Le fédéralisme est l’un des principes fondamentaux sur lesquels se fonde la Confédération suisse. Il garantit l’unité dans la diversité des quatre régions du pays, avec leurs différentes langues, cultures et identités. En outre, il contribue de manière prépondérante à une réalisation des tâches efficace et performante et renforce la compétitivité de l’économie suisse.

Le système fédéral de la Suisse garantit une capacité élevée et décentralisée à résoudre les problèmes dans l’intérêt de ses habitants. Le maintien de l’autonomie et de la marge de manœuvre et d’organisation des cantons constitue dès lors un objectif national majeur posant des exigences toujours plus élevées aux cantons.

L’internationalisation croissante de la politique et, avec elle, la confusion des limites entre politiques extérieure et intérieure renforcent les tendances centralisatrices déjà constatées. Plusieurs facteurs imposent aux cantons une collaboration plus intense, dont l’intégration de la Suisse dans une Europe qui se développe aussi bien au niveau politique qu’économique, la tendance générale à la mondialisation, ainsi que le besoin urgent d’exécuter les tâches de façon efficace malgré l’exiguïté territoriale. Si les cantons veulent maintenir voire renforcer à long terme leur position en tant qu’États fédérés, cette collaboration verticale et horizontale doit être continuellement adaptée en fonction de l’évolution et améliorée en conséquence. En ce sens, la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC) constitue depuis 1993 un élément déterminant des rapports de force confédéraux.

Création et fonctionnement de la CdC

La Conférence cantonale des présidents de gouvernement a été créée au début des années 1970 — les 26 cantons de la Suisse en sont membres — et l’Organe de contact Confédérationcantons, lui, a été instauré à la fin des années 1970. La CdC a réussi d’emblée ce que ces deux organes n’avaient pas réussi à accomplir : mettre en place un organe de coordination entre les gouvernements cantonaux qui soit efficace et qui assure la participation significative des cantons au processus décisionnel de la Confédération, même en ce qui concerne des questions politiques complexes. Une participation insuffisante aux vains efforts de la Suisse concernant l’intégration européenne a produit un fardeau moral auquel la rapidité du succès de la CdC peut être attribuée. En effet, lors d’un référendum tenu en 1992, la majorité de la population de la Suisse et des cantons a choisi de rejeter la proposition d’adhésion à la Zone économique européenne, un accord qui s’est révélé avantageux pour les autres pays qui y ont adhéré.

Les objectifs de la Conférence des gouvernements cantonaux sont de favoriser la collaboration entre les cantons dans leurs domaines de compétences propres et d’assurer, dans les affaires fédérales touchant aux cantons, la coordination et la communication d’informations essentielles aux cantons, plus particulièrement dans les domaines suivants :

L’organe suprême de la CdC est l’Assemblée plénière. Cette Assemblée, à laquelle il incombe de prendre les décisions politiques, se réunit quatre fois l’an et comprend un membre du gouvernement de chaque canton. Les voix d’au moins 18 cantons sont nécessaires pour qu’une prise de position officielle des cantons puisse être présentée à la Confédération.

L’organe exécutif de la CdC est le Bureau et ses neuf membres sont nommés sur la base d’une clé de répartition régionale. Le Bureau supervise les projets en cours, prend les décisions nécessaires en cas d’urgence et, finalement, prépare les affaires soumises à l’Assemblée plénière.

La Conférence est soutenue par un secrétariat qui compte actuellement 15 collaborateurs. Des commissions spéciales, composées de représentants politiques et techniques, sont généralement mises sur pied pour les dossiers majeurs. En tout, plus de 200 personnes en provenance de nombreux cantons sont engagées dans ces commissions. La crédibilité et le succès de la CdC dépendent fortement de la qualité du travail fourni par ces organes, lesquels doivent souvent composer avec des délais extrêmement courts. L’impact politique de la CdC, à ce jour couronné de succès, a été rendu possible principalement grâce au savoir à disposition dans les cantons, aux politiciens représentés dans les commissions spéciales et à une mise en réseau optimale de tous les cantons.

De plus, dans la plupart des affaires traitées, la CdC collabore étroitement avec les conférences des directeurs intercantonales, lesquelles réunissent les membres des gouvernements de tous les cantons qui sont responsables du même département. Ces conférences servent avant tout à l’harmonisation et à la coordination des ministères cantonaux entre eux et de ceux-ci

Forum des fédérations

Fédérations vol. 5, no 2 mars/avril 2006

avec les agences fédérales compétentes dans le domaine en question. On compte actuellement 17 conférences des directeurs. Les plus importantes ont trait aux domaines de la formation, de la santé, des finances, du social, de la sécurité intérieure, de l’économie publique, ainsi que des travaux publics, de l’aménagement du territoire et de l’environnement.

À l’inverse des conférences des directeurs, la CdC dépend statutairement du condominium des cantons et donc de la volonté consolidée de l’ensemble des gouvernements cantonaux. En ce sens, la CdC joue inévitablement un rôle-clé dans les tâches dites transversales. Alors que les projets en politique extérieure sont en principe de la compétence de la CdC, en ce qui a trait à la politique intérieure, cette dernière se limite en général aux affaires importantes en politique institutionnelle, aux affaires dont le contenu touche globalement aux principes du fédéralisme et à celles à caractère transsectoriel.

La participation des gouvernements cantonaux à la politique fédérale

Un aperçu des affaires traitées par la CdC permet de souligner son importance en tant qu’organe de coordination et de participation efficace des gouvernements cantonaux à la politique fédérale. En ce qui a trait à la politique nationale, l’organe a considérablement contribué au renouvellement du fédéralisme en Suisse, particulièrement en ce qui concerne le projet du Conseil fédéral pour une nouvelle Constitution fédérale (en vigueur depuis le 1er janvier 2000). De ce projet découle l’instauration d’un fédéralisme moderne clarifiant la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons.

En ce qui a trait à la politique extérieure, la CdC a assuré la participation des cantons aux négociations des accords bilatéraux de la Suisse avec l’UE. La loi sur la participation des cantons à la politique extérieure de la Confédération a fait ses preuves au cours de diverses négociations bilatérales. La loi fut élaborée de manière paritaire avec la Confédération et entra en vigueur en 2002. Cette loi règle la participation des cantons au processus de prise de décisions relatives à la politique extérieure.

Le projet clé ayant permis la réforme du fédéralisme suisse est la Réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre Confédération et cantons (RPT). Le peuple et les cantons ont clairement approuvé la RPT en novembre 2004 et ainsi ouvert la voie à une répartition claire des tâches entre la Confédération et les cantons, à une autonomie financière des cantons, ainsi qu’à une collaboration intercantonale renforcée.

Une autre étape importante fut franchie en 2001 avec le renforcement des relations de la CdC avec les villes et les communes entraîné par la création de la Conférence tripartite sur les agglomérations (CTA), un organe qui réunit la Confédération, les cantons, les villes et les communes. Le CTA entend favoriser le développement d’une politique concertée relative aux agglomérations et promouvoir la collaboration verticale entre la Confédération, les cantons et les communes.

Actuellement, la CdC traite plus de 30 dossiers, dont plus de 20 concernent des projets de politique fédérale en politique extérieure, intérieure et financière.

La CdC est aussi une chance pour la Confédération

La CdC n’agit pas qu’en faveur des cantons. Elle constitue également un moyen pour la Confédération d’impliquer les cantons dans ses objectifs politiques. La qualité et l’opportunité de ses éventuelles décisions et positions constituent les facteurs essentiels d’une politique cohérente de la Suisse comprise comme un tout, surtout au niveau fédéral. Cela signifie que la Confédération a elle aussi un intérêt vital à une collaboration intercantonale structurée, et ce, afin d’obtenir, dans un environnement évolutif, un consensus national quant au processus décisionnel et d’ainsi demeurer en mesure d’agir.

La nouvelle possibilité pour les cantons de se faire entendre et d’intervenir par le biais de la CdC dans des délais relativement courts et sur la base d’une réflexion approfondie est parfois considérée comme un facteur perturbant dans la politique nationale. Dans ce contexte, la question de la légitimité de la CdC se pose régulièrement.

Juridiquement parlant toutefois (du moins au niveau du droit cantonal), les buts, les objectifs et le fonctionnement de la CdC sont parfaitement conformes au mandat constitutionnel des gouvernements cantonaux qui est de représenter les cantons à l’extérieur. Tous les gouvernements cantonaux sont les représentants légitimes des intérêts de leurs cantons à l’extérieur. Si le Parlement ou le peuple bénéficie de droits particuliers de participation, il incombe à chaque gouvernement de respecter ces prérogatives. Un gouvernement pourrait, par exemple, émettre une réserve lors de la publication d’une prise de position ou renoncer d’une manière générale à prendre position sur une question. On ne se trompera pas, dès lors, en affirmant que c’est le gouvernement cantonal en tant que tel qui représente son canton et que la CdC constitue uniquement un forum facilitant la publication commune des prises de position individuelles de chaque canton à l’égard de la Confédération. Les décisions essentielles liées à la politique nationale qui sont prises dans le cadre de la CdC reposent sur l’ensemble des décisions prises par les gouvernements cantonaux et doivent en conséquence suivent des règles claires.

La discussion sur la légitimité de la CdC a fortement changé d’orientation et même en partie cessée au cours des deux dernières années. En 2003, lors du premier référendum des cantons en 130 ans, une procédure coordonnée par la CdC, les cantons se sont opposés avec succès à un train de mesures fiscales proposé par la Confédération et ont réussi à convaincre une nette majorité des électeurs de l’inconstitutionnalité de ces mesures lors du vote tenu en mai 2004.

Résumé et perspectives

Un regard rétrospectif sur la courte période d’activité de la CdC révèle que l’organe est devenu un élément central de la participation des cantons à la politique fédérale. La CdC continue à prendre de l’importance au fur et à mesure qu’augmentent la complexité des tâches à exécuter, l’influence de la politique extérieure sur la politique intérieure suisse,ainsi que les exigences des groupes d’intérêts face à l’État. Les cantons ont reconnu qu’il est nécessaire, en respect de leur degré d’autonomie élevé, de disposer d’institutions efficaces et performantes de collaboration intercantonale.

En Suisse comme ailleurs, la politique fédérale suit ses propres principes, lesquels font souvent fi des entités infranationales. Aujourd’hui, la politique fédérale, qu’elle soit orientée au niveau national ou international, doit composer avec les partis, les associations, les O.N.G. et les médias nationaux. Dans ce contexte, les cantons n’ont joué qu’un rôle secondaire jusqu’à la tenue de leur référendum historique en mai 2004. Grâce à la réussite de ce référendum et à la victoire des cantons concernant le vote sur le paquet fiscal, ce rôle a sensiblement évolué. Il revient maintenant aux cantons eux-mêmes de faire en sorte que leur importance constitutionnelle soit également prise en compte dans des problématiques liées à la politique fédérale, et ce, en participant à la politique fédérale de manière cohérente et assurée. Dans ce cadre, la CdC aide les cantons à défendre leur rôle constitutif dans l’État fédéral. Elle ne le fait pas par intérêt personnel, mais parce que les cantons ontintérêt à ce que les tâches de l’État soient exécutées de façon efficace et répondent aux besoins des citoyens.

Vous pouvez visiter le site Internet de la CdC à www.cdc.ch

Fédérations vol. 5, no 2 mars/avril 2006 www.forumfed.org