Le financement de l’instruction publique à Mexico provoque un débat constitutionnel

Le gouvernement mexicain souhaite que la capitale s’acquitte des coûts

PAR MEDARDO TAPIA URIBE

constituantes de simples compétences administratives en l’instruction publique à Mexico soulève

La question du financement de

matière d’éducation plutôt que de véritables pouvoirs. un conflit constitutionnel. Pendant des

Lorsque le projet de modification de l’article 122 a été déposé décennies, la capitale a bénéficié d’un devant la Chambre des députés, ces récriminations sont statut spécial grâce à l’article 122 de la réapparues. Le gouvernement fédéral a été accusé de « punir » Constitution mexicaine, selon lequel le Mexico, oubliant que, constitutionnellement, il l’avait traitéegouvernement fédéral prenait en charge comme une exception, la plaçant sous l’autorité directe du le financement des écoles primaires de la président de la république. La capitale a dû attendre 1987 pour ville. Or, un amendement constitutionnel disposer d’une assemblée représentative, et c’est en 1997 venant d’être déposé devant le Sénat

pourrait obliger l’administration municipale de Mexico à payer elle-même les dépenses liées aux écoles. Elle se trouverait de la sorte confrontée à un choix cornélien : augmenter les impôts locaux, réduire les programmes scolaires ou supprimer d’autres services.

Mais ce conflit revêt également une dimension politique. L’amendement proposé est une tentative de fragiliser la position du maire de Mexico avant les élections présidentielles qui doivent se dérouler l’an prochain. Le maire, Andrés Manuel López Obrador du Parti démocratique révolutionnaire (PRD), centre-gauche, était en effet en tête des sondages d’opinionlorsqu’il fut candidat à la présidence. Élu en 2002 sur les listes du Parti d’action nationale (PAN), centre-droit, le président Vicente Fox, lui, ne peut pas se représenter en 2006. Et un autre candidat, Roberto Madrazo du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), figurait en deuxième position dans ces sondages.

La réforme proposée a soulevé de tels débats autour du pacte fédéral que le maire et son parti, qui disposent de la majorité au parlement municipal de Mexico, ont menacé de dénoncer l’accord fiscal qui lie la ville au gouvernement mexicain.

Pouvoir fédéral et politiques partisanes

Tout ce qui a pu ressembler à un renforcement du fédéralisme au Mexique a été bloqué ou transformé à des fins partisanes, que ce soit par le PRI au pouvoir pendant plus de 70 ans ou par le PAN qui s’y trouve actuellement.

L’argument selon lequel le gouvernement fédéral mexicain doit s’acquitter de l’instruction publique à Mexico a été défendu pour des motifs de justice, de pluralisme culturel et de diversité nationale, qu’elle soit ethnique ou territoriale. Et la raison invoquée à cette exception de l’article 122 est la suivante : par rapport aux 31 états du Mexique, la capitale doit bénéficier d’un certain nombre de privilèges fiscaux dans le domaine de l’éducation. Mais l’histoire des 70 dernières années rappelle que le gouvernement central a surtout confié aux entités

Medardo Tapia Uribe, originaire de Zacatepec, dans l’état de Morelos, est chercheur auprès du Centre régional de recherches multidisciplinaires de l’Université autonome du Mexique depuis 1989 et professeur dans diverses institutions d’éducation supérieure au Mexique.

seulement que ses habitants ont pu élire leur maire, nommé auparavant par le président.

Une modification de la Constitution est-elle vraiment nécessaire?

Les critiques ont qualifié la réforme de l’article 122 d’« inutile », car la Loi fédérale sur l’éducation précise depuis 1973 que Mexico doit dépenser 15 pour cent de son budget pour l’instruction publique. Ce principe a été renforcé dans la Loi générale sur l’éducation de 1993, qui évoque « une contribution au financement de l’instruction publique », mais cette fois sans préciser de pourcentage.

Lors de la deuxième fédéralisation, lancée en 1992 par l’Accord pour la modernisation de l’école primaire et de la formation des enseignants, tous les états membres du pays se sont entendus pour décentraliser l’administration de ces deux services publics. Mexico en a été exemptée, toujours pour les mêmes raisons historiques. Les unités constituantes n’ont toutefois pas été autorisées à participer de manière significative aux plans et aux programmes d’études, au choix des livres scolaires, aux systèmes d’évaluation, ou à la formation et à la promotion des enseignants de l’école primaire. Cette deuxième fédéralisation n’a donc pas permis un contrôle local effectif.

La révision de l’article 122 a déjà reçu l’aval de la Chambre des députés et elle attend désormais l’approbation du Sénat. Si elle est acceptée, le gouvernement mexicain disposera des montants qu’il consacre actuellement à l’éducation pour la ville de Mexico à d’autres postes budgétaires. Les principaux bénéficiaires en seront les états qui dépensent aujourd’hui plus que la moyenne nationale, notamment ceux de Nuevo Leon et de Mexico. Cette formule ne profitera pas aux états qui en ont le plus besoin, comme le Chiapas ou les autres états dans lesquels vivent les groupes indigènes les plus importants. Le fait que l’instruction primaire au Mexique ait besoin d’être améliorée – ce qui nécessite donc des moyens supplémentaires – n’est pas remis en cause. En 2003, les résultats du PISA, une évaluation réalisée au niveau mondial, ont montré que les écoliers mexicains de 15 ans se classaient au 37e rang des 40 nations étudiées.

Cette controverse s’est transformée en un débat sur le fédéralisme plutôt que sur l’éducation. Et rien ne prouve qu’il s’agisse là du meilleur moyen de résoudre les problèmes d’excellence et d’équité dans l’éducation.

Fédérations vol. 4, no 3 / mars 2005