Les tragiques attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont eu de profondes répercussions sur les États-Unis en général et sur le fédéralisme américain en particulier. Les 19 terroristes responsables des quatre écrasements d’avion à New York, au Pentagone et dans une région rurale de la Pennsylvanie disposaient vraisemblablement d’un budget annuel d’environ un million de dollars. Ils n’en ont pas moins provoqué la mort de plus de 3 000 personnes, des dommages à l’économie américaine et à de nombreuses autres économies totalisant des dizaines de milliards de dollars.

Avant le 11 septembre, la plupart des Américains n’avaient jamais entendu l’expression « sécurité du territoire national » (« homeland security »). La dernière attaque par des forces étrangères ayant eu un effet destructif important en sol américain a été l’attaque de Pearl Harbor en 1941. Et la dernière intrusion en territoire national a été la prise de Washington D.C. par les Britanniques en 1814.

Tous les Américains sont maintenant conscients des dangers qui peuvent venir de l’étranger. Au sein du régime fédéral américain, les administrations étatiques et locales seront appelées à jouer un rôle de premier ordre en ce qui concerne la sécurité du territoire national. Voici un extrait du communiqué rendu public par l’Association nationale des gouverneurs d’État :

« Les gouverneurs jouent un rôle indispensable en matière de sécurité du territoire national. Les policiers, les forces de l’ordre et le personnel médical et paramédical des États et des collectivités locales constituent la première ligne de défense visant à protéger les infrastructures essentielles et les services de sécurité et de santé publique. Les agents étatiques et locaux sont les premiers à répondre aux appels d’urgence, et les derniers à quitter la scène d’un accident. »

Les chefs des administrations municipales ont fait écho à ce message en rappelant le rôle-clé des municipalités. Le maire Rudy Giuliani et ses collègues sont des exemples vivants du besoin essentiel de leadership lorsque survient un sinistre de grande ampleur.

Un nouveau « tsar » de la sécurité du territoire national

À l’échelon national, le président George

W. Bush a signé une ordonnance exécutive aux termes de laquelle a été institué un Conseil de la sécurité du territoire national (« Homeland Security Council »). Il a également nommé un ancien gouverneur de la Pennsylvanie,

M. Tom Ridge, au poste de conseiller du Président sur les questions de sécurité du territoire national. Près des trois quarts des administrations des États ont suivi cet exemple et se sont dotées de directeurs ou de groupes de travail à qui incomberont la sécurité au sein de leur territoire et la prévention d’attaques terroristes particulières.

Comme près de 75 pour cent des Américains vivent dans des régions métropolitaines de moins de 250 000 personnes, plusieurs maires et conseils de ville se sont aussi empressés de mettre sur pied des équipes spéciales responsables de la sécurité municipale.

Afin que triomphe la lutte contre le terrorisme, il faudra améliorer la coordination et la coopération intergouvernementales. Tout bien considéré, le principal organisme fédéral d’application de la loi, le Federal Bureau of Investigation (FBI), ne dispose que d’environ 12,000 agents, tandis que les effectifs des forces de l’ordre à l’échelon des États et des municipalités sont au nombre de 650 000. Les forces armées en service actif aux États-Unis totalisent un peu moins de 1,4 million de personnes, tandis qu’on dénombre quelque 460 000 personnes dans les unités de la Garde nationale de l’armée et de l’aviation qui, à moins d’être « fédéralisées » par le président des États-Unis dans une situation d’extrême urgence, relèvent directement des gouverneurs des États.

La sécurité des aéroports est actuellement renforcée grâce à la présence de soldats de la Garde nationale et sera bientôt « fédéralisée ». L’État du Utah, qui accueillera les Jeux olympiques d’hiver 2002, a récemment décrété la mobilisation de soldats de la Garde nationale en nombre plus élevé que ceux appelés à servir à plein temps pendant les guerres du Vietnam ou du Golfe.

Coopération entre les États

La lutte contre le bioterrorisme, que celui-ci soit associé à l’anthrax, à la variole ou à toute autre maladie, sera surtout confiée aux unités de soins de santé des administrations locales et étatiques. Pendant la Première guerre mondiale, et peu après, la grippe espagnole a fait quelque 675 000 victimes aux États-Unis, soit plus que le nombre de soldats américains tués sur les champs de bataille européens.

La petite enveloppe adressée l’automne dernier au Sénateur Patrick Leahy, du Vermont, contenait suffisamment d’anthrax pour tuer 100 000 personnes, ce qui démontre la puissance létale du bioterrorisme moderne et met en évidence l’importance du rôle joué par les agents des États et des administrations locales en matière de contre-terrorisme, de soins d’urgence et de planification de la santé publique.

La nécessité d’une planification et d’une coordination des services aux sinistrés favorise une plus grande coopération

Fédérations volume 2, numéro 2, février 2002

entre fonctionnaires fédéraux et étatiques. Depuis 1996, d’ailleurs, 41 États et deux territoires se sont consultés pour mettre sur pied un dispositif de coordination des services d’urgence (« Emergency Management Assistance Compact ») qui permet aux régions éprouvées par un sinistre de demander l’aide des autres États souscrivant au dispositif. Le Conseil des gouvernements des États cherche également à élargir la portée de tels accords de coopération aux provinces canadiennes et aux États mexicains. Les provinces canadiennes de l’Ontario et du Québec se sont distinguées à la suite des attaques du 11 septembre en offrant leur aide à l’État et à la ville de New York.

Ironie du sort : l’Association nationale des gouverneurs a parrainé une Conférence sur le terrorisme national en juillet 2001. À cette occasion, les représentants des services d’urgence, de police, de santé publique, et de lutte contre les incendies aux échelons local et étatique ont pu rencontrer des agents fédéraux en vue d’élaborer un plan visant la coordination de l’aide aux sinistrés. Un simulacre d’intervention concernant la ville fictive de « Gotham », censée être située dans le nord-est du pays, a même été organisé lors de la Conférence. Malheureusement, ce qui s’est produit dans la ville de New York deux mois plus tard a été beaucoup plus tragique que ce qu’on avait envisagé dans le simulacre d’intervention à Gotham.

Les administrations régionales veulent jouer un rôle plus important

Les administrations fédérale, étatiques et locales conçoivent actuellement des plans d’intervention visant des sinistres aussi divers que de nouveaux écrasements d’avion, une dissémination de l’anthrax, des bombes sales reposant sur l’utilisation d’explosifs ordinaires pour répandre des matériaux radioactifs mortels, l’empoisonnement des approvisionnements alimentaires et en eau, le cyberterrorisme ou la destruction d’infrastructures stratégiques comme les ponts, les aéroports ou les barrages hydroélectriques.

La plupart des chefs des administrations locales et étatiques souhaitent que le poste de Tom Ridge devienne permanent et qu’on lui confère un rang ministériel. Ils veulent également une aide fédérale supplémentaire semblable à celle prévue au titre de la Loi sur les subventions globales en matière de sécurité (« Homeland Security Block Grant Act ») qui a été soumise à l’examen du Sénat américain, et qui permettrait de verser des fonds discrétionnaires totalisant plus de trois milliards de dollars. Ces fonds seraient octroyés aux administrations locales et étatiques pour les aider à contrer le terrorisme dans les domaines relevant de leur compétence.

En outre, les administrations locales et étatiques aimeraient que les communications entre les administrations fédérale et régionales soient plus bidirectionnelles qu’elles ne le sont déjà, bref que Washington D.C., en plus de donner des avis sur la façon de planifier le futur, tienne compte des conseils formulés par les autres échelons. Elles veulent notamment que soit accrue la quantité de renseignements protégés que le FBI communique aux services policiers à l’échelon local et que ces services mis au courant à l’avance des alertes émises par le tsar de la Sécurité du territoire national au sujet d’actes terroristes susceptibles d’être commis dans une quelconque région.

Une conséquence pénible de la mondialisation

La violence terroriste n’est qu’une des conséquences de la mondialisation sur les États-Unis et les autres régimes fédéraux. Voici d’autres aspects de la mondialisation, positifs ou négatifs :

  • le tourisme, le commerce et les investissements internationaux;

  • l’immigration;

  • le crime organisé;

  • les maladies;

  • les ressources naturelles;

  • l’énergie;

  • les sports et les spectacles;

  • les guerres et les conflits;

  • la prolifération des armes de destruction massive;

  • l’environnement;

  • l’éducation;

  • les religions et les idéologies;

  • et le cyberespace.

La mondialisation a eu aux États-Unis de nombreux effets positifs, dont la création de 18 millions d’emplois directement liés aux exportations, à l’investissement direct et au tourisme international.

Les États-Unis sont actuellement au premier rang mondial en ce qui concerne le volume des importations et des exportations, les investissements directs vers, et en provenance de l’étranger, les revenus provenant du tourisme étranger, et, enfin, le nombre d’étudiants étrangers inscrits dans des institutions d’enseignement supérieur. L’immigration vers les États-Unis a également été plus importante au cours des années 1990 que lors de toute autre décennie de l’histoire américaine. En témoigne le fait que les personnes ayant péri lors de l’attaque contre le World Trade Center étaient originaires de plus de 80 pays.

Ce processus de mondialisation a conduit quelque 40 des 50 États américains à ouvrir plus de 240 bureaux à l’étranger et de parrainer de nombreuses missions de commerce international. Malheureusement, après l’attaque du 11 septembre, certaines missions commerciales ont été annulées ou remises à une date indéterminée, et la portée de plusieurs autres initiatives internationales a été réduite. Cette réduction est surtout imputable aux coupures budgétaires que les États ont effectuées en raison de la récession économique, au réaménagement budgétaire visant à accorder la priorité à la « sécurité du territoire national », et à la crainte généralisée de devenir la cible de groupes hostiles pendant les voyages à l’étranger.

Le besoin d’une coordination accrue

Certes, les actes terroristes du 11 septembre ont infligé des peines très lourdes à la société américaine. Les plus importantes sont les pertes humaines, irremplaçables. Mais il y a aussi l’aggravation et le prolongement de la récession économique qui a commencé en mars 2001, la disparition de centaines de milliers d’emplois, une baisse sensible des recettes prélevées par tous les échelons de gouvernement, et la réaffectation des ressources financières des gouvernements de programmes à vocation sociale vers les programmes « durs » destinés à accroître la sécurité nationale et internationale.

Au cours des derniers mois, les priorités de presque tous les gouvernements au sein du régime fédéral américain ont été révisées en profondeur. Il importe au plus haut point d’intensifier la coopération entre les gouvernements afin de surmonter les dangers mis en lumière par les événements du 11 septembre et de prévenir la répétition de tels événements.

Fédérations volume 2, numéro 2, février 2002