution de 1963 énumérait les sujets à l’égard desquels les corps législatifs fédéral et régionaux pouvaient tous deux proposer des lois; ces sujets comprenaient notamment la tenue des recensements, le développement industriel et les antiquités. Les compétences résiduelles confiées aux assemblées législatives régionales visaient des questions comme l’enseignement élémentaire et secondaire. Les assemblées législatives régionales pouvaient légiférer à leur gré sur ces questions.

Le Nigeria est un pays multiethnique et, dès les années 60, les divers groupes ethniques se livrèrent une concurrence acharnée en vue de contrôler le gouvernement central et les autorités au sein de leur région. C’est ainsi que se multiplièrent les revendications visant la création de nouvelles unités régionales. En 1963, la région de l’Ouest fut divisée en deux, ce qui donna lieu à la création de la région du Centre-Ouest (Mid-Western Region). Cette décision est à l’origine d’un processus qui a vu le nombre d’unités constituantes passer de trois à trente-six.

En janvier 1966, le major Chukwuma Nzeogwu, un Igbo, tenta de s’emparer du pouvoir à la faveur d’un coup d’État. Le premier ministre de la fédération, les premiers ministres des régions du Nord et de l’Ouest et plusieurs officiers militaires de haut rang furent tués. Les auteurs du coup d’État n’ayant pas réussi à s’emparer de Lagos, le major général Aguiyi-Ironsi qui, en plus d’être un Igbo, occupait le poste le plus élevé dans la hiérarchie militaire nigériane, parvint à maîtriser la situation et ordonna l’arrestation des conspirateurs. La plupart de ces derniers étant des Igbos, on se mit à parler (à tort) du coup igbo, et ce en dépit du fait qu’un de ses principaux artisans était un major yoruba. Après avoir pris le contrôle du gouvernement fédéral, Ironsi s’empressa de remplacer le régime fédéral par un régime unitaire, ce qui eut pour conséquence l’abolition des régions.

Les fonctionnaires du Nord se sentaient menacés par les sudistes, dont le niveau de formation et d’éducation était élevé. Le Nord ne tarda pas à réagir. Les attaques contre les Igbos vivant dans le nord du pays se multiplièrent, provoquant des milliers de morts. En juillet 1967, il y eut un deuxième coup d’État, fomenté cette fois par des officiers militaires nordistes de rang inférieur, et beaucoup d’officiers igbos furent tués. L’équilibre des forces tendant de nouveau à favoriser le Nord, le lieutenant-colonel Yakubu Gowon fut porté au pouvoir. Les chefs igbos décidèrent alors de réclamer la sécession. Une deuxième vague de massacres des Igbos ayant été déclenchée en septembre 1967, leur demande se fit bientôt plus pressante. Ayant perdu toute confiance dans le système politique nigérian, plus d’un million d’Igbos provenant de toutes les régions du pays s’enfuirent dans leur région d’origine. Toutes les tentatives d’en arriver à un compromis avec les Igbos ayant échoué, le lieutenant-colonel Odumegwu Ojukwu proclama l’indépendance de l’État du Biafra le 30 mai 1967. Peu après éclata entre forces nigérianes et biafraises une guerre civile qui se termina par la reddition des forces biafraises en janvier 1970.

Malgré l’immense richesse engendrée par l’industrie pétrolière nigériane, l’agitation politique se poursuivit sans cesse pendant les années 70. En 1975, le général Gowon fut renversé. Son successeur, le général Murtala Mohammed, entreprit un certain nombre de réformes politiques, mais il trouva la mort lors d’une tentative avortée de coup d’État en 1976. Il fut remplacé par le lieutenant-général Olusegun Obasanjo. Au milieu de l’année 1976, le gouvernement militaire confia au groupe Aguda la tâche d’examiner diverses solutions de re-change. Le groupe recommanda le transfert de la capitale fédérale de Lagos à Abuja et la création de sept nouveaux états. En 1979 eurent lieu des élections générales. Shehu Shagari, chef du Parti national du Nigeria (National Party of Nigeria, NPN), remporta les élections présidentielles (et fut réélu en 1983). Le général Obasanjo remit les pouvoirs à Shehu Shagari, et ce dernier devint président de la seconde République, proclamée en octobre 1979.

La proclamation de la seconde République avait été précédée par l’adoption d’une nouvelle constitution, la Constitution de la République fédérale du Nigeria de 1979. Tout en permettant l’instauration d’un régime présidentiel, celle-ci stipulait que «le Nigeria est une fédération comportant des états et un territoire de la capitale fédérale» (article 2 (2)). Elle prévoyait en outre la mise en place d’administrations locales chargées de fonctions précises et correspondant à un troisième ordre de gouvernement (annexe 4).

En décembre 1983, les militaires renversèrent le gouvernement civil en dénonçant la corruption et le désordre économique. L’année 1985 fut marquée d’un autre coup militaire au cours duquel le major général Ibrahim Badamosi Babangida s’empara du pouvoir. Celui-ci annonça qu’il permettrait à des civils d’exercer le pouvoir, mais il ignora ensuite les résultats des élections présidentielles de juin 1993. Un gouvernement national provisoire fut créé par les militaires (dans les milieux officiels nigérians, ce gouvernement est généralement associé à la troisième République). La Constitution de 1979 devait être révisée au cours de cette période. C’est à cette époque que fut rétablie l’Assemblée nationale, dont les pouvoirs furent cependant limités. Il y eut également des élections afin de pourvoir certains postes gouvernementaux. Le gouvernement de Babingida fut renversé en novembre 1993 par le général Sani Abacha qui, ayant pris les rênes du pouvoir, procéda à la dissolution de l’Assemblée nationale et destitua tous les représentants élus. Abacha mourut soudainement en juin 1998, et c’est le général Abdulsalam Abubakar qui lui succéda. Celui-ci s’empressa de tenir des élections de sorte que, en 1999, le Nigeria élut un gouvernement composé de civils ayant à sa tête Olusegun Obasanjo (maintenant un civil). La Constitution de la République fédérale du Nigeria de 1999, proclamée en mai, a permis au Nigeria d’inaugurer la quatrième République.

2 dispositions constitutionnelles relatives au fédéralisme

La Constitution de 1999 renferme les dispositions de la Constitution de 1979, bien que certaines aient été modifiées. Elle comporte des dispositions précises concernant les unités constituantes de la fédération et la représentation de ces unités au sein du gouvernement central.

L’article 2 (2) précise que le Nigeria est une fédération composée de 36 états et du territoire de la capitale fédérale. En vertu de l’article 4 (1), c’est à l’Assemblée nationale, qui comprend un Sénat et une Chambre des représentants, que sont dévolus les pouvoirs législatifs de la République fédérale du Nigeria. Chaque état est représenté par trois sénateurs, et le territoire de la capitale fédérale, Abuja, par un sénateur. L’article 49 stipule que la Chambre des représentants est composée de 360 membres représentant des circonscriptions qui, dans la mesure du possible, doivent avoir des populations de taille à peu près égale, sous réserve que les limites territoriales d’une circonscription ne doivent jamais croiser la frontière entre deux états.

La Constitution autorise l’Assemblée nationale à faire des lois pour la paix, l’ordre et la bonne gouvernance de la fédération, ou sur tout autre sujet figurant sur la liste des compétences exclusives (Exclusive Legislative List). Celle-ci compte 68 sujets sur lesquels le gouvernement fédéral peut légiférer, les plus importants étant : les comptes et les bureaux du gouvernement fédéral, et les tribunaux et les autorités qui y sont affiliés; l’aviation, y compris les aéroports; les faillites et les questions d’insolvabilité; les banques, les activités bancaires et les lettres de change; la défense; l’énergie nucléaire. L’Assemblée nationale peut aussi légiférer sur n’importe lequel des 12 sujets énumérés dans la liste des compétences concurrentes (Concurrent Legislative List), qui comprend notamment la répartition des recettes, les antiquités et les monuments, les archives, la perception des impôts, les lois électorales et les pouvoirs électoraux.

Selon l’article 6, les compétences législatives des états sont dévolues aux chambres d’assemblée (House of Assembly) des états. L’article 7 (a-b) de la Constitution précise que chaque Chambre a le pouvoir de faire des lois concernant la paix, l’ordre et le bon gouvernement au sein de l’état qu’elle représente, ainsi que sur tout sujet qui n’est pas énuméré dans la liste des compétences exclusives. Les états peuvent aussi légiférer sur les questions énumérées dans la liste des compétences concurrentes dans la deuxième annexe de la Constitution.

En ce qui concerne les arrangements fiscaux, l’article 162 (1) de la Constitution précise que la fédération doit maintenir un compte spécial, dit «Compte de la fédération» (Federation Account), où sont comptabilisées toutes les recettes perçues par le gouvernement de la fédération. Les seules exceptions prévues en vertu de la Constitution sont les impôts sur le revenu des particuliers prélevés sur les revenus des membres des forces armées, des services de police du Nigeria et du ministère des Affaires étrangères. Une autre exception est prévue pour les impôts sur le revenu des particuliers versés par les résidants du territoire de la capitale fédérale, Abuja. Sous réserve de l’approbation de l’Assemblée nationale, les montants crédités au «Compte de la fédération» peuvent être versés aux conseils fédéraux, étatiques et locaux des différents états. Pour répartir les sommes provenant du «Compte de la fédération», on a recours à certains principes de répartition, à savoir la population (et la densité de population), l’égalité des états, la capacité interne de produire des recettes et la masse terrestre. Quant à l’application de ces principes, l’article 2 de la Constitution de 1999 stipule qu’il «faut toujours tenir compte du principe de dérivation», et que celui-ci ne devrait «jamais être inférieur à 13 pour cent des recettes créditées au «Compte de la fédération» qui proviennent directement des richesses naturelles».

La Constitution comporte des dispositions au sujet des bureaux exécutifs du président et du vice-président (article 130 (1)). Tous les pouvoirs exécutifs de la fédération, sous réserve des dispositions de la Constitution de 1999, relèvent du président. Le président est chef d’État, chef exécutif de la fédération et commandant en chef des forces armées de la fédération. En outre, l’article 153 (1) prévoit la création de 14 «organes exécutifs fédéraux», comme le Bureau du code de conduite (Code of Conduct Bureau), le Conseil d’État et la Commission sur le caractère fédéral (Federal Character Commission). Selon l’article 5 (2) de la Constitution, les pouvoirs exécutifs d’un état relèvent du gouverneur de cet état.

Comme la plupart des constitutions fédérales, la Constitution nigériane prévoit des procédures pour le règlement de différends constitutionnels. Les articles 230 (1) et 237 (1) servent de fondement constitutionnel pour une Cour suprême et un tribunal d’appel. La Cour suprême a une juridiction exclusive dans tout différend opposant la fédération à un état, ou des états entre eux. Elle possède également une juridiction exclusive concernant les appels des jugements rendus par un tribunal d’appel.

Le tribunal d’appel a d’importants pouvoirs, y compris une juridiction de première instance et une juridiction d’appel. Il peut entendre les appels des jugements de première instance sur quelque question que ce soit. De plus, il possède une juridiction exclusive sur les questions concernant la validité de l’élection de quiconque au poste de président ou de vice-président de la République. Il a aussi juridiction sur toute question visant à déterminer si «le mandat du président ou du vice-président a pris fin, ou si le poste de président ou de viceprésident est vacant».

L’article 9 (2) de la Constitution précise qu’une loi de l’Assemblée nationale visant à modifier la Constitution «qui n’est pas une loi à laquelle s’applique l’article 8 de la Constitution ne sera pas réputée avoir été adoptée par l’une ou l’autre Chambre de l’Assemblée nationale à moins que la proposition n’ait reçu l’appui d’au moins deux tiers de tous les membres de cette Chambre et n’ait été approuvée par la majorité des chambres d’assemblée d’au moins deux tiers de tous les états». Toute proposition visant à modifier l’article 8 de la Constitution, qui porte sur les droits fondamentaux de la personne, doit recevoir l’appui d’au moins quatre cinquièmes de tous les membres de chaque Chambre. Elle doit aussi recevoir l’appui de la majorité des membres des chambres d’assemblée d’au moins deux tiers de tous les états.

Le «caractère fédéral» du pays est inscrit dans la Constitution de 1999. Ainsi, l’article 14 (3) précise que la composition du gouvernement de la fédération, ou de l’un ou l’autre de ses organismes, de même que la conduite de ses affaires, doivent être conformes à la nature fédérale du Nigeria et à la nécessité de promouvoir l’unité nationale.

3 dynamique politique récente

Il existe un principe important du fédéralisme selon lequel le pouvoir dans un régime fédéral «doit être réparti de manière à assurer un juste équilibre entre les gouvernements national et régionaux1». En d’autres mots, le fédéralisme «présuppose que, dans leurs relations, le gouvernement national et les autorités régionales disposent d’une certaine indépendance reposant sur un partage équilibré des pouvoirs et des ressources2». Pendant longtemps, ces principes n’ont pas été respectés. Le Nigeria prétendait être une fédération alors que, en réalité, il fonctionnait comme un régime unitaire. Le retour des civils au pouvoir, après plusieurs années de dictature militaire, a créé des conditions favorables à un débat franc et ouvert sur le fédéralisme nigérian.

Le 10 octobre 2000, les gouverneurs de tous les états de la partie méridionale du Nigeria (c’est-à-dire les zones Sud-Est et Sud-Sud) se sont réunis pour la première fois à l’occasion d’un sommet historique tenu à Lagos. La situation du fédéralisme nigérian y a fait l’objet de nombreux débats. Les gouverneurs ont alors proposé l’implantation d’un «vrai fédéralisme» au sein duquel «les parties constituantes devraient maîtriser leurs ressources». Selon un des gouverneurs du sud du pays, ce type de fédéralisme permettrait la mise en place d’un «fédéralisme à valeur ajoutée» au Nigeria. Au moment de la rédaction du présent article, des expressions comme «véritable fédéralisme», «fédéralisme coopératif», «fédéralisme fondé sur de vrais principes», «fédéralisme économique» et «fédéralisme à valeur ajoutée» sont utilisées couramment dans les débats sur le fédéralisme nigérian. Il est encore trop tôt pour déterminer si le Nigeria pourra évoluer vers l’une ou l’autre de ces variantes du fédéralisme.

Les élections d’avril 2003 – les premières tenues par un pouvoir civil en plus de deux décennies – ont représenté une étape importante de l’histoire du pays. Malgré de graves irrégularités, ces élections revêtent vraiment un caractère historique en ce qu’elles ont marqué la fin du

1 B.O. Nwabueze, Federalism in Nigeria Under the Presidential Constitution,

Londres, Sweet and Maxwell, 1983, p. 2. 2 Ibid.

mandat d’un gouvernement civil élu démocratiquement et le début d’un second mandat suite à des élections. Olusegun Obasanjo, le président en exercice, enregistra 62 pour cent des voix, et son parti, le Parti démocratique du peuple (People’s Democratic Party, PDP), remporta des victoires écrasantes dans les élections à l’Assemblée nationale et aux assemblées des états. Il reste à voir quel sera l’impact des élections d’avril 2003 sur la pratique du fédéralisme au Nigeria, mais en attendant, elles auront clairement donné au PDP la force politique nécessaire pour entreprendre des changements constitutionnels, s’il le désire.

Le PDP s’est emparé de plus du quart des voix pour la présidence dans 32 des 36 états du Nigeria, une tendance enregistrée également dans les scrutins pour l’Assemblée nationale et pour les assemblées des états. Il existe deux interprétations opposées de ce résultat. En premier lieu, compte tenu de la diversité ethnique, on peut penser que le pays est en voie de dépasser son régionalisme ethnique. Cependant, bien que les élections des assemblées des états aient permis au PDP de remporter 28 états, le Parti du peuple nigérian (All Nigeria People’s Party, ANPP), dirigé par Mohammadu Buhari, a gagné sept états, tous des états musulmans conservateurs du Nord. Par conséquent, la deuxième interprétation possible des résultats des élections est que le régionalisme ethnique a en fait été renforcé. L’augmentation de la violence sectaire dans le nord et le centre du pays indique que l’annonce de la résorption des tensions entre régions est peut-être prématurée. Il est clair que même si les élections ont représenté un pas dans la bonne direction pour le pays, l’opposition entre les partis est à son niveau le plus bas comparativement aux régimes démocratiques antérieurs. On a déjà prédit que les élections des administrations locales fixées au 27 mars 2004 ne seraient probablement pas «libres et justes» étant donné que la plupart des partis (sauf le PDP) ne sont pas bien organisés et que les règles pour les élections ne sont pas complètement établies et connues. On se demande donc si l’opposition entre les partis n’est pas en train d’être remplacée par un «super parti» accompagné de luttes à l’intérieur de ce parti.

La mise en application de la charia (la loi islamique) dans les régions du nord du Nigeria pourrait devenir une source de graves con-flits dans le pays. Certains états ont vu les querelles entre chrétiens et musulmans augmenter, et vers la fin de 2003, les conflits religieux étaient monnaie courante dans le Nord. Face à ce problème, le gouvernement fédéral a adopté une attitude réservée pour éviter qu’une action quelconque n’exacerbe les tensions régionales mises en évidence par les élections d’avril 2003. Aussi, même si le gouvernement fédéral, eu égard au principe de l’égalité des citoyens devant la loi, pouvait déclarer inconstitutionnelle l’adoption de la charia dans certains états, il ne l’a pas fait. Autant les états musulmans que le gouvernement fédéral reconnaissent qu’il y a peu à gagner – et beau-coup à perdre – à engager une bataille d’envergure sur cette question, et ils ont mis en œuvre des mécanismes informels pour diminuer les tensions.

Une source permanente de conflit entre le gouvernement fédéral et certains états (particulièrement ceux du delta du Niger, une région riche en pétrole) a récemment été éliminée. En février 2004, le président Obasanjo a promulgué la loi abrogeant la dichotomie entre pétrole terrestre et marin. Auparavant, le gouvernement fédéral avait refusé d’appliquer aux états disposant de réserves marines la formule de dérivation convenue de 13 pour cent pour le pétrole d’origine terrestre. Cette dichotomie irritait particulièrement certains états de la fédération qui disposaient de grandes réserves marines comparativement à celles d’origine terrestre. Grâce à cet accord, l’application du principe de dérivation pour déterminer le montant versé au «Compte de la fédération» par un état se fait indépendamment de l’origine terrestre ou marine des ressources naturelles.

4 sources de renseignements supplémentaires

Ekeh, P. P., P. Dele-Cole et Gabriel O. Olusanya, Nigeria Since Independence : The First 25 Years : Politics and Constitutions, vol. 5, Ibadan, Nigeria, Heinemann Educational Book Ltd., 1989.

Elaigwu, J. I., The Nigerian Federation. Its Foundations and Future Prospects, Abuja, Nigeria, National Council on Inter-Relations, 1994. Forrest, G., Politics and Economic Development In Nigeria, Boulder, Colorado, Westview Press, 1993. Gana, Aaron T. et Samuel G. Egwu (dir.), Federalism in Africa (2 volumes), Trenton, New Jersey, Africa World Press Inc., 2003.

Igbuzor, O., «Making Democracy Work in Nigeria: The Civil Society and Constitutional Reform» in A. Bujra et S. Adejumobi (dir.), Breaking Barriers, Creating New Hopes: Democracy, Civil Society and Good Governance in Africa, Trenton, New Jersey, Africa World Press Inc., 2002.

Nigeria (République fédérale du), Constitution of the Federal Republic of Nigeria 1999, Lagos, Nigeria, Federal Government Press, 1999. Nwabueze, B.O., Federalism in Nigeria Under the Presidential Constitution,

Londres, Sweet and Maxwell, 1983. http ://www.nigeria.gov.ng, gouvernement fédéral http ://www.nigeria.gov.ng/govt%20websites/stategovt.htm, gouver

nements des états http://www.africa-union.org/home/Bienvenue.htm, Union africaine

http://usinfo.state.gov/regional/af/frenchaf.htm, «Dossiers Afrique», service d’information internationale du département d’État des États-Unis d’Amérique

http ://fr.allafrica.com/nigeria, bulletin de nouvelles (All Africa)

Tableau I Indicateurs politiques et géographiques

Capitale Abuja

Nombre et types d’unités constituantes

36 états : Abia, Adamawa, Akwa Ibom, Anambra, Bauchi, Bayelsa, Benue, Borno, Cross River, Delta, Ebonyi, Edo, Ekiti, Enugu, Gombe, Imo, Jigawa, Kaduna, Kano, Katsina, Kebbi, Kogi, Kwara, Lagos, Nassarawa, Niger, Ogun, Ondo, Osun, Oyo, Plateau, Rivers, Sokoto, Taraba, Yobe, Zamfara 1 territoire : Territoire de la capitale fédérale (Abuja)

Langue(s) officielle(s) Anglais
Superficie 923 768 km2
Superficie – plus grande unité Borno 70 898 km2
constituante
Superficie – plus petite unité constituante Lagos 3 345 km2
Population totale 132 785 000 (2002)
Population de chaque unité constituante (% de la population totale) Lagos 6,5 %, Kano 6,5%, Kaduna 4,4 %, Katsina 4,2%, Oyo 3,9 %, Rivers 3,8%, Bauchi 3,2%, Jigawa 3,2 %, Benue 3,1 %, Anambra 3,1 %, Delta 2,9 %, Borno 2,8 %, Imo 2,8%, Akwa Ibom 2,7%, Sokoto 2,7 %, Niger 2,7 %, Abia 2,6 %, Ogun 2,6 %, Osun 2,4%, Adamawa 2,4 %, Enugu 2,4 %, Plateau 2,4 %, Kogi 2,4%, Edo 2,4%, Kebbi 2,3 %, Zamfara 2,3 %, Ondo 2,2 %, Cross
River 2,1%, Ekiti 2 %, Taraba 1,7%, Kwara 1,7 %,
Gombe 1,7%, Yobe 1,6 %, Nassarawa 1,3 %, Bayelsa 1,1%, Ebonyi 1,1%, Abuja (territoire de la capitale fédérale) 0,4%
Régime politique – fédéral République fédérale

Chef d’État – fédéral Président: Matthew Olusegun Fajinmi Aremu Obasanjo (2003), Parti démocratique du peuple (People’s Democratic Party, PDP). Élu au suffrage populaire pour un mandat d’une durée de 4 ans, avec un maximum de 2 mandats. Les dernières élections ont eu lieu le 19 avril 2003. (Les prochaines élections auront lieu en 2007.)

Chef de gouvernement Président: Matthew Olusegun Fajinmi Aremu

fédéral Obasanjo, Conseil exécutif fédéral (Federal Executive Council) ou Cabinet. Les membres du Cabinet sont nommés par le président avec l’assentiment du Sénat.

Structure de gouvernement – Bicaméral Assemblée nationale (National Assembly): fédéral

Chambre haute – Sénat, 109 sièges. Les sénateurs sont élus pour un mandat d’une durée de 4 ans; ils représentent 36 circonscriptions, qui comptent chacune

Tableau I (suite)

trois sénateurs, et une circonscription uninominale (le territoire de la capitale fédérale). Les dernières élections ont eu lieu le 12 avril 2003. (Les prochaines élections auront lieu en 2007.)

Chambre basse – Chambre des représentants (House of Representatives), 360 sièges. Les membres sont élus pour un mandat d’une durée de 4 ans dans des circonscriptions uninominales. Les dernières élections ont eu lieu le 12 avril 2003. (Les prochaines élections auront lieu en 2007.)

Nombre de représentants à la Lagos 24 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Nombre de représentants à la Abuja (territoire de la capitale fédérale) 2 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée

Répartition des représentants à la Chambre haute du gouvernement fédéral Chacun des 36 états détient 3 sièges au Sénat. Abuja (territoire de la capitale fédérale) détient 1 siège.
Partage des compétences Le gouvernement central possède des compétences exclusives dans 68 domaines y compris la défense et la sécurité intérieure, les affaires étrangères, le commerce, les activités bancaires, les richesses naturelles, les douanes, l’énergie nucléaire, les transports et les communications. Les états possèdent des compétences en matière d’ordre public des états, de commerce intra-étatique, de prestation de services éducatifs, de politique en matière de santé, de science et de technologie, de réseau routier des états, et de transport en commun. La liste des compétences concurrentes (Concurrent Legislative List) comprend 12 domaines, notamment les antiquités et les monuments, les archives et les lois électorales. En cas de conflit, la loi fédérale prévaut.
Compétences résiduelles Les compétences résiduelles relèvent des états.
Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle) Cour suprême (Supreme Court), composée d’un juge en chef et d’un maximum de 15 juges.
Régime politique – unités constituantes Chambre d’assemblée (House of Assembly) – Assemblée législative monocamérale ou bicamérale, selon l’état.
Chef de gouvernement – unités constituantes Gouverneurs élus (états) et ministre nommé par le président (territoire de la capitale fédérale).

Tableau II Indicateurs économiques et sociaux

PIB 112,9 milliards de $ US à PPA (2002)
PIB par habitant 850,6 $ US à PPA (2002)
Dette nationale extérieure 29 milliards de $ US (2000)
Dette infranationale s.o.
Taux de chômage national 3,6 % (2000)1
Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé Lagos 9,6 %
Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible Bauchi 0,1 %, Borno 0,1 %, Gombe 0,1 %, Nassarawa 0,1 %, Osun 0,1%, Oyo 0,1 %, Plateau 0,1%, Yobe 0,1 %
Taux d’alphabétisation chez les adultes 65,4 % (2001)2
Dépenses nationales en matière d’éducation 0,6 % (1994–2000)
(% du PIB)
Espérance de vie (années) 51,8 (2001)
Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources 395,57 millions de $ US (2001)
connexes
Recettes des unités constituantes – impôts et sources 620,33 millions de $ US (2001)
connexes
Transferts fédéraux aux unités constituantes 7,2 milliards de $ US (2001)
Mécanismes de péréquation Chaque état reçoit une part du Compte de la fédération (Federation Account) selon une formule tenant compte, notamment, de la population, de la densité de population, de la capacité interne de produire des recettes et de la masse terrestre.

Sources

Akindele, S.T et Olaopa, «Fiscal Federalism and Local Government Finance in Nigeria», United Nations Online Network in Public Administration and Finance (UNPAN), 2002, sur Internet: http://unpan1.un.org/intradoc/groups/public/ documents/CAFRAD/UNPAN008121.pdf

Alm, James et Jameson Boex, «An Overview of Intergovernmental Fiscal Relations and Subnational Public Finance in Nigeria», document de travail 02–1, Université de l’état de Géorgie, janvier 2002, sur Internet: http://isp-aysps.gsu.edu/papers/ ispwp0201.pdf

Banque mondiale, «Quick Reference Tables: Data and Statistics», sur Internet: http:// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html

Banque centrale du Nigeria, «Structure of External Debt», sur Internet: http:// www.cenbank.org/paymentsystems/externa_debt.htm

Constitution of the Federal Republic of Nigeria, 1999, sur Internet: http://www.nigerialaw.org/ConstitutionOfTheFederalRepublicOfNigeria.htm#ConcurrentLegislativeList

Economist,The, «Country Briefings: Nigeria», sur Internet:

http://www.economist.com/countries/Nigeria/ profile.cfm?folder=Profile%2DPolitical%20Structure

États-Unis d’Amérique (Gouvernement des), département d’État, «Country Reports on Economic Policy and Trade Practices: Nigeria», mars 2001, sur Internet: http:// www.state.gov/documents/organization/1601.pdf

Fonds monétaire international (FMI), «IMF Country Report: Nigeria», janvier 2003, sur Internet: http://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2003/cr0303.pdf

Nigeria Business Info, «Nigeria: Performance of the Economy 1999–2001», sur Internet: http://www.nigeriabusinessinfo.com/performance-indicators.htm

Nigeria (Gouvernement du), «Members of House of Representatives», sur Internet: http://www.nigeria.gov.ng/government/houseofreps.htm

Nigeria, Congrès, «The Nigerian Congress», sur Internet: http:// www.nigeriacongress.org/SENATE.HTM

Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Human Development Indicators 2003. Nigeria, sur Internet: http://www.undp.org/hdr2003/indicator/ cty_f_NGA.html

Notes

1 Des sources officieuses évaluent le taux de chômage à 50% (1999).

2 15 ans et plus