Est-il possible de modifier la constitution de l’Inde?

PAR PRASENJIT MAITI

cours de cette année, une commission • étudier les méthodes et les moyens pour structure gouvernementale et mieux

spéciale chargée d’examiner la constitution de l’Inde fera connaître ses conclusions.

Dans son manifeste électoral de 1999, l’Alliance démocratique nationale, sous l’égide du parti Bharatiya Janata, promettait en effet de revoir la constitution indienne dans le cas de son élection au pouvoir.

M. Venkatachaliah, ancien juge de la cour suprême de l’Inde, a été nommé par le gouvernement à la tête de cette commission.

Le juge Venkatachaliah et ses collègues, parmi lesquels on compte plusieurs politiciens, juristes et journalistes, doivent proposer des mesures pour moderniser des institutions de gouvernance démocratique républicaine et parlementaire, solidement ancrées dans les traditions de l’Inde.

Ce travail a débuté au mois de janvier 2000 et le rapport devait paraître un an plus tard. Cependant, le gouvernement a accordé un délai de huit mois aux membres de la commission.

Un large mandat

La commission examine les rouages de la constitution indienne depuis son adoption en 1950 et formule des recommandations sur la façon de rajeunir cette institution.

Ses recommandations finales seront soumises au gouvernement de l’Inde et au parlement de l’Union. Elles constitueront le point de départ des discussions susceptibles de modifier la constitution à certains égards.

Le mandat de la commission se limite à définir une constitution proactive et sensible qui saurait s’adapter aux besoins changeants d’un « mode de gouvernance efficient, harmonieux et efficace » et à l’évolution socio-économique d’une nation en voie de modernisation et de « mondialisation ».

Ce mandat permet toutefois à la commission d’englober un certain nombre de champs d’action : promouvoir les institutions

démocratiques et favoriser leur

imputabilité ;

    évaluer les réformes électorales ;

  • examiner les enjeux de l’évolution socioéconomique, du développement et de l’abolition de la pauvreté ;

  • adopter des mesures constitutionnelles pour développer l’alphabétisation et la sécurité sociale ;

  • analyser les relations fédérales-étatiques dans des domaines critiques comme l’intervention centrale « injustifiée » et le partage des revenus ;

  • promouvoir un mode de gouvernement décentralisé par les panchayats (institutions locales de gouvernement autonome) ;

  • augmenter les droits fondamentaux et les droits des minorités (musulmans, chrétiens, sikhs, etc.) de même que ceux des castes et des tribus ;

    • exercer un contrôle légal sur les politiques fiscales et monétaires.

    • En ce qui touche les relations fédéralesétatiques, la commission s’est penchée sur des dossiers tels que :

    l’imposition de la « loi du président » suivant le blocage de la machinerie constitutionnelle dans les états ;

  • la nomination de gouverneurs (les soidisant agents du gouvernement central) au sein des états.

Des forces économiques globales

La commission s’inscrit dans un contexte de mondialisation.

Le gouvernement souhaiterait que les modifications à la constitution fassent état du rôle relativement nouveau de l’Inde en ce qui concerne sa présence dynamique et active sur la scène économique mondiale. Il sollicite des suggestions sur les réformes à engager pour aider l’Inde à modifier sa répondre aux exigences de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international et des investisseurs étrangers.

Dans une telle conjoncture, des éléments comme la bonne gouvernance, particulièrement au chapitre des finances, figurent au sommet de la liste des priorités de la commission.

Autrement dit, le gouvernement compte sur la commission pour lui indiquer comment circonscrire le rôle de l’État et établir un régime politique plus attirant aux yeux des marchés.

Espoirs et craintes

L’étude exhaustive d’une constitution si profondément enracinée a suscité beaucoup de craintes et d’anxiété.

L’établissement de la commission par le gouvernement de l’Alliance démocratique nationale a soulevé un débat national. Certains se sont interrogés sur la pertinence d’une décision aussi « monumentale » prise par un gouvernement de coalition qui n’a reçu aucun mandat en ce sens.

L’Alliance démocratique nationale est perçue comme un supposé régime « nationaliste hindou » de droite. Sa décision d’établir la commission Venkatachaliah a-t-elle provoqué la colère du Congrès national indien centriste, des partis de gauche comme le Parti communiste de l’Inde et le Parti communiste de l’Inde (marxiste) à l’échelle nationale, et de divers partis régionaux des états. L’opposition craint que cette révision constitutionnelle dissimule quelque projet—celui, par exemple, de la promotion du chauvinisme de la majorité hindou et d’une plus grande persécution des minorités.

L’opposition souligne que le gouvernement de l’Alliance est lui-même instable et que sa décision repose plus sur des considérations politiques à court terme que sur une véritable affinité idéologique.

Les membres de l’opposition estiment que le gouvernement n’est pas légitimement

Fédérations volume 1, numéro 4, mai 2001

habilité à entreprendre un projet aussi ambitieux que celui d’un remaniement constitutionnel.

Pour sa part, le gouvernement de l’Alliance a maintes fois affirmé au peuple indien que ce processus n’aurait aucune incidence sur la structure fondamentale inaltérable de la constitution (définie par la Cour suprême en 1973 et en 1975), soit les objectifs décrits dans le préambule.

Concernant les citoyens et le processus de réforme constitutionnelle, les sondages d’opinion donnent un aperçu de leurs désirs (ou attentes).

Selon les sondages, les réformes devraient s’attacher en priorité aux domaines suivants :

  • le système électoral

  • les institutions axées sur l’imputabilité et la transparence politiques

  • l’habilitation des femmes et des segments moins privilégiés de la société

  • un mode de gouvernance décentralisé

  • l’intervention centrale au niveau des états

  • les relations fiscales fédérales-étatiques

Un demi-siècle d’expériences concrètes

La commission se heurte au fait que la constitution de l’Inde est un document redoutable. Celui-ci interdit, dans une large mesure, toute revue judiciaire inopinée excessive (comme c’est le cas aux États-Unis) ou des conventions informelles ou non écrites (comme c’est le cas au Royaume-Uni).

Quoiqu’il en soit, on peut espérer que l’examen de la constitution de l’Inde par la commission Venkatachaliah s’avérera utile, si tant est que l’exercice permette de tirer des leçons pratiques du fonctionnement de la constitution indienne depuis une cinquantaine d’années.

Aujourd’hui, la dynamique fédérale de l’Inde fournit de précieux indices permettant de cerner la configuration réelle de la politique. L’analyse d’une telle configuration permettra de mieux saisir les problèmes de la gouvernance de l’Inde et d’élaborer des techniques de négociation fédérale plus efficaces.

Fédérations volume 1, numéro 4, mai 2001