Des pouvoirs accrus pour les municipalités en Espagne?

L’Espagne est prête à attribuer davantage de véritables responsabilités aux villes et aux municipalités.

PAR VIOLETA RUIZ ALMENDRAL

En Espagne, les gouvernements locaux

Mode de fonctionnement des

réclament des pouvoirs accrus. Après plus de vingt ans en tant que partie intégrante du gouvernements locaux espagnols système décentralisé mis en place par la Constitution de 1978, ils pensent qu’il est temps Il existe deux grands types d’entités locales (au sein des communautés) en de faire un pas en avant et de jouer un rôle plus Espagne : les provinces et les municipalités. Seules ces dernières ont une actif et plus pertinent. C’est là le but des autorité propre. Le rôle provincial consiste simplement à coordonner, et celui « Pactos Locales »(pactes locaux), un ensemble des pactes locaux touche surtout les municipalités.

d’accords entre le gouvernement central, les Suivant l’ancienne division napoléonienne, il y a 38 provinces en Espagne.

communautés autonomes et les gouvernements

Chacune d’elle est composée d’un certain nombre de municipalités. On locaux visant à redéfinir et à augmenter

dénombre 8101 municipalités en Espagne : 6954 comptent moins de 5000 l’autorité des entités locales. habitants, et seulement 115 en comptent plus de 50 000. Enfin, 54 municipalités de plus de 100 000 habitants font que 42 pour cent du

Même si de tels accords n’ont pas force de loi territoire espagnol est peuplé par plus de 40 millions de personnes.

auprès des divers paliers de gouvernement, ils ont joué un rôle de premier ordre dans le travail Les municipalités ont accès au gouvernement central et aux gouvernements préparatoire des changements législatifs ayant des communautés par le biais des associations de gouvernements locaux, conduit à augmenter l’autonomie des créées pour représenter les intérêts locaux. La FEMP (Federación Española de municipalités. Le tribunal constitutionnel Municipios y Provincias), qui représente plus de 50 pour cent des d’Espagne a souvent reconnu le rôle pertinent municipalités en Espagne, est actuellement l’association la plus importante;

elle a joué un rôle plus que pertinent en assurant la promotion des intérêts

que jouent de tels accords dans le modèle du gouvernement local et en négociant avec le gouvernement central dans le

gouvernemental espagnol (Décision 181/1988, premier pacte local. On peut s’attendre à ce qu’elle joue aussi un rôle entre autres). [cf. encadré]

important dans le second pacte local. En vertu de la Loi du gouvernement local (1985)

Par ailleurs, la Loi du gouvernement local (1985) a institué le Conseil desproclamée par le gouvernement central, les autorités locales d’Espagne – une entité statutaire dont le rôle est de favoriser municipalités doivent s’acquitter de diverses la coopération entre le gouvernement central, les communautés et les fonctions, telles l’éclairage public, le ramassage municipalités. Cette entité statutaire prend notamment part à l’établissement des déchets, les égouts et les rues. On s’attend à des critères d’allocation des ressources aux municipalités.

ce que, selon leur population, les municipalités fournissent des services supplémentaires aux Jusqu’à très récemment, l’attention a surtout porté sur les communautés. La citoyens, comme des bibliothèques publiques, fin du régime dictatorial de Franco et l’adoption de la Constitution de 1978 des marchés, ou des services locaux et policiers. ont provoqué un important processus de décentralisation qui s’est terminé

par la création de 70 communautés autonomes. La structure facultative du Par ailleurs, on accorde aux municipalités la processus de décentralisation (le fait que la plus grande part de l’autorité possibilité d’offrir aux citoyens des services soit partagée entre le gouvernement central et les communautés, lesquelles supplémentaires dans des domaines que se font montre d’un intérêt différent dans l’autonomie) a permis la mise en partagent actuellement les communautés et le place d’un modèle qui peut être défini comme une fédération asymétrique et gouvernement central : éducation, culture, coopérative.

logement, santé et protection environnementale, par exemple. La Constitution se consacre bien davantage à établir les règles du processus de décentralisation des communautés qu’à élaborer une charpente

Les municipalités réclament maintenant une d’autonomie pour les municipalités. Toutefois, l’autonomie des nouvelle répartition des pouvoirs. Étant donné municipalités est assurée par les articles 137 et 140. L’article 137 stipule que, la nature coopérative du système espagnol

de concert avec les autres paliers de gouvernement, les municipalités décentralisé, la seule façon de parvenir à une

« peuvent gérer elles-mêmes leurs propres intérêts ». telle redistribution est au moyen d’accords entre La Constitution accorde au gouvernement central le pouvoir de définir ce

les trois paliers de gouvernement. Les pactes que sont les municipalités – et les questions qui relèvent de leur autorité.

locaux sont destinés à jouer ce rôle.

Cependant, les communautés peuvent aussi régler cette question, ce qui, en pratique, en fait donc une question partagée par les deux paliers de gouvernement, bien que le tribunal constitutionnel ait (récemment) interprété de façon large les pouvoirs du gouvernement central face aux municipalités (Décision 233/1999).

Violeta Ruiz Almendral est professeure de finances et de droit fiscal à l’université Carlos III, à Madrid.

Une bonne partie des pouvoirs accordés à la fin des années 90

Il y a déjà eu un pacte local. Un autre est actuellement en cours de négociations. Au milieu des années 90, le premier pacte a été approuvé entre le gouvernement central et les municipalités. Résultat? Entre 1998 et 1999, le gouvernement central a adopté un ensemble de lois qui ont redéfini et augmenté les pouvoirs des municipalités. Ce pacte a entre autres permis de négocier diverses questions : sécurité dans les endroits publics, transport, stationnement, protection de l’environnement, tourisme, santé et logement.

Ce premier pacte n’est cependant pas parvenu à traiter la plupart des questions soumises par les municipalités car ces questions relevaient de la juridiction des communautés, et n’étaient pas couvertes par le pacte en question. Ainsi, des 92 propositions soumises par les municipalités pour redéfinir et augmenter leurs pouvoirs, le gouvernement central n’a pu en étudier que 32, car les 60 autres relevaient des communautés.

L’heure est venue d’entreprendre une seconde réforme de l’autonomie des municipalités. Le moment est très propice étant donné que le processus de dévolution pour les communautés vient de se terminer. Depuis le 1er janvier 2002, et pour la première fois dans l’histoire de l’Espagne, toutes les communautés (à l’exception de la Navarre et du Pays Basque, qui ont des régimes particuliers) ont le même niveau d’autorité et le même système financier. Par conséquent, elles n’ont plus à se soucier d’obtenir des pouvoir accrus, et peuvent enfin accorder une attention méritée aux besoins des municipalités, qui ont jusqu’à présent été quelque peu négligés.

Une seconde décentralisation?

Le second pacte local est en cours de négociations et consistera en fait en une série de pactes entre les communautés et leurs municipalités. Le gouvernement central jouera également un rôle important; il doit en effet définir les principes généraux en vertu desquels de nouveaux pouvoirs doivent être accordés aux communautés.

La principale idée du second pacte local, ou encore, comme on le dit souvent, de la seconde décentralisation, est que les communautés devront céder un peu de leur autorité aux municipalités; ces dernières cherchent maintenant à obtenir des pouvoirs accrus sur des questions telles la protection des consommateurs, les sports, l’éducation et l’emploi.

Ce processus ne sera pas aisé, si l’on songe à l’éventail des besoins et des capacités des diverses municipalités et, surtout, étant donné que l’esprit de coopération entre les communautés et le gouvernement central n’est pas encore celui qu’il devrait être.

D’un point de vue technique, la procédure légale qui permettrait cette seconde décentralisation sera l’adoption de nouvelles lois par les entités législatives des communautés, une fois les pactes acceptés. Ces lois assujetties à la Loi de l’autonomie locale (1985), proclamée par le gouvernement central, devront établir les procédures visant à augmenter l’autorité des municipalités.

La question monétaire

Un dernier aspect de la seconde décentralisation, mais non le moindre, est son financement. En principe, les fonds alloués à ces nouveaux pouvoirs devraient provenir des fonds des communautés. Ce sera, en effet, leur autorité qui sera transférée aux municipalités. Aussi logique que cela puisse paraître, il n’y a pas d’accord à cet égard, et ceci est devenu le point de friction le plus controversé des pactes locaux.

Année Gouvernement Communautés Municipalités
central autonomes
1978 89,0 11,0
1984 72,6 14,4 13,0
1987 66,7 18,7 14,6
1990 59,6 23,9 16,5
1992 57,0 26,6 16,4
2000 51,0 32,5 16,5

Les municipalités ont toujours affirmé qu’elles n’avaient pas les moyens nécessaires de faire valoir leurs pouvoirs, bien que leur comportement fiscal soit supérieur à celui des communautés. En réalité, il est assez paradoxal que les communautés (dont les sources de revenus potentielles sont beaucoup plus importantes que celles des municipalités) demeurent relativement dépendantes du gouvernement central au plan fiscal, alors que les municipalités (dont le potentiel de financement est moindre) se sont traditionnellement toujours montrées beaucoup plus responsables au plan fiscal.

En 2001, les ressources des municipalités provenant de leurs propres impôts comptaient pour 60 pour cent de leur revenu total; les 40 pour cent restants provenaient de transferts du gouvernement central aux communautés. Dans le cas des communautés, moins de 20 pour cent de leurs ressources provenaient de leurs propres impôts ou revenus; les 80 pour cent restants provenaient de transferts du gouvernement central et des fonds de l’Union européenne.

Il est clair que le financement est une question cruciale de tout processus de décentralisation. La Constitution reconnaît la pertinence du financement pour assurer l’autonomie des municipalités, et déclare que le gouvernement central et les communautés doivent leur fournir des fonds suffisants. L’article 142 stipule que « les trésoreries locales doivent disposer de fonds suffisants pour permettre à leurs différents services de s’acquitter de leurs fonctions; elles doivent surtout être financées par leurs propres impôts et par les transferts fiscaux du gouvernement central et des communautés autonomes ».

L’intérêt particulier du pacte local réside en sa capacité de renforcer l’autonomie des municipalités, car il augmente et redéfinit leurs pouvoirs. Toutefois, il faut surtout retenir que les pactes locaux sont un excellent exemple d’instrument de coopération. Dans le modèle espagnol quasi fédéral d’organisation territoriale, la plus grande part de l’autorité est partagée entre les différents paliers de gouvernement, ce qui explique le rôle significatif des ententes, indispensables pour éviter toute confusion des rôles. Il n’est pas exagéré de prétendre que, sans coopération, un système à autorité partagée ne saurait fonctionner correctement.

Cette réalité illustre le bon et le mauvais côté des pactes locaux. S’ils fonctionnent bien, ils favorisent un niveau de coopération élevé entre les différents paliers de gouvernement. A contrario, sans coopération, le pacte local ne saurait produire de résultat.

Fédérations vol. 2, no 5, novembre 2002