Marais est l’un des leaders de l’Alliance démocratique, la coalition du Parti démocratique et du Nouveau parti national (duquel Marais est membre). Au moment d’imprimer ce numéro, nous apprenons que M. Marais est en congé spécial en raison d’une enquête menée quant à sa décision de faire porter à deux rues les noms des

Fédérations : Comment envisagezvous d’unir une ville divisée comme Cape Town, si l’on pense qu’à l’époque de l’apartheid celle-ci était gouvernée par cinq sous-structures, des autorités gouvernementales locales définies par race et que l’accès aux services était inégal?

Noirs et la richesse aux Blancs. L’acte des groupes et des régions de l’époque de l’apartheid séparait non seulement les races, mais l’aptitude à payer, les comptes bancaires, les riches des pauvres, les nantis des démunis. Le grand défi est donc : comment démêler les deux communautés?

La façon dont l’uni-cité sera gouvernée administrativement aura-t-elle un rapport avec les défis raciaux?

Oui. Pour la première fois, la ville aura une politique concernant la pauvreté qui sera couverte par mon budget, lequel se présente en deux parties. Une part veut promouvoir la croissance économique en gardant les taxes basses. Simultanément la politique de pauvreté comprend l’abba, ce qui signifie égalité en Afrikaan. Abba, dans notre langue –la langue métisse—signifie porter un enfant sur son dos jusqu’à ce qu’il soit en mesure de marcher.

Voudriez-vous que les riches paient pour les pauvres?

Je crois qu’il est toujours juste d’obtenir quelque chose pour son argent. Si les riches paient davantage, ils auront une plus grande qualité de services. L’objectif, pour tous, est de pouvoir se dire « Je paie plus, mais j’en ai pour mon argent ».

Avez-vous l’intention d’affirmer une certaine souveraineté, voire une indépendance pour le gouvernement de la ville alors que vous avez à bâtir à même les décombres? Quel genre de choses allez-vous pouvoir faire pour créer cette souveraineté?

Nous devons d’abord considérer le gouvernement local comme une sphère indépendante du gouvernement et non comme un troisième niveau. Il n’y a pas de hiérarchie gouvernementale en Afrique du Sud. La Constitution n’en fait pas mention mais précise plutôt l’existence de sphères de gouvernement et de coopération. Maintenant, je considère le gouvernement local égal au gouvernement central et provincial. Je me laisse guider par les pouvoirs que la Constitution m’alloue. Enfin, nous nous penchons surtout sur les services à livrer contrairement aux autres sphères du gouvernement.

Le gouvernement provincial peut se comparer à un trésorier. Il obtient l’argent et paye les professeurs avec, de même que les pensions et les assurances santé. Ce gouvernement ne fait pas d’argent, il en dépense.

Les gouvernements locaux, en revanche, produisent leurs propres revenus. Ils doivent se creuser la cervelle quand il s’agit de trouver le prochain deux millions. Impôts, permis de chiens, location de leurs immeubles, sous-traitances, charges de départ… Toutes ces choses, depuis les abattoirs, les marchés de produits frais, la vente d’eau et d’électricité génèrent notre propre revenu.

Nous devons être considérés les égaux du gouvernement. Nous appartenons à la sphère gouvernementale qui livre des services puisque ce n’est pas le mandat des deux autres. Nous construisons les maisons et les cliniques.

Cependant le gouvernement national établit les standards des logements que vous pouvez construire, n’est-ce-pas?

Nous établissons nos propres standards dans la mesure où nous pouvons financer les projets. À l’heure actuelle, la Constitution indique que le logement relève du provincial. Si la Constitution était modifée demain, et qu’elle stipulait que le logement relevait du gouvernement local, nous trouverions des façons de financer cela. Cependant, nous ne pouvons pas dépenser d’argent sur des mandats sans fonds. Je pourrais assurer cette fonction si notre conseil ne pouvait pas obtenir d’argent à ce niveau du gouvernement. Mais je voudrais, question d’argumenter, que le logement en vienne à relever du gouvernement local. Ainsi je pourrais négocier directement avec le gouvernement national et obtenir les fonds nécessaires pour construire ces maisons. En ce moment, les critères sont établis nationalement et ils allouent de 17 à 18 milliers de Rands par maison. Si cela devait relever du gouvernement local, j’établirais mes propres critères.

Je comprends que les budgets de certaines méga-cités dépassent les budgets provinciaux.

C’est vrai, mais nous avons une série de mesures en place pour nous assurer qu’il n’y aura pas d’abus de pouvoir. Les gouvernements doivent se considérer partenaires et non pas compétiteurs. C’est comme passer le flambeau. Je fais ma course, et si je ne peux pas continuer, je passe le flambeau au gouvernement provincial, ainsi nous n’échouons pas. Après ils courent le cent mètres et s’ils sont fatigués, ou s’ils ne peuvent pas aller plus loin, ils devraient être capables de transmettre le flambeau au gouvernement national.

Vous dites donc que lorsque les fonctions sont clairement définies, les relations s’améliorent entre les gouvernements…

Oui. Nous avons clairement défini les fonctions en ce moment mais… quand la guerre est déclarée, l’armée et la marine doivent travailler ensemble. Les ennemis communs se battent de diverses façons. Ils se voient comme partie intégrante d’une même force qui vaincra. La bataille contre la pauvreté, le Sida et les problèmes environnementaux devraient être menée à tous niveaux. Nous croyons souvent que les ordres du gouvernement s’opposent les uns aux autres, à l’instar des partis. Le gouvernement devrait se considérer comme un tout.

Y aurait-il une possibilité que le gouvernement central essaie de faire s’opposer le niveau municipal au niveau provincial? Prenons l’exemple du Cap de l’Ouest. Admettons que le congrès national africain (ANC) obtienne une majorité et gouverne la province, et que vous gouverniez la ville comme membre de l’Alliance démocratique. Comment pensez-vous que cela pourrait affecter le gouvernement local et les services qu’il doit livrer?

Cela mettrait une pression sur son efficacité. Nos précédentes expériences nous éclairent à cet égard. Jusqu’à maintenant il n’y a eu aucune coopération entre la ville de Cape Town et la province parce que la ville, gouvernée par le ANC, ne voulait pas coopérer avec la province, le Nouveau parti national et le parti démocratique.

Maintenant, en ce qui concerne tout ce que nous menons, la province et la ville font entreprise commune, notamment en ce qui concerne la politique municipale. Nous avons des accords de contrôle des squats sur le territoire qui appartient à la province et avons le droit de les chasser.

Comment pourriez-vous comparer votre fonction de maire à celle du ministre que vous avez été au gouvernement provincial? Où croyez-vous être plus efficace?

Je suis au moins vingt fois plus efficace comme maire d’une uni-cité que je ne l’étais en tant que ministre et au cours de ma carrière. J’ai eu tous les dossiers imaginables. J’ai été ministre de la santé, des services sociaux, du gouvernement local, des transports et des travaux publics et je n’aurais jamais pu accomplir ce que j’accomplis ici. Ici j’ai l’oeil sur tous les besoins de la population—plus de 200 choses sinon plus, depuis les routes jusqu’à l’approvisionnement en eau, le logement, l’environnement, la circulation, la police municipale, les cours municipales, les plages, les parcs, les forêts, les abattoirs, l’éclairage des rues, les eaux usées—toutes ces choses que la population prend pour acquis sont assurées par la ville, et aucunement par la province.

Fédérations volume 2, numéro 1, novembre 2001