PAR OMAR ZAKHILWAL
forces militaires américaines et La grave crise qui sévit en Afghanistan comme celui qui existait auparavant en
britanniques continuent d’attaquer les Talibans et les repères secrets du maître à penser terroriste Oussama Ben Laden en Afghanistan. Cependant, plusieurs observateurs afghans et autres penseurs ont déjà conclu que l’intransigeant régime des Talibans est voué à disparaître. Ils tournent par conséquent déjà leur pensée vers l’avenir. Les États-Unis et leurs alliés affirmaient, au départ, que leurs incursions en Afghanistan visaient à contrer les réseaux terroristes et non à engager des mesures pour bâtir un état. Depuis, ils ont conclu que l’un ne va pas sans l’autre. Les hauts dirigeants des États-Unis et de l’Union européenne ont récemment engagé d’intenses discussions auprès de leurs alliés et de divers acteurs de la région ciblée pour discuter de la création d’un gouvernement posttaliban en Afghanistan.
Les idées abondent, mais les opinions varient quant au type de gouvernement le plus susceptible d’assurer la paix et la stabilité en Afghanistan. Au sujet des propositions soumises à ce jour, un haut fonctionnaire du Département d’État américain a indiqué que le régime qui convient le mieux à l’Afghanistan est une incarnation souple du fédéralisme. « Nous avons étudié la situation et l’expérience afghane montre qu’un gouvernement fondé sur une forme de fédération souple s’avérerait efficace et accommoderait un haut degré d’autonomie locale », a par ailleurs précisé le secrétaire d’État adjoint des États-Unis, Richard Armitage.
Il va de soi que les Afghans accueilleraient favorablement toute mesure positive qu’engagerait la communauté internationale pour établir dans ce pays déchiré un gouvernement pacifique et stable. Mais ils restent sceptiques face à tout mécanisme étranger qu’on voudrait leur imposer.
est le résultat direct de formules Afghanistan pour assurer la participation gouvernementales imposées par d’autres de tous les groupes ethniques au et d’interventions étrangères importunes. gouvernement du pays. La crise qui Un gouvernement qui prend forme perdure en Afghanistan tient à une
ailleurs que dans l’esprit des Afghans— ce qui s’est produit à maintes reprises au cours du dernier quart de siècle— viole le droit fondamental des Afghans à l’autodétermination.
Le fédéralisme, en soi, ne constitue pas un mode de gouvernance viable pour l’Afghanistan. Ceux qui connaissent bien la réalité afghane affirment qu’en plus d’être inefficace, un régime fédéral creuserait le fossé entre les divers groupes ethniques du pays et provoquerait la désintégration du pays.
Le fédéralisme : une option inutile
Les promoteurs du fédéralisme en Afghanistan justifient souvent leur choix en citant les plaintes des minorités qui accusent les gouvernements antérieurs de les avoir marginalisées. Mais ces promoteurs refusent d’indiquer comment on pourrait améliorer un régime unitaire longue liste de facteurs, mais les plaintes des groupes ethniques face à l’ancien gouvernement n’y figurent pas.
L’ancien régime gouvernemental afghan n’était certes pas sans faille. Aucun gouvernement ne peut se targuer d’une telle chose. Mais en raison du contexte culturel, historique, démographique et géographique compliqué de l’Afghanistan, ce régime particulier permettait des améliorations et s’avérait supérieur à un régime fédéral quelconque. Changer pour changer, sans justification valable, n’entraînerait rien de bon.
La série d’interventions étrangères en Afghanistan a exacerbé la misère dans laquelle s’engloutit le pays depuis l’invasion soviétique et l’ingérence des pays voisins. Ceux-ci ont harcelé l’Afghanistan sans relâche pour promouvoir leurs intérêts au détriment de la paix et de la stabilité. Plutôt qu’une guerre civile, comme l’ont baptisé les
Fédérations Spécial Afghanistan, octobre 2001
observateurs, le conflit permanent en Afghanistan constitue surtout une guerre par procuration entre voisins. Les spécialistes étrangers qui croient au facteur ethnique font indéniablement fausse route.
La plupart de ces analyses tiennent au fait que les factions guerrières qui s’opposent en Afghanistan sont divisées en ethnies et en régions. Les Talibans, par exemple, sont surtout des Pachtouns du sud et de l’est, alors que les militaires de l’Alliance du nord font partie des Tadjiks, des Ouzbeks et des Hazaras du nord et du centre de l’Afghanistan. Toutes ces factions sont extrêmement ethnocentriques. Chacune a souvent commis de graves crimes à l’endroit de groupes ethniques rivaux tout au long de la guerre intestine qui a secoué le pays. Cette situation a suscité de nombreuses plaintes au sein des groupes ethniques puisque certains (majoritaires) cherchaient à en marginaliser d’autres (les minoritaires) lorsqu’ils occupaient le pouvoir.
Ce que les analystes n’ont pas encore découvert, c’est que chaque faction guerrière afghane s’attire autant la haine de son propre groupe ethnique que des groupes opposés. De plus, contrairement aux affirmations courantes, des groupes ethniques comme les Pachtouns, les Tadjiks, les Ouzbeks, les Hazaras, les Turkmènes, les Baloutchis, les Nooristanais et d’autres, ont évolué depuis vingt-cinq ans. Aujourd’hui, ils forment un groupe mixte avec une culture, une psychologie et un ethos communs. Les Pachtouns de l’est de l’Afghanistan ont plus en commun avec les Ouzbeks de l’Afghanistan du nord et forment plus facilement des liens avec eux qu’avec les Pachtouns du Pakistan, par exemple.
En dépit de leur diversité ethnique, les Afghans en sont venus à constituer une « entité afghane » unique aux plans politique et social. Cette distinction qui en fait de véritables Afghans leur permet de partager un seul et même pays, même si des nations voisines comme l’Iran et la Russie, ainsi que des factions guerrières au service de maîtres étrangers ont maintes fois tenté de faire éclater l’Afghanistan en se cachant sous le masque du fédéralisme.
Chefs guerriers, petits seigneurs et ingérence étrangère
Lorsqu’on examine l’histoire du régime unitaire afghan, on constate qu’il repose sur les mêmes éléments qu’un éventuel régime fédéral dans ce pays. Le fédéralisme est une forme avancée de gouvernement démocratique qui permet aux citoyens de participer au processus appuyés par l’Iran et les Junbish-i-Mili du général Dustom soutenus par l’Uzbekistan et la Russie—ont déjà tracé les frontières de leurs pays indépendants, au cœur même de l’Afghanistan. Ils ont vite compris que le fédéralisme est un concept-clé pour leur ouvrir des portes et les rapprocher de leur objectif ultime. Si leurs groupes ethniques respectifs appuyaient de telles aspirations, l’Afghanistan serait déjà un pays segmenté.
Pour instaurer une paix et une stabilité durables en Afghanistan, le gouvernement en place devrait représenter tous les
démocratique et aux prises de décisions à tous les échelons du gouvernement. Mais dans un pays comme l’Afghanistan, où le taux d’analphabétisme est élevé, où l’économie est en ruines et les ressources naturelles mal réparties, un état fédéral tomberait sous l’emprise de chefs guerriers et de petits seigneurs. Le gouvernement central n’inspirerait pas le respect et les guerres intestines se poursuivraient—cette fois pour établir qui obtient quoi. Les pays voisins seraient plus à même d’intervenir dans les affaires de l’État, ce qui finirait par entraîner le clivage permanent de l’Afghanistan le long de bornes linguistiques et ethniques.
En vérité, les deux factions guerrières qui réclament la création d’un état fédéral en Afghanistan—les Hezb-i-Wahdat de Khalili groupes ethniques. Au lieu de se laisser manipuler par un groupe quelconque au détriment des autres, il devrait donner une tribune à toutes les ethnies et les faire participer aux affaires courantes de l’État. Il devrait attiser chez chaque citoyen un sentiment d’appartenance au gouvernement et au pays, sans égard aux origines linguistiques et ethniques. Aucune raison ne devrait empêcher un régime unitaire de montrer de tels attributs.
Fédérations Spécial Afghanistan, octobre 2001