L’avenir : Un rôle d’envergure pour la communauté internationale

PAR RALPH LYSYSHYN ET PAUL MORTON

régime Taliban devrait être supprimé les ressources requises doivent être là serait à l’image de l’administration

incessamment. On peut déjà se demander à quoi ressemblera le gouvernement de l’Afghanistan après les actions militaires. D’évidence, l’infrastructure physique du pays devra être reconstruite, autant que ses structures et ses mécanismes gouvernementaux. Face à une telle dislocation sociale et politique, exacerbée par la vacuité de la gouvernance, la reconstruction doit dépasser la simple intitiative de mettre un gouvernement quelconque en place pour plutôt soutenir la création d’un système politique complet marqué au sceau des valeurs et des pratiques de la démocratie et de la bonne gouvernance.

La communauté internationale doit s’engager dans les premières étapes de ce changement, et garantir son soutien jusqu’à ce qu’un système de gouvernance correspondant aux besoins des Afghans soit solidement mis en place. Cela suppose des élections, et certainement plus qu’une.

Le « nation-building » dans les pays en voie de développement, telle que cette notion est comprise par les anglophones, est considérée révolue depuis quelques années. Cependant on aborde maintenant cette notion sous un angle neuf. Les gouvernements, en effet, ont promis que l’intervention actuelle en Afghanistan ne saurait répéter les erreurs des campagnes précédentes. Tout récemment, Jack Straw, secrétaire britannique des Affaires étrangères, a rappelé l’engagement de la communauté internationale en ce qui concerne la future gouvernance de l’Afghanistan, et évoqué ces quatre principes : primo, l’avenir de l’Afghanistan doit être mis entre les mains de la population de ce pays; secondo, une coalition mondiale est nécessaire pour aider à reconstruire l’Afghanistan; tertio, les Nations Unies doivent conduire ce processus politique; enfin, la politique et pour mener la tâche à terme.

Il est possible d’ergoter sur les détails : le premier et le dernier principe, par exemple, semblent évidents, tandis que les second et troisième paraissent bienfondés. Si le cercle infernal de la guerre civile et de l’intervention militaire doit être brisé, il est grand temps d’explorer les options d’un soutien international face à la reconstruction d’un gouvernement afghan efficace et représentatif. Cette coalition mondiale doit être créée et travailler immédiatement.

Nombreuses sont les personnes à avoir un intérêt dans le futur gouvernement de l’Afghanistan. Il est par conséquent clair que reconnaître ces personnes et discuter avec elles est impératif pour orienter le cours d’une action bien définie. Il relève des compétences, voire du rôle de la communauté internationale de réunir lesdites personnes et de les soutenir dans leurs négociations. Si la décentralisation ou une structure fédérale s’avère une option valable, et que plusieurs personnes l’approuvent, alors les pays fédérés devront faire en sorte de faciliter cette discussion.

Reste à voir ce que la communauté internationale peut précisément offrir comme soutien dans le domaine de la gouvernance. Quelles sont les options d’un programme efficace de soutien à la gouvernance en Afghanistan? Quelle que soit la stratégie choisie, la communauté doit à la fois soutenir ladite discussion et offrir un soutien technique dans la concrétisation des décisions qui en ressortiront.

Apprendre des efforts du passé

Les solutions pourraient également supposer l’engagement d’un gouvernement interim de l’UN qui transitoire de l’UN au Cambodge (UNTAC) suite au traité de Paris en 1991. Cette approche offre l’avantage d’une présence internationale relativement importante qui neutraliserait l’inévitable vide qui pourrait survenir après la campagne militaire. Le passage de l’intervention militaire à l’intervention non-militaire pourrait se faire en harmonie, notamment par des instances militaires de maintien de la paix. Cela demanderait toutefois un engagement international d’exception.

Un autre aspect positif du modèle UNTAC est que lors de la prise de décisions et de l’établissement de procédures, il permet d’éviter que le gouvernement de l’Afghanistan ne tombe entre les mains d’un parti ou d’un groupe dont les intérêts sont immédiats et non tournés vers une réelle évolution politique. Dans la perspective de ce scénario, la communauté internationale se retrouverait une fois de plus à devoir faire face à un pays brisé et à un gouvernement qui soutiendrait le terrorisme international en maintenant sa propre population dans la terreur.

Un régime interim construit sur les assises du modèle de l’UNTAC fournirait par ailleurs des cibles dans le processus de la nation à construire qui pourraient contribuer à amoindrir le sentiment d’un processus sans fin ce qui a, dans le passé, considérablement discrédité « la nation à construire » en tant qu’activité internationale. Même quand la communauté internationale et l’administration transitoire transmettront le pouvoir à une administration en Afghanistan, elles devront néanmoins y demeurer beaucoup plus longtemps que cela a été le cas au Cambodge.

Par ailleurs, le soutien international pourrait supposer l’engagement d’un

Fédérations Spécial Afghanistan, octobre 2001

accord-type Dayton de processus de négociations parrainés. À l’exception de l’Union Soviétique au cours des années quatre-vingts, l’influence des gouvernements étrangers en Afghanistan, militaires ou non, a largement contribué à soutenir indirectement les protagonistes du pays. Dans le passé, il s’agissait souvent d’une forme destructive de protection militaire. On peut aisément comprendre, par conséquent, qu’un soutien extérieur pourrait être perçu comme une forme de surveillance au sein des groupes en Afghanistan. Ceci pourrait réduire le besoin d’une importante présence étrangère lors de la négociation d’un traité de paix et d’une structure constitutionnelle. Cependant, dans un pays éclaté comme l’Afghanistan, un processus d’accord-type Dayton gagnerait à être considéré comme un moyen d’assurer une période de gouvernement transitoire définie dans le temps.

Engagement local et soutien international

Ainsi que nous l’avons indiqué au début, quelle que soit la forme que puisse prendre un engagement international en Afghanistan, il est impératif d’introduire un élément de durabilité à cet arrangement. La durabilité sous-entend alors un engagement local et non une présence étrangère sans fin. Cela signifie que le contenu du programme de soutien international doit être conçu afin que l’Afghanistan développe la capacité de se gouverner et non de consolider un régime temporaire.

Cela ne se produira que si le paysage socio-politique est pris en compte. L’élément de centralisationdécentralisation est l’une des clés. Rex Brynen, professeur de sciences politiques à l’Université McGill, souligne le fait que le gouvernement afghan a été assez décentralisé, et encore sous les Talibans. Il n’y a pas de précédent constitutionnel concret en Afghanistan, mais il y a des modèles de gouvernance en place. Si un processus constitutionnel doit réussir à se soutenir lui-même, il doit reconnaître ce fait. Il est évident que tout nouvel arrangement constitutionnel doit tenter d’équilibrer le pouvoir, et reconnaître de jure le partage du pouvoir. Cependant, le processus lui-même doit reconnaître la décentralisation actuellement présente. Bref, le processus officiel doit être bâti à même les structures en place.

Dans cette tâche, la communauté internationale est en position de fournir un soutien par le biais de son programme d’aide à la gouvernance. Avant même qu’une discussion constructive ne s’engage entre les parties concernées, une structure de références commune s’impose, de même qu’une ébauche des diverses options. Les anciens modèles de gouvernance en Afghanistan sont insuffisants, car ils s’appuient sur les règles non démocratiques des seigneurs de la guerre. La communauté internationale doit aider à construire cette structure de références commune. Un des moyens d’y parvenir suppose de tenir compte de la vraisemblable nécessité d’un modèle qui reconnaîtrait la diversité ethnique et régionale du pays. Il s’agirait de fournir aux parties un compte rendu détaillé des divers modèles fédéraux, qui fourniraient eux-mêmes un aperçu des origines des structures fédérales—dont les opportunités et les défis qui leur sont inhérents—et relier ces modèles possibles au contexte afghan.

Un rôle pour le « monde fédéral »

Les pays fédérés, de par leur nature, ont l’avantage de présenter diverses options de structures de gouvernement décentralisé. Par le biais d’un processus de consultation, les praticiens et les chercheurs de différents milieux fédéraux accordent toute leur attention à cette tâche : mettre les expériences fédérales de leur pays en relation avec les choix qui se poseront à l’Afghanistan, et fournir par là même un outil de qualité à ses bâtisseurs. Un processus semblable a été employé lors de la création de la nouvelle constitution sud-africaine.

Ce faisant, il est important d’admettre que les modèles abstraits et même existants ne sauraient être greffés à l’Afghanistan. Il s’agirait de transformer l’expérience des praticiens internationaux en une ressource significative pour le processus de « nation-building » en Afghanistan. Ce type de soutien serait à la base de la première étape d’une stratégie d’aide fournissant une historique détaillée des options fédérales et des gouvernements décentralisés déjà en place.

La seconde étape d’aide internationale ne pourra être réalisée que lorsque les praticiens afghans auront convenu des grandes lignes d’une structure gouvernementale de base. Ceux qui reconstruiront le pays auront besoin de leur propre vision d’un état afghan transformé mais également des habiletés techniques quant à la façon de gouverner un pays. Une fois de plus, ces pays ayant une structure gouvernementale fédérale auraient une base importante de connaissances quant à la gouvernance dans un système décentralisé. Appliquer lesdites connaissances dans le contexte afghan nécessite toutefois l’établissement d’un programme ayant pour objet de transformer ces connaissances en soutien pratique. La première étape du développement des options prendra un aspect de soutien nettement plus axé sur la technique. Là encore, les praticiens et les spécialistes du monde entier pourraient jouer un rôle de premier plan. De même, l’assistance devrait alors être substantielle et durable.

Le conflit actuel en Afghanistan est parfois décrit comme étant le prochain chapitre du Grand Jeu. L’inévitable suppression de l’actuel gouvernement doit marquer le début et non la fin de cet engagement. Au lendemain de la campagne militaire, les préoccupations humaines seront forcément prioritaires. Sans vouloir pousser démesurément la réflexion, nous pouvons affirmer qu’il serait dans l’intérêt des Afghans, de même que dans le nôtre, d’examiner avec beaucoup d’attention le rôle que pourrait jouer la communauté internationale dans la construction d’un système de gouvernement efficace et représentatif en Afghanistan.

Fédérations Spécial Afghanistan, octobre 2001