Afrique du Sud (République d’Afrique du Sud)

JANIS VAN DER WESTHUIZEN

1 histoire et évolution du fédéralisme

L’Afrique du Sud est située à l’extrémité méridionale du continent africain et domine la région sud de l’Afrique. Elle a comme voisins immédiats la Namibie, le Botswana, le Zimbabwe et le Mozambique, et elle encercle complètement le Swaziland et le Lesotho. Sa superficie est de 1 219 090 kilomètres carrés, et sa population est d’environ 43 millions d’habitants. Dans les années 90, on comptait environ 75,2 pour cent de Noirs, 13,6 pour cent de Blancs, 8,6 pour cent de Métis et 2,6 pour cent d’Indiens. Le fédéralisme a été plutôt contesté en Afrique du Sud, et cette situation perdure compte tenu de la profonde division politique qui marque historiquement le pays.

En vertu de la Loi sud-africaine (South Africa Act) ratifiée en 1909 par le Parlement britannique, quatre territoires britanniques fusionnèrent : les États du Cap et du Natal (jadis sous autorité britannique), et les républiques boers du Transvaal et de l’État libre d’Orange. En mai 1910, l’Afrique du Sud devint un dominion autonome à l’intérieur du Commonwealth. En réalité, l’Union sud-africaine est née d’un compromis historique; pour les Afrikaners, elle signifiait une indépendance accrue en affaiblissant l’influence impériale britannique, alors que pour les Britanniques, au contraire, l’Union consolidait leur influence. À l’origine, l’Union de 1910 rejetait clairement toute aspiration fédéraliste. À l’époque, l’Union, symbole de la réconciliation entre les intérêts afrikaners et britanniques, occulta les relations interraciales entre Blancs et Noirs.

Dans les faits, la création de l’Union favorisa une attaque soutenue contre les droits politiques des Sud-Africains noirs et métis. Même si l’Union commençait à rapprocher les intérêts afrikaners et britanniques, elle échoua dans sa tentative d’unir l’Afrique du Sud, étant donné l’exclusion de la majorité noire de la vie politique. Cette situation allait d’ailleurs modeler l’histoire de l’Afrique du Sud jusque dans les années 90.

Avec l’avènement de l’apartheid dans les années 50, le pouvoir fut de plus en plus centralisé, les quatre provinces du Transvaal, de l’État libre d’Orange, du Natal et du Cap étant devenues des unités administratives pour Blancs seulement. Les «bantoustans» (patries ethniques) devinrent des annexes constitutionnelles comprenant les quatre «états indépendants» du Bophuthatswana, du Venda, du Ciskei et du Transkei, ainsi que six «territoires autonomes». Ces entités se trouvaient au cœur du «grand apartheid», car c’est au sein de ces territoires divisés en fonction des diverses tribus que les Sud-Africains noirs étaient censés exercer leurs droits civils et leur droit de vote. En réalité, cela voulait dire que les Noirs détenaient le statut de «travailleurs invités» (gastarbeiter) en Afrique du Sud «blanche», à peine plus que le statut de «visiteurs». Parallèlement au «grand apartheid», on retrouvait l’«apartheid mesquin», un vaste réseau de contrôle d’État où le moindre aspect de la vie quotidienne entre les Sud-Africains de diverses races était frappé de ségrégation : le transport, les zones résidentielles, les universités, les entrées des magasins, les services publics, même le sexe et le mariage.

Toutefois, le coût véritable de la restructuration sociale orchestrée par les autorités, conjugué à l’incapacité du régime d’offrir aux Sud-Africains noirs des conditions de développement «séparées mais égales», mena finalement à l’effondrement de l’apartheid. Devant l’urbanisation qui continuait sans répit, le principe de «grand apartheid» tourna à la fiction. À mesure que la pauvreté et le chômage frappaient les Sud-Africains noirs frustrés dans leurs aspirations, les protestations sociales, au cours des années 60, 70 et 80, provoquaient une condamnation internationale, l’isolement et, enfin, le déclin de la croissance économique. Devant le cercle vicieux de la réprobation internationale, du chômage et de l’agitation sociale,

F.W. de Klerk, dernier président de l’apartheid, leva l’interdit sur le Congrès national africain (African National Congress, ANC) et les autres formations politiques populaires. Ce fut le début d’un processus menant à la libération de prison de Nelson Mandela, à des négociations débouchant sur une constitution intérimaire et un accord entre les partis sur une constitution quasi fédérale, et à des élections démocratiques devant déterminer un gouvernement de coalition sous la Constitution intérimaire.

Ensuite, le Parlement démocratiquement élu joua le rôle d’assemblée constitutionnelle pour rédiger la nouvelle Constitution, adoptée en 1996.

Étant donné que l’apartheid se réclamait en partie d’une logique fédérale, plusieurs parmi ceux qui avaient perdu leurs droits au cours de la transition politique en Afrique du Sud au début des années 90 continuèrent d’afficher un profond scepticisme envers le fédéralisme, sinon un rejet total. Les membres de l’ANC, en particulier, considérèrent le projet d’un gouvernement régional fort comme une sorte de néoapartheid surtout parce que son instigateur, le Parti national (National Party, NP), se montra le plus ardent champion du fédéralisme dès le début de la transition. L’ANC et ses alliés craignaient qu’un régime fédéral, en déléguant les pouvoirs aux provinces, n’affaiblît et ne morcelât fortement l’autorité, réduisant ainsi considérablement la capacité du gouvernement central de mettre en œuvre et de solidifier les procédés de reconstruction et de développement à l’ère post-apartheid.

Diverses formations appuyèrent le fédéralisme. Outre le Parti national et le Parti démocratique (Democratic Party, DP) d’obédience libéraledémocratique, le Parti de la liberté Inkatha (Inkatha Freedom Party, IFP), qui se veut souvent le seul gardien des intérêts politiques zoulous, revendiqua une large autonomie pour le Kwazulu-Natal à forte majorité ethnique zouloue, réclamant même le droit à l’autodétermination. Parallèlement, un petit groupe radical d’Afrikaners d’extrême droite revendiqua la création d’un Volkstaat, c’est-à-dire une «patrie» exclusive aux Afrikaners (qui sont des Blancs). Dans les faits, malgré d’importantes différences idéologiques entre ces groupes, leur désir commun d’autonomie déboucha sur une coalition typique et informelle, quoique étrange, lors des négociations pour promouvoir le caractère fédéral de la Constitution sud-africaine. Qui plus est, le Parti national représentant la majorité blanche (et un nombre croissant de Métis) vit le fédéralisme accompagné d’une Déclaration des droits, comme un frein important aux excès du pouvoir par un nouveau gouvernement majoritaire.

À la suite d’une forte contestation menaçant de reléguer au second plan le processus de négociations, une proposition contenue dans un «rapport confidentiel aux partis politiques», commandé par le Consultative Business Movement, mit fin à l’impasse en mars 1993. La proposition recommandait «34 principes constitutionnels» à suivre par l’Assemblée constitutionnelle démocratiquement élue lors de la rédaction de la Constitution définitive. Selon le plus important de ces règlements, chaque ordre de gouvernement (national et provincial) devait détenir des compétences exclusives et concurrentes (principe XIX). De plus, soulignant le principe de subsidiarité, les décisions devaient être prises au niveau le plus responsable qui soit (principe XX).

La plupart des analystes estiment que la Constitution sud-africaine est essentiellement fédérale, inspirée du modèle allemand de fédéralisme intégré à un cadre construit autour des länder. D’après ce modèle, une intégration assez poussée entre les gouvernements central et provinciaux se manifeste au Bundesrat (Assemblée législative d’Allemagne). En d’autres termes, même si les régions participent pleinement à l’élaboration de la politique provinciale, c’est le gouvernement central qui a le dernier mot.

2 dispositions constitutionnelles relatives au fédéralisme

La République d’Afrique du Sud est une démocratie parlementaire dont le président est à la fois chef du gouvernement et chef de l’État. Le régime mixte présidentiel-parlementaire et la Constitution du pays sont entrés en vigueur le 11 octobre 1996. La Constitution de 1996 marque une rupture définitive avec le principe de souveraineté parlementaire hérité des Britanniques, voulant que le Parlement soit soumis aux limites que lui impose la Constitution.

On a qualifié la Constitution sud-africaine – et particulièrement la Déclaration des droits – d’une des plus progressistes au monde. On y retrouve (chapitre 9) des dispositions spéciales pour nombre de commissions et de fonctions, dont notamment: le vérificateur général (article 188); le protecteur public (article 182); la Commission des droits de la personne (article 184); la Commission sur l’égalité des sexes (article 187); la Commission indépendante électorale (article 190); la Commission pour la promotion et la protection des droits des communautés culturelles, religieuses et linguistiques (article 185); et, enfin, l’Administration indépendante de la radiodiffusion (article 192).

Selon la Constitution, l’Afrique du Sud est une entité fédérale composée de neuf unités constituantes: Kwazulu-Natal, Gauteng, État libre, Cap occidental, Cap oriental, Limpopo, Nord-Ouest, Cap-Nord et Mpumalanga (article 103). Contrairement à la plupart des fédérations regroupant des sociétés fortement divisées, les frontières provinciales ne correspondent pas aux frontières raciales ou tribales, à cause de la nécessité politique d’éviter de reprendre les formules passées.

La Constitution reconnaît trois «sphères» de gouvernement – le troisième chapitre de la Constitution rejette le terme «niveau» de gouvernement. La reconnaissance formelle d’une administration locale en tant que sphère constitutionnelle distincte diffère de la pratique en usage dans plusieurs fédérations où les administrations locales tom-bent sous la juridiction des unités constituantes.

La Constitution de 1996 est censée favoriser un type de fédéralisme coopératif plutôt que concurrentiel. Dès lors, les gouvernements provinciaux doivent se conformer à l’esprit et à la lettre des règles de gouvernement coopératif, telles qu’explicitées au chapitre 3 de la Constitution. Il n’existe pas de séparation stricte de tâches et fonctions entre les diverses «sphères» de gouvernement, comme le préconise clairement le Conseil national des provinces (National Council of Provinces, NCOP) par sa politique de convergence des intérêts des gouvernements national, provinciaux et locaux. Pourtant, le principe de gouvernement coopératif ne sape pas l’autonomie provinciale; les provinces du Cap occidental et du Kwazulu-Natal, par exemple, ont exercé leur droit de se doter d’une constitution provinciale (article 104), alors que seule celle du Cap occidental avait obtenu l’aval préalable de la Cour constitutionnelle (article 144). Il faut toutefois savoir que le partage des compétences privilégie le gouvernement central, qui définit les normes nationales et peut même annuler les normes provinciales si celles-ci menacent l’unité nationale ou les normes nationales. Il existe une courte liste de compétences «exclusives» aux provinces (par exemple, les abattoirs, la planification provinciale, le réseau routier, les sports, la culture, et les affaires vétérinaires). Pour ce qui est des domaines plus importants, les compétences sont concurrentes; ainsi l’une ou l’autre «sphère» peut légiférer, même si la loi nationale prévaut en cas de questions ne relevant pas de la compétence des provinces ou requérant l’unanimité pour entrer en vigueur.

L’Afrique du Sud possède un Parlement bicaméral formé de l’Assemblée nationale et du Conseil national des provinces, qui ont tous deux leur siège au Cap (article 42 (6)). L’Assemblée nationale est formée de 400 représentants élus selon la représentation proportionnelle à scrutin de liste (chapitre 4, articles 60 à 72). À titre de Chambre basse démocratiquement élue, l’Assemblée nationale doit garantir «le gouvernement par le peuple en vertu de la Constitution». Même si cela est inhabituel, les instances législative et administrative sont situées dans des villes différentes, mais il est fort probable que le Parlement soit déplacé dans la capitale administrative, Pretoria, afin de réduire les frais inhérents à l’existence de deux capitales.

La Chambre haute, connue sous le nom de Sénat durant la Constitution intérimaire, s’appelle, depuis 1996, le Conseil national des provinces. Ses 90 membres représentent les intérêts spécifiques aux neuf provinces et assurent que le gouvernement central ne nuit pas à ces intérêts (article 42 (4)).

Au chapitre des aménagements fiscaux, les provinces jouissent d’un pouvoir limité en matière de capacité fiscale et de capacité d’emprunt (article 230). Les règles de base sont stipulées dans la Constitution et dans l’Acte sur les relations fiscales intergouvernementales (Intergovernmental Fiscal Relations Act) introduit dans le budget de 1997. La fiscalité fédérale centralise fortement la répartition, tenant compte de divers facteurs tels que les besoins du gouvernement national, l’efficacité des gouvernements provinciaux, ainsi que la nécessité de compenser les inégalités de revenus à «l’intérieur des provinces et entre elles» (article 214 (2) (g)). La Commission des finances et de la fiscalité (Finance and Fiscal Commission) a été créée pour émettre des recommandations relatives à la répartition du budget (article 220). L’article 227 prévoit pour chaque province une part équitable du revenu national. Les recettes supplémentaires perçues par les provinces ou les municipalités ne sont pas déduites de leur part du revenu national ou de toute autre allocation extérieure au revenu national (article 227 (2)).

La Constitution comporte des directives précises quant à la résolution des différends constitutionnels (chapitre 8). En plus du principe de gouvernement coopératif, toutes les sphères de gouvernement doivent tenter «tout effort raisonnable pour résoudre quelque conflit que ce soit par le biais de négociations gouvernementales» (article 4 (3)) et épuiser tous les moyens de résolution avant d’en référer au tribunal. Les tribunaux peuvent même renvoyer les conflits devant les instances gouvernementales intéressées, s’ils jugent insuffisants les efforts déployés en ce sens (article 41 (4)). Si un tribunal judiciaire s’avère impuissant à résoudre le problème, la législation nationale prévaut sur la législation provinciale ou sur la constitution provinciale dans le cas d’un conflit portant sur l’interprétation de la loi (articles 146 (3) et 148). Néanmoins, en tant que tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle, la Cour constitutionnelle a le dernier mot dans les questions interpellant les gouvernements central, provinciaux et locaux (article 167). Elle est formée d’un président, d’un président adjoint et de neuf juges (article 167 (1)); au moins huit juges doivent entendre les causes. La Cour constitutionnelle juge les différends entre les organismes d’État ou relatifs à la constitutionnalité d’un projet de loi provincial ou parlementaire ou d’une modification constitutionnelle (article 167 (4)). N’importe quel citoyen peut déférer directement ces questions à la Cour constitutionnelle, pourvu que ce soit «dans l’intérêt de la justice et avec l’autorisation de la Cour constitutionnelle» (article 167 (6)).

Pour apporter des modifications constitutionnelles, il faut suivre des procédures spéciales très strictes. On peut classer ces modifications en cinq catégories, selon le degré de gravité en cause. Sans entrer dans les détails, il suffit de souligner que les pouvoirs propres à la Constitution elle-même doivent faire l’objet d’un projet de loi voté par au moins 75 pour cent de l’Assemblée, et appuyé par au moins six provinces du Conseil national des provinces. La Déclaration des droits (modification de deuxième catégorie) ne peut être modifiée que par un minimum des deux tiers de l’Assemblée et l’appui d’au moins six provinces du Conseil national des provinces (article 74 (2)). Les autres modifications relatives a) aux questions concernant le Conseil national des provinces, b) aux institutions, fonctions ou frontières provinciales, c) aux dispositions touchant spécifiquement un domaine provincial, exigent également au moins les deux tiers des voix de l’Assemblée et l’appui d’au moins six des provinces du Conseil.

La reconnaissance du rôle constitutionnel des chefs traditionnels et du droit à l’autodétermination (article 235) constitue une caractéristique remarquable de la Constitution sud-africaine. Celle-ci reconnaît que l’autorité traditionnelle précède l’avènement de la colonisation de l’Afrique du Sud par les Européens. On a créé un Conseil des chefs traditionnels (Council of Traditional Leaders, article 212) pour réduire les fortes tensions qui se produisent entre, d’une part, le caractère traditionaliste et patriarcal du droit indigène africain, et, d’autre part, la philosophie moderne, démocratique et égalitaire de la Constitution. Tel que stipulé dans la Constitution (article 212 (2) (a)), ce sont les chambres provinciales des chefs traditionnels qui nomment les membres, lesquels sont rééligibles. À la sphère provinciale, donc, on a également créé les chambres des chefs traditionnels (Houses of Traditional Leaders). Il est cependant évident que le droit coutumier et les chefs traditionnels ne jouent qu’un rôle symbolique et consultatif, alors que le leadership traditionnel demeure assujetti au chapitre 12 de la Constitution.

En ce qui a trait au très controversé et délicat droit à l’autodétermination (en grande partie en réaction contre les Afrikaners d’extrême droite et certains groupes du Parti de la liberté Inkatha), la Constitution n’exclut pas «la reconnaissance du droit à l’autodétermination de toute communauté partageant un héritage culturel et linguistique commun, à l’intérieur d’un territoire de la République ou de toute autre manière approuvée par la législation» (article 235).

3 dynamique politique récente

Depuis 2001, quatre thèmes d’importance diverse pour l’évolution constitutionnelle dominent le débat politique sud-africain. Ces thèmes sont: les conséquences du jugement Grootboom rendu par la Cour constitutionnelle; la légitimité de la législation sur le changement de parti politique (floor-crossing); la saga de la politique gouvernementale relative au VIH/sida; enfin, la politisation du programme complet des équipements de défense. Ces quatre thèmes ont eu des répercussions diverses sur les relations fédérales en Afrique du Sud.

Le 29 mai 2001, la Cour constitutionnelle a confirmé une décision de la Haute Cour du Cap voulant que la Déclaration des droits de l’Afrique du Sud oblige l’État à reconnaître les droits des citoyens de deuxième génération (ou droits socio-économiques). La maison de Mme Irene Grootboom, habitant une communauté très pauvre, de type bidonville, au Cap occidental, a été détruite en raison d’un ordre d’éviction pour domicile illégal. La Cour a jugé que l’État devait agir pour améliorer le sort des gens vivant dans des conditions misérables dans tout le pays et, dans la mesure du possible, faciliter aux citoyens l’accès au logement. Ce jugement a eu pour effet d’obliger l’État, dans le cadre de certains paramètres, à élargir les droits socio-économiques. Cela créera une situation difficile pour un gouvernement central déjà aux prises avec des difficultés financières.

Quatre mesures législatives – la Constitution of the Republic of South Africa Amendment Act (2002), la Constitution of the Republic of South Africa Second Amendment Act (2002), la Local Government Municipal Structures Amendment Act (2002) et la Loss of Retention of Membership Structures Amendment Act (2002) – ont été instituées pour légaliser la démarche d’un grand nombre de membres de l’assemblée législative qui changent d’allégeance politique (floor-crossing).

La question du changement d’affiliation politique est importante car elle a provoqué un renversement du pouvoir politique. Ces changements d’affiliation survinrent après qu’une fusion entre les partis d’opposition, le Parti démocratique et l’ancien Parti national devenu le Nouveau Parti national (New National Party, NNP) pour former l’Alliance démocratique (Democratic Alliance, DA), se fut révélée insoutenable. Le Nouveau Parti national avait alors choisi de conclure une alliance avec l’ANC, poussant l’un des plus petits partis d’opposition, le Mouvement démocratique uni (United Democratic Movement, UDM), à contester devant la Cour constitutionnelle la législation sur les changements d’allégeance. La Cour conclut que les changements n’étaient pas anticonstitutionnels au niveau des administrations locales, mais que les mesures législatives prises au plan national n’étaient pas valables. On redressa la situation en janvier 2003 en accordant aux représentants 15 jours de grâce (avril 2003) pour changer de parti politique.

De cette manière, l’ANC passa de 266 à 275 sièges à l’Assemblée nationale, soit 68,8 pour cent du total des sièges, disposant désormais d’une majorité de plus des deux tiers. Cela signifiait également que l’Alliance démocratique devenait la nouvelle opposition officielle, augmentant ses sièges de 38 à 46. Inversement, le nombre de sièges détenus par le Nouveau Parti national chuta de 28 à 20. Sur le plan municipal, les changements d’allégeance en octobre 2002 firent en sorte que l’ANC récoltât 122 des 555 transfuges des autres partis (417 étant des conseillers de l’Alliance démocratique), alors que 340 des transfuges de l’Alliance démocratique se joignirent au Nouveau Parti national. Dans tout ce chambardement, il est ironique de constater que le parti au pouvoir pendant l’apartheid, le Parti national (devenu le Nouveau Parti national pour bien marquer le changement depuis cette époque) a formé une alliance avec l’ANC, le parti représentant l’opposition sous l’apartheid, selon un pacte de coopération, en réalité une sorte d’accord de co-gouvernement.

Une politique macroéconomique solide a permis au pays de ne pas dépasser le taux de 3,6 pour cent d’inflation fixé par la Banque de réserve sud-africaine (Reserve Bank) en 2002 et 2003 et a conduit à une appréciation de la devise, fin 2003. Cependant, malgré un certain succès économique, la réticence du président Mbeki à condamner ouvertement et sans équivoque le comportement du président Mugabe face à l’agitation économique et politique au Zimbabwe voisin, ainsi que son refus d’admettre le rapport de cause à effet entre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et le sida, dans un pays où le taux d’infection est l’un des plus élevés au monde, contribuent à miner son mandat. Pour amener le gouvernement à mieux définir sa position sur le VIH/sida, la Cour constitutionnelle a statué en 2002 que le gouvernement devait fournir des médicaments antirétroviraux à l’échelle nationale, ainsi que des services de tests et de conseils aux femmes dans les hôpitaux publics, et non pas seulement dans les 18 établissements pilotes déterminés au préalable. Ce jugement, en plus d’être largement applaudi par les opposants à la politique gouvernementale sur le VIH/sida, a montré jusqu’à quel point s’étendait l’autorité de la nouvelle Cour constitutionnelle pour décider d’un nombre croissant de sujets d’intérêt politique.

La décision du gouvernement d’engager 43,8 milliards de rands à l’armement fut autant, sinon plus, controversée. Compte tenu des énormes besoins en développement de l’Afrique du Sud, dont au premier chef le problème du sida, plusieurs condamnèrent cette décision. Depuis 1999, les contrats d’armement sont devenus une des sagas politiques les plus gênantes et ont éprouvé la cohésion interne de l’ANC, son intégrité et sa conception idéologique. Au cours des trois dernières années, le programme de l’armement a déclenché des allégations de corruption massive parmi les ministres les plus influents et les dirigeants du parti, et les nombreuses commissions d’enquête créées pour étudier la validité et les fondements des contrats d’armement ont avorté. Les partis d’opposition ont même affirmé que l’ANC au pouvoir avait muselé l’opposition parlementaire aux contrats d’armement. Pour ajouter à l’imbroglio, on accusa, en septembre 2003, le procureur de la République, Bulelani Ngcuka, d’être un espion à la solde des financiers de l’apartheid. On poursuit actuellement pour corruption des gens d’affaires affiliés au parti. Cette controverse a divisé la classe politique et a mis en lumière les faiblesses du gouvernement, et les tensions au sein de celui-ci. En effet, étant donné les constantes difficultés de gérer les multiples tensions internes et les factions au sein de l’alliance de l’ANC, particulièrement au chapitre des relations de travail, ainsi que l’absence d’une opposition forte, il se pourrait que l’ANC cède au favoritisme et à la corruption afin de maintenir une certaine cohésion interne, contrecarrant ainsi l’émergence d’une force sociale d’opposition rivale.

4 sources de renseignements supplémentaires

Ellman, Stephen et Penelope Andrews, The Post-Apartheid Constitutions: Perspectives on South Africa’s Basic Law, Witwatersrand University Press et Ohio University Press, 2001.

Ericsson, Nick, «Politics», South Africa Survey 2001/2, Johannesbourg, Institut sud-africain des relations raciales (South African Institute of Race Relations), 2003.

Hadenius, Axel, Decentralization and Democratic Governance: Experiences from India, Bolivia and South Africa, Almqvist and Wiksell International, 2003.

Laurence, Patrick, «Governance», South Africa Survey 2000/1, Johannesbourg, Institut sud-africain des relations raciales (South African Institute of Race Relations), 2002.

Lodge, Tom, Consolidating Democracy : South Africa’s Second Popular Election, Johannesbourg, University of Witwatersrand Press, 1999. Lodge, Tom, Politics in South Africa: From Mandela to Mbeki, Indiana, Indiana University Press, 2003. Sparks, Alistair, Beyond the Miracle, Californie, University of California

Press, 2003. http ://www.law.wits.ac.za, Faculté de droit de l’Université de Wits http://www.uni-wuerzburg.de/law/st_indx.html, Faculté de droit de

l’Université de Würzburg http ://www.communitylawcentre.org/za/, Centre de droit communautaire, Université du Western Cape http ://www.federalism.ch/institute/, Institut du Fédéralisme, Université de Fribourg http ://www.loc.gov./law/guide/southafrica.html, ressources sur la Constitution et les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire http://www.constitutionallaw.co.za, périodique sur le droit constitutionnel

http ://www.law.wits.ac.za/sajhr/sajhr.html, périodique sur les droits de la personne (South African Journal on Human Rights)

http://www1.worldbank.org/wbiep/decentralization/library1/ bahl.htm, article sur la décentralisation fiscale

http ://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/conjonctures/ 088120.pdf, article sur le rôle politique de l’Afrique du Sud dans le continent africain

http ://www.politiqueinternationale.com/PI_PSO/fram_revpde_ar_ 0799.htm, article sur le développement politique depuis la fin de l’apartheid

Tableau I Indicateurs politiques et géographiques

Capitale Pretoria N.B. Le Cap est la capitale législative et Bloemfontein, la capitale judiciaire.
Nombre et type d’unités constituantes 9 provinces : Cap-Nord, Cap occidental, Cap oriental, État libre, Gauteng, Kwazulu-Natal, Limpopo (ancienne Province du Nord), Mpumalanga, Nord-Ouest
Langue(s) officielle(s) Afrikaans, anglais, ndebele, sepedi, sotho, swazi, tsonga, tswana, venda, xhosa, zoulou
Superficie 1 219 090 km2
Superficie plus grande unité constituante Cap-Nord 361 830 km2
Superficie plus petite unité constituante Gauteng 17 010 km2
Population totale 43 580 000 (2002)
Population de chaque unité constituante (% de la population totale) Kwazulu-Natal 21 %, Gauteng 19,7 %, Cap oriental 14,3 %, Limpopo 11,8 %, Cap occidental 10,1 %, Nord-Ouest 8,2 %, Mpumalanga 7 %, État libre 6 %, Cap-Nord 1,8 %
Régime politique fédéral République, régime parlementaire
Chef d’État fédéral Président : Thabo Mvuyelwa Mbeki (1999), Congrès national africain (African National Congress, ANC). Élu par l’Assemblée nationale (National Assembly) pour un mandat d’une durée de 5 ans.
Chef de gouvernement fédéral Président : Thabo Mvuyelwa Mbeki. Le président nomme les membres du Cabinet.

Structure de gouvernement fédéral

Bicaméral Parlement:

Chambre haute Conseil national des provinces (National Council of Provinces, NCOP), 90 sièges. Il comprend 54 membres permanents et 36 délégués spéciaux. Les membres sont élus pour un mandat d’une durée de 5 ans.

Chambre basse Assemblée nationale (National Assembly), actuellement 400 sièges. Les membres sont élus selon la représentation proportionnelle à scrutin de liste pour un mandat d’une durée de 5 ans (200 membres à partir de listes provinciales, et 200, d’après la liste nationale).

N.B. Au niveau fédéral, il existe aussi un Conseil des chefs traditionnels (Council of Traditional Leaders) dont les membres sont nommés par les chambres provinciales des chefs traditionnels (Houses of Traditional Leaders).

Tableau I (suite)

Nombre de représentants à la N.B. Compte tenu des élections au scrutin proportion-
Chambre basse du gouverne nel et du scrutin de liste, la provenance des représen
ment fédéral pour l’unité tants des provinces est beaucoup moins importante.
constituante la plus peuplée

Nombre de représentants à la Voir catégorie précédente. Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée

Répartition des représentants Chacune des 9 provinces compte 10 sièges.
à la Chambre haute du gouver
nement fédéral
Partage des compétences La Constitution attribue les compétences aux gouver
nements national, provinciaux et locaux selon le prin
cipe de gouvernance coopérative entre ces trois ordres
de gouvernement. Le gouvernement fédéral est
responsable de la sécurité nationale, de l’unité éco
nomique et des normes nationales essentielles. Les
gouvernements fédéral et provinciaux sont concurrem
ment responsables de 33 domaines, dont la planifica
tion et le développement régional, le droit autochtone
et le droit coutumier, l’enseignement scolaire, la santé,
l’aide sociale et le logement. En pratique, le gouverne
ment fédéral décide des politiques, et les gouverne
ments provinciaux les appliquent. En cas de conflit, la
loi fédérale prévaut. Il existe une courte liste de compé
tences exclusives aux provinces, comprenant les abat
toirs, le réseau routier, les sports, la culture et les
affaires vétérinaires.
Compétences résiduelles Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle) Régime politique – unités constituantes Les compétences résiduelles relèvent du gouvernement fédéral. Cour constitutionnelle, constituée de 11 juges : 9 hommes et 2 femmes. Les juges exercent un mandat non renouvelable d’une durée de 12 ans, et doivent prendre leur retraite à l’âge de 70 ans. Monocaméral – Assemblée législative, formée de 30 à 80 membres élus au scrutin proportionnel. Le nombre de membres est déterminé selon une formule inscrite dans la législation nationale. N.B. Il existe aussi des chambres de chefs traditionnels (Houses of Traditional Leadears). Les chefs traditionnels jouent un rôle symbolique et consultatif.

Chef de gouvernement – Premier ministre, élu par l’assemblée législative unités constituantes provinciale

Tableau II Indicateurs économiques et sociaux

PIB 441,6 milliards de $ US à PPA (est. 2002)
PIB par habitant 10 132 $ US à PPA (est. 2002 )
Dette nationale extérieure 24,1 milliards de $ US (2001)
Dette infranationale s.o.
Taux de chômage national 29,95 % (est. 2002 )
Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé Limpopo – 36,7 % (2002)
Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible Cap occidental –18,6 % (2002)
Taux d’alphabétisation chez les adultes 85,6 % (2001)1
Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB) 5,5 % (1998–2000)
Espérance de vie (années) 50,9 (2001)
Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes 30,7 milliards de $ US (2000–2001)
Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes 8,4 milliards de $ US (2000–2001)2
Transferts fédéraux aux unités constituantes 16,2 milliards de $ US (2000–2001)
Mécanismes de péréquation Les transferts fédéraux dépendent de la recommandation de la Commission des finances et de la fiscalité (Finance and Fiscal Commission).

Sources

Afrique du Sud, Cour constitutionnelle, sur Internet: http://www.concourt.gov.za/

Afrique du Sud (Gouvernement de l’), «About South Africa: Constitution of the

Republic of South Africa», 1996, sur Internet: http://www.gov.za/constitution/1996/ 96cons.htm

Afrique du Sud (Gouvernement de l’), «About South Africa: Government System», sur Internet: http://www.gov.za/yearbook/2002/landpeople.htm

Afrique du Sud (Gouvernement de l’), «About South Africa: The land and its people», sur Internet: http://www.gov.za/yearbook/2002/landpeople.htm

Afrique du Sud (Parlement de l’), «National Council of Provinces» et «National Assembly», sur Internet: http://www.parliament.gov.za

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Notes

1 15 ans et plus

2 Ce chiffre couvre les recettes des gouvernements provinciaux et des administrations locales. Les administrations locales disposent de plus de compétences en matière d’imposition que les gouvernements provinciaux.