Saint-Kitts-et-Nevis (Fédération de Saint-Kitts-et-Nevis )

ANN L. GRIFFITHS

1 histoire et évolution du fédéralisme

Les îles de Saint-Kitts (168 kilomètres carrés) et de Nevis (93 kilomètres carrés) se situent dans l’archipel des Petites Antilles des Caraïbes orientales. Elles sont séparées par un détroit d’un peu plus de trois kilomètres.

Les premiers habitants de ces îles furent les Ciboneys d’Amérique centrale, qui y posèrent le pied il y a 2 000 ans environ. Vinrent en-suite, tour à tour, les Arawaks et les Caribes qui, originaires d’Amérique du Sud, voulaient migrer vers le nord. Christophe Colomb fut le premier Européen à rapporter la présence de ces îles, en novembre 1493. Il les nomma San Cristóbal (Saint-Christophe) d’après son saint patron, et Santa Maria de las Nieves (Nevis), car les montagnes de l’île lui rappelaient les pics enneigés d’Europe. Malgré leur revendication, les Espagnols ne s’établirent jamais sur ces îles et, en 1623, Saint-Christophe devint le premier territoire britannique des Antilles. Nevis fut colonisée par les Britanniques en 1628. Les colons français arrivèrent dans les îles dans les années 1620. Les deux nouvelles colonies firent front commun contre les Caribes, qui furent soit tués, soit chassés de l’île.

Jusqu’à la signature du traité d’Utrecht de 1713, alors que la France renonçait définitivement à ses visées sur Saint-Christophe, des combats opposaient sporadiquement les colons français aux colons britanniques. Une fois les Français hors de l’île, la colonie devint officiellement Saint-Christopher ou Saint-Kitts (abréviation de Saint-Christopher). En 1783, le traité de Versailles fit passer les îles sous contrôle britannique complet.

Conscients de l’importance de la coopération et de l’unité régionale, les Britanniques ont toujours favorisé une gouvernance conjointe de leurs colonies insulaires, d’où un passé marqué par des ententes de nature fédérale ou coopérative dans les Caraïbes orientales. Dès 1671, Saint-Kitts-et-Nevis, Antigua et Montserrat furent regroupées de manière à former le gouvernement des îles Sous-le-Vent des Caraïbes qui perdura jusqu’en 1806, lorsque les îles Sous-le-Vent des Caraïbes fu-rent divisées en deux entités politiques. Dans une tentative de créer une fédération, on regroupa les îles Sous-le-Vent (englobant Antigua, Montserrat et Saint-Kitts-Nevis-Anguilla) en une seule unité administrative en 1871, puis Saint-Kitts, Nevis et Anguilla, devenues une seule entité, se greffèrent à la fédération des îles Sous-le-Vent en 1882. En vertu de ces dispositions, les colonies partageaient un gouverneur et une Cour suprême (en commun avec les îles du Vent), tout en se dotant d’organes législatifs séparés. Cette structure fut maintenue jusqu’en 1956, date à laquelle Saint-Kitts-Nevis-Anguilla devint une colonie distincte.

La Grande-Bretagne continua de favoriser le regroupement de ses colonies des Antilles en une fédération élargie. En janvier 1958, après plus de dix ans de pourparlers, la Fédération des Indes occidentales vit le jour: elle comptait dix colonies britanniques comprenant, chacune, plusieurs îles dans les Caraïbes. Ces dix colonies étaient la Barbade, la Jamaïque, les îles Sous-le-Vent (Antigua, Montserrat, Saint-KittsNevis-Anguilla), Trinité-et-Tobago, et les îles du Vent (la Dominique, Grenade, Sainte-Lucie, Saint-Vincent). (Les îles Caïmans, Turques et Caïques se joignirent à la Fédération un peu plus tard.) La Fédération était administrée par un gouverneur général qui entra en fonction le 3 janvier 1958. En mars 1958, des élections fédérales eurent lieu et fu-rent remportées par le Parti travailliste fédéral des Caraïbes, qui forma le gouvernement, provisoirement installé à Port of Spain, à la Trinité.

Très tôt, la Fédération se trouva en situation de conflit: elle semblait même incapable de s’entendre sur le choix permanent de la capitale. En 1960, des comités intergouvernementaux furent établis pour débattre des problèmes liés à l’établissement d’une union douanière, d’une autorité fiscale fédérale, et d’une base de représentation politique au sein du gouvernement fédéral. Mais la Jamaïque éprouvait une insatisfaction croissante face à son adhésion à la Fédération – particulièrement aux propositions d’union douanière et de renforcement de l’autorité du gouvernement fédéral en matière de perception d’impôts. À titre de plus grande unité de la Fédération, la Jamaïque craignait de perdre le contrôle de son propre développement au profit du gouvernement fédéral.

En mai et en juin 1961, une conférence eut lieu à Londres en vue d’exposer les modalités de la Constitution fédérale qui suivrait l’autonomie offerte par la Grande-Bretagne. La Jamaïque n’accepta ces modalités qu’une fois ses préoccupations considérées. Suite à la signature de l’accord, le gouvernement britannique accepta de conférer son indépendance à la Fédération des Indes occidentales le 31 mai 1962. Mais en septembre 1961, par voie de référendum, la Jamaïque vota contre l’adhésion permanente à la Fédération et, vers la fin de 1961, l’île prit des mesures pour se retirer. La décision de la Jamaïque rendit inapplicables les accords constitutionnels de Londres. À l’évidence, les accords allaient devoir être renégociés. Toute nouvelle disposition exigerait la participation de Trinité-et-Tobago – la plus grande colonie encore impliquée – ce qui, vers la fin de 1961, n’était pas évident. La Fédération des Indes occidentales fut dissoute le 31 mai 1962, date à laquelle la Grande-Bretagne avait prévu de lui donner son indépendance. Huit membres de la Fédération – dont les îles du Vent, les îles Sous-le-Vent et la Barbade – débattirent, de façon intermittente jusqu’en 1966, de la formation éventuelle d’une autre fédération, mais ne parvinrent pas à un accord en ce sens.

En février 1967, première étape vers l’indépendance, Saint-KittsNevis-Anguilla devint un État en libre association avec la Grande-Bretagne. Mais en raison de son ressentiment à l’égard de la domination de Saint-Kitts, Anguilla se dissocia de l’accord au début des années 70. Saint-Kitts-et-Nevis poursuivit son cheminement vers l’indépendance sans Anguilla. En décembre 1982, une conférence constitutionnelle fut organisée à Londres en vue de régler les dernières modalités. Le 19 septembre 1983, Saint-Kitts-et-Nevis obtint son indépendance. Kennedy Simmonds, du Mouvement d’action populaire (People’s Action Movement, PAM), devint le premier ministre initial de l’État indépendant de Saint-Kitts-et-Nevis.

2 dispositions constitutionnelles relatives au fédéralisme

L’héritage colonial britannique est très évident dans le régime de gouvernement de type britannique adopté par Saint-Kitts-et-Nevis. Cette fédération est une démocratie parlementaire au sein du Commonwealth britannique, et dans les îles, c’est un gouverneur général qui représente Sa Majesté la reine Élisabeth II, chef de l’État. La Constitution est entrée en vigueur le 23 juin 1983. On examine ci-après les clauses constitutionnelles qui influencent les paramètres du fédéralisme.

La Constitution établit une entité fédérale qui regroupe deux unités constituantes : l’île de Saint-Kitts et l’île de Nevis. Le régime fédéral mis en place par la Constitution est de nature asymétrique, puisque seule Nevis est dotée de son propre gouvernement (Assemblée de Nevis, ou Nevis Island Assembly), qui se trouve à Charlestown (article 102) et qui est dirigé par le gouvernement de Nevis sous la houlette du premier ministre. Saint-Kitts ne dispose pas d’un gouvernement représentant exclusivement les intérêts de l’île, alors que Nevis participe aux décisions relatives aux affaires nationales – et aux affaires de Saint-Kitts – par l’intermédiaire de ses représentants au Parlement. Mais l’inverse ne vaut pas pour Saint-Kitts, qui n’a aucun droit de regard sur les affaires qui concernent uniquement Nevis.

Le partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les unités constituantes (dans le cas présent, seule Nevis jouit de pouvoirs à titre d’unité constituante) penche en faveur de Nevis. L’article 106 (1) précise les domaines relevant de l’autorité exclusive du gouvernement de Nevis. Ce dernier a compétence sur les domaines suivants au sein du territoire de l’île de Nevis: les aéroports et ports de mer, l’éducation, l’extraction et la transformation des minerais, les pêches, la santé et le bien-être, le travail, les terres et bâtiments affectés aux activités gouvernementales et l’octroi des permis d’importation et d’exportation (article 106 (1) (a-h)). Ce pouvoir est partiellement limité par l’article 106 (2) (b) qui stipule que l’Assemblée de Nevis ne peut engager aucune mesure liée à des problèmes d’intérêt national sans l’intervention du premier ministre, ou qui «ne s’accorde pas avec la politique générale du gouvernement, telle que définie par le premier ministre dans une communication écrite à l’intention du premier ministre de l’autre île».

Dans le cas de Nevis, les seules compétences décrites dans la Constitution comme relevant de l’autorité exclusive du gouvernement fédéral ont trait aux affaires étrangères et à la défense (article 37 (4)). Le gouvernement fédéral peut toutefois édicter des lois touchant d’autres domaines concernant Nevis, pourvu que l’Assemblée de Nevis ait demandé ces dispositions ou y ait consenti (article 37 (3)).

Établi à Basseterre à Saint-Kitts, le Parlement fédéral, de type monocaméral, se compose d’une Assemblée nationale. L’article 26 (1) (a), conformément à l’article 50 qui établit une commission des limites de circonscription (Constituency Boundaries Commission), fixe les règles déterminant le nombre de représentants élus au Parlement. L’Assemblée comprend 11 représentants élus, dont huit pour Saint-Kitts et trois pour Nevis. La Constitution ne précise pas le mode d’élection de ces représentants mais, conformément aux traditions héritées, le pays adopte le système uninominal majoritaire à un tour, plutôt que la représentation proportionnelle.

Malgré le caractère monocaméral du Parlement, la Constitution prévoit l’existence de sénateurs à Saint-Kitts-et-Nevis. L’article 26 (2) stipule «qu’il doit y avoir trois ou tout autre nombre n’excédant pas les deux tiers des représentants [des sénateurs], conformément aux règlements du Parlement». Nommés en vertu des dispositions de l’article 26 (1) (b), et conformément à l’article 30, les sénateurs siègent à l’Assemblée nationale. Contrairement à un certain nombre d’autres fédérations traditionnelles, la représentation au Sénat ne se fonde pas sur la représentation géographique ou régionale (même si cela se produit parfois). Le gouverneur général nomme un tiers des sénateurs, sur avis du chef de l’opposition, les autres étant nommés par le gouverneur général sur avis du premier ministre (article 30 (1) (a-b)).

La Constitution ne définit pas explicitement les accords financiers fédéraux, comme les méthodes dont disposent le gouvernement central et l’Assemblée de Nevis pour percevoir des recettes. Dans le cas de l’Assemblée de Nevis, la Constitution (article 108 (1)) ne fait que préciser que «toutes les recettes [...] perçues par le gouvernement [...] seront versées dans un fonds, ou formeront un fonds, le Nevis Island Consolidated Fund». L’article 108 (2) stipule que les clauses relatives aux finances, telles qu’elles s’appliquent au gouvernement national, s’appliquent également à l’Assemblée de Nevis.

Le chapitre VI, «Finances», définit la procédure liée aux dépenses des fonds publics, ainsi que les clauses de vérification des comptes publics. L’article 110 (1) stipule que les produits de toutes les recettes prélevées à Saint-Kitts-et-Nevis, en vertu de toute loi en vigueur, doivent être réparties entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de Nevis, en fonction du nombre d’habitants. La part affectée à l’Assemblée de Nevis fait toutefois l’objet de déductions (article 110 (2)) telles que le coût des services communs et les frais de la dette publique, déterminées par le gouverneur général (article 110 (3)), sur avis du premier ministre, qui peut aussi demander conseil au premier ministre de Nevis (article 110 (4)).

À l’instar de la plupart des fédérations, la Constitution de Saint-Kittset-Nevis s’accompagne de procédures relatives à la résolution de différends constitutionnels. L’article 97 stipule que les tribunaux d’instance inférieure peuvent porter devant la Haute Cour toute question concernant l’interprétation de la Constitution, et indique que les appels peuvent être interjetés auprès de la Cour d’appel ou devant Sa Majesté en conseil. L’article 112 stipule toutefois que la Haute Cour, à l’exclusion de tout autre tribunal, détient «la compétence en première instance dans tout différend opposant l’administration au gouvernement».

Plusieurs mesures doivent être prises avant que la Constitution puisse être modifiée. Tout projet de loi visant à modifier les clauses de la Constitution doit obtenir, au minimum, l’appui des deux tiers de tous les représentants de l’Assemblée nationale (article 38 (2)). Un délai de 90 jours est prévu entre les première et deuxième lectures du projet de loi (article 38 (3) (a)). Enfin, avant qu’un projet de loi visant à modifier la Constitution puisse être signé par le gouverneur général, il doit être approuvé au préalable par voie référendaire, par deux tiers, au moins, de tous les suffrages exprimés dans l’île de Saint-Kitts et par deux tiers de tous les suffrages exprimés dans l’île de Nevis (article 38 (3) (b)).

La Constitution de Saint-Kitts-et-Nevis englobe plusieurs clauses intéressantes, notamment l’article 6 sur la protection contre l’esclavage ou les travaux forcés, ainsi que le long article 8 sur la protection contre la confiscation de la propriété. En matière de fédéralisme pourtant, une clause spéciale mérite que l’on s’y attarde, soit celle qui se penche sur la séparation de Nevis. De fait, c’est l’inclusion de l’article 113 qui a poussé les membres du Parti travailliste à se retirer des discussions constitutionnelles et à refuser de signer le document final. L’article 113 (1)) stipule que «l’assemblée législative de Nevis peut décider que l’île cessera d’être fédérée avec l’île de Saint-Christophe et que, par conséquent, la présente Constitution ne fera plus autorité dans l’île de Nevis». En fait, cette clause n’est autre qu’une disposition octroyant le droit de sécession unilatérale.

Conformément à l’article 113, un projet de loi visant le retrait de Nevis de la Fédération doit être adopté, au minimum, par les deux tiers des membres élus de l’Assemblée de Nevis (article 113(2)). Après son adoption, un projet de loi doit être approuvé, par voie de référendum sur l’avenir de Nevis, par les deux tiers de tous les suffrages exprimés (article 113 (2) (b)). «Une proposition complète et détaillée pour la nouvelle Constitution de Nevis» doit être présentée à l’Assemblée de Nevis six mois au moins avant le référendum, et être accessible au public au moins 90 jours avant le référendum (article 113 (2) (c)).

3 dynamique politique récente

Lors des élections générales de mars 2000, le Parti travailliste de Saint-Kitts-et-Nevis (St. Kitts and Nevis Labour Party) a été réélu, et le premier ministre Denzil Douglas s’est vu confier un deuxième mandat consécutif. Le Parti travailliste a accru sa représentation au Parlement en remportant la totalité des huit sièges de Saint-Kitts. À Nevis, le Mouvement des citoyens (Concerned Citizens Movement) a conservé les deux sièges qu’il détenait depuis 1995, et le Parti réformiste de Nevis (Nevis Reformation Party) a gardé son siège unique.

La sécession du pays constitue sans doute la question politique la plus préoccupante de Nevis. La menace de séparation de Nevis est bien réelle, et elle divise depuis longtemps ses habitants. De fait, les appels à la souveraineté de Nevis commencèrent dès 1882, au moment où l’île fut forcée d’adhérer à la fédération des îles Sous-le-Vent, et ils n’ont pas cessé depuis. Si Nevis obtient son indépendance, elle deviendra le plus petit État de l’hémisphère occidental, puisqu’elle ne compte que 10 000 habitants.

Tel que mentionné à la deuxième section du présent texte, l’inclusion de la disposition constitutionnelle décrivant les règles devant régir la sécession de Nevis (article 113) a soulevé la controverse, particulièrement chez les membres et les partisans du Parti travailliste. La Constitution a été négociée par un gouvernement de coalition comprenant le Mouvement d’action populaire et le Mouvement des citoyens qui avait remplacé le Parti travailliste, longtemps au pouvoir, dans les élections de 1980. Le gouvernement fédéral et la Constitution ont raisonnablement bien fonctionné à l’époque où le gouvernement de coalition était au pouvoir – le Mouvement d’action populaire était représenté à Saint-Kitts, et le Mouvement des citoyens était établi à Nevis. Quand le Parti travailliste de Saint-Kitts-et-Nevis arracha des sièges au Mouvement d’action populaire à Saint-Kitts à la faveur d’élections serrées en 19931, les choses se gâtèrent; et lorsque le Parti travailliste prit le pouvoir après les élections de 1995, la situation se détériora encore davantage.

Le système de partis politiques en vigueur à Saint-Kitts-et-Nevis reflète et détermine en partie les divergences entre les deux îles. Le Parti travailliste a traditionnellement été le plus fort à Saint-Kitts et, tel que susmentionné, les huit membres du Parlement provenant de Saint-Kitts appartiennent à ce parti. À Nevis cependant, le Mouvement des citoyens (2 sièges) et le Parti réformiste de Nevis (1 siège) détiennent les sièges. Cela signifie que Nevis n’est pas représentée au sein du

1 Les élections fédérales peu concluantes de novembre 1993 ont provoqué

une grave instabilité dans le pays, et l’état d’urgence a été décrété pendant

plusieurs semaines après que des émeutes aient eu lieu. Le problème tenait

au fait que le Mouvement d’action populaire et le Parti travailliste avaient

obtenu quatre sièges chacun à Saint-Kitts. Les deux partis demandèrent au

Mouvement des citoyens de former un gouvernement de coalition, mais ce

lui-ci refusa, évoquant son insatisfaction vis-à-vis du régime politique. Le

gouverneur général demanda au Mouvement d’action populaire au pou

voir de former le gouvernement après s’être associé au Parti réformiste de

Nevis qui détenait l’un des trois sièges de Nevis. L’entente ne pouvait

durer, et des élections ont eu lieu en juin 1995. Lors de ce scrutin, le

Parti travailliste a remporté sept des huit sièges de Saint-Kitts et a formé

le gouvernement.

gouvernement fédéral. Le problème vient de ce que le Mouvement des citoyens et le Parti réformiste de Nevis ne présentent pas de candidats à Saint-Kitts et que le Mouvement d’action populaire n’en a jamais présenté à Nevis. Le Parti travailliste est ainsi le seul à présenter des candidats dans tout le pays, mais aucun d’eux n’a été élu à Nevis depuis les années 70.

Les tensions qui s’exercent sur le système fédéral de partis politiques sont d’autant plus fortes que les deux partis politiques de Nevis aspirent à réformer le régime politique. Fondé en 1970, le Parti réformiste de Nevis demande à Nevis depuis le tout début de quitter la Fédération, alors que le Mouvement des citoyens, créé en 1987, réclame des réformes constitutionnelles et l’autonomie accrue de Nevis. Le Mouvement des citoyens est présentement au pouvoir à Nevis et détient quatre des cinq sièges à l’Assemblée de Nevis. Le régime politique de Nevis se nourrit des différends (réels ou perçus2) avec Saint-Kitts, et aucun parti politique ne peut y connaître de succès sans faire un clin d’œil à l’idée de sécession de l’île.

Il semble malheureusement régner une incompréhension fondamentale quant à ce qui est à l’origine de la poussée sécessionniste. Le gouvernement fédéral croit apparemment que cette propension à la séparation résulte d’un manque de communication, et qu’elle peut être résorbée en améliorant les moyens de communication et en procédant à des réformes pragmatiques de la Constitution, y compris des institutions, des budgets et du mode de gouvernance. À Nevis cependant, la poussée sécessionniste s’articule autour des concepts d’identité et de fierté, des valeurs qui, à la différence des notions d’institution et de responsabilité, se prêtent mal à la négociation et au compromis.

Deux événements fort importants en relation avec la sécession sont survenus récemment. Le premier événement a culminé en un référendum sur la sécession en 1998. Le tout a débuté le 23 octobre 1997 quand tous les membres de l’Assemblée de Nevis (gouvernement et opposition) ont voté en faveur d’une loi réclamant la séparation de Saint-Kitts. Toutes les règles décrites à l’article 113 de la Constitution

2 Consulter le Mouvement des citoyens, «Nevis: Queen of the Caribees. The

Way Forward for the Island of Nevis», gouvernement de Nevis, septembre

1996, sur Internet: http://nevisisland.users.btopenworld.com/nevis.htm.

La section «Conflict with the Federal Government» cite le manque d’aide

financière, plusieurs décisions judiciaires et des objections aux lois présen

tées au Parlement fédéral qui furent considérées comme inconstitutionnel

les et dommageables à l’économie de Nevis.

ont été suivies, et, le 10 août 1998, un référendum s’est tenu à Nevis sur la question de la sécession. Bien qu’une majorité des voix se soit déclarée favorable à la sécession (61,7 pour cent), ce chiffre restait inférieur aux deux tiers requis pour qu’elle soit entérinée. (On notera toutefois que seulement 58 pour cent des électeurs inscrits de Nevis ont voté lors de ce référendum.)

Depuis le référendum de 1998, le Parti travailliste au pouvoir a montré sa volonté d’établir de nouvelles ententes pour inciter Nevis à demeurer au sein de la Fédération. Le premier ministre Douglas et le premier ministre de Nevis, Vance Amory, tiennent maintenant des rencontres régulières pour trouver des moyens d’améliorer les relations entre le gouvernement de Nevis et le gouvernement national. De la même façon, le gouvernement fédéral a formé plusieurs comités et commissions afin d’étudier et, si possible, de résoudre la question de la sécession. Le plus récent de ces organismes, le comité parlementaire spécial sur la réforme de la Constitution, avait pour mandat d’examiner la possibilité d’engager des réformes constitutionnelles et d’organiser des consultations publiques. De mars à mai 2003, le comité a tenu des audiences où les partis politiques, les organisations non gouvernementales, les propriétaires d’entreprises et les citoyens ont présenté des exposés. Son rapport a été soumis à l’attention du Parlement en mai 2003.

Les comités fédéraux et les rapports s’accompagnaient d’études effectuées pour l’Assemblée de Nevis sur l’accession à l’indépendance. Le Mouvement des citoyens a produit en 1996 un document définissant la vision d’un Nevis indépendant et indiquant que l’Assemblée de Nevis avait retenu les services d’un expert en matière constitutionnelle pour préparer un projet de constitution. À la fin des années 90, un document volumineux présentait un cadre institutionnel détaillé (y compris la structure et la composition du gouvernement, et les règles de citoyenneté) pour un Nevis souverain.

Le deuxième chapitre d’importance de la saga sécessionniste s’est amorcé le 14 février 2003, quand le premier ministre Douglas a reçu une lettre du premier ministre Amory. Cette lettre a bien vite donné lieu à une réunion conjointe historique entre le gouvernement fédéral et l’Assemblée de Nevis. Tenue le 18 février 2003, cette rencontre a attiré tous les parlementaires fédéraux et tous les représentants de l’Assemblée de Nevis. Les deux partis politiques de Nevis, soit le Mouvement des citoyens (le parti au pouvoir) et le Parti réformiste de Nevis (le parti d’opposition), ont émis un communiqué faisant état de l’intention de l’Assemblée de Nevis de ne pas participer, à l’avenir, aux élections fédérales, et de réaliser rapidement l’«autonomie» complète de Nevis3. On s’est entendu pour embaucher deux experts constitutionnels indépendants qui devaient fournir des avis sur la marche à suivre.

En mai 2003, le premier ministre Amory a annoncé la tenue d’un autre référendum sur la sécession. Le 23 juin 2003, une résolution réclamant l’autorisation de procéder en conformité avec l’article 113 de la Constitution pour réaliser l’indépendance de Nevis a été votée à l’unanimité par l’Assemblée de Nevis. En contrepartie, une motion s’opposant à la séparation de Nevis a été déposée en septembre à l’Assemblée nationale. La résolution reconnaissait que Nevis avait le droit constitutionnel de se séparer mais déclarait que de nouveaux liens constitutionnels fondés sur les recommandations de l’une des commissions constitutionnelles récentes constitueraient une solution préférable. Le premier ministre Douglas a proposé une table ronde pour la fin janvier 2004 afin d’examiner la question de la sécession. Néanmoins, un référendum sur la sécession aura probablement lieu au printemps de 2004.

La Fédération de Saint-Kitts-et-Nevis constitue l’exemple éloquent d’une tendance généralisée et paradoxale. Au moment même où Ne-vis menace de se séparer et de créer une entité politique encore plus petite, la Fédération coopère de plus en plus avec les autres îles de la région. Saint-Kitts-et-Nevis est membre de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), de l’Association des États des Caraïbes (AEC) et de l’Organisation des États des Caraïbes orientales (OECO). (À titre d’illustration de la taille des entités en cause, la population totale des pays de l’OECO réunis est de moins d’un million d’habitants4.) La coopération accrue entre les États des Caraïbes orientales témoigne d’une volonté de mettre en commun des ressources financières réduites, de coordonner et de rationaliser certains services publics, d’éviter une concurrence dommageable au plan économique et de faciliter le commerce et les déplacements entre les îles.

Saint-Kitts-et-Nevis est aux prises avec des difficultés économiques propres à tous les petits États insulaires des Caraïbes. L’économie s’est toujours fondée sur l’industrie de la canne à sucre, mais la petite taille

3 Il règne une certaine confusion sur la portée du mot «autonomie» –

par exemple, s’agit-il de deux États souverains, d’une union confédérale,

ou est-il question d’une représentation accrue au sein de la Fédération

actuelle?

4 Les membres de l’OECO sont Anguilla, Antigua-et-Barbuda, les îles Vierges

britanniques, la Dominique, Grenade, Montserrat, Saint-Kitts-et-Nevis,

Sainte-Lucie et Saint-Vincent-et-les-Grenadines.

du pays empêche la culture à grande échelle et donc une concurrence efficace avec les pays d’Amérique latine et d’Amérique centrale. En outre, le coût de la main-d’œuvre est trop élevé, les îles trop éloignées des grands marchés principaux, et le marché intérieur trop modeste.

Les ravages de plusieurs ouragans dévastateurs, jumelés à la baisse du tourisme suite aux attentats du 11 septembre 2001 et à la guerre menée par les États-Unis en Irak, constituent des obstacles importants à une croissance économique soutenue. En outre, le fléau du VIH/sida qui affecte l’ensemble du pays a engendré, et continuera d’engendrer, des coûts économiques extraordinaires. De fait, la région des Caraïbes orientales affiche un très haut taux de transmission du VIH/sida, la région se classant au deuxième rang mondial, après l’Afrique subsaharienne.

Le gouvernement a tenté de remédier aux difficultés économiques du pays en mettant l’accent sur le secteur des services, notamment les finances, le tourisme et les technologies de l’information. Nevis, en particulier, a tenté de se positionner comme un centre financier international. Bien que la nouvelle orientation de l’économie ait connu un certain succès, le produit intérieur brut (PIB) de Saint-Kitts-et-Nevis a diminué ces dernières années. Même si Saint-Kitts-et-Nevis se situe au 51e rang, selon le rapport de l’ONU sur le développement de 2003, ce qui place le pays en tête des États de l’OECO, il s’agit d’un recul par rapport à 2002, an-née où elle occupait le 44e rang. Par ailleurs, comme c’est le cas dans d’autres régions, l’économie du pays aura des répercussions importantes sur l’avenir de Saint-Kitts-et-Nevis en tant que fédération.

4 sources de renseignements supplémentaires

Constitutional Task Force, «Constitutional Reform for St. Kitts and Ne-vis: Some Issues for Consideration», Basseterre, Saint-Kitts-et-Nevis, 1999.

Inniss, Sir Probyn, Whither Bound St. Kitts-Nevis, Antigua Printing & Publishing Ltd.

Mouvement des citoyens (Concerned Citizens Movement), «Nevis: Queen of the Caribees. The Way Forward for the Island of Nevis», gouvernement de Nevis, septembre 1996, sur Internet: http:// nevisisland.users.btopenworld.com/nevis.htm.

Premdas, Ralph R., «Self-Determination and Decentralisation in the Caribbean: Tobago and Nevis», Université des Indes occidentales, St. Augustine, Trinité-et-Tobago, juillet 2000, sur Internet: http:// www.uwichill.edu.bb/bnccde/sk&n/conference/papers/RRPremdas.html

http ://www.stkittsnevis.net, gouvernement fédéral

http://www.georgetown.edu/pdba/Constitutions/Kitts/kitts.html, Constitution de Saint-Kitts-et-Nevis de 1983

http ://www.sknlabourparty.org/main, Parti travailliste de Saint-Kittset-Nevis

http ://go.to/nevisisland, renseignements sur le mouvement indépendantiste et l’île de Nevis

http ://www.dfait-maeci.gc.ca/latinamerica/saintkittsnevis-fr.asp, renseignements provenant du ministère des Affaires étrangères du Canada

Tableau I Indicateurs politiques et géographiques

Capitale Basseterre
Nombre et type d’unités constituantes 2 îles : Nevis et Saint-Kitts (Saint-Christophe)
Langue(s) officielle(s) Anglais, créole
Superficie 261 km2
Superficie – plus grande unité constituante Saint-Kitts – 168 km2
Superficie – plus petite unité constituante Nevis – 93 km2
Population totale 46 000 (2002)
Population de chaque unité constituante (% de la population totale) Saint-Kitts 75,8%, Nevis 24,2 % (est. 2001)
Régime politique – fédéral Monarchie constitutionnelle, régime parlementaire
Chef d’État – fédéral Reine: Élisabeth II, représentée par le gouverneur général : Sir Cuthbert Montraville Sebastian (1996)
Chef de gouvernement – fédéral Premier ministre : Denzil Llewellyn Douglas (depuis le 6 juillet 1995), Parti travailliste de Saint-Kitts-et-Nevis (St. Kitts and Nevis Labour Party). Le chef du parti majoritaire ou chef d’une coalition majoritaire est nommé au poste de premier ministre par le gouverneur général qui, sur recommandation du premier ministre, nomme également les membres du Cabinet.
Structure de gouvernement – fédéral Monocaméral – Assemblée nationale (National Assembly), 14 sièges. 3 membres (appelés sénateurs) sont nommés par le gouverneur général, 1 sur recommandation du chef de l’opposition et 2 sur recommandation du premier ministre. Les 11 autres membres (appelés représentants) sont élus au suffrage populaire dans des circonscriptions uninominales. Les membres exercent un mandat d’une durée de 5 ans. Les
dernières élections ont eu lieu le 6 mars 2000.
(Les prochaines élections auront lieu d’ici juillet 2005.)
Nombre de représentants au Saint-Kitts – 8
sein du gouvernement fédéral
pour l’unité constituante la
plus peuplée
Nombre de représentants au Nevis – 3
sein du gouvernement fédéral
pour l’unité constituante la
moins peuplée

Tableau I (suite)

Partage des compétences Le gouvernement fédéral est responsable des questions nationales, notamment les affaires étrangères, la défense, et la planification et le développement nationaux. Nevis possède des compétences exclusives de légiférer (lois s’appliquant dans l’île) dans 23 domaines, dont l’agriculture, le tourisme, la planification et le développement économiques, le logement et le réseau routier. En cas de conflit entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de Nevis, l’interprétation du gouvernement fédéral prévaut.
Compétences résiduelles s.o.
Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle) Haute Cour (High Court)
Régime politique – unités constituantes Nevis possède une assemblée législative monocamérale (Assemblée de Nevis, ou Nevis Island Assembly), formée de 5 membres élus au suffrage populaire. N.B. Saint-Kitts ne possède pas sa propre assemblée législative.
Chef de gouvernement – unités constituantes Premier ministre : Vance Amory. Membre élu de l’assemblée législative et chef du parti majoritaire. Élu pour un mandat d’une durée maximale de 5 ans.

Tableau II Indicateurs économiques et sociaux

PIB 499 millions de $ US à PPA (2002)
PIB par habitant 10 847,8 $ US à PPA (2002)
Dette nationale extérieure 224,9 millions de $ US (2002)
Dette infranationale 46,6 millions de $ US (gouvernement de Nevis, 2001)
Taux de chômage national 4,5 % (1997)
Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé s.o.
Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible s.o.
Taux d’alphabétisation chez les adultes 97,8 % (2001)1
Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB) 2,9 % (1998–2000)
Espérance de vie (années) 70 (2001)
Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes s.o.
Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes s.o.
Transferts fédéraux aux unités constituantes s.o.
Mécanismes de péréquation Les recettes fiscales fédérales sont partagées entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de Nevis en fonction des populations respectives des deux îles, moins le coût des services partagés ou communs fournis à chaque île par le gouvernement fédéral.

Sources

Australie (Gouvernement de l’), ministère des Affaires étrangères et du Commerce, «Country Information: St. Kitts and Nevis», sur Internet: http://www.dfat.gov.au/ geo/stkitts_nevis/index.html

Banque de développement des Caraïbes, «Social and Economic Indicators: Borrowing Member Countries», vol. XIII, 2002, sur Internet: http://www.caribank.org/

Banque mondiale, «Quick Reference Tables: Data and Statistics», sur Internet: http:// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html

Communauté des Caraïbes (CARICOM), Bureau du Secrétariat, «Statistical Review: St. Kitts and Nevis», 2002, sur Internet: http://www.caricomstats.org/statsreview.htm

Constitution of St. Kitts and Nevis, 1983, Université Georgetown, sur Internet: http:// www.georgetown.edu/pdba/Constitutions/Kitts/stkitts-nevis.html

Organisation des États des Caraïbes occidentales (OECS), «Island Information: St. Kitts and Nevis», sur Internet: http://www.oecs.org

Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Human Development Indicators 2003. Saint Kitts and Nevis, sur Internet: http://www.undp.org/hdr2003/ indicator/cty_f_KNA.html

Saint-Kitts-et-Nevis (Gouvernement de), «St. Kitts and Nevis: 2003 Budget», sur Internet: http://www.stkittsnevis.net/budget.html

Saint-Kitts-et-Nevis (Gouvernement de), «General Information», sur Internet: http:// www.stkittsnevis.net/information.html