En sa qualité de première dame des États-Unis, Hillary Rodham Clinton a passé une bonne partie du premier mandat de son mari à défendre une refonte du régime de soins de santé du pays. Il s’agissait pour elle d’imposer la garantie d’une assurance-maladie pour tous les Américains, mais sa vision a été critiquée par des citoyens de droite comme un regrettable mouvement vers une « médecine socialisée ».

C’était en 1993, les démocrates contrôlaient le Congrès, et un bon 14 pour cent du produit intérieur brut national de 6,6 billions (6 600 milliards) de dollars américains était consacré aux soins de santé.

Ce plan a lamentablement fait naufrage, les républicains conservateurs ont pris le contrôle du Congrès l’année suivante et Mme Clinton a endossé l’essentiel du blâme pour la défaite des démocrates.

« J’étais sur place et je ne l’ai pas fait », a-t-elle écrit il y a peu sur sa récente incursion dans la réforme du système de santé.

Aujourd’hui Hillary Clinton siège au Sénat sous les couleurs del’État de New –York, qui penche vers le libéralisme ; elle est une candidate de premier plan pour l’élection présidentielle de 2008. Elle encourage également un nouveau plan de réforme du régime de santé, bien que beaucoup moins ambitieux. En fait, la plupart des politiciens de Washington D.C. ont proposé ou signé toute une série d’initiatives propres à redresser un système de santé qui, déplorent-ils, traverse actuellement une crise.

Les coûts de la santé continuent d’augmenter à un rythme dépassant celui de l’inflation, et les statistiques du recensement américain montrent qu’en 2004 quelque 46 millions d’Américains (presque 16 pour cent de la population) ne disposaient pas de lamoindre assurance-maladie. Et aux États-Unis, alors que l’accès aux soins de santé n’est toujours pas un droit garanti, d’aucuns croient qu’une assurance-maladie subventionnée par le gouvernement se devrait de l’être.

Le débat sur la couverture universelle a commencé il y a des décennies

« Il s’agit là d’un vaste débat qui agite l’Amérique depuis un certain nombre d’années », a rappelé Maurice Hinchey (démocrate, New York), député à la Chambre des représentants. « La controverse a marqué toute l’administration (du président Theodore « Teddy ») Roosevelt et (du président Harry) Truman. Même l’administration (du président Richard) Nixon a tenté de faire progresser une certaine forme d’assurance-maladie nationale. »

En 2004, les dépenses de santé de 1,8 billions de dollars ont représenté quelque 15 pour cent des 11,7 billions de dollars duproduit intérieur brut des États-Unis. Selon les estimations, ces dépenses devraient augmenter pour atteindre 17 pour cent du PIB en 2011.

Les projets de réforme du service de santé déposés récemment devant le Congrès comprennent pour l’essentiel des changements à

John Milgrim est journaliste au Ottaway News Service, et est basé à Albany, dans l’État de New York. Il écrit régulièrement des articles consacrés à la politique de ce dernier.

Medicare et Medicaid, les systèmes de soins de santé subventionnés au niveau national pour les personnes âgées et celles aux revenus modestes. En février 2006, le président George W. Bush a signé une législation diminuant les dépenses en matière de programmes sociaux. Cette loi de réduction du déficit (Deficit Reduction Act) de 2005 a été adoptée mais elle fait l’objet d’une contestation devant la justice. La loi de Bush est destinée à réduire l’augmentation des dépenses de Medicare et Medicaid de 40 milliards sur cinq ans, mais elle aura pour effet de couper des fractions d’un point de pourcentage de croissance dans les dépenses sociales. Les critiques la qualifient de décision immorale tandis que ses zélateurs la saluent comme

un moyen rationnel de supprimer la fraude et le gaspillage.

Mais le changement le plus significatif de ces dernières années a été introduit dans la loi fin 2005 pour entrer en vigueur le 1er janvier 2006. C’est alors que Medicare a commencé à couvrir les médicaments délivrés sur ordonnance, aux termes de la nouvelle Partie D de Medicare, très controversée.

Présenté simplement, Medicare désigne le programme d’assurancemaladie du gouvernement fédéral pour les Américains âgés et certains invalides. Presque tous les Américains de plus de 65 ans sont couverts par Medicare. Medicaid, de son côté, représente une couverture subventionnée au niveau fédéral pour les Américains à bas revenus qui répondent à d’autres critères d’éligibilité. Seslignes directrices sont établies au niveau fédéral mais les États administrent les programmes, reprennent entre 24 et 50 pour cent des coûts, déterminent les niveaux d’éligibilité et façonnent lesprogrammes selon leur volonté politique. Les États couvrent souvent plus de « prestations facultatives », comme la prescription de médicaments, qui demeurent souvent extrêmement optionnelles en termes de santé. C’est souvent la relative santé financière d’un État plutôt que des considérations politiques qui détermine combien de « prestations facultatives » ils vont couvrir. L’un desservices qui dépend de la vision politique d’un État demeure l’avortement : Medicaid paie pour les avortements dans la plupartdes États en cas de viols, d’inceste ou lorsque la vie de la mère est en danger. Il couvre les avortements dans la plupart des autressituations dans 16 États, principalement les États démocrates àtendance libérale ou ce que l’on appelle les États « bleus » comme New York, la Californie et le Massachusetts.

Les républicains de Floride étendent la couverture santé

En Floride, un État plutôt républicain ou « rouge » très prisé des retraités et donc résidence de nombreuses personnes âgées, lespoliticiens ont ciselé les services médicaux gérés par l’État àl’image de leurs électeurs. Il s’agit de l’un des 27 États dans lesquels la chiropraxie et les soins de garde privés sont couvertspar Medicaid. Il s’agit également de l’un des 35 États où les dentiers sont remboursés. Cependant le gouverneur Jeb Bush (le frère de George W. Bush) et l’assemblée législative républicaine jouent les pionniers dans leurs efforts pour introduire des comptes

Forum des fédérations

Fédérations vol. 5, no 2 mars/avril 2006

privés dans Medicaid, limitant le montant des dépenses de santé par individu.

Le sénateur de l’État, Durell Peaden, Jr., un républicain qui préside la Commission sénatoriale de la santé, a expliqué que les législateurs se concentrent sur les soins pour les personnes âgées. Ils ont offert des encouragements à ceux qui se spécialisent en soins gériatriques dans les écoles de médecine et ils étendent les programmes de vie autonome.

« Quoi que nous fassions, nous avons en général deux ans d’avance sur tous les autres », a expliqué M. Peaden.

Plus conservatrice, la Louisiane offre nettement moins de prestations facultatives. Selon le U.S. Centers for Medicare and Medicaid Services, il s’agit de l’un des six États sans couverture des soins dentaires, les lunettes n’y sont pas prises en charge et c’estl’un des quatre États sans service de réhabilitation en matière de santé mentale.

« Le problème, c’est d’avoir suffisamment d’argent pour recevoir les subventions (fédérales) qui sont offertes », a expliqué Sydnie Mae Durand,députée de l’État de Louisiane à la Chambre des représentants et présidente de la Commission de la santé et du bien-être de la Chambre basse de l’assemblée législative de

l’État. « Il faut posséder l’équivalent de la subvention pour la recevoir et nous devons utiliser nos moyens de la meilleure manière possible ». Les montants compensatoires ou la nécessité de « contrebalancer les fonds » est tout à la fois une bénédiction et une malédiction pour les collectivités locales — cela signifie qu’elles peuvent bel et bien obtenir un financement partiel, mais qu’elles doivent trouver le reste.

Exactement comme des programmes sociaux tels que Medicaidpeuvent varier en fonction des orientations politiques d’un État, le contrôle d’un parti sur le gouvernement fédéral peut renverser la politique nationale.

Des politiciens comme M. Hinchey, qui se situe nettement plus à gauche que la plupart à Washington, explique que les raisons sont actuellement plus nombreuses que jamais de ressortir l’idée d’un système national d’assurance, mais que c’est la mainmise des républicains sur Washington qui l’empêche de se concrétiser.

« La plupart des gens réalisent que le temps est venu », dit-il, expliquant que les coûts des assurances-maladie collectives ajoutent au bas mot entre 1 000 et 2 000 dollars au prix d’uneautomobile manufacturée aux États-Unis. « L’absence d’une assurance-maladie nationale a rendu les choses nettement plus difficiles, en particulier pour l’industrie américaine dans l’économie mondiale. »

L’opposition antérieure à un régime d’assurance-maladie, émanant de la politique et de l’industrie, a dominé le débat en caractérisant la proposition de médecine « socialisée ». Il s’agissait d’un terme qui à l’époque impliquait un lien avec le communisme et garantissait l’enterrement de la proposition, a expliqué M. Hinchey, surtout dans une génération familiarisée avec la guerre froide.

Entre-temps, la récente addition par Medicare de la couverture des médicaments délivrés sur ordonnance a entraîné des retombées politiques. L’idée semblait pourtant simple : des plans privés pour des médicaments subventionnés au niveau fédéral. Les dispositions législatives ont cependant nécessité 800 pages imprimées. Les bénéficiaires de Medicare pouvaient choisir un plan basé sur leurs besoins en médicaments, leurs primes et leurs paiements annexes. Mais il s’est révélé difficile de procéder de la sorte parce qu’il a fallu beaucoup de temps pour incorporer dans provenance des compagnies d’assurance, et parce qu’une quantité de plans proposaient de nombreux produits différents. Et les assurés couverts à la fois par Medicare et Medicaid étaient automatiquement transférés de la couverture des médicaments par Medicaid à un plan spécifique de couverture des médicaments par Medicare au 1er janvier 2006 — ce qui a entraîné énormément de difficultés et de répercussions politiques.

Les États ont dû créer des filets de sécurité

Pour certains assurés, ce changement a augmenté le coût de leurs médicaments, ou alors les nouveaux plans dans lesquels ils étaient automatiquement enregistrés n’ont pas couvert les médicamentsqu’ils utilisaient. La plupart des assemblées législatives des États ont créé dans l’urgence des filets de sécurité subventionnant le remboursement des médicaments pour ceux qui se sontembourbés dans ce marigot logistique. Dans le seul État de New York, les surcoûts imprévus se sont élevés à 100 millions de dollars rien qu’au cours des deux premiers mois du programme.

En fin de compte, Mme Clinton s’est distancée du soutien public qu’elle apportait au « plan de couverture universelle des soins de santé » pendant l’administration de son mari. Mais elle ne l’a jamais abandonné. Il y a deux ans, elle a rempli les pages du New York Times Magazine, réitérant et modernisant sa précédente campagne. Cette fois pourtant elle a appelé principalement à des modifications et des améliorations progressives touchant la technologie de l’information en matière de santé, loin des bouleversements dans le financement et la délivrance des prestations que réclamait le plan Clinton de 1993.

Elle note que la plupart des 44 millions d’Américains dépourvus d’assurance-maladie proviennent de familles ouvrières et que 18 000 personnes âgées de 25 à 64 ans meurent chaque année en raison de ce manque de couverture. Dans le même temps, ajoute-telle, les États-Unis demeurent largement en tête de toutes les autres nations en terme de dépenses de santé par habitant, alors qu’ils se situent au 48e rang en ce qui concerne l’espérance de vie.

« Tout ce que nous avons appris au cours de la dernière décennie confirme que nous devons persévérer vers ce but qu’ont atteint toutes les autres nations industrialisées, écrit-elle, à savoir un régime de santé constamment à la disposition de chaque citoyen. »

Fédérations vol. 5, no 2 mars/avril 2006 www.forumfed.org