INTRODUCTION

Paul Boothe

Ce recueil de quatre articles propose un survol et une analyse de la documentation sur les pratiques exemplaires dans quatre domaines de gestion financière au sein des fédérations. Le premier article porte sur les moyens utilisés par les fédérations pour corriger les déséquilibres entre les responsabilités en matière de dépenses et la capacité de prélever des recettes, et ce, dans deux contextes : entre le gouvernement national et les gouvernements régionaux, puis entre gouvernements régionaux. Le deuxième article porte sur l’adaptation des méthodes de traitement des déséquilibres à l’évolution de la conjoncture au sein des fédérations. Les deux articles sont axés sur l’expérience de deux fédérations établies, l’Australie et le Canada, dont le passé et l’expérience en ce domaine sont considérables.

Le troisième article concerne les enjeux soulevés par la gestion de la politique de stabilisation macroéconomique au sein des fédérations. La quatrième, qui sert de complément à cette analyse, porte principalement sur les enjeux liés à la politique d’emprunt et d’endettement des gouvernements au sein des fédérations. Ces deux articles visent des fédérations en voie de développement, en particulier le Mexique et le Brésil, ce qui permet de fonder l’analyse sur l’expérience concrète.

Ces articles ont été sollicités par le Forum des fédérations. L’Institut d’économie publique de l’université de l’Alberta est heureux de collaborer avec le Forum en vue de communiquer aux praticiens des fédérations en émergence les renseignements les plus récents sur les pratiques exemplaires de gestion financière dans des pays fédéraux.

RELATIONS FISCALES DANS LES PAYS FÉDÉRAUX : QUATRE ARTICLES

DES LEÇONS-CLÉS POUR LES DÉCIDEURS

• Les déséquilibres budgétaires

La répartition des responsabilités en matière de dépenses et de recettes au sein des fédérations est généralement fixée dans leur constitution, laquelle peut être modifiée par des ententes ou par des interprétations judiciaires. La répartition des responsabilités peut être très différente d’une fédération à l’autre, certaines étant fortement centralisées et d’autres très stabilisées. Si les responsabilités de dépenses ne sont pas proportionnées aux responsabilités de recettes, il y a déséquilibre budgétaire vertical. Ce type de déséquilibre est corrigé par des transferts intergouvernementaux, lesquels peuvent être conditionnels ou inconditionnels. Dans les fédérations qui accordent des responsabilités majeures en matière de dépenses aux gouvernements régionaux, les transferts sont souvent inconditionnels.

On utilise également les transferts intergouvernementaux pour corriger les déséquilibres entre régions. [Ces transferts peuvent être fondés sur la capacité de prélever des recettes, les besoins en dépenses ou les deux; et ils peuvent reposer sur une approche faisant intervenir des chiffres bruts ou des chiffres nets.] Dans le cas de chiffres bruts (comme au Canada), les transferts ne sont pas autolimitatifs. Les gouvernements nationaux assortissent souvent ces transferts de conditions provisoires supplémentaires afin de limiter le risque budgétaire.

• Adaptation à l’évolution de la conjoncture

La nécessité de modifier périodiquement les relations financières entre les gouvernements est commune à toutes les fédérations. Les processus de modification de ces relations varient grandement. Dans les systèmes parlementaires, les processus ont tendance à reposer sur un « fédéralisme exécutif » axé sur la négociation intergouvernementale. Le processus devant mener à des ententes sur des modifications aux relations financières peut être officiel ou informel. Par exemple, l’Australie a recours à des mécanismes officiels [le Conseil des prêts (Loan Council), la Commission des subventions du Commonwealth (Commonwealth Grants Commission) et le Conseil des gouvernements australiens (Council of Australian Governments)], alors que le

INTRODUCTION

Canada s’en remet presque entièrement à des réunions informelles de fonctionnaires, de ministres des Finances et de premiers ministres.

La diversité de ces démarches reflète les différences dans la structure des gouvernements (par exemple, l’absence de Sénat dont les membres sont élus par les régions au Canada), le degré de différenciation ethnique et culturelle entre les régions (par exemple, le Québec d’expression française par opposition aux provinces anglophones) et les valeurs prédominantes de la société (l’équité régionale en Australie par opposition à l’autonomie régionale au Canada).

• Gestion macroéconomique

Les autorités budgétaires devraient avoir pour objectif à long terme de fournir le niveau souhaité de services et d’infrastructures publics dans un cadre budgétaire viable – où les budgets de tous les gouvernements sont équilibrés à moyen terme. La gestion budgétaire est plus complexe dans les pays fédéraux à cause de l’interdépendance des finances des gouvernements national et infranationaux, laquelle découle du partage des responsabilités en matière de recettes et de dépenses.

La viabilité des politiques budgétaires est renforcée lorsque chaque palier de gouvernement : 1) a des responsabilités clairement définies en matière de dépenses; 2) a accès à des recettes autonomes non liées à des transferts; et 3) emprunte sans le soutien ou la garantie d’un autre palier de gouvernement. Les situations de l’Argentine, du Brésil et du Mexique laissent croire que ces trois facteurs sont importants pour déterminer si une fédération émergente parviendra à une situation budgétaire viable.

La responsabilité principale de la stabilisation de l’économie dans le contexte de fluctuations macroéconomiques peut incomber au gouvernement national ou aux gouvernements infranationaux. Le partage optimal des responsabilités dans ce domaine dépend de la nature des fluctuations; bref, sont-elles surtout d’envergure nationale ou limitées à des régions particulières? Pour jouer un rôle stabilisateur efficace à l’échelle de leur région, les gouvernements infranationaux doivent avoir accès à des sources de recettes qui sont sensibles à la conjoncture économique, sans quoi les stabilisateurs automatiques ne pourront pas fonctionner.

RELATIONS FISCALES DANS LES PAYS FÉDÉRAUX : QUATRE ARTICLES

• Gestion de la dette

Dans une fédération, les emprunts effectués par les gouvernements régionaux peuvent avoir des répercussions importantes sur les autres régions ou sur le gouvernement national. Ils peuvent accroître les taux d’intérêt, peser sur la solvabilité de certains organismes et accroître les pressions en faveur d’une monétisation de la dette, laquelle ne peut qu’accroître l’inflation. Dans une perspective de gestion financière, des emprunts non coordonnés peuvent mener à des contraintes de crédit lorsque les émissions d’obligations sont trop rapprochées. Des emprunts importants des gouvernements nationaux peuvent avoir des effets semblables sur les régions.

Il y a trois grandes méthodes utilisées pour coordonner la gestion de la dette dans les fédérations : la coopération, les contrôles administratifs du gouvernement national et les règles rigoureuses. L’expérience des fédérations en émergence suggère que c’est la troisième approche qui est la plus efficace. Pour assurer une bonne gestion de la dette dans les fédérations, il est essentiel de pouvoir recourir à des renseignements pertinents et fiables sur l’état des finances publiques nationales et régionales.

La méthode fondée sur les règles rigoureuses exige également une définition claire et exhaustive de la dette, des indications concernant les réactions et les sanctions en cas de non-observation et, pour prévenir les effets inflationnistes, l’interdiction d’emprunter auprès de la banque centrale ou de banques sous contrôle étatique. On doit favoriser l’adoption par le gouvernement national de politiques crédibles de non-renflouement et les systèmes de transfert doivent être conçus de manière à accroître la prévisibilité et la stabilité au profit des gouvernements régionaux.

En guise de conclusion, il faut espérer que ces articles fourniront aux praticiens des fédérations en émergence des indications utiles sur les pratiques budgétaires exemplaires dans les pays fédéraux. Le dialogue permanent entre praticiens et chercheurs universitaires constitue l’un des principaux atouts de la fédération canadienne, et nous nous réjouissons des possibilités d’interaction avec les praticiens et chercheurs des fédérations émergentes.