Émirats arabes unis

JULIE M. SIMMONS

1 histoire et évolution du fédéralisme

Les Émirats arabes unis (83 600 kilomètres carrés) sont situés à la périphérie est de la Péninsule arabique. Les pays qui les entourent sont Oman, l’Arabie saoudite, le Qatar et le golfe Persique (Arabo-Persique); et le territoire compte en outre 200 îles.

On ne sait pas à quel moment cette région s’est peuplée, à l’origine. Les découvertes archéologiques laissent supposer que les premiers établissements peuvent remonter aussi loin qu’au cinquième millénaire avant J.-C.. La migration arabe le long de la côte sud de la Péninsule arabique au cours des premiers siècles après J.-C. et les déplacements subséquents de populations en provenance du nord firent en sorte que diverses tribus arabes s’installèrent dans la région.

Au début du XVIe siècle, des commerçants portugais furent les premiers Européens à avoir des visées sur la région. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les Hollandais et les Britanniques se disputèrent l’accès aux voies maritimes commerciales et aux négociants locaux. La «guerre maritime» des marchands locaux qui, aux yeux des Britanniques, n’était que de la «piraterie», ralentit les Britanniques dans leurs tentatives d’exercer un contrôle dans la région et, à la fin des années 1700, les Français étaient devenus une réelle menace aux aspirations britanniques. Au début des années 1800, les Qawasim contrôlaient en partie la côte du Golfe, et c’est de cette lignée que descendent les gouverneurs actuels des émirats de Sharjah et de Ra’s al-Khaïmah. Après le traité général de paix de 1820, les Britanniques signèrent avec les divers gouverneurs (cheikhs de l’époque) une série d’ententes censées assurer la paix entre la Grande-Bretagne et les tribus et mettre fin à la piraterie. Après la signature de la trêve maritime perpétuelle de 1853, les cheikhats prirent le nom d’«États de la Trêve» ou d’«Oman sous régime de traité». Au moment de la signature d’un «accord exclusif», en 1892, la Grande-Bretagne accepta la responsabilité des affaires étrangères et de la défense des cheikhats.

La Grande-Bretagne souhaitait une plus grande collaboration entre les États de la Trêve si bien qu’en 1952, les sept cheikhats – Abou Dhabi, Dubaï, Ajman, Al Fujaïrah, Ra’s al-Khaïmah, Sharjah et Umm al-Qaïwain – formèrent le Conseil des États de la Trêve afin de favoriser la discussion de questions d’intérêt mutuel et d’assurer la coordination entre eux. Au fil des ans, le Conseil adopta un mode de fonctionnement plus officiel et renforça sa structure administrative. En 1964, on y avait ajouté les souscomités de l’agriculture, de l’éducation et de la santé publique, ainsi qu’un bureau d’élaboration des projets d’infrastructure. Un comité, composé de deux représentants de chacun des émirats, contribua à établir les programmes et les priorités du Conseil.

Le gouvernement travailliste britannique publia un livre blanc en 1967 dans lequel il exprimait son désir de réduire les coûts associés aux bases militaires à l’est de Suez. En 1968, le Parlement annonça une proposition réclamant le retrait progressif, jusqu’en 1971, des forces britanniques du Golfe. La même année, Bahreïn et le Qatar se joignirent aux États de la Trêve et acceptèrent de créer la fédération des Émirats arabes unis, laquelle devait constituer un État indépendant. Les neuf dirigeants formèrent le Conseil suprême, qui se réunit à plusieurs reprises. Toutefois, ils ne parvinrent pas à s’entendre sur les paramètres d’une constitution, et leur union prit fin 18 mois plus tard. Bahreïn et le Qatar, qui ne faisaient pas partie du Conseil des États de la Trêve, devinrent des États indépendants en 1971.

En juillet de cette même année, les sept États de la Trêve se réunirent à nouveau en vue de former une union. Après huit jours de discussion, tous, sauf Ra’s al-Khaïmah, donnèrent leur accord à une constitution transitoire. Les gouverneurs élirent parmi eux le cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyan, d’Abou Dhabi, à titre de président, et le cheikh Maktoum ben Rashed al-Maktoum, de Dubaï, à titre de viceprésident. Les deux entrèrent officiellement en fonction le 2 décembre 1971 lorsque prirent fin les traités avec la Grande-Bretagne et que les Émirats arabes unis devinrent un État indépendant. Le 10 février 1972, Ra’s al-Khaïmah se joignit à la fédération sans qu’il se soit avéré nécessaire de modifier la Constitution transitoire.

Le premier gisement de pétrole fut découvert en 1958 au large de la côte d’Abou Dhabi. Peu après, on trouva des gisements terrestres à Abou Dhabi et à Dubaï. Cette industrie est en partie responsable du produit national brut (PNB) élevé par habitant (près de 20 000 dollars américains en 2002). Toutefois, la richesse des émirats varie considérablement. Abou Dhabi (qui occupe plus de 85 pour cent de l’ensemble de la superficie de la région) et Dubaï (qui en occupe 5 pour cent) sont les deux émirats les plus riches puisqu’à eux deux, ils représentent plus des trois quarts du produit intérieur brut (PIB) du pays. Grâce aux efforts constants pour diversifier l’économie, particulièrement à Dubaï, mais aussi à Sharjah et à Abou Dhabi, les industries du commerce, du tourisme et l’industrie manufacturière se sont imposées aux côtés de l’industrie gazière et pétrolière à titre de productrices de recettes, si bien que, selon la Banque industrielle des Émirats arabes unis (Emirates Industrial Bank), les recettes attribuables au pétrole brut ne représentaient que 38 pour cent du PIB en l’an 2000.

La richesse accumulée grâce à l’abondance du pétrole des Émirats arabes unis a favorisé l’éclosion d’un État providence moderne au cours des trente dernières années. Le pays s’est transformé; là où il y avait peu d’écoles, d’hôpitaux, d’aéroports, de logements appropriés ou d’eau potable, on a vu apparaître tout un réseau de services sociaux, y compris des services d’éducation et de santé. Parmi les 175 pays faisant partie de l’indice de développement humain des Nations Unies en l’an 2001, les Émirats arabes unis se classaient en 48e position au chapitre de l’espérance de vie (74 ans), de l’éducation et du niveau de vie (calculé en fonction du PIB par habitant). Selon la Banque mondiale, toutefois, le taux d’analphabétisme s’élève encore à 23 pour cent. La population du pays, à 96 pour cent musulmane, s’est accrue rapidement au cours des vingt dernières années pour atteindre environ 3 millions d’habitants (selon les estimations de la Banque mondiale), dont près de 40 pour cent vivent à Abou Dhabi et près de 30 pour cent, à Dubaï. Il est intéressant de souligner que moins de 30 pour cent des personnes vivant dans le pays sont citoyens des Émirats arabes unis. Parmi les étrangers, on retrouve surtout des Sud-Asiatiques, des Iraniens et des Arabes venus d’autres pays du monde arabe.

2 dispositions constitutionnelles relatives au fédéralisme

La Constitution transitoire des Émirats arabes unis, devenue permanente en 1996, stipule que le pays est une fédération composée de sept émirats constituants : Abou Dhabi, Dubaï, Ajman, Al Fujaïrah, Ra’s al-Khaïmah, Sharjah et Umm al-Qaïwain. C’est une fédération dont la manière de gouverner combine des aspects traditionnels et modernes. On y trouve un compromis entre les émirats qui sont en faveur d’une fédération centralisée ou passablement intégrée et ceux qui préfèrent préserver leur autonomie. Le cheikh Zayed, d’Abou Dhabi, a toujours défendu la centralisation, tandis que le cheikh Rashed, de Dubaï, a de tout temps soutenu la position inverse.

Le Conseil suprême des gouverneurs est l’autorité fédérale suprême; il détient à la fois le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif et est formé des gouverneurs des émirats, qui sont par tradition les monarques dans leurs territoires respectifs plutôt que des représentants élus. Ce sont leurs émirats respectifs qui leur confèrent leur légitimité plutôt que le Conseil suprême, ce qui donne à cet organe un caractère confédéral.

La Constitution répartit le pouvoir de façon asymétrique entre les émirats au sens où Abou Dhabi et Dubaï ont effectivement droit de veto au sein du Conseil suprême. Toutes les décisions sur «les questions de fond» exigent le consentement de la majorité des cinq membres du Conseil suprême, dont forcément celui des gouverneurs d’Abou Dhabi et de Dubaï (article 49). Le chef de l’État est le président qui, tout comme le vice-président, est élu pour un mandat d’une durée de cinq ans par le Conseil suprême parmi ses membres. Ce dernier se réunit habituellement quatre fois par année.

Selon la Constitution, le Conseil des ministres (ou Cabinet) est «l’organe exécutif de l’Union». Il est responsable de «toutes les questions d’ordre interne et externe qui entrent dans le champ de compétence de l’Union» (article 60). Le président choisit le premier ministre qui dirigera le Conseil des ministres, et nomme ses membres. Les émirats les plus peuplés ont habituellement une plus grande représentation au Cabinet. Selon la Constitution, le Conseil des ministres peut proposer des projets de loi fédéraux et surveiller la mise en œuvre des jugements du tribunal fédéral ainsi que des lois, des décrets, des décisions et des règlements fédéraux (article 60). Il incombe toutefois au Conseil suprême de formuler la politique générale de la fédération.

L’organe législatif est le Conseil national fédéral, une assemblée monocamérale composée de 40 membres. La Constitution précise qu’Abou Dhabi et Dubaï ont huit sièges chacun, que Sharjah et Ra’s al-Khaïmah en ont six, et qu’Ajman, Al Fujaïrah et Umm al-Qaïwain en ont quatre (article 68). Ce sont les gouverneurs des émirats constituants qui nomment le nombre de membres autorisés dans leur territoire pour des mandats d’une durée de deux ans (renouvelables) (article 72). La procédure de nomination est laissée à la discrétion de chaque gouverneur (article 69). Le Conseil national fédéral est un organisme consultatif seulement, le pouvoir législatif étant entre les mains du Conseil suprême et du Conseil des ministres. L’article 89 de la Constitution stipule que le Conseil des ministres présente les projets de loi fédéraux devant le Conseil national fédéral – y compris les pro-jets d’ordre financier. Toutefois, les amendements proposés par le Conseil national fédéral ne peuvent être considérés par le Conseil des ministres avant leur présentation auprès du Conseil suprême (article 92). Si le président ou le Conseil suprême ne juge pas acceptables les amendements proposés par le Conseil national fédéral, le président peut promulguer n’importe quelle loi après sa ratification par le Conseil suprême (article 110).

Le fédéralisme est presque invariablement associé à un mode de gouvernement démocratique. Dans les Émirats arabes unis, toutefois, à part l’élection du président et du vice-président par les gouverneurs des émirats, il n’y a pas d’élections. Il n’existe pas non plus de partis politiques. Les hommes peuvent communiquer avec les dirigeants de leur émirat par l’entremise des majlis ou conseils, qui représentent une tradition de longue date et à la tête desquels se trouvent les familles dirigeantes. Les femmes ne participent pas directement aux institutions politiques fédérales; le cheikh Zayed a tout de même nommé huit femmes à des postes diplomatiques à l’étranger en juillet 2003.

Les compétences se répartissent comme suit entre le gouvernement fédéral et les émirats. Les articles 120 et 121 précisent les domaines qui relèvent du gouvernement fédéral. Les domaines de compétence fédérale mentionnés à l’article 120 sont les affaires étrangères, la défense et les questions de sécurité, les services postaux et téléphoniques et les autres services de communication, le contrôle de la circulation aérienne et les permis d’aviation, l’éducation, la santé publique et la monnaie. Les relations de travail et la sécurité sociale, la délimitation des eaux territoriales, l’extradition des criminels, le système bancaire et, enfin, l’impression et la publication font partie des domaines énumérés à l’article 121. Selon les articles 138 et 146, la formation de forces armées unifiées et la déclaration du droit matrimonial font aussi partie du champ de compétence de la fédération.

En dépit de l’éventail apparemment vaste des compétences fédérales, la Constitution crée, dans la pratique, une fédération peu contraignante. Même si la Constitution précise que «l’Union doit exercer sa souveraineté dans les questions qui lui sont assignées conformément à cette Constitution dans tous les territoires et sur toutes les eaux territoriales se situant à l’intérieur des frontières internationales des émirats membres» (article 2), elle souligne aussi le fait que les émirats membres «exercent leur souveraineté dans leur propre territoire et sur leurs eaux territoriales pour toute question qui ne relève pas du domaine de compétence de l’Union» (article 3). Ainsi, les émirats membres détiennent des compétences résiduelles (articles 116 et 122). Le fait peut-être le plus manifeste est que les «ressources naturelles et la richesse» de chaque émirat sont considérées comme la propriété publique de l’émirat plutôt que celle de la fédération (article 23). Chaque émirat peut aussi promulguer des lois dans des domaines de compétence alloués à la fédération à l’article 121 (article 149).

Comme au niveau fédéral de gouvernement, Abou Dhabi, Dubaï et Sharjah possèdent maintenant des conseils exécutifs et des conseils consultatifs. À Sharjah, des femmes ont participé au conseil consultatif depuis sa création en 2001, ce qui représente une première aux Émirats arabes unis. Par ailleurs, certains émirats possèdent une ou plusieurs institutions municipales.

La création d’institutions gouvernementales locales a ébranlé l’équilibre de la fédération. Les administrations locales varient sur le plan de la taille, de la structure et du degré d’autonomie dont elles jouissent par rapport aux institutions centrales suivant un certain nombre de facteurs dont la population et le niveau de développement économique et social de chaque émirat. Il n’existait pas de régimes gouvernementaux locaux bien développés en 1971 lorsque les dispositions constitutionnelles ont été adoptées, ce qui signifie que les rapports entre les institutions fédérales et les administrations locales ont évolué et pris différentes formes selon la capacité des institutions de l’administration locale. Dans certains cas, des dispositions intégrées ont été prises, certains émirats fusionnant en partie leurs ministères avec ceux de leurs homologues fédéraux. Toutefois, en dépit de ces dispositions, à titre de membre du Conseil suprême, le gouverneur de chaque émirat a un rôle important à jouer dans la détermination de la nature et de l’étendue des activités de l’administration locale.

La Constitution ne précise pas clairement la nature des dispositions financières au sein de la fédération ni quelle proportion de ses fonds chaque émirat doit consacrer au soutien du budget fédéral. Il est certain que, comme ils conservent leurs «ressources naturelles et leur richesse», les émirats doivent contribuer au budget fédéral. L’article 127 établit que les émirats membres «doivent mettre de côté une proportion prédéterminée de leurs recettes annuelles en vue de couvrir les dépenses budgétaires générales annuelles de l’Union». Ainsi est-il possible de mettre en œuvre les lois fédérales grâce aux fonds fournis par chacun des émirats. Abou Dhabi, le plus riche des émirats, dont le gouverneur a toujours été en faveur d’une fédération davantage intégrée, a de tout temps beaucoup contribué aux ressources financières de l’Union.

Le système judiciaire fédéral est composé de la Cour suprême et des tribunaux de première instance (article 95). Même s’il existe également des compétences judiciaires locales, dans la plupart des émirats, celles-ci ont été transférées au régime fédéral. La plupart des causes criminelles sont maintenant portées devant les tribunaux de la charia (tribunaux judiciaires islamiques). La Constitution désigne la Cour suprême, dont les cinq membres sont nommés par le président (article 96), comme l’organe responsable du règlement des conflits constitutionnels. À la demande d’une des parties intéressées, la Cour suprême statue sur les litiges entre les émirats membres ou entre un ou plusieurs émirats et le gouvernement fédéral (article 99). En raison de l’ambiguïté de la Constitution, l’interprétation du partage des compétences peut s’avérer souple. Toutes les parties sont liées à toutes les interprétations ou décisions (article 101).

La procédure à suivre pour modifier la Constitution est la même que celle qui permet d’approuver des lois (article 144.2b) au sens où le Conseil des ministres prépare une loi et la présente au Conseil national fédéral, après quoi le Conseil suprême peut la ratifier et accepter ou rejeter toute suggestion faite par le Conseil des ministres ou par le Conseil national fédéral. La Constitution stipule que l’approbation du Conseil national fédéral, en ce qui concerne les projets de modification constitutionnelle, «exige l’accord d’une majorité des deux tiers des voix des membres présents» (article 144.2c). Toutefois, les décisions substantielles exigent le consentement des dirigeants d’Abou Dhabi et de Dubaï, qui, au cours de l’histoire, ont défendu un point de vue opposé sur la question de la centralisation des compétences au sein de la fédération, ce qui rend difficile tout changement constitutionnel important. La Constitution est demeurée transitoire jusqu’en 1996, en grande partie à cause des vues divergentes des «unionistes» et des «fédéralistes».

La Constitution des Émirats arabes unis renferme un certain nombre de dispositions spéciales. En dépit de rivalités tribales de longue date, le patrimoine tribal et musulman arabe commun aux émirats favorise, croit-on, la cohésion. Ces caractéristiques sont mises en relief dans plusieurs articles de la Constitution. Le premier article précise que «tout autre pays arabe indépendant peut se joindre à l’Union, pourvu que le Conseil suprême y consente à l’unanimité». Selon l’article 6, «l’Union doit faire partie de la grande nation arabe», caractérisée par les «liens de la religion, de la langue, de l’histoire et d’une destinée commune» et, selon l’article 7, «l’Islam est la religion officielle de l’Union» et «la charia islamique doit être une source principale de la législation au sein de l’Union».

La Constitution renferme une section intitulée «Bases sociales et économiques fondamentales de l’Union», dans laquelle il est déclaré que la collectivité doit être fondée sur «l’égalité, la justice sociale [...]

et l’égalité des chances pour tous les citoyens» (article 14), et que «l’éducation doit être le moteur premier du développement social [...] obligatoire à son étape primaire et gratuit au cours de toutes les étapes au sein de l’Union» (article 17). On déclare aussi dans cette section que «la protection médicale [...] est garantie par la société à tous les citoyens» (article 19). Ces dispositions considèrent le fait que, même au moment de la formation des Émirats arabes unis, les émirats n’étaient pas tous au même point sur le plan du potentiel et du développement économique. On attribue en particulier le renforcement du régime fédéral à l’engagement d’Abou Dhabi à partager ses res-sources financières entre les émirats.

3 dynamique politique récente

Même si les Émirats arabes unis forment une fédération décentralisée dans la pratique, cette décentralisation n’a pas nui au pays, qui a joui d’un degré de stabilité impressionnant au cours d’un peu plus de 30 années d’indépendance. Les têtes dirigeantes au fédéral ont très peu changé depuis l’indépendance. Le président actuel, le cheikh Zayed, d’Abou Dhabi, a été élu premier président du pays en 1971 et a été réélu tous les cinq ans depuis (les dernières élections présidentielles et vice-présidentielles ont eu lieu en décembre 2001), et le dernier grand remaniement du Cabinet a été fait en 1997. Le cheikh Maktoum ben Rashed al-Maktoum, gouverneur de Dubaï, est actuellement vice-président et premier ministre, deux postes qu’il occupe depuis 1990. Son père, le cheikh Rashed ben Saïd al-Maktoum, de Dubaï, avait été élu par les membres du Conseil suprême au poste de premier vice-président, un poste qu’il a occupé jusqu’à sa mort en 1990. (Le dirigeant de Dubaï est devenu premier ministre pour la première fois en 1979, marquant ainsi son appui à la fédération.) On estime que le président et le vice-président actuels ont l’appui unanime des autres membres du Conseil suprême.

La richesse du pays est la clé de la force du régime fédéral. Comme cette richesse n’est pas distribuée également, tel qu’il a été fait mention dans la première section, il est important qu’Abou Dhabi en particulier continue à faire preuve d’engagement envers le régime fédéral et à contribuer très largement aux finances fédérales. Comme les prix demeurent élevés au sein de l’industrie pétrolière, la richesse du pays n’est pas en péril. Selon la Banque industrielle des Émirats arabes unis, le PIB des Émirats arabes unis a augmenté de 14 pour cent en 2000, en grande partie à la suite de l’augmentation du prix du pétrole. Cette augmentation découle de la réduction de la production votée par les États membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (l’OPEP, dont font partie les Émirats arabes unis) en 1998 et en 1999. Avant ces augmentations, le gouvernement fédéral s’était engagé financièrement à développer davantage l’infrastructure et à créer des emplois, et avait songé à demander au secteur privé de participer à la prestation des services publics. Toutefois, au cours des deux années suivantes, le prix du pétrole a subi une baisse. Par conséquent, selon le Gulf News, le déficit du pays a connu une véritable explosion, passant de 2,6 milliards de dollars américains en 2000 à 7,3 milliards de dollars en 2001 et à 7,95 milliards de dollars en 2002. Ainsi, en dépit de l’instabilité du prix du pétrole en 2003 et d’un déficit anticipé, les dispositions fédérales mises en place dans les Émirats arabes unis n’ont pas été mises à l’épreuve, comme ce fut le cas dans d’autres fédérations, par les tensions inhérentes aux coupures budgétaires et aux réductions des dépenses gouvernementales.

La mise en place d’une infrastructure gouvernementale locale semble progresser dans les différents émirats. Outre les développements qu’a connus Sharjah, notons l’établissement du conseil exécutif de Dubaï, en février 2003, et l’intérêt démontré par le nouveau gouverneur de Ra’s al-Khaïmah, qui a l’intention d’emboîter le pas et de créer un conseil exécutif et un conseil consultatif. En outre, les Émirats arabes unis ont accueilli en 2000 deux importantes conférences internationales, qui ont porté sur les problèmes propres aux villes, le rôle des villes dans les économies régionales en contexte de mondialisation, la gestion urbaine et la décentralisation.

Les Émirats arabes unis et les autres membres du Conseil de coopération pour les États arabes du Golfe (CCG) – l’Arabie saoudite, le Koweït, Oman, le Qatar et Bahreïn – ont fait des efforts considérables pour créer un bloc commercial. Comme la politique étrangère relève principalement de la compétence fédérale, toute entente du genre risque d’ébranler à l’avenir l’équilibre du pouvoir entre les institutions gouvernantes centrales et locales au sein des Émirats arabes unis. En décembre 2001, les dirigeants des six États membres ont conclu une nouvelle entente économique. Ils ont également entrepris l’élaboration de mesures pour la mise en place d’une union monétaire, prévue pour janvier 2010, et se sont entendus pour établir un Conseil suprême de défense, chargé de la mise en œuvre du pacte de défense mutuelle (signé l’année précédente) appelant au partage des ressources militaires. Lors de la rencontre du CCG de décembre 2000, les six États membres ont approuvé des mesures permettant aux citoyens de ces six États d’étendre leurs activités économiques et la pratique de leur profession à l’ensemble du territoire du CCG (il existe quelques exceptions). Comme les questions de défense, de sécurité et de monnaie relèvent également de la compétence fédérale, il sera intéressant d’observer l’impact de ces changements sur l’équilibre des dispositions politiques du pays.

Il est difficile de savoir si les activités des États-Unis visant à soutenir les efforts de démocratisation au Moyen-Orient ont contribué au mouvement de création de conseils consultatifs dans les différents émirats, ou encore, si l’invasion de l’Irak par les États-Unis a influencé la balance des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les émirats. Il est cependant évident que la motivation à la base de la politique étrangère des Émirats arabes unis repose autant sur la perception de l’appartenance du pays à la communauté arabe qu’à la communauté internationale. La politique étrangère des Émirats arabes unis s’intéresse donc particulièrement au sort des populations arabes, ce qui se traduit par des appels répétés à des solutions non violentes et diplomatiques pour régler les conflits. Par conséquent, la position des Émirats arabes unis n’est pas toujours réglée sur les États-Unis. Par exemple, les Émirats arabes unis ont généreusement soutenu les efforts d’aide humanitaire dans la région (y compris aux communautés palestiniennes), et en octobre 2000, ils ont été le premier État arabe à faire parvenir de l’aide humanitaire en Irak, défiant ainsi les sanctions imposées par l’ONU. Les Émirats arabes unis ont toujours fait appel à la communauté internationale afin de protéger la population palestinienne des attaques israéliennes et n’ont pas officiellement soutenu l’attaque de l’Irak par les Américains. Afin d’éviter le recours à la violence en Irak, les Émirats arabes unis avaient proposé, lors du Sommet de la Ligue arabe de mars 2003, que Saddam Hussein abandonne le pouvoir et laisse la Ligue arabe assumer temporairement la responsabilité du pays. Malgré certaines de leurs actions, les Émirats arabes unis sont tout de même considérés comme un État coopérant entièrement avec les États-Unis: ils ont coupé tous les ponts avec les Talibans en Afghanistan, ils ont enquêté sur des transactions financières réalisées sur leur territoire et des organisations soupçonnées d’avoir soutenu des activités terroristes à l’échelle mondiale, ils ont applaudi à la capture de Saddam Hussein et ont apporté leur aide à la reconstruction de l’Irak et de l’Afghanistan. Toutefois, les dirigeants des Émirats arabes unis ont maintes fois relié le «terrorisme international» au «terrorisme israélien» et ils saisissent toutes les occasions de soulever ces deux questions de pair lors de rencontres avec des dignitaires américains, britanniques et avec d’autres dignitaires étrangers.

Les Émirats arabes unis se demandent comment la fédération va évoluer lorsque le cheikh Zayed, maintenant âgé de plus de 80 ans, ne sera plus président. Ses méthodes résolument pragmatiques pour préserver le délicat équilibre entre les manières de gouverner traditionnelles et modernes et pour résoudre les débats entre unionistes et fédéralistes ont représenté une source de stabilité pour le pays. Sa présence prolongée sur la scène politique est remarquable. Certains observateurs ont laissé entendre qu’il est peu probable que le prochain dirigeant jouisse de la même popularité que Zayed – à la suite de l’intervention chirurgicale réussie que Zayed a subie en Suisse en juillet 2003, des milliers de personnes se sont réunies à Abou Dhabi pendant une dizaine d’heures pour célébrer le rétablissement du dirigeant. C’est dire que son successeur aura à relever nombre de nouveaux défis; et il se pourrait que, pour ces tâches, des institutions centrales plus fortes lui soient d’un précieux secours. L’expérience des Émirats arabes unis, qui ont formé un État providence moderne au cours des 30 dernières années, montre que le pays peut intégrer avec succès des changements radicaux et de nouvelles institutions gouvernementales.

4 sources de renseignements supplémentaires

Ghareeb, Edmund et Ibrahim Al Abed (dir.), Perspectives on the United Arab Emirates, Londres, Trident Press, 1997. Peck, Malcolm C., The United Arab Emirates: A Venture into Unity, Boulder, Colorado, Westview Press, 1986.

Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Bureau régional des États arabes, Programme sur la gouvernance dans la région arabe. Sur Internet: http://www.pogar.org

«United Arab Emirates», Europa World Year Book 2000, vol. 2, Londres, Europa Publications Ltd., 2000.

United States Central Intelligence Agency, The World Factbook 2000, «United Arab Emirates», sur Internet: http://www.odci.gov/cia/ publications/factbook/geos/ae.html

http ://www.uae.gov.ae, gouvernement fédéral http ://www.emirates.org, renseignements généraux http ://www.uae.org.ae, renseignements généraux sur la géographie,

l’économie, etc. http ://www.uaeinteract.com, ministère de l’Information et de la

Culture http://www.gulfnews.com, quotidien des Émirats arabes unis http ://www.khaleejtimes.com, quotidien des Émirats arabes unis http://www.imarabe.org/perm/mondearabe/index.html, renseigne

ments politiques et culturels http://r0.unctad.org/infocomm/francais/petrole/ecopol.htm, renseignements sur l’économie politique du pétrole

Tableau I Indicateurs politiques et géographiques

Capitale Abou Dhabi
Nombre et type d’unités cons 7 émirats : Abou Dhabi, Ajman, Al Fujaïrah, Ash Shari
tituantes qah (Sharjah), Dubaï, Ra’s al-Khaïmah, Umm
al-Qaïwain
Langue(s) officielle(s) Arabe
Superficie 83 600 km2
Superficie – plus grande unité constituante Abou Dhabi – 77 700 km2
Superficie – plus petite unité constituante Ajman – 250 km2
Population totale 3 049 000 (2002)
Population de chaque unité constituante (% de la population totale) Abou Dhabi 41%, Dubaï 26%, Ash Shariqah (Sharjah) 17 %, Ra’s al-Khaïmah 7,2 %, Ajman 4 %, Al Fujaïrah 3,4 %, Umm al-Qaïwain 1,8 %
Régime politique – fédéral Fédération, régime parlementaire
Chef d’État – fédéral Président : Cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyan, gouverneur d’Abou Dhabi. Élu pour un mandat d’une durée de 5 ans par le Conseil suprême des gouverneurs.
N.B. Le Conseil suprême des gouverneurs est l’autorité fédérale suprême, et comprend les émirs des 7 émirats. Abou Dhabi et Dubaï ont un droit de veto au sein du
Conseil suprême.
Chef de gouvernement – fédéral Premier ministre : Cheikh Maktoum ben Rashed al-Maktoum, de Dubaï (1990). Le président choisit, en consultation avec le Conseil suprême, le premier ministre qui dirige le Conseil des ministres, dont les membres sont également nommés par le président.

Structure de gouvernement – fédéral

Monocaméral – Parlement:

Conseil national fédéral (Majlis Watani Ittihad), 40 sièges. Les membres sont nommés par les émirs pour un mandat d’une durée de 2 ans. Le choix du processus de nomination est laissé aux émirs. Les membres représentent les émirats. En vertu de la Constitution, le Conseil national fédéral est un organisme consultatif. C’est le Conseil suprême et le Conseil des ministres qui détiennent les compétences législatives.

N.B. Aucun parti politique n’est admis.

Répartition de la représenta 40 sièges : Abou Dhabi et Dubaï – 8 sièges chacun;
tion à la Chambre haute du Ash Shariqah (Sharjah) et Ra’s al-Khaïmah –
gouvernement fédéral 6 sièges chacun; Ajman, Al Fujaïrah et Umm al-Qaïwain –
4 sièges chacun.

Tableau I (suite)

Partage des compétences Le gouvernement fédéral détient les compétences exclusives en matière d’affaires étrangères, de défense et de forces armées fédérales, d’éducation et de santé, de finances et impôts, douanes et emprunts fédéraux, de services postaux et téléphoniques et autres services de communication, de sécurité sociale, de contrôle de la circulation aérienne, de devises et d’immigration. Les émirats jouissent de pleins pouvoirs sur leur territoire, en matière d’ordre public, de prestation de services publics, d’élaboration de normes économiques et sociales, d’application des règlements locaux, et de manière importante, de richesses naturelles.

Compétences résiduelles Les compétences résiduelles relèvent des émirats membres.
Tribunal constitutionnel (le tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle) Cour suprême, formée de 5 juges. Nommés par le président du Conseil suprême des gouverneurs.
Régime politique – unités constituantes Les émirats sont dirigés par un émir (une fonction héréditaire) qui peut avoir à ses côtés un conseil consultatif nommé, souvent composé de membres et d’amis de la famille.
N.B. Abou Dhabi, Dubaï et Ash Shariqah (Sharjah) possèdent maintenant des conseils exécutifs et des conseils consultatifs.
Chef de gouvernement – unités constituantes Émir

Tableau II Indicateurs économiques et sociaux

PIB 76,2 millards de $ US (est. 2003)
PIB par habitant 19 048 $ US (est. 2003)
Dette nationale extérieure 12,6 milliards de $ US (est. 2000)
Dette infranationale s.o.
Taux de chômage national 2,6 % N.B. Il est difficile d’obtenir des données statistiques précises, car la main-d’œuvre comprend une majorité d’étrangers, lesquels ne font l’objet d’aucune compilation statistique.
Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé Umm al-Qaïwain – 5,8 %
Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible Abou Dhabi – 1,4 %
Taux d’alphabétisation chez les adultes 76,7 % (2001)1
Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB) 1,9% (1998–2000)
Espérance de vie (années) 74,4 (2001)
Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes 1,4 milliard de $ US (prélim. 2001)
Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes 1,5 milliard de $ US (prélim. 2001)2
Transferts fédéraux aux unités 4,3 milliards de $ US (prélim. 2001)
constituantes
Mécanismes de péréquation Aucun

Sources

Australie (Gouvernement de l’), ministère des Affaires étrangères et du Commerce, «Fact Sheet: United Arab Emirates», sur Internet: http://www.dfat.gov.au/geo/fs/ uaem.pdf

Banque mondiale, «Quick Reference Tables: Data and Statistics», sur Internet: http:// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html

Canada (Gouvernement du), ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. «Coup d’œil sur les Émirats arabes unis», sur Internet: http:// www.dfait-maeci.gc.ca/middle_east/united_arab_emirates_background-fr.asp

Elections around the World, «Elections in the United Arab Emirates», 2003, sur Internet: http://www.electionworld.org/election/unitedarabemirates.htm

Émirats arabes unis (Gouvernement des), sur Internet: http://www.uae.gov.ae/

Émirats arabes unis (Gouvernement des), ministère de l’Information et de la Culture, sur Internet: http://www.uaeinteract.com/government/political_system.asp

Fonds monétaire international (FMI), «IMF Country Report: United Arab Emirates», mars 2003, sur Internet: http://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2003/ cr0367.pdf

Nations Unies (Organisation des), «United Arab Emirates», Online Network in Public Administration and Finance, sur Internet: http://unpan1.un.org/intradoc/groups/ public/documents/un/unpan000199.pdf

Ozmucur, Suleyman, «Middle East Economic Outlook», Organisation des Nations Unies, 25 avril 2003, sur Internet: http://www.un.org/esa/analysis/link/ presentations03/mideast_0403.PDF

Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain 2003: Indicateur du développement humain, sur Internet: http:// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf

Réseau arabe de renseignements industriels (Arab Industrial Information Network), «United Arab Emirates: Physical Features», sur Internet: http://www.arifonet.org.ma/data/ about/About2_us.html

Notes

1 15 ans et plus

2 Ces chiffres ne représentent que Abou Dhabi, Dubaï et Ash Shariqah (Sharjah).