Serbie-et-Monténégro (Union d’États de Serbie-et-Monténégro*)

MIHAILO CRNOBRNJA

1 histoire et évolution du fédéralisme

Même si la République fédérale de Yougoslavie n’est pas un pays «ancien» au sens strict, elle n’en revendique pas moins une histoire tumultueuse. Le pays a survécu à une longue domination étrangère, et a connu, en moins de 75 ans, quatre constitutions et deux séries de révisions constitutionnelles importantes. Le pays appelé Yougoslavie a changé de nom et de taille, et a modifié le nombre de ses entités fédérées. Il fut même rayé de la carte lors de la Deuxième Guerre mondiale.

Depuis le milieu du XVe siècle jusqu’à la chute de l’Empire austrohongrois après la Première Guerre mondiale, les populations de cette région ont été soumises à des dominations étrangères. L’Autriche gouvernait la Slovénie, la Hongrie régnait sur la Croatie; Venise dominait certaines régions côtières du territoire qui constitue aujourd’hui la Croatie. Quant à la Serbie (qui comprenait les territoires actuels de la Macédoine et du Monténégro) et à la Bosnie, elles étaient sous l’autorité de l’Empire ottoman. Au congrès de Berlin de 1878, à la suite de la guerre opposant la Serbie, le Monténégro et la Russie à la Turquie, la Serbie obtint son indépendance de l’Empire ottoman; l’indépendance

* La République fédérale de Yougoslavie est devenue l’Union d’États de Serbie-et-Monténégro le 4 février 2003, quand l’ancien Parlement fédéral a entériné une nouvelle «Charte constitutionnelle» rebaptisant le pays.

du Monténégro fut également reconnue. Lorsque la guerre éclata en 1914, le Monténégro se rangea aux côtés de la Serbie, et en novembre 1918, une Assemblée nationale vota en faveur de l’union avec la Serbie.

La Yougoslavie se constitua comme pays à la fin de la Première Guerre mondiale. Le 1er décembre 1918, la Bosnie, la Croatie et la Slovénie (ces deux dernières faisaient antérieurement partie de l’Empire austro-hongrois qui s’écroula en 1918) décidèrent de se joindre à la Serbie, au Monténégro et à la Macédoine pour former un nouveau pays multiethnique. À l’origine, le pays s’appelait le «royaume des Serbes, Croates et Slovènes», mais le roi Alexandre lui attribua le nom de Yougoslavie en 1929. La «première Yougoslavie» était une monarchie constitutionnelle dotée d’un Parlement sous l’autorité souveraine de la dynastie serbe des Karadjordjevic. Quoique multiethnique et formé de régions ethniques affichant toutes une histoire propre, le pays était centralisé. Mais le fait que les régions et groupes ethniques ne disposaient d’aucune autonomie au plan des affaires politiques ou culturelles allait donner lieu à de graves dissensions, notamment parmi les Serbes et les Croates.

La Deuxième Guerre mondiale provoqua le morcellement de la Yougoslavie; une partie du territoire fut annexée à l’Allemagne, la côte revint à l’Italie, la majeure partie de la Macédoine se greffa à la Bulgarie, le Kosovo fut donné à l’Albanie (alors un État fantoche italien), alors que des parcelles du Nord tombèrent sous l’emprise des Hongrois. Deux États «indépendants» furent créés, la Croatie et la Serbie, mais ils étaient en réalité dominés par les forces allemandes d’occupation. Pendant la guerre, on vit émerger deux grands mouvements de résistance. Les membres d’un de ces groupes, les tchetniks, étaient des royalistes qui luttaient en faveur de la restauration de la monarchie et du retour de la «première Yougoslavie»; ils n’étaient actifs que dans les régions serbes. Les membres de l’autre groupe, les partisans (sous l’égide du maréchal Josip Broz, dit Tito), étaient actifs dans tous les territoires ayant fait partie de la Yougoslavie, et luttaient pour établir une Yougoslavie nouvelle et différente. Reconnaissant que le type d’État antérieur fortement centralisé ne correspondait pas à la diversité de ses composantes ethniques, le mouvement des partisans, dès 1943, fit connaître son objectif d’instaurer la future Yougoslavie en État fédéral.

La reconnaissance internationale accordée au mouvement des partisans renforça sa position dans le pays. Grâce à une aide minime des Alliés, les partisans libérèrent tous les territoires de l’ancienne Yougoslavie et créèrent la nouvelle «deuxième Yougoslavie». Le 26 novembre 1945, on assista à la naissance de la République populaire fédérative de Yougoslavie, et la Constitution de 1946 en fit un État fédéral. La nouvelle Yougoslavie fédérale regroupait six républiques : la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Slovénie. En Serbie, on créa deux provinces autonomes reconnaissant les fortes minorités qui s’y étaient établies (les Hongrois en Voïvodine, et les Albanais au Kosovo).

Quoique théoriquement une fédération, la Yougoslavie était en réalité un État fortement centralisé. Le cœur du mouvement partisan étant constitué de communistes, nul ne fut surpris de voir le régime politique se transformer en une réplique de celui de l’Union soviétique. Même si chacune des six républiques possédait sa Constitution, son Assemblée, son drapeau et divers autres symboles de souveraineté, la grande majorité des décisions politiques se prenaient au Comité central et au Politburo du Parti communiste yougoslave. En revanche, on notait une grande autonomie culturelle et linguistique, une nette amélioration par rapport à la situation d’avant-guerre.

En 1948, la Yougoslavie était exclue du Bloc soviétique en raison de son trop grand esprit d’indépendance. Dès lors, l’histoire de l’État yougoslave allait s’orienter vers la démocratisation graduelle et la décentralisation du pouvoir central vers les républiques fédérales. Une nouvelle Constitution vit le jour en 1963. Outre le changement de nom et la proclamation de la République socialiste fédérative de Yougoslavie pour souligner l’essence même de l’idéologie politique, la nouvelle Constitution accordait un pouvoir décisionnel considérable aux républiques. De fait, les républiques devenaient les premières responsables en matière d’éducation, de santé et de politique sociale. Le système judiciaire et l’application de la loi furent également modifiés pour accroître le pouvoir des républiques et alléger les responsabilités de l’État fédéral.

La Constitution de 1974 changea encore une fois la structure de l’État et renforça les prérogatives des républiques. Après la mort de Tito, les fonctions de chef de l’État seraient exercées collégialement, et la présidence assumée à tour de rôle pendant un an. Sous le règne de Tito et jusqu’à sa mort en 1980, ce corps collégial existait de façon symbolique, mais par la suite, ses pouvoirs s’affirmèrent.

Même si la Constitution de 1974 accordait aux républiques le droit de sécession, les procédures à suivre pour exercer ce droit n’étaient pas précisées. Cette situation donna lieu à de grands débats lors de la dissolution du pays en 1991–1992. Les républiques se dotèrent également de structures militaires, d’une sorte de garde nationale et d’autres éléments qui venaient gonfler les rangs de l’armée permanente yougoslave. Enfin, les républiques obtinrent le droit d’entretenir des relations internationales limitées et se dotèrent toutes de ministères des Affaires étrangères.

L’aspect le plus controversé de la Constitution de 1974 n’en demeurait pas moins le traitement réservé aux provinces autonomes de Serbie. Le Kosovo et la Voïvodine, quoique toujours considérés comme membres officiels de la Serbie, étaient en même temps des entités fédérales ayant une représentation directe au niveau fédéral. À ce titre, ils étaient traités presque sur le même pied que la Serbie, l’une des républiques de la fédération. La seule différence tenait au nombre de représentants que la Serbie et la Voïvodine/Kosovo déléguaient respectivement aux deux chambres du Parlement fédéral. Même si cette situation déplaisait fortement aux Serbes, ces derniers ne pouvaient rien tenter du vivant de Tito. Mais après sa mort, les tensions engendrées par cet élément irritant de nature constitutionnelle allaient exacerber le nationalisme serbe et favoriser l’arrivée au pouvoir de Slobodan Milosevic.

Le laps de temps écoulé entre la mort de Tito et la disparition définitive de la «deuxième Yougoslavie» en 1992 a été marqué par l’atrophie graduelle de la fédération, et son fonctionnement de plus en plus chaotique en faisait une proie facile pour les dirigeants ambitieux des républiques. Depuis 1987, la montée du nationalisme ethnique a rendu le débat sur l’avenir de la Yougoslavie encore plus passionné et enflammé, chaque groupe ethnique clamant son insatisfaction face à la situation et prétendant qu’un autre groupe ethnique (ou plusieurs autres groupes) bénéficiait d’un traitement préférentiel. Alors que le règne de Tito s’inscrivait sous la bannière de politiques inclusives favorisant les forces centripètes, les nouvelles élites des républiques privilégièrent, après sa mort, des politiques exclusives, véritables sources de discorde et fortement centrifuges.

Puisque la Constitution ne prévoyait pas clairement les procédures de dissolution de la fédération, chaque partie interprétait le processus de la manière qui lui convenait le mieux. La conclusion d’un accord s’avérant impossible, les républiques quittèrent la Yougoslavie à la suite de décisions unilatérales. La Slovénie et la Croatie furent les premières à partir, suivies de la Macédoine et, enfin, de la Bosnie-Herzégovine. En Slovénie, en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, les déclarations unilatérales d’indépendance donnèrent lieu à des guerres. Seule la Macédoine quitta la fédération pacifiquement. Les Serbes tentèrent d’abord de sauver le pays par la force militaire en Slovénie. Après leur échec, ils cherchèrent à créer une grande Serbie qui comprendrait les territoires de Croatie et de Bosnie habités par les Serbes. Leurs démarches conduirent à de sanglantes guerres ethniques qui allaient durer près de quatre ans.

La République socialiste fédérative de Yougoslavie est morte de mort lente. Nul ne sait vraiment à quel moment précis l’ancien pays a cessé d’exister. Chose certaine, la nouvelle République fédérale de Yougoslavie, même amputée, a vu le jour le 27 avril 1992, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution. La fédération de la République fédérale de Yougoslavie réunissait la république du Monténégro et la république de Serbie, soit les deux républiques de l’ancienne République socialiste fédérative de Yougoslavie au plus vaste dénominateur commun. On notait très peu de disparités culturelles, religieuses et ethniques entre les habitants de ces deux républiques, les deux regroupant des populations de même ethnie. Le territoire de la Serbie est six fois plus grand, 16 fois plus peuplé et près de 20 fois plus prospère au plan économique. Malgré un tel écart, cet État plutôt singulier ne connut aucun problème durant cinq ans, non pas tant à cause de son modèle constitutionnel que de la volonté politique d’un seul homme: Slobodan Milosevic. À cette époque, Milosevic était président de la Serbie, mais il dirigeait également la fédération par ses mandataires, et cela, avec le consentement du Monténégro.

Au début de 1997, le Monténégro connut un changement de pouvoir. Milo Djukanovic, d’esprit plus indépendant, remplaça un fidèle partisan de Milosevic. Djukanovic privilégia au Monténégro une politique d’éloignement de la Serbie de Milosevic, son partenaire fédéral. À l’été de 1997, Slobodan Milosevic devint président de la République fédérale de Yougoslavie. Il choisit alors comme premier ministre un dirigeant politique issu de l’opposition au Monténégro plutôt qu’un politicien associé à la coalition dirigeante de Djukanovic. De fait, ce choix de partenaire reflétait plus son sens de la loyauté que l’esprit et la lettre de la Constitution. Il s’ensuivit que la politique de distanciation du Monténégro par rapport à la Serbie prit de l’ampleur. La fédération fut déclarée illégale et illégitime; au Monténégro, on ignora les lois et les politiques fédérales, à la convenance de Djukanovic. L’Occident soutint largement une telle dynamique politique au Monténégro. Il offrit même une aide morale, politique et financière, une approche perçue comme irritante au plus haut degré par le régime autoritaire de Milosevic en même temps qu’une tête de pont pour le développement de la démocratie en République fédérale de Yougoslavie.

Au début, le Monténégro maintenait sa volonté de rester un partenaire fédéral tout en prétendant que Milosevic lui «mettait des bâtons dans les roues», en raison de son régime autoritaire et oppressif qui niait l’existence officielle du Monténégro. Mais en prenant ses distances des politiques de Milosevic, le Monténégro s’éloigna de la fédération. En 2000 par exemple, le Monténégro a remplacé le dinar yougoslave par le mark allemand comme monnaie courante, ce qui représentait une violation flagrante de la Constitution fédérale.

Quand le régime Milosevic prit fin en octobre 2000, l’élan en faveur de l’indépendance du Monténégro ne ralentit pas pour autant. Le nouveau président démocratiquement élu de la République fédérale de Yougoslavie et le gouvernement démocratiquement élu de la Serbie proposèrent aussitôt des modifications à la Constitution existante, ou l’ébauche d’une nouvelle Constitution à partir des principes fédéraux. Le Monténégro déclina l’offre. C’est alors que l’Union européenne entra en scène.

Redoutant les conséquences d’une éventuelle «balkanisation», l’Union européenne utilisa la technique de «la carotte et du bâton» afin d’éviter la dissolution de la République fédérale de Yougoslavie. Les États-Unis soutinrent la position de l’Union européenne, qui souhaitait l’union de la Serbie et du Monténégro en un État quelconque, une proposition que le Monténégro, partenaire récalcitrant, finit par accepter. En mars 2002, les représentants de la Serbie, du Monténégro, de la République fédérale de Yougoslavie et de l’Union européenne signèrent l’accord de Belgrade, un accord sur les principes des relations de la Serbie et du Monténégro; document politique typique, il visait à définir les fondements de la Charte constitutionnelle du nouvel État. Plusieurs de ces principes étaient si peu précis que chaque partie pouvait prétendre à une lecture authentique de «l’esprit et la lettre» de l’accord. Alors que l’accord prévoyait que la Charte constitutionnelle serait rédigée en trois mois, le travail se poursuivit pendant près d’un an. Enfin, le 4 février 2003, l’adoption de la Charte constitutionnelle sonnait le glas de la troisième incarnation de la Yougoslavie. Le nouvel État de Serbie-et-Monténégro était né.

2 dispositions constitutionnelles1

L’Union d’États de Serbie-et-Monténégro ne possède pas de constitution proprement dite; elle s’est dotée d’une Charte constitutionnelle. Elle ne dispose ni d’actifs ni de recettes fiscales propres. Les institutions communes se définissent comme des mécanismes de coordination politique plutôt que des institutions d’État. Seules la défense et la politique étrangère relèvent intégralement de l’Union, tandis que les autres champs d’activités sont du ressort exclusif des deux États membres.

1 Dans l’édition de 2002, cette section s’intitulait «Dispositions constitution

nelles relatives au fédéralisme». Puisque les dispositions actuelles ne sont

pas explicites en ce qui concerne les éléments du fédéralisme, nous avons

supprimé la seconde partie du titre.

L’article 60 de la Charte constitutionnelle est sans doute le plus particulier, puisqu’il permet à chaque république d’organiser un référendum sur l’indépendance trois ans après l’entrée en vigueur de la Charte. Cette clause autodestructrice constitue, avec son échéance de trois ans, une véritable «bombe à retardement». L’instance qui optera pour l’indépendance perdra la reconnaissance internationale, qui ira, par défaut, à celle qui s’y sera opposée. Cet article unique en son genre stipule également que, si jamais le Monténégro se sépare, les accords internationaux sur le Kosovo (résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies) relèveront du futur État de Serbie.

L’article 2 stipule que l’Union d’États est basée sur l’égalité entière entre les deux États qui ont décidé, de leur libre arbitre, d’adhérer à l’Union.

L’article 3 énonce les raisons et les buts de l’Union dont:

L’article 14 stipule que seule l’Union d’États relève des lois internationales et peut adhérer aux organismes internationaux.

L’article 18 stipule que l’Union d’États n’a pas de recettes autonomes, puisque ce sont les contributions des deux membres qui assurent son financement.

Les articles 19 à 25 définissent l’Assemblée du nouvel État comme un Parlement monocaméral de 126 membres dont 91 proviennent de Serbie, et 35 du Monténégro. Une disposition originale prévoit que les membres du Parlement de l’Union d’États sont choisis indirectement (par les assemblées respectives des États membres) pour les deux premières années du mandat, après quoi ils seront élus au suffrage direct populaire. Le Parlement ne jouit que de compétences très limitées et s’occupe surtout de la politique extérieure de l’Union d’États.

Les articles 26 à 32 définissent les responsabilités du président de la Serbie-et-Monténégro, qui sont surtout protocolaires. Notons que le président est également président du Conseil des ministres et donc, en quelque sorte, premier ministre.

Les articles 33 à 45 établissent les compétences du Conseil des ministres. Le Conseil se compose essentiellement de six membres, et il coordonne le fonctionnement des cinq ministères qui existent au niveau de l’Union d’États, ainsi que l’application de politiques sur lesquelles les deux États membres se sont mis d’accord au préalable. Le président et deux ministres proviennent d’un État membre, alors que les trois autres ministres viennent de l’autre État. Le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense ne peuvent relever du même État, et leurs sous-ministres sont recrutés dans l’autre État. Deux ans plus tard, ministres et sous-ministres changent de place. Quant à la représentation à l’étranger, elle se fait sur une base paritaire, puisque chaque État nomme la moitié des ambassadeurs. Le ministre des Relations économiques internes veille au fonctionnement du marché intérieur; celui des Relations économiques externes coordonne la représentation au sein des organismes internationaux, l’intégration à l’Union européenne et le commerce extérieur. Il n’y a toutefois aucune harmonisation en ce qui concerne les lois douanières, l’union douanière ou le tarif douanier.

Les articles 46 à 50 établissent les prérogatives de la Cour suprême de l’Union d’États. Elle ne dispose pas d’autorité fondamentale; elle n’exerce pas de fonctions indépendantes, et ne fait que coordonner l’appareil judiciaire des deux États. La Cour suprême siège à Podgorica, la capitale du Monténégro. Toutes les autres institutions du nouvel État ont leur siège à Belgrade.

3 dynamique politique récente

Deux événements sont à l’origine de l’aménagement vague de l’Union d’États et des difficultés qui entourèrent la naissance de cette «structure squelettique». D’une part, lors de la période de 1997 à 2002, les systèmes économique et judiciaire jadis unis de la Yougoslavie se sont scindés en deux systèmes très différents et nettement incompatibles. Pour couronner le tout, le Monténégro a adopté une autre monnaie en tant que devise légale. Il est évident qu’il serait laborieux de remettre en place les deux systèmes précédents. Même la création d’un dénominateur commun minimal, comme le réclame l’Union européenne, s’avère difficile, compte tenu du peu d’intérêts communs des deux parties.

D’autre part, on n’observe aucun désir politique profond, surtout au Monténégro, de consolider la nouvelle Union d’États et de raffermir son autorité. Cette répugnance se répand lentement mais sûrement à l’échelle de la Serbie. Même si elle n’alimente pas encore un courant politique fort, la perspective que la «Serbie se gouverne seule» gagne en popularité chaque jour.

Toutefois, sous la forte pression de l’Union européenne qu’adoucit la perspective de l’intégration de la Serbie-et-Montrénégro à l’Europe, les deux républiques ont consacré une année entière à produire ensemble un plan d’action pour l’harmonisation des deux systèmes économiques. Promulgué loi en août 2003, ce plan vise à établir en Serbie-et-Monténégro, en deçà de trois ans, un marché commun suffisant pour signer un accord d’association avec l’Union européenne.

Les deux États auront-ils la sagesse d’examiner à long terme leur avenir commun plutôt que de mesurer à court terme leurs intérêts politiques? L’Union européenne décidera-t-elle que la création d’un avenir commun dans les Balkans, une région proverbialement instable, est suffisamment importante pour justifier la poursuite des pressions engagées et l’offre de soutien politique et d’aide financière? À l’heure actuelle, ces questions fondamentales demeurent sans réponse.

Nul débat sur la Yougoslavie, désormais la Serbie-et-Monténégro, ne serait complet sans évoquer le statut du Kosovo au sein de la fédération. Depuis 1999, le Kosovo, jadis une «région autonome» dans le giron de la Serbie, est devenu de facto un protectorat international, sous la férule de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK). En 2001, il y a eu des élections pour élire le Parlement local et le président du Kosovo, renforçant le désir d’autonomie dans la région. Le statut définitif du Kosovo, avec ou sans la Yougoslavie et la Serbie, est loin d’être réglé. La résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies stipule qu’il faut chercher une solution à l’intérieur même du cadre yougoslave.

Jusqu’ici, la communauté internationale s’en est tenue à l’esprit et à la lettre de la résolution, craignant une nouvelle vague de désintégration dans les Balkans, si jamais le Kosovo accédait à l’indépendance. Il va de soi que les Serbes favorisent l’idée d’un «Kosovo à l’intérieur de la Serbie», alors que les Albanais du Kosovo sont farouchement opposés à l’idée de retomber sous le joug de la Serbie. Pour freiner les revendications croissantes des Albanais du Kosovo en faveur de l’indépendance, les administrateurs de l’ONU au Kosovo ont mis au point la stratégie «des normes avant le statut». En d’autres termes, on n’entamera les pourparlers fixant le statut définitif du Kosovo que lorsque les droits de la personne, la suprématie du droit et diverses autres normes de la vie courante seront respectés au Kosovo. Il existe un écart considérable entre la position des Albanais du Kosovo et celle du gouvernement de Serbie; il faudra encore beaucoup de temps et de travail ardu sur le terrain pour trouver une solution convenable.

4 sources de renseignements supplémentaires

Crnobrnja, Mihailo, The Yugoslav Drama, 2e éd., Montréal, McGillQueen’s University Press, 1997.

Lampe, John, Yugoslavia as History, New York, Cambridge University Press, 1996.

Ramet, Sabrina Petra, Nationalism and Federalism in Yugoslavia, 2e éd., Bloomington, Indiana, Indiana University Press, 1992.

http://lcweb2.loc.gov/frd/cs/yutoc.html, renseignements provenant de la bibliothèque du Congrès américain

http://www.gov.yu, gouvernement de la Serbie-et-Monténégro

http://www.einnews.com/serbiamontenegro/, bulletin de nouvelles sur la Serbie-et-Monténégro.

http://www.ssees.ac.uk/, École d’études slaves et de l’Europe de l’Est, University College, Londres

http ://www.icg.org, International Crisis Group

http ://www.balkans.eu.org, bulletin de nouvelles sur la région des Balkans

http ://wwww.ceri-sciences-po.org/publica/critique/article/ci16p85115.pdf, présentation du Rapport de suivi de la Commission internationale indépendante sur le Kosovo

Tableau I Indicateurs politiques et géographiques

Capitale Belgrade
Nombre et type d’unités constituantes 2 républiques : Monténégro, Serbie 2 régions autonomes en Serbie : Kosovo1 (Kosovo-Metohija), Voïvodine
Langue(s) officielle(s) Serbe
Superficie 102 173 km2
Superficie – plus grande unité constituante Serbie – 88 361 km2
Superficie – plus petite unité constituante Monténégro – 13 812 km2
Population totale 8 300 000 (2002)
Population de chaque unité constituante (% de la population totale) Serbie 94%, Monténégro 6 %
Régime politique – fédéral République fédérale
Chef d’État – fédéral Président de l’Union : Svetozar Marovic (2003). Élu par le Parlement pour un mandat d’une durée de 4 ans. Les prochaines élections auront lieu en 2007. Le président et le président du Parlement ne peuvent provenir du même État membre.
Chef de gouvernement – fédéral Président de l’Union. Le président préside le Conseil des ministres (Cabinet), qui est composé de 5 ministères.

Structure de gouvernement – fédéral

Monocaméral – Parlement de Serbie-et-Monténégro, 126 membres élus le 25 février 2003. Durant les deux premières années après l’adoption de la Charte constitutionnelle en 2003, les membres seront élus au suffrage indirect par les assemblées des États membres proportionnellement à leur population respective. Après cette période, les membres seront élus au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 4 ans.

Nombre de représentants à la Serbie – 91 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Nombre de représentants à la Monténégro – 35 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée

Répartition des représentants Il n’y a pas de Chambre haute. à la Chambre haute du gouvernement fédéral

Tableau I (suite)

Partage des compétences Depuis 2003, lors de la création de l’Union d’États de Serbie-et-Monténégro, les compétences du gouvernement fédéral se limitent en pratique aux affaires étrangères, à l’adhésion à des organismes internationaux, à l’immigration, à la défense et aux droits de la personne. Les républiques sont responsables de toutes les autres compétences.

Compétences résiduelles Les compétences résiduelles relèvent des républiques.
Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance Cour de Serbie-et-Monténégro. Les juges des deux États membres sont représentés de manière égale à la
en matière constitutionnelle) Cour. Ils sont proposés par le Conseil des ministres, et
élus par le Parlement pour un mandat d’une durée de
6 ans.
Régime politique – Monocaméral :
unités constituantes Assemblée nationale de la république de Serbie, 250 membres. Élus au suffrage direct pour un mandat
d’une durée de 4 ans. L’Assemblée élit le gouverneur
et le président de la république.
Assemblée de la république du Monténégro, 74 mem
bres actuellement. Les membres du Parlement sont
élus au suffrage direct.
Chef de gouvernement – Président
unités constituantes

Tableau II Indicateurs économiques et sociaux

PIB 37,3 milliards de $ US à PPA (2002)
PIB par habitant 4 500 $ US à PPA (2002)
Dette nationale extérieure 11,8 milliards de $ US (2002)
Dette infranationale s.o.
Taux de chômage national 24,7 % (2002)
Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé Monténégro – 38,9% (est. 2002)
Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible Serbie – 33,4 % (2002)
Taux d’alphabétisation chez les adultes 98 % (2001)2
Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB) 4,1% (1998–2000)
Espérance de vie (années) 72,9 (2001)
Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes 739,1 millions de $ US (2001)
Recettes des unités consti- Monténégro – 364,2 millions de $ US (2002)
tuantes – impôts et sources Serbie – 7,9 milliards de $ US (2002)
connexes
Transferts fédéraux aux unités s.o.
constituantes

Mécanismes de péréquation Les compétences fiscales du gouvernement fédéral sont limitées. Ses finances proviennent des 2 États membres (en vertu de l’article 18 de la Charte constitutionnelle).

Sources

Banque mondiale, «Serbia and Montenegro: Public Expenditure and Institutional Review.», février 2003, et «Federal Republic of Yugoslavia: Country Financial Accountability Assessment», décembre 2002, sur Internet: http:// lnweb18.worldbank.org/eca/eca.nsf

Banque nationale de la Serbie, Annual Report 2002: Macroeconomic Developments, sur Internet: http://www.nbs.yu/english/publications/ar_2002/ macroeconomic%20developments.pdf

Constitutional Charter of the State Union of Serbia and Montenegro, Université Carleton, mars 2003, sur Internet: http://www.carleton.ca/cfsee/cons.pdf

Fonds monétaire international (FMI), «IMF Country Report: Serbia and Montenegro», juin 2003, sur Internet: http://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2003/ cr03151.pdf

Gligorov, Vladimir, Mario Holzner et Michael Landesman, «Prospects for Further (South-)Eastern EU Enlargement: from Divergence to Convergence?», Institut de Vienne pour l’étude économique internationale (Vienna Institute for International Economic Studies), juin 2003, sur Internet: http://www.wiiw.ac.at/pdf/ RR296_press.pdf

Kokkalis Program on Southern and Eastern-Central Europe: Serbia and Montenegro, John F. Kennedy School of Government, Université Harvard, sur Internet: http:// www.ksg.harvard.edu/kokkalis/region_serbiamontenegro.html

Monténégro (Gouvernement du), «Monthly Macroeconomic Report.», décembre 2002 et janvier 2003, sur Internet: http://users.skynet.be/cedesguin/MofCG/English/ Macro/Reports/MacroReportDec2002Jan2003.htm

Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «Stability Pact: Review of Regulatory Governance in South-East Europe», mai 2003, sur Internet: http://www.investmentcompact.org/pdf/RegRefReview.pdf

Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Human Development Indicators 2003. Serbia and Montenegro, sur Internet: http://www.undp.org/hdr2003/ indicator/cty_f_YUG.html

Serbie (Gouvernement de la), «Assembly», sur Internet: http://www.serbia.sr.gov.yu/

Serbie-et-Monténégro (Gouvernement de), «Serbia and Montenegro: Identity Card», sur Internet: http://www.gov.yu/start.php?je=e&id=6

Serbie-et-Monténégro (Gouvernement de), Bureau des statistiques, Statistical Pocket Book, 2003, sur Internet: http://www.szs.sv.gov.yu/StatKal3/Komplet.pdf

Serbie-et-Monténégro (Gouvernement de), ministère des Affaires étrangères, «About Serbia and Montenegro», sur Internet: http://www.mfa.gov.yu/YugFrameset.htm

Notes 1 Le Kosovo est actuellement placé sous administration internationale civile et militaire intérimaire. 2 15 ans et plus