Suisse (Confédération suisse )

THOMAS STAUFFER, NICOLE TÖPPERWIEN ET URS THALMANN-TORRES

1 histoire et évolution du fédéralisme

Pays du centre de l’Europe, la Suisse compte environ 7,2 millions d’habitants. Elle a pour voisins l’Allemagne, l’Autriche, le Liechtenstein, l’Italie et la France. Fédérée depuis 1848, ses institutions fédérales l’habilitent politiquement à tenir compte de la diversité. Au cours de son histoire, ses 26 cantons et quelque 3 000 communes ont développé des traditions et des cultures propres, de sorte que le pays affiche toujours une grande diversité culturelle, cantonale et communale. La Suisse en tant que pays n’a pas tenté d’homogénéiser sa population, et elle ne s’est pas non plus divisée selon la langue, la religion ou la culture, bien que certains cantons l’aient fait.

L’histoire de la Suisse débuta officiellement en 1291. Cette annéelà, trois cantons (que l’on désignait alors du nom d’Orte) conclurent un traité et formèrent une union de défense commune jumelée à un régime d’arbitrage des conflits entre cantons. L’union visait à empêcher la domination de l’extérieur et à garantir l’équilibre des pouvoirs entre les cantons membres. D’autres cantons s’y joignirent par de nouveaux traités, si bien qu’une fédération fondée sur un ensemble de traités se développa. La confédération devait faciliter la collaboration nécessaire pour défendre l’indépendance de la Suisse, tout en sauvegardant la souveraineté des cantons.

À la fin du XVIIIe siècle, la modernisation des pays voisins conjuguée aux idées de la Révolution française déclenchèrent en Suisse des revendications de centralisation et de modernisation. En 1798, des militaires français menés par Napoléon envahirent le pays et y créèrent un État centralisé modelé sur l’exemple français. Les cantons furent transformés en unités égales mais purement administratives. Centralisée, toutefois, la Suisse se révéla vite un État ingouvernable; Napoléon remit en place le système cantonal et introduisit un régime fédéral.

Après la défaite de Napoléon, la Suisse choisit à nouveau un mode de confédération peu structuré. Le congrès de Vienne (1815) reconnut ses frontières et sa neutralité. Alors que de nombreux cantons protestants adoptèrent des gouvernements progressistes républicains, dans d’autres cantons, à prédominance catholique, les vieilles familles influentes rétablirent des structures de pouvoir conservatrices. Les cantons progressistes exercèrent des pressions pour démocratiser et centraliser l’union. Pour limiter les pressions des cantons progressistes (surtout protestants), les cantons conservateurs (surtout catholiques) formèrent une union secrète (Sonderbund) qui violait le traité de confédération. Quand l’union fut dévoilée et que les cantons catholiques refusèrent de la dissoudre, les cantons protestants eurent recours à la force. L’année 1847 est inscrite dans l’histoire de la Suisse comme celle d’une guerre civile qui s’acheva avec la défaite des cantons catholiques.

En 1848, le peuple et les cantons de la Suisse adoptèrent une constitution fédérale, compromis pragmatique entre vainqueurs et vaincus de la guerre civile. Centralisatrice dans une certaine mesure, la Constitution garantissait aussi le respect de la diversité cantonale par son agencement des institutions et les limites qu’elle imposait aux compétences du gouvernement central. Le pragmatisme de la Constitution se retrouve dans le nom officiel de la Suisse: on en conserva la version la-tine «Confoederatio Helvetica» (CH) pour ne pas ouvrir de débat sur le sujet. Pour cette raison, et bien que fédération, la Suisse est souvent appelée «confédération».

Avec la Constitution de 1848, la Suisse franchit un pas important vers la modernité. Elle devint un pays fédéral fondé sur le partage du pouvoir et l’autonomie garantis par la Constitution. La modernisation ne visait pas à homogénéiser la population mais plutôt à créer une nation suisse en conservant la diversité qui y existait déjà. En conjuguant partage du pouvoir et autonomie, le pays a pu maintenir sa diversité dans l’unité.

Même si, au fil des ans, les institutions et l’organisation politique continuèrent à se développer, et malgré deux refontes complètes de la Constitution (en 1874 et en 1999), le dessein est demeuré, pour l’ensemble, le même. La Constitution fédérale a jeté les bases de la cohabitation pacifique entre différents groupes culturels, linguistiques et religieux.

2 dispositions constitutionnelles relatives au fédéralisme

La Suisse est une fédération de 26 cantons (article 1). Suite de la scission historique de trois cantons avant la fondation de la fédération en 1848, six sont dits «demi-cantons». Ceux-ci jouissent presque du même statut que les vingt autres (article 3) mais n’ont qu’une demireprésentation dans les mécanismes formels de partage du pouvoir. Ils n’ont donc qu’un représentant, non deux, au Conseil des États (article 150) et qu’une demi-voix cantonale quand il faut la majorité des cantons pour un référendum fédéral (article 142).

Selon la Constitution fédérale suisse de 1999, de même que dans les constitutions antérieures, les cantons sont «souverains» dans la mesure où leur souveraineté n’est pas limitée par la Constitution (article 3): ceci signifie qu’ils jouissent d’autonomie gouvernementale sur leur territoire. Le gouvernement central est tenu de respecter cette souveraineté qui, toutefois, n’est pas absolue: la Constitution lui impose des limites de diverses façons, par exemple en garantissant les droits fondamentaux de toute personne vivant en Suisse (articles 7 à 36) et en prévoyant un mécanisme de révision constitutionnelle par le Tribunal fédéral suisse, qui surveille le respect des droits fondamentaux par les autorités cantonales. Les limites à la souveraineté des cantons surgissent encore plus clairement des compétences législatives et exécutives de la Confédération1.

La répartition des compétences entre la Confédération et les cantons est organisée selon le régime des pouvoirs fédéraux énumérés. Les compétences fédérales doivent être citées dans la Constitution fédérale. Aucun problème n’échappe à la compétence à la fois de la Confédération et des cantons. Tout nouveau problème qui ne serait pas cité relèverait automatiquement du pouvoir des cantons (article 3). En théorie, donc, il ne peut jamais y avoir de vide dans la répartition des compétences. Il convient aussi de s’arrêter au pouvoir de répartir les compétences. Comme la révision de la Constitution est d’ordre fédéral (articles 192 à 195) et que la répartition des compétences dépend de la Constitution seule, il s’ensuit que la révision des pouvoirs est de compétence fédérale, balisée toutefois par le droit des cantons de partager le pouvoir. Ce pouvoir est toutefois limité par le rôle des cantons dans le processus fédéral de prise de décisions.

1 Dans cet article, le vocable «Confédération» se rapporte, la plupart du temps, au gouvernement central ou fédéral.

Depuis la révision de 1999, la Constitution stipule expressément que la Confédération ne prendra à sa charge que les tâches exigeant une réglementation uniforme (article 42 (2)). Cette règle assujettit la Confédération au principe de la subsidiarité dans la répartition des compétences entre les cantons et le gouvernement central. En ce sens, la Confédération n’a juridiction que là où il faut une réglementation uniforme. Bien que la révision de la Constitution ait créé de nouvelles compétences fédérales, il reste un grand nombre de matières de juridiction cantonale. En voici quelques exemples très importants pour l’autonomie gouvernementale cantonale:

Le principe de subsidiarité joue aussi dans l’application de la loi. La Confédération n’exécute pas elle-même une grande partie des lois qu’elle adopte dans le cadre de ses compétences fédérales. Il incombe aux cantons de mettre en œuvre la majeure partie de la législation fédérale, ce qui leur donne une grande marge de manœuvre et leur permet de tenir compte de certaines caractéristiques cantonales. Conformément au principe de subsidiarité, la Confédération est tenue de laisser autant que possible l’exécution de sa législation aux cantons, et de s’en tenir à la seule réglementation des questions exigeant une certaine uniformité.

Plusieurs institutions et pratiques donnent aux cantons une influence importante dans la prise de décisions au niveau fédéral. En premier lieu, les législateurs fédéraux sont tenus d’informer les cantons de leurs intentions sans tarder et, dans la plupart des cas, la loi reconnaît à ces derniers le droit d’être consultés. Ainsi, les cantons exercent de l’influence sur le processus avant même la présentation d’une proposition au Parlement fédéral (articles 45 à 55). Ce mécanisme est important car, à cette étape-ci, les cantons peuvent encore exercer une influence considérable sur la formulation d’une loi; par la suite, ils ne peuvent plus que l’accepter ou la refuser.

En second lieu, le Parlement fédéral – l’Assemblée fédérale – est divisé en deux chambres : le Conseil national, qui représente le peuple, et le Conseil des États, qui représente les cantons. Au Conseil des États, les cantons ont tous le même nombre de voix. Les deux chambres possèdent exactement les mêmes pouvoirs, et aucune loi fédérale ne peut être promulguée sans l’accord des deux (articles 148, 156 et 163). L’influence des cantons au Conseil des États est cependant limitée car il ne leur est pas permis de lier leurs représentants par des consignes juridiquement contraignantes (article 161). Par le biais du système électoral, les cantons disposent d’une influence indirecte, mais non moins importante, sur les membres du Conseil national. La seule influence externe s’exerçant sur les membres du Parlement se manifeste par leur besoin de se faire réélire. Pour l’élection des membres du Conseil national, chaque canton forme une circonscription électorale (article 149), et les sections cantonales des partis choisissent les candidats. En Suisse, c’est au niveau cantonal que les partis politiques sont le plus puissants: les membres des deux chambres tentent donc d’adapter leurs actions politiques aux intérêts de la section cantonale de leur parti. Cette situation crée un contrepoids important aux forces centralisatrices dans le pays.

En troisième lieu, les lois et les modifications constitutionnelles peuvent toujours être soumises au référendum populaire (articles 140 à 142). Il faut distinguer deux types de référendums. Pour les lois ordinaires – une loi fédérale, par exemple – le référendum est facultatif et n’aura lieu que si 50 000 citoyens ou huit cantons le réclament. Une proposition est approuvée si la majorité des électeurs à l’échelle du pays y consent. Pour les décisions plus importantes – comme la révision de la Constitution ou l’adhésion aux organismes internationaux de sécurité collective ou jouissant de pouvoirs supranationaux – le référendum est obligatoire et il n’est pas nécessaire de recueillir de signatures. Dans ce cas, il faut une double majorité englobant l’approbation d’une majorité de cantons et d’une majorité d’électeurs. C’est dire que la majorité des électeurs sur l’ensemble du territoire de la Suisse doit l’avaliser, de même que la majorité des électeurs dans plus de la moitié des cantons. Étant donné la disparité démographique importante entre les grands et les petits cantons, une proposition pour réviser la Constitution pourrait en théorie être rejetée malgré l’approbation d’environ 90 pour cent de la population, si les 10 pour cent s’y opposant étaient répartis également dans les plus petits cantons. Autrement dit, eu égard à l’approbation par la majorité des cantons, l’électeur du canton le plus petit, Uri, pèse plus lourd qu’environ 35 citoyens du canton de Zurich.

Outre les institutions formelles de partage du pouvoir, les cantons disposent d’autres moyens pour leur permettre d’influencer la politique fédérale. Le régime de démocratie animée par le consensus en est l’élément moteur le plus important. Autrement dit, presque toute décision politique importante est essentiellement le fruit d’un compromis qui tient compte de l’opinion de tous les partis, groupes d’intérêts, cantons et régions de conséquence. Les fondements de cette articulation politique particulière se situent dans les institutions de démocratie directe, notamment le référendum populaire. Il serait à peu près impossible de mettre en œuvre une politique fédérale à laquelle ne consentirait pas un groupe fort et bien organisé car une opposition puissante pourrait la bloquer assez facilement par un recours à la démocratie directe.

L’autorité exécutive de la Confédération, le Conseil fédéral (articles 174 à 179), illustre bien l’impact de la démocratie consensuelle. Il est composé de sept membres du Conseil fédéral élus par les deux chambres du Parlement fédéral, chacun étant à la tête d’un ministère. Ensemble, ils forment l’exécutif fédéral. Pour les décisions gouvernementales, les membres du Conseil fédéral ont tous une voix égale, ce qui signifie que le président fédéral n’est que primus inter pares. Un effet de la démocratie consensuelle est de donner, dans la mesure du possible, une représentation au Conseil à tous les groupes principaux, ce qui veut essentiellement dire qu’y sont représentés les partis politiques importants ainsi que les groupes linguistiques, les cantons et les deux sexes. Cette représentation ne découle pas de quelque disposition de la loi, et la Constitution fédérale ne l’évoque même pas. Néanmoins, un parlementaire germanophone du Parti radical votera pour un candidat social-démocrate francophone si le tour de ce dernier de remplacer l’un des représentants au Conseil est arrivé. Ces pratiques sont liées à la démocratie consensuelle dans la mesure où les perspectives d’acceptation par la population d’une proposition législative rédigée par l’exécutif fédéral seraient minces si l’un (ou plus d’un) des principaux groupes – par exemple un parti ou certains cantons – ne l’appuyait pas. Comme une forte opposition pourrait freiner la majeure partie de l’activité législative, c’est dans l’intérêt de chaque parti de mobiliser la collaboration des autres groupes pour toutes les propositions importantes et, par conséquent, de les voir représentés à l’exécutif fédéral.

Le pouvoir judiciaire est en grande partie entre les mains des cantons. À très peu d’exceptions près, toute action s’engage devant un tribunal cantonal, qu’elle relève du droit cantonal ou fédéral, et la plupart des ordonnances rendues sur appel sont cantonales. Le Tribunal fédéral est l’unique autorité judiciaire fédérale. Ses tâches les plus importantes consistent à réviser les jugements des tribunaux cantonaux supérieurs sur appel et de faire fonction de tribunal constitutionnel. Ce n’est que pour des causes tout à fait exceptionnelles que le Tribunal fédéral siège en première et seule instance. Cependant, contrairement aux autres fédérations, le Tribunal fédéral suisse n’a pas le pouvoir de contrôler l’observance de la répartition constitutionnelle des compétences par la Confédération. «Autorité judiciaire suprême de la Confédération» (article 188), le Tribunal fédéral est néanmoins lié par la législation fédérale légitimée par référendum populaire. D’habitude, on explique cette particularité par la méfiance traditionnelle de la population à l’endroit du pouvoir des juges et sa croyance extrêmement forte en la démocratie. Il faut comprendre que toute loi fédérale se fonde sur un quasi-consensus de toutes les grandes forces politiques. Ceci a conduit les rédacteurs de la Constitution à décider que les juges ne devraient pas pouvoir anéantir ce qui a été tranché démocratiquement. En pratique et dans l’ensemble, la confiance accordée aux institutions démocratiques a été justifiée. À de très rares exceptions près, les législateurs fédéraux ont respecté les lois qui les lient.

Le régime fédéral et référendaire – notamment l’obligation de faire approuver les décisions importantes par la majorité des cantons – est parfois critiqué pour sa tendance à ralentir le processus politique suisse. Les politiciens progressistes en particulier y voient des problèmes majeurs, surtout parce que, dans leurs comportements aux urnes, la plupart des petits cantons sont conservateurs et que, par leur poids aux référendums et leur forte représentation au Conseil des États, ils sont en mesure de bloquer un grand nombre de propositions progressistes. C’est une des raisons de la lenteur de la politique en Suisse par rapport à d’autres pays comparables. En revanche, en obligeant les concepteurs de politiques à réfléchir, ce régime a probablement mis la Suisse à l’abri de nombreuses décisions irréfléchies et, en ce sens, c’est peut-être l’un des facteurs qui ont assuré la stabilité politique du pays depuis la fondation de la fédération en 1848.

3 dynamique politique récente

Le 1er janvier 2000, une nouvelle Constitution fédérale est entrée en vigueur, remplaçant celle de 1874. Cet événement marqua non la fin

d’une époque, mais plutôt une étape décisive dans le processus amorcé par le Parlement fédéral en 1965. À l’époque, on estimait généralement que le système politique suisse n’était pas en mesure de s’adapter aux changements profonds qui se produisaient depuis la Deuxième Guerre mondiale. Sans modifier la signification des normes constitutionnelles existantes, la nouvelle Constitution les formule en langage moderne, et en restructure l’ordre. Elle y introduit aussi un nouveau contenu, notamment en ce qui a trait au fédéralisme coopératif. En plus de réviser la Constitution, on a entrepris, ces dernières années, d’importantes réformes institutionnelles de l’appareil judiciaire et de la démocratie directe, sur lesquelles nous reviendrons un peu plus loin.

L’événement le plus marquant des dernières années au plan symbolique fut peut-être l’adhésion, le 10 septembre 2002, de la Suisse à l’Organisation des Nations Unies, à la suite d’un référendum constitutionnel où le «oui» recueillit une majorité de presque 55 pour cent du scrutin populaire ainsi que la majorité des suffrages dans onze cantons et deux demi-cantons. Depuis, ce sujet autrefois brûlant a presque complètement cessé de préoccuper le public.

À part ceci, la dynamique politique récente semble mue par l’intégration croissante de la Suisse, tant à l’échelle mondiale qu’au sein de l’Europe. Pourtant, alors même qu’elle s’intègre de plus en plus, des tendances contraires se manifestent à l’intérieur du pays. Ainsi, par exemple, depuis le rejet au scrutin populaire de la fusion des cantons de Genève et de Vaud, l’idée de transformer la structure territoriale de la Suisse a perdu beaucoup d’attrait. De plus, le Parti du peuple suisse (Schweizerische Volkspartei, SVP), un parti populiste et isolationniste, a élargi et consolidé sa position, en particulier dans les cantons francophones, et peut maintenant se considérer comme un vrai parti national. Avec plus de 27 pour cent du scrutin national aux législatives d’octobre 2003, il est devenu le parti le plus fort avec 55 des 200 sièges du Conseil national (Chambre basse). Il en a inévitablement résulté une transformation majeure du gouvernement de coalition en place depuis 1959 pour maintenir l’équilibre politique de la démocratie semi-directe de la Suisse: le Parti du peuple suisse reçut un deuxième siège au Conseil fédéral (le gouvernement) aux dépens du groupe chrétien-démocrate qui, lui, avait perdu des voix.

Les forces isolationnistes ainsi consolidées, l’adhésion à l’Union européenne (UE) semble plus éloignée que jamais. Par conséquent, la ratification de traités bilatéraux avec l’UE est devenue cruciale pour l’intégration de la Suisse à l’Europe. En juin 2002, un premier lot de traités est entré en vigueur, englobant la recherche, les acquisitions du secteur public, les barrières techniques au commerce, l’agriculture, l’aviation civile, le transport par voie terrestre et la liberté de mouvement des personnes. On en a négocié un deuxième lot englobant, entre autres domaines, les services, l’environnement et l’éducation. Les négociations se poursuivent même sur des problèmes épineux comme la retenue des impôts à la source et les mesures pour empêcher la fraude, de même que la participation à la zone de sécurité commune, problèmes auxquels on semble en voie de trouver des solutions. Si la Suisse réussit à signer ces traités, elle pourra participer à maintes politiques communes de l’UE sans devoir s’y intégrer politiquement.

Les cantons participent à ces négociations sur la base de la Constitution de 1999, qui reconnaît leur droit de participer à la formulation de décisions de politique étrangère en général et de celles qui portent sur leurs compétences exclusives en particulier. Ce développement s’inscrit dans une tendance générale à compenser la perte graduelle de l’autonomie cantonale, imputable à la croissance de la coopération internationale, par de nouvelles formes de partage du pouvoir en ces matières.

Tel que susmentionné, on a entrepris deux grandes réformes institutionnelles depuis quelques années. Premièrement, le 9 février 2003 on a voté et adopté une réforme des droits populaires. Celle-ci établit l’initiative populaire générale (jusqu’alors, seules les initiatives constitutionnelles étaient possibles) et autorise le référendum sur les traités internationaux comprenant d’importantes normes légales, ainsi que sur la législation de mise en œuvre, le cas échéant. Deuxièmement, tout en étant importante dans une perspective fédérale, la réforme de l’administration de la justice (acceptée par voie de référendum constitutionnel en mars 2000) est importante à d’autres points de vue car elle établit les fondements pour unifier à la fois la procédure criminelle et la procédure civile en remplaçant 29 et 27 régimes, respectivement, par un code fédéral unique dans chaque cas. En conséquence, les cantons devront renoncer à une part importante de leur autonomie dans l’administration de la justice. La poursuite du crime organisé, le financement du terrorisme et les crimes économiques sont désormais de compétence fédérale à la condition que, pour l’essentiel, le délit ait été commis à l’étranger ou dans plus d’un canton. À cette fin, on a mis sur pied à la fois la police fédérale et le bureau fédéral des procureurs. La réforme de l’appareil judiciaire et celle des droits populaires sont venues compléter la réforme constitutionnelle de 1999.

Après de longues disputes, le Parlement a enfin approuvé la réforme de la péréquation fiscale. Comme le rapportait la première édition de ce guide, la décentralisation relativement forte tant des dépenses que des recettes caractérise le régime fédéral suisse. On n’introduisit la péréquation fiscale formelle au niveau fédéral qu’en 1959, au moment où le gouvernement fédéral se vit constitutionnellement confier le mandat de pourvoir à la péréquation fiscale entre cantons, de procurer aux cantons tous les moyens nécessaires pour exécuter leurs fonctions, et d’assurer à tous les citoyens un niveau de base (mais non égal) de services. Le déboursement de subventions fédérales et les contributions cantonales au financement des tâches fédérales, selon une formule reposant sur un indice des capacités financières, ont été les mécanismes principaux de la réalisation de ces objectifs. Malheureusement, dans la pratique cette méthode égalise peu et manque de transparence eu égard aux flux financiers et à la prise de décisions.

Tel qu’adopté par le Parlement en septembre 2003, l’ensemble final de mesures suit l’agencement de base proposé par le groupe de travail fédéral-cantonal. Plus précisément, la réforme : (a) démêle les responsabilités respectives; (b) tonifie la coopération entre les cantons en institutionnalisant le régime de partage des fardeaux; (c) crée de nouvelles façons de coopérer dans les domaines de responsabilité partagée; et (d) crée un nouveau régime de péréquation fiscale directe. Ce régime fournira à chaque canton une dotation minimale par le mécanisme des transferts horizontaux inconditionnels entre cantons, complétés, là où il le faudra, de transferts fédéraux. Il comprend aussi le soutien vertical pour les fardeaux extraordinaires (géographiques, topographiques ou sociodémographiques). Les modifications consolident la position du Parlement, assurent la possibilité d’un référendum eu égard à la mise en vigueur dans les cantons non signataires des traités intercantonaux, fixent une limite à la contribution des cantons «riches» à la péréquation horizontale et, à long terme, prévoient l’élimination progressive des paiements de transition.

4 sources de renseignements supplémentaires

Auer, Andreas, Giorgio Malinverni et Michel Hottelier, Droit constitu

tionnel suisse, Berne, Staempfli, 2000. Basta-Fleiner, Lidija R. et Thomas Fleiner (dir.), Federalism and Multi-

ethnic States – The Case of Switzerland, 2e éd., Basel, Genève et Munich,

Helbing & Lichterhahn (Publications de l’Institut du Fédéralisme,

Fribourg, Suisse, PIFF, vol. 16), 2000. Klöti, Ulrich, Peter Knoepfel, Hanspeter Kriesi, Wolf Linder et Yannis

Papadopoulos (dir.), Handbuch der Schweizer Politik / Manuel de la poli

tique suisse, 2e éd., Zurich, NZZ Verlag, 1999. Linder, Wolf, Swiss Democracy – Possible Solutions to Conflict in Multicul

tural Societies, 2e éd., Hampshire et Londres, Macmillan Press Ltd.,

1998.

Steinberg, Jonathan, Why Switzerland?, 2e éd., Cambridge, Royaume-Uni, Cambridge University Press, 1996.

Thürer, Daniel, Jean-François Aubert et Jörg Paul Müller (dir.), Verfassungsrecht der Schweiz / Droit constitutionnel suisse, Zurich, Schulthess Verlag, 2001.

http://www.federalism.ch, Institut du Fédéralisme, Université de Fribourg

http ://www.badac.ch/FR/news/badac.html, banque de données des cantons et villes

http ://www.gov.ch/govch.nsf/webfmMain, répertoire des sites Internet officiels du secteur public

http ://www.swissworld.org/fre/index.html?siteSect=100, renseignements généraux

Tableau I Indicateurs politiques et géographiques

Capitale Berne
Nombre et type d’unités cons 26 cantons (dont 6 demi-cantons) : Appenzell Rhodes
tituantes Extérieures, Appenzell Rhodes-Intérieures, Argovie,
Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Berne, Fribourg, Genève,
Glaris, Grisons, Jura, Lucerne, Neuchâtel, Nidwald,
Obwald, Saint-Gall, Schaffhouse, Schwyz, Soleure,
Tessin, Thurgovie, Uri, Valais, Vaud, Zoug, Zurich
Langue(s) officielle(s) Allemand, français, italien, romanche
Superficie 41 300 km2
Superficie – plus grande unité constituante Grisons – 7 105 km2
Superficie – plus petite unité constituante Population totale Population de chaque unité constituante (% de la population totale) Régime politique – fédéral Bâle-Ville – 37,2 km2 7 228 000 (2002) Zurich 16,9 %, Berne 13 %, Vaud 8,6 %, Argovie 7,6 %, Saint-Gall 6,2%, Genève 5,7%, Lucerne 4,8 %, Tessin 4,3 %, Valais 3,8 %, Bâle-Campagne 3,6 %, Soleure 3,4 %, Fribourg 3,3 %, Neuchâtel 3,3 %, Thurgovie 3,1 %, Grisons 2,6 %, Bâle-Ville 2,3 %, Schwyz 1,8 %, Berne 1,7 %, Zoug 1,4 %, Schaffhouse 1 %, Jura 1 %, Appenzell Rhodes-Extérieures 0,7 %, Glaris 0,5%, Nidwald 0,5 %, Obwald 0,5 %, Uri 0,4 %, Appenzell Rhodes-Intérieures, 0,2 % République fédérale
Chef d’État – fédéral La présidence est une fonction cérémonielle exercée par les membres du Conseil fédéral, à tour de rôle. Le président est nommé pour un mandat d’une durée d’un an, et préside le Cabinet (Conseil fédéral), formé de 7 représentants qui exercent chacun un mandat d’une durée de 4 ans. Le président et les membres du Conseil sont élus par l’Assemblée fédérale.
Chef de gouvernement – fédéral Président : Joseph Deiss (depuis le 1er janvier 2004). Le pouvoir et les fonctions du chef du gouvernement sont partagés entre les 7 membres du Conseil fédéral. (N.B. Le président agit en primus inter pares, mais il ne jouit pas des pouvoirs étendus généralement conférés à un président.)
Structure de gouvernement – fédéral Bicaméral – Assemblée fédérale suisse : Deuxième Chambre – Conseil des États, 46 sièges. Les membres exercent un mandat d’une durée de 4 ans. Première Chambre – Conseil national, 200 sièges. Les membres sont élus au suffrage direct pour un mandat

Tableau I (suite)

d’une durée de 4 ans, en proportion de la population de chaque canton (dont chacun doit avoir au moins un représentant).
Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée Zurich – 34
Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Appenzell Rhodes-Extérieures, Appenzell Rhodes-Intérieures, Glaris, Nidwald, Obwald et Uri – un siège chacun
Répartition des représentants à la Chambre haute du gouvernement fédéral Chacun des 20 cantons a 2 sièges, et chacun des 6 demi-cantons, un siège. Fixée par la loi cantonale, la procédure électorale varie d’un canton à l’autre.
Partage des compétences Le gouvernement fédéral possède des compétences exclusives de légiférer en matière d’affaires internationales, de défense et de citoyenneté, de commerce, de devises, d’activités bancaires, de chemins de fer, de ser
vices de télécommunications, d’agriculture et d’énergie nucléaire. Les cantons jouissent d’autonomie fiscale et du droit de gérer leurs affaires intérieures. Ils exercent les compétences dans les affaires comme les institutions municipales (les communes), l’éducation, la culture, l’ordre public et l’infrastructure. Les compétences concurrentes comprennent l’immigration et la sécurité publique et intérieure. Le gouvernement fédéral et les cantons ont tous le pouvoir de lever des impôts.
Compétences résiduelles Les compétences résiduelles relèvent des cantons. Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle) Tribunal fédéral. Quoique de dernière instance, il ne jouit pas du pouvoir de révision judiciaire. Régime politique – unités constituantes Monocaméral – Parlement ou Conseil d’État (Grand Conseil). Les membres sont élus au suffrage direct. Les cantons d’Appenzell Rhodes-Intérieures et de Glaris disposent aussi d’une assemblée en plein air (Landsgemeinde) de tous les électeurs (non en remplacement, mais en complément du Parlement). Les Conseils des États sont composés de 5 à 9 membres. N.B. Les régimes politiques des cantons varient considérablement.
Chef de gouvernement – unités constituantes Président ou président du Conseil exécutif, nommé par le parlement cantonal. La présidence change tous les ans (présidence tournante).

Tableau II Indicateurs économiques et sociaux

PIB 205 milliards de $ US à PPA (2002)
PIB par habitant 28 357 $ US à PPA (2002)
Dette nationale extérieure 684,8 milliards de $ US (septembre 2003)
Dette infranationale 78,6 milliards de $ US (est. partielle, 2002)
Taux de chômage national 2,5 % (2002)
Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé Genève – 5,4 % (2003)
Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible Appenzell Rhodes-Intérieures – 0,9% (2003)
Taux d’alphabétisation chez les adultes Plus de 95 %
Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB) 5,5 %
Espérance de vie (années) 79 (2001)
Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes 27,5 milliards de $ US (est. partielle, 2002)
Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes 34,6 milliards de $ US (est. partielle, 2002)1
Transferts fédéraux aux unités constituantes 5,7 milliards de $ US (2001)
Mécanismes de péréquation Le partage des recettes fédérales se fait selon une for-mule qui tient compte de la capacité financière des cantons.

Sources

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Banque nationale de Suisse, «Dette extérieure de la Suisse: État en fin d’année et de trimestre», septembre 2003, sur Internet: http://www.snb.ch/d/publikationen/ monatsheft/aktuelle_publikation/pdf/statmon_DF/R4_a_Verschuldung_der_ CH.pdf

Conseil de l’Europe, «Deuxième Rapport Périodique de la Suisse présenté au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe […]» sur Internet: http://www.coe.int/T/F/Affaires_juridiques/Démocratie_locale_et_régionale/ Langues_régionales_ou_minoritaires/Documentation/1_Rapports_ périodiques/ 2003_3f_MIN-LANG_PR_Suisse.asp

Elections around the World, «Elections in Switzerland», 2003, sur Internet: http:// www.electionworld.org/election/switzerland.htm

EuroCare, «Switzerland – Country Profile», sur Internet: http://www.eurocare.org/ profiles/switzerland/switzerland_report0502.html

Information About Switzerland, «Statistical Information About Switzerland», sur Internet : http://www.about.ch/statistics/#CH_Stat_bySize

Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «Managing Across Levels of Government: Switzerland», sur Internet: http://www.oecd.org/ dataoecd/10/45/1902452.pdf

Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport sur le développement humain 2003: Indicateur du développement humain, sur Internet: http:// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf

Québec (Gouvernement du), Commission sur le déséquilibre fiscal, «Arrangements financiers intergouvernementaux: Allemagne, Australie, Belgique, Espagne, États-Unis, Suisse. Document d’information pour le Symposium international sur le déséquilibre fiscal, Québec, 13 et 14 septembre 2001», p. 63, sur Internet: http:// www.desequilibrefiscal.gouv.qc.ca/fr/pdf/internationnal_fr.pdf

Suisse (Gouvernement de la), département fédéral des finances, «Dépenses et recettes de la Confédération, des cantons et des communes par nature», sur Internet: http:// www.efd.admin.ch/f/dok/zahlen/sdds/oeffhhsg.pdf

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Note

1 Ce chiffre comprend les cantons et les communes.