LE POINT DE VUE DES JEUNES

Les défis de la mondialisation au sein du régime fédéral du Nigéria

PAR EYENE OKPANACHI

Eyene Okpanachi a eu l’occasion de participer à la session d’été de 2002 sur le fédéralisme organisée par le Forum des fédérations. À cette occasion, le Forum a invité chaque participant et participante à soumettre un article sur le thème suivant : « Quels défis votre pays doit-il relever dans le contexte actuel de la mondialisation ? »

Comment arriver à structurer un gouvernement pour qu’il réponde efficacement aux aspirations de paix, d’ordre et de prospérité des citoyens? Formulés la première fois en 1802 par le juge en chef desÉtats-Unis, Oliver Ellsworth, ces trois vœux ont été reformulés un demisiècle plus tard par les aristocrates britanniques. Dans un discours prononcé en juin dernier, le président nigérien Olusegun Obasanjo les réitérait à son tour. Cependant ces objectifs ne sauraient se concrétiser en l’absence d’assises démocratiques.

En cette ère de mondialisation axée sur la concurrence, l’internationalisation du capital, la libéralisation du commerce et la révolution de l’information, cette question est plus pertinente que jamais. Au sein d’un pays pluriethnique comme le Nigéria, la mondialisation peut exacerber le nationalisme ethnique et affaiblirl’autorité de l’État, attisant la violence et précisant du même coup la menace de conflits religieux et ethniques. Comment gérer efficacement ces problèmes? Quel mode d’organisation politique doit-on privilégier pour exploiter correctement les forces de la diversité et pour appuyer le développement dans un mode en constante évolution?

Le fédéralisme offre une solution puisqu’il vise l’atteinte d’un juste équilibre entre les forces centripètes et centrifuges de la société. Selon Daniel J. Elazar, le fédéralisme tend, de par sa nature même, « à établir des liens entre les individus, les groupes et les politiques au sein d’une union limitée mais durable, de façon à appuyer la quête dynamique d’objectifs communs tout en respectant l’intégrité particulière de chaque partie en cause ». Cela dit, le fédéralisme ne présente pas toujours une solution toute faite. Parfois, il engendre un sentiment de mécontentement qui mène à sa propre destruction, comme en témoigne l’expérience qu’en a faite le Nigéria.

Le fédéralisme dans l’eau chaude

La Constitution de 1954 prévoyait une solution fédérale, soit l’établissement d’un cadre contenant les diverses ethnies du pays arbitrairement regroupées en un état unitaire colonial par l’empire britannique. Mais, depuis l’indépendance, l’apparition de profonds clivages religieux et ethniques, la naissance d’une culture de « rentier », l’établissement d’un gouvernement militaire et la centralisation absolue du pouvoir ont miné l’efficacité du fédéralisme. De fait, le fédéralisme n’a offert aucune solution efficace pour contrer des soulèvements ethniques comme ceux des Egbesu Boys, du Congrès du peuple Odua, de la Jeunesse Arewa et des Bakassi Boys. En outre, la structure fédérale du Nigéria n’est pas arrivée à calmer les dissensions entourant le contrôle des ressources, les droits autochtones et la citoyenneté, et n’a pas empêché le gouvernement central de violer les droits des états.

Compte tenu de tous ces problèmes, le Nigéria n’aurait-il pas avantage à tourner le dos au fédéralisme? Certainement pas, puisque le fédéralisme sert encore les intérêts de la société multiethnique nigérienne et que son utilité s’accroît au rythme de la mondialisation.

Eyene Okpanachi détient un baccalauréat en Sciences politiques de l’Université de Ibadan, au Nigéria, et a travaillé comme adjoint de recherche dans le cadre du programme d’études ethniques et fédérales à Ibadan.

Reste à établir comment le Nigéria parviendra à revitaliser son régime et à calmer les tensions internes tout en surmontant les problèmes et en exploitant les bienfaits de la mondialisation.

Les défis qui se posent sont énormes. Les éternels conflits religieux et ethniques qui secouent le pays, l’absence de vrai leadership et la corruption endémique, ajoutés à des conditions climatiques instables, ont contribué à freiner le développement économique du Nigéria. Les élites du pays boudent la fonction publique ou, profitant d’une ouverture des frontières qui facilite l’échange des biens et des personnes, elles quittent le Nigéria en quête de sécurité et de meilleurs emplois.

Alors que la mondialisation progresse à grands pas, le néfaste amalgame de la démographie, de la maladie et de la mauvaise régie pourrait marginaliser davantage l’Afrique si des mesures concrètes ne sont pas engagées pour contrer le courant. Il y a fort à parier qu’à l’instar des autres pays africains, le Nigéria sera durement touché. Même dans les meilleures circonstances, la paix et la bonne gouvernance constituent des denrées rares. Depuis l’indépendance, les tensions communales et ethniques se sont intensifiées, engendrant des conflits, débordant des frontières et donnant lieu à des mouvements séparatistes qui menacent de faire éclater la structure fédérale nigérienne.

En plus de transformer la nature même de l’économie globale, la mondialisation est en voie de déséquilibrer le pouvoir au sein même des états. Au Nigéria, la libéralisation et la démocratie ont doté les états de pouvoirs accrus sur le plan de la politique étrangère, un secteur qui était autrefois une chasse-gardée du gouvernement fédéral. De fait, les états s’affairent maintenant à attirer le capital étranger, l’investissement et le prêt.

Des stratégies pour faire face à la mondialisation

Compte tenu de l’état actuel de ses relations intergouvernementales, quelles mesures le Nigéria peut-il engager pour mieux faire face à la réalité? En quoi les gouvernements sous-nationaux peuvent-ils relever les défis de la mondialisation sans mettre en péril la sécurité nationale? En cette ère d’ouverture sur le monde, comment le Nigéria peut-il profiter de la coopération intergouvernementale tout en exploitant à bon escient les atouts d’un fédéralisme concurrentiel?

Même si on ne s’entend pas encore sur les gestes à poser pour réformer le fédéralisme nigérien, l’heure n’est pas aux réactions mais bien à l’action.

Les mesures de réforme proactives pourraient inclure :

  • la décentralisation et la protection des pouvoirs des états et des localités qu’il n’est pas possible de centraliser;

  • l’introduction de droits de résidence pour tous les Nigériens qui vivent dans un état quelconque de la fédération;

  • le rétablissement du Conseil national sur les relations intergouvernementales;

  • l’instauration des principes de la bonne gouvernance.

Jusqu’à ce que le Nigéria devienne une vraie démocratie, il demeure difficile de concrétiser lesdites mesures. On n’a pas pu concevoir encore un cadre capable d’intégrer le fédéralisme et la gouvernance démocratique, même si la politique nigérienne en a grandement besoin pour évoluer. La mondialisation a permis de réévaluer les politiques et de progresser quelque peu en ce sens. Le Nigéria doit maintenant saisir cette chance et relever le défi.

Fédérations vol. 3, no. 1, février-mars 2003