En décembre dernier, la Russie adoptait une loi fédérale ayant pour but de réglementer la procédure d’acceptation et d’incorporation de nouvelles entités au sein de la Fédération de Russie [cf. encadré]. Pourtant, le seul candidat plus ou moins susceptible de se joindre à l’heure actuelle est le Bélarus – une ancienne république de l’Union soviétique.

Même si les deux pays en cause ont clairement manifesté leur intérêt à s’unir,

il reste à régler une série de problèmes et à préciser les liens qui les unissent.

Depuis une dizaine d’années, la politique étrangère russe a toujours penché en faveur de l’intégration avec son voisin de l’ouest. De fait, la Fédération de Russie et le Bélarus ont signé une convention en ce sens, adopté une charte et établi des entités conjointes, soit un Soviet suprême (l’instance exécutoire) et une assemblée parlementaire (l’instance législative).

En outre, on compte instituer, dans un proche avenir, un mode d’élection directe de l’assemblée parlementaire. Il existe actuellement une version préliminaire d’une supposée « Loi constitutionnelle »

– la quasi-constitution de l’Union de la Russie et du Bélarus – qui prévoit une plus grande intégration, de même que l’établissement d’une monnaie commune, etc. On compte adopter cette loi en organisant un référendum dans chacun des deux pays.

Des vues différentes sur l’union

Depuis quelque temps, la notion d’une union a vivement alimenté le débat et donné lieu à des propos plutôt acerbes de la part des deux présidents quant à la nature et aux modalités d’intégration.

« Il ne faut pas oublier que l’économie bélarussienne représente 3 pour cent de l’économie russe », rappelle le président de la Russie, Vladimir Poutine. La Fédération russe compte actuellement 89 membres. Selon le président Poutine, le Bélarus pourrait bien devenir la 90e entité à s’y joindre.

Appelé à commenter la proposition du président Poutine, le président du Bélarus, A. Lukashenko, affirmait :

« Le Bélarus est un État indépendant qui affiche tous les attributs d’une nation souveraine. Nous n’avons aucune intention de devenir le territoire du nordouest ou du nord-est de quelque pays que ce soit. »

Selon Lukashenko, Poutine n’offre au Bélarus qu’un rôle proportionnel au sein du pays uni. Puisque la population du Bélarus est 15 fois plus petite et son économie 30 fois plus faible que celles de la Russie, sa part proportionnelle ne serait donc pas très importante.

« Le Bélarus ne serait qu’une des 90 entités de la Fédération russe », expliquait le président Lukashenko lors d’une conférence de presse le 18 juin dernier. « Cette proposition constitue donc une insulte aux yeux des Bélarussiens. »

Le président Lukashenko n’appuie pas plus l’alternative proposée par Poutine, à savoir une union entre les deux pays « calquée sur le modèle de l’Union européenne ». Selon lui :

« Nous n’avons pas besoin d’une telle union. Nous sommes habitués à cohabiter et à coopérer avec l’Union soviétique. C’est justement sur cette expérience qu’il faudrait miser. »

Le 24 juin dernier, les correspondants russes et étrangers étaient conviés à une grande conférence de presse. Le président Poutine profitait de l’occasion pour préciser sa position quant à l’état des relations entre la Russie et le Bélarus. En réponse à une question lui demandant de clarifier la nature de la mésentente avec le président bélarussien, Vladimir Poutine répliquait :

« Il n’y a aucune mésentente. Il s’agit d’un processus de travail relativement efficace. Simplement dit, nous devons arrêter de ressasser les vieux arguments, décider si nous voulons aller de l’avant ou non, et établir précisément ce que nous comptons accomplir. »

Des options en faveur d’un parlement unifié

Selon le président russe, en plus d’être sans fondement, l’ancienne division en deux États distincts s’est avérée également nuisible aux citoyens russes et bélarussiens. Par conséquent,

Fédérations Numéro spécial triple : Les thèmes de la Conférence internationale sur le fédéralisme 2002

l’unification de ces deux nationalités doit être inconditionnelle et se faire dans l’optique d’un État unique. Poutine précise qu’il ne faut pas établir une Douma russe, un parlement du Bélarus ou un gouvernement quelconque de Russie ou du Bélarus, mais bien un parlement unifié au sein d’un gouvernement unique à la barre d’un pays unique.

Alors que les débats antérieurs portaient sur la création d’une union des deux États et, plus tard, sur deux États entièrement unis, l’énoncé de Poutine témoigne clairement de sa préférence envers l’intégration complète du Bélarus et de la Russie.

Quoiqu’il en soit, au moment d’évaluer la version préliminaire de la Loi constitutionnelle d’un pays unifié et, particulièrement, d’y enchâsser des principes comme la souveraineté du Bélarus, l’intégrité territoriale et le droit de veto, Poutine a déclaré qu’il fallait respecter les opinions des Bélarussiens car ils avaient clairement à cœur les intérêts de leur pays.

Mais en même temps, la Russie doit protéger sa propre souveraineté, sa propre intégrité territoriale et son propre droit de veto. Pour ce faire, elle peut recourir à un mécanisme qui a servi à unifier l’Europe. Quand le Parlement européen prend une décision, cette dernière doit être approuvée par le parlement national de chaque pays membre de l’Union européenne et signée par le chef d’État de ce pays, avant de devenir une loi nationale. Dans un tel cas, cette loi nationale aura le même poids qu’une loi proposée par le Parlement du pays.

L’option d’un parlement unifié doté de pouvoirs élargis et d’un mécanisme de mise en oeuvre incompréhensible n’est carrément pas réalisable.

Comme l’explique le président russe :

« Je crains simplement que si nous optons pour ce parlement unifié en

Comment adhérer à la Fédération de Russie

L’acceptation d’une nouvelle entité au sein de la Fédération russe relève d’une procédure qui permet de modifier les règles d’appartenance à la Fédération russe advenant le cas où un pays étranger ou une partie d’un pays décide de s’y joindre. En vertu de cette loi, l’expansion de la Fédération s’effectue en plusieurs étapes qui sont subséquemment remplacées par des conventions mutuelles conformes aux ententes internationales.

Si la Fédération russe intègre une nation étrangère entière comme nouvelle entité, cette nation devient une république, quoiqu’elle puisse parfois jouir d’un autre statut à titre de « krai » (territoire) ou de « oblast » (province ou région), par suite d’une entente internationale.

Il revient au pays étranger intéressé d’amorcer le processus d’intégration en soumettant une demande en ce sens à la Fédération russe. Une fois que le président de la Fédération russe a pris connaissance de cette demande, il doit en aviser les chambres de l’assemblée fédérale (la Douma d’État et le Conseil de la Fédération), le gouvernement, et organiser, au besoin, des consultations avec eux.

Une entente internationale peut prévoir une période transitoire qui donnera le temps à la nouvelle entité de s’ajuster aux systèmes économique, financier, juridique et de crédit de la Fédération, ainsi qu’à ses divers organismes. On a également prévu une procédure qui permet au Tribunal constitutionnel de vérifier la concordance entre la Constitution fédérale et l’entente internationale en question.

S’il est établi que l’entente internationale est conforme à la Constitution, cette dernière est soumise à la Douma pour ratification. En même temps, on dépose le projet de loi constitutionnelle fédérale sur l’intégration de la nouvelle entité au sein de la Fédération russe. Le texte de cette loi doit préciser le nom, la situation et les frontières de la nouvelle entité, ainsi que la durée de la période de transition envisagée.

Une fois qu’on a adopté la Loi fédérale sur la ratification de l’entente internationale et la Loi constitutionnelle fédérale sur l’intégration de la nouvelle entité, il faut modifier l’article 65(1) de la Constitution de la Fédération de Russie qui en décrit la composition.

misant sur cette option et ces parier que la mise en oeuvre d’une documents, ce dernier votera des lois qui nouvelle loi russe visant à intégrer une ne seront appliquées ni au Bélarus, si les nouvelle entité à la structure de la Bélarussiens ne les aiment pas, ni en Fédération sera remise aux calendes Russie, si elles déplaisent également aux grecques. Russes. Ceci aurait pour effet de discréditer le concept même de l’unification. »

Compte tenu du caractère inexorable des déclarations bélarussiennes, il y a fort à

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