La République fédérale d’Allemagne

JUTTA KRAMER

Aux termes de l’article 20(I) de sa constitution (appelée Loi fondamentale), la République fédérale d’Allemagne forme « un État fédéral, démocratique et social ». La République fédérale fut fondée en 1949, les premiers ministres des länder (les entités constituantes de la fédération qui furent restaurées à la fin de la seconde Guerre mondiale) ayant été chargés par les Alliés occidentaux de rédiger une nouvelle constitution à caractère fédéral de manière à éviter la résurgence d’un État central fort en Allemagne. Le fédéralisme allemand n'a cependant pas pris exemple sur la Constitution des États-Unis, qui met l’accent sur la séparation des pouvoirs entre les niveaux de gouvernement. Il suit plutôt la tradition allemande caractérisée par des imbrications et des superpositions entre des unités étatiques centralisées et

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décentralisées.

Lorsqu’elle fut instaurée, la République fédérale d’Allemagne comprenait onze

länder (sans compter Berlin, cité-État placée sous le contrôle des Alliés) qui ne

correspondaient plus aux frontières de l’ancienne République de Weimar. Depuis la

réunification de 1990, elle se compose de seize länder, parmi lesquels les trois cités-États de Hambourg, Brême et Berlin. La population de l’Allemagne se répartit sur une superficie de 357 000 km2. La densité la plus forte se rencontre à Berlin, avec 3 800 habitants/km2, et la plus faible dans le land de Brandebourg qui ne comprend que 88 habitants/km2. Les länder présentent également de considérables

différences de taille. Le plus petit d’entre eux, Brême, englobe deux villes (Brême et Bremerhaven) et comprend 680 000 habitants ; le plus grand, la Rhénanie du Nord – Westphalie, abrite plus de 17,9 millions d’habitants.

Les quelque 82,1 millions d’habitants de l’Allemagne forment une population largement homogène du point de vue de l'ethnicité. L’allemand représente ainsi la

seule langue nationale et officielle. Des minorités ayant une culture et une langue distinctes ne se rencontrent que dans l’extrême Nord-Ouest (les Frisons) et au Sud-Est (les Sorabes et les Wendes d’origine slave). Une minorité nationale de Danois

allemands vit également à la frontière septentrionale du pays avec le Danemark. À la fin de l’année 2002, plus de 7,3 millions d’étrangers vivaient dans le pays. Comparé à la situation qui prévalait en 1989, ce nombre a augmenté de près de 2,3 millions.

La proportion d’étrangers au sein de la population est passée de 6,4 pour cent en 1989 à 8,9 pour cent en 2002. De nombreuses familles d’étrangers vivent en Allemagne depuis deux ou trois générations. Très schématiquement, 55 millions

d’Allemands sont chrétiens, au nombre desquels on retrouve 28,2 millions de

protestants et 27 millions de catholiques. On dénombre également environ 1,7 million de musulmans et seulement 54 000 juifs (représentant à peine 10 pour cent

de la population juive qui vivait dans le pays en 1933, avant l’holocauste). Le produit

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intérieur brut s’élevait { 32 962 USD par habitant en 2001.

Après 45 ans de division politique entre l’Est et l’Ouest { cause de la Guerre froide, l’Allemagne s’est réunifiée en 1990 lorsque la République démocratique allemande (R.D.A.) a rejoint le territoire vivant sous l’égide de la Loi fondamentale

(Grundgesetz) à la suite de son effondrement politique et économique. Ce faisant, cinq nouveaux länder ont été créés sur le territoire de l’ancienne République démocratique. L’on n’a cependant pas profité de l’occasion pour créer une nouvelle

constitution et permettre au peuple allemand de se prononcer sur celle-ci,

possibilité offerte par l’article 146 de la Loi fondamentale. Cette option n’avait pas

non plus été utilisée en 1949, et la Loi fondamentale était également entrée en vigueur sans vote populaire. Soixante-cinq ans après la fin de la seconde Guerre

mondiale, l’Allemagne se considère toutefois comme une communauté ouverte sur le monde et qui, en sa qualité de membre de l’Union Européenne, contribue { l’effort d’intégration de tout le continent et { la création d’une Europe démocratique,

sociale et fédérale basée sur l’État de droit et la coexistence pacifique (art. 23(I)).3

LA CRÉATION DE LA CONSTITUTION FÉDÉRALE

Appelée Loi fondamentale, la Constitution de la République fédérale a été rédigée et adoptée dans les années 1948-49 par le Conseil parlementaire, lequel réunissait 65 membres délégués par les Parlements des länder. La Constitution est entrée en vigueur le 23 mai 1949. C’est le projet dit « de Herrenschiemsee », rédigé par un collège de hauts fonctionnaires et de politiciens de premier plan en provenance des länder, qui a servi de base aux discussions et aux décisions du Conseil. Outre les desiderata des Alliés et les conditions qu’ils ont imposées, les nouvelles constitutions adoptées par les länder dans les années 1946-47 ont considérablement influencé le contenu de la Loi fondamentale.

Le but principal poursuivi par une majorité des Pères de la patrie était l’instauration d’un État fédéral démocratique de type occidental qui permettrait de garantir la

liberté, la paix et la sécurité, mais aussi une économie de marché. Tous ces objectifs se révélaient cependant politiquement controversés au sein même du Conseil parlementaire, car la Guerre froide était déjà un élément majeur des relations entre les systèmes politiques de l’Est et de l’Ouest. Alors que les conservateurs, { l'instar des Alliés, préféraient un type de fédéralisme plus décentralisé, les groupes de gauche réclamaient plutôt un État unitaire, capable selon eux de résoudre plus facilement les graves problèmes de reconstruction posés par l’après-guerre. En ce qui concerne la forme du système démocratique, il a été décidé que la volonté

politique s’exprimerait dans un contexte purement représentatif, par opposition aux

exemples basés sur les plébiscites fournis par certaines constitutions des länder. Cette décision fait suite aux expériences de la République de Weimar et du nationalsocialisme, qui démontrèrent le danger d’offrir une tribune { des leaders démagogiques. De son côté, l’économie libérale était, elle aussi, soupçonnée par certains Pères de la patrie d’avoir contribué au succès du national-socialisme, car certains magnats des affaires avaient appuyé Adolf Hitler. Par conséquent, ce modèle économique était rejeté par une majorité de la population, parmi lesquels

nombre de libéraux et de conservateurs. C’est la raison pour laquelle, en dépit de sa

neutralité en matière de politique économique, la Loi fondamentale contient une disposition permettant la nationalisation des outils de production, des banques et des terres (art. 15). Une autre question âprement débattue a été la structure de la seconde chambre du Parlement. Deux options s'opposaient : l’établissement d’un sénat composé de membres élus au suffrage universel ou la restauration de l’ancien

Conseil fédéral composé de membres nommés par les gouvernements des länder.

Tirant leçon de la désastreuse expérience du national-socialisme, les Pères de la patrie ont accordé une attention toute particulière à la protection des droits de la personne et des droits civils : ils les ont considérés comme des droits fondamentaux, les ont placés dans la première section de la Loi fondamentale avant tous les autres articles, et ils leur ont donné force exécutoire directe pour les trois organes du gouvernement, soit le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Au surplus, ils ont garanti qu’en cas de violation de ces droits par l’État, toute personne disposait d’un recours

auprès de tribunaux indépendants. Outre ces libertés et droits civils de facture très classique, la garantie de l’égalité de tous les citoyens devant la loi revêtait aussi un rôle particulier pour les Pères de la patrie. Il leur importait qu’{ l’avenir plus

personne ne soit avantagé ou victime de discrimination en raison de sa langue, de sa race, de sa patrie, de son origine, de son sexe ou de ses opinions politiques. Les

droits politiques fondamentaux, tels que la liberté d’expression, de réunion et d’association, ont également été garantis. De la sorte, les rédacteurs de la Loi fondamentale n’ont pas seulement accédé aux vœux des Alliés, ils ont également

suivi les traditions occidentales en matière de droit constitutionnel, basant leurs idées en particulier sur des modèles analogues à ceux qui avaient été développés au XIXe siècle après la révolution « bourgeoise » des années 1848-49, qui avait conduit à la première tentative de constitution fédérale { l’église Saint-Paul de Francfort.

La Loi fondamentale s’est révélée dès lors comme un produit des élites politiques plutôt que celui d’une large participation populaire. Après une pause de douze ans causée par le régime de Hitler, la Loi fondamentale a remplacé la Constitution de

Weimar de 1919 qui, { l’instar de sa devancière, la Constitution impériale de 1871,

avait instauré un État fédéral caractérisé par le principe de soumission à la fédération pour tout ce qui concernait les relations entre celui-ci et les länder et entre les länder eux-mêmes. De la sorte, c’est une tradition du bas moyen âge qui a été restaurée en 1949.

Fondé par Charlemagne en l'an 800, le Saint Empire romain s’est vu doter ultérieurement, par la Charte constitutionnelle de 1356 appelée « Bulle d’Or », d’une première ébauche de structure fédérale. Celle-ci comprenait les organes impériaux (parmi lesquels l’empereur, les Grands Électeurs, les conseillers de la Cour impériale et la Cour suprême impériale) et les districts administratifs impériaux (disposant de leurs administrations et de leurs armées propres). À la suite de la guerre de Trente ans (1618 1648), les principautés et duchés indépendants se sont vus reconnaître une souveraineté limitée par le Traité de Westphalie de 1648. À partir de ce moment, l'Empire allemand peut être considéré comme une entité politique de type

quasi fédéral et pas simplement une confédération d’États. Alors que l’État fédéral est né { cette époque par voie de décentralisation (grâce { la création d’États autonomes infranationaux), l’instauration de l’ordre fédéral contemporain en Allemagne a suivi un processus exactement inverse, { savoir l’agrégation de länder

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indépendants en 1949.

LES PRINCIPES CONSTITUTIONNELS DE LA FÉDÉRATION

Conformément aux intentions de ses concepteurs, la Loi fondamentale a été rédigée en ayant { l’esprit un fédéralisme aussi peu centralisé que possible. Ainsi, l’article 30 stipule que l’exercice des pouvoirs étatiques et l’exécution des fonctions étatiques

relèvent de la compétence des länder. Toute altération de ce principe régissant la répartition des responsabilités doit figurer expressément dans la Loi fondamentale. Cependant, dès les premiers jours de la République fédérale, on trouvait de nombreuses interconnexions entre les responsabilités de la fédération et celles des länder (il ne s'agit donc pas de « fédéralisme bipolaire » comme aux États-Unis). Ainsi, les lois fiscales ont toujours été une responsabilité fédérale partagée entre le Parlement fédéral et le Conseil fédéral (Bundesrat), alors que les länder sont en droit de recevoir une part du produit des taxes perçues. Dès le début, la délimitation des responsabilités législatives a permis au gouvernement fédéral d’adopter des réglementations tellement détaillées que les länder ne disposaient pratiquement

plus d’aucune marge de manœuvre leur permettant de prendre des décisions

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relatives à leurs propres programmes politiques.

Depuis 1969, la tendance vers un État fédéral unitaire s’est considérablement

accentuée pour les raisons suivantes : 1) en pratique, un système complètement

intégré s’est développé, système dans lequel la fédération finance en partie des tâches qui, { l’origine, n'étaient financées que par les länder (p. ex., la construction et l’extension des institutions destinées { l’éducation supérieure, le renforcement des structures économiques régionales, le soutien { l’agriculture, le renforcement de la protection du littoral et le financement de la recherche scientifique) ; 2) le mécanisme des taxes conjointes a pris de l'ampleur, notamment en ce qui a trait aux impôts sur le revenu et sur les sociétés, et à l'impôt sur le chiffre d'affaires. À l'instar du modèle américain, ce système intégré a été baptisé « fédéralisme coopératif ». À

l’usage, il s’est cependant révélé non seulement un handicap, mais aussi un problème du point de vue de la démocratie, dans la mesure où n’importe qui peut être tenu responsable de n’importe quoi, de sorte que finalement plus personne n’est responsable de rien. Pour cette raison, d’intenses discussions ont été menées

concernant une réforme des institutions qui permettrait plus de transparence en ce qui a trait aux prises de décision et aux responsabilités, et une concurrence accrue entre le gouvernement fédéral et les länder. Mais le fédéralisme allemand est encore

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bien loin du fédéralisme compétitif.

Dès le début, la Loi fondamentale a tenté de créer un équilibre harmonieux entre

l’unité et la diversité. D’un côté, elle a confié { la fédération la mission de créer des conditions de vie identiques partout en Allemagne ; de l’autre, avec son vaste catalogue de compétences législatives concurrentes, elle a permis aux länder de

mettre en œuvre leurs propres politiques. La Loi fondamentale prévoit en outre que

les coûts liés à l'exécution des tâches étatiques doivent, dans tous les cas, être assumés par l'ordre de gouvernement qui est également responsable de leur exécution (ce qui s’appelle le principe de division).

En ce qui concerne la répartition des tâches étatiques, la Loi fondamentale distingue simplement entre deux ordres : la fédération et les länder. Cela signifie que tous les länder doivent s’acquitter des mêmes tâches indépendamment de leur taille, du nombre de leurs habitants et de leur capacité économique ou financière. Ils disposent également de droits identiques en ce qui concerne leurs relations avec la fédération. Le fédéralisme allemand peut donc être considéré comme symétrique, si l’on fait abstraction de la pondération des voix des länder au sein du Conseil fédéral (Bundesrat). Il est surprenant que les auteurs de la Constitution aient opté pour une telle symétrie en 1949, époque où les länder étaient submergés par un afflux de

réfugiés en provenance de l’Est. Des raisons d'ordre traditionnel ont sans doute été

déterminantes dans cette décision de mettre tous les länder sur le même pied d'égalité. En effet, l'État fédéral institué par les constitutions allemandes de 1871 et de 1919 était symétrique même si un seul land, la Prusse, couvrait les deux tiers du territoire du Reich à cette époque. Les coûts de ce fédéralisme symétrique sautent aux yeux, dans la mesure où d'immenses différences économiques et sociales entre les länder doivent être compensées au moyen d’un mécanisme complexe de péréquation financière.

Le fédéralisme, et en particulier la participation des länder à la législation de la fédération, est couvert par ce que l’on a coutume d’appeler la « clause d’éternité » de la Loi fondamentale (art. 79(III)). Celle-ci n’est soumise { aucun changement constitutionnel et ne peut dès lors être abrogée, même avec une majorité de 100 pour cent du corps législatif. En contrepartie, les länder ne disposent pas d’un droit de sécession et, dans les faits, le retrait unilatéral d’un land de la République fédérale entraînerait l’état d’urgence et, en ultime recours, pourrait être combattu

par des moyens militaires. Les partis politiques qui poursuivent des buts sécessionnistes peuvent être interdits par la Cour constitutionnelle fédérale. Cela ne signifie toutefois pas que le système actuel avec ses seize länder doive être maintenu ad vitam aeternam. Une réorganisation du territoire fédéral (art. 29) pourrait aussi bien augmenter le nombre des länder que le réduire. Au moins deux länder devraient toutefois subsister pour satisfaire aux exigences du système garanti par la « clause d’éternité ».

Les länder

À l’instar de la fédération, chaque land se voit reconnaître la qualité d’État. Les länder peuvent rédiger leurs propres constitutions et, comme la fédération,

disposent de leur propre juridiction constitutionnelle, mise en œuvre par des cours

constitutionnelles indépendantes. La Loi fondamentale est contraignante seulement dans la mesure où elle crée des structures constitutionnelles homogènes. Les constitutions des länder doivent se conformer aux principes de l’État démocratique et social, régi par la primauté du droit, et avoir un caractère républicain (art. 28). Le respect de ces principes peut être examiné par la Cour constitutionnelle fédérale et, en dernier recours, être imposé par contrainte fédérale (art. 37). Cette disposition mise à part, les länder sont libres de choisir le système de gouvernement qu’ils jugent adéquat. La Bavière, par exemple, a longtemps été le seul land utilisant un

Parlement bicaméral. Les länder sont libres d’instaurer leurs propres organes gouvernementaux et de compléter le système parlementaire (qu’il soit ou non pourvu d’un mécanisme dit « de défiance constructive ») par des institutions de démocratie directe. L’élection directe au suffrage universel des premiers ministres des länder est également concevable, mais cette option n’a été réalisée que dans quelques länder jusqu’{ présent. Tous les membres du gouvernement de même que les hauts fonctionnaires des länder sont élus ou nommés, et la fédération ne dispose

d’aucun moyen d’influencer l’accès { ces postes.

Les variations entre les constitutions des länder sont largement dues au fait que certaines d’entre elles étaient déj{ en vigueur en 1946-47, avant la promulgation de la Loi fondamentale. Il s’agit de constitutions que l’on peut qualifier de « complètes », en ce sens qu’elles contiennent une importante liste de droits fondamentaux. Dans le cas des textes entrés en vigueur après 1949, soit les droits fondamentaux ont été omis, soit ceux de la Loi fondamentale ont été incorporés dans le texte, soit les droits énumérés ne concernent que ceux qui relèvent de la responsabilité des länder (notamment l’éducation, les écoles, la religion et les églises). Les constitutions des länder nés après la réunification de 1990 sont différentes. Elles contiennent des listes complètes de droits fondamentaux, s'inspirant largement des droits de la fédération, mais des listes de droits sociaux s'y ajoutent également (art. 142).

La plupart des constitutions des länder ont été rédigées et adoptées par les Parlements régionaux. Seuls quelques référendums ont été organisés. Les Parlements des länder sont également les principaux responsables des amendements constitutionnels, pour lesquels une majorité des deux tiers de leurs membres est requise. Seuls quelques länder, parmi lesquels le Bade-Wurtemberg et la Bavière, peuvent organiser un référendum touchant à des modifications de leurs constitutions respectives. En cas de contradiction avec une constitution régionale, la Loi fondamentale l'emportera (art. 31). Les organes d’un land, en particulier sa Cour constitutionnelle, sont cependant responsables de l'interprétation de leur propre

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constitution.

Les municipalités

L’article 28(II) de la Loi fondamentale garantit expressément aux municipalités le droit de gérer les affaires d’importance locale. Cette garantie s’étend également aux éléments essentiels de l’autonomie financière, qui incluent le droit à des ressources fiscales basées sur la capacité financière de chacune d’entre elles. Les municipalités

ne représentent pas pour autant un troisième ordre dans le système gouvernemental ; elles relèvent au contraire de l’administration du land. Il n’existe donc aucun lien direct entre la fédération et les municipalités. La surveillance des municipalités relève exclusivement des autorités régionales. Dans la réalité politique, cependant, les municipalités sont fortement influencées par la politique

fédérale. Elles doivent, par exemple, financer toute l’aide sociale au moyen de leurs

propres fonds. Malgré tout, les lois qui les concernent requièrent toujours l’approbation du Conseil fédéral (Bundesrat), cénacle dans lequel les gouvernements des länder tendent plus souvent qu’on croit { soulager le fardeau de leurs dépenses aux dépens des municipalités en leur transférant des charges. Les gouffres financiers qui se creusent ainsi pour les municipalités ne sont pas toujours entièrement compensés par la redistribution des fonds opérée au sein du land. C’est la raison pour laquelle les autorités municipales ne cessent de dénoncer la crise financière de nature structurelle à laquelle elles doivent faire face.

La Loi fondamentale n’énumère les noms des länder que dans son préambule, sans opérer la moindre distinction entre les cités-États et les autres États. Les deux cités-États de Hambourg et Berlin sont également des municipalités divisées en un certain nombre de districts subordonnés. Dans ce contexte, la caractéristique étatique des länder coïncide avec le côté autonome des municipalités. La situation de la cité-État de Brême est quelque peu différente, dans la mesure où elle se compose de deux municipalités, Brême et Bremerhaven. Dans ce cas, le Parlement de la ville de Brême fonctionne simultanément comme Parlement du land et comme organe représentatif de la municipalité de Brême.

Le droit à l'autogouvernance des municipalités ne comprend que de modestes compétences en matière de taxation, mais pour le reste, elle s’étend { tous les domaines qui concernent la communauté locale (et sa propre sphère de gouvernement). Cela inclut en particulier les institutions culturelles (notamment les musées, les théâtres, les installations sportives et les écoles) et les services publics

(notamment l’approvisionnement en eau et en électricité, la gestion des déchets, les abattoirs, les cimetières et les hôpitaux), de même que l’entretien des routes

municipales et autres chemins vicinaux. Dans ces domaines, les municipalités jouissent d'une grande indépendance en ce qui concerne la planification et le

personnel, et disposent d'une administration indépendante qui n’est pas soumise { la supervision technique de l’administration régionale, mais seulement à un contrôle de légalité.

Les municipalités s’acquittent en outre de tâches qui leur ont été dévolues par la

fédération et par les länder, et elles ont droit à un financement adéquat pour exécuter ces tâches (ce qu’on appelle le principe de connexion). Parmi ces tâches, on trouve l'administration de la circulation routière (notamment les permis de

conduire et l’enregistrement des véhicules) ainsi que les domaines concernant le contrôle des habitants, la police des étrangers, l’inspection des denrées alimentaires, la sécurité au travail et la police sanitaire. Dans ce contexte, outre le contrôle de légalité, les municipalités sont soumises à la supervision des autorités du land, qui peuvent se réserver le droit d’examiner l’efficacité de chacune des mesures prises au niveau local. Si les municipalités n’observent pas les instructions des organes de contrôle du land, ceux-ci peuvent se charger eux-mêmes de l’exécution (mesures de substitution). Dans les cas extrêmes, ils peuvent également remplacer le chef de l’administration locale par un commissaire du land (art. 28(III)).

La fédération ne dispose pas d’un droit de regard sur les municipalités en tant que

telles. Cependant, si un land ne remplit pas ses obligations en ce qui concerne la

surveillance des municipalités, ou les exécute d’une manière insatisfaisante, la fédération peut prendre des mesures pour contraindre ce land { s’en acquitter (art. 37). Si, en cas d’urgence interne, le land souhaite mettre fin au trouble de l’ordre public, mais qu'il se révèle incapable d’y parvenir seul, il peut demander l’aide d’autres länder ou s’adresser { la Police fédérale des frontières (art. 91(II)). Cette disposition n’a cependant jamais été utilisée dans l’histoire de la République fédérale et il est difficile d'imaginer qu’elle le sera dans le futur.

La Loi fondamentale ne prévoit aucune réglementation spécifique concernant

l’autogouvernance des minorités nationales ou des habitants indigènes

(autochtones). Certaines constitutions des länder (Schleswig-Holstein, Basse-Saxe et Saxe, par exemple) contiennent simplement des dispositions imposant au land et à ses municipalités de protéger la langue et la culture des ethnies minoritaires (p. ex., les Frisons, les Sorabes et les Wendes).

LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES EN GÉNÉRAL

La Loi fondamentale énumère uniquement les tâches et les responsabilités relevant de la fédération. En conséquence, toutes les tâches et responsabilités qui ne sont pas mentionnées sont de fait attribuées aux länder et aux municipalités. Selon l’article 30, l’accomplissement des fonctions étatiques et l’exercice des pouvoirs étatiques relèvent des länder, { moins que la Loi fondamentale n’en dispose autrement. Les pouvoirs résiduels appartiennent donc uniquement aux länder. La fédération n’est responsable que des relations extérieures, de la défense, de la protection civile, des

questions de nationalité et de passeports, de l’immigration et l’émigration, du

système monétaire, des douanes et du commerce extérieur, du trafic aérien, des chemins de fer et des autoroutes. La fédération et les länder sont conjointement responsables de toutes les autres tâches législatives, mais la fédération prédomine. Ces tâches englobent notamment le droit civil, le droit pénal, le droit procédural, le droit commercial, le droit du travail, le droit de la sécurité sociale, les lois antitrust,

le droit de l’environnement et la responsabilité civile de l’État.

Tout cela signifie que seul un petit nombre de compétences législatives sont exercées exclusivement par la fédération : la plus grande partie de l’autorité législative relève en fin de compte de la compétence conjointe de la fédération et des länder. Dans le contexte des responsabilités concurrentes, le droit fédéral prend le pas sur celui des länder lorsqu’il y a un conflit (cf. art. 31). Une telle situation ne se produit cependant que rarement, car dès l’instant où la fédération fait état de sa volonté d’assumer son autorité dans un domaine relevant des compétences

concurrentes, la législation incompatible du land est immédiatement nulle et non avenue. Le fait que la fédération décide d'exercer son autorité en ce qui concerne les compétences concurrentes entraîne donc un effet de « blocage » sur toute législation contraire d’un land. La fédération ne peut toutefois exercer son autorité que si cela s'avère absolument nécessaire pour garantir l’unité légale et économique ou pour établir des conditions de vie équivalentes sur l’ensemble du territoire fédéral. La

Cour constitutionnelle fédérale a récemment examiné ces critères pour un cas en

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particulier et les a rejetés.

L’introduction de tâches conjointes a signifié la création, sous les auspices de la

Constitution, de commissions de planification mixtes composées de représentants de la fédération et des länder. Leur tâche consiste { se prononcer sur l’attribution des fonds destinés à la réalisation des tâches conjointes. La Loi fondamentale ne prévoit aucune autre institution chargée des relations intergouvernementales entre la fédération et les länder, ou entre les länder eux-mêmes. Malgré tout, de nombreux forums et autres espaces de discussions ont vu le jour pour coordonner les diverses politiques de la fédération et des länder, au premier rang desquels figurent la Conférence des premiers ministres et les conférences réunissant les ministres chargés de portefeuilles spéciaux. Ces forums revêtent une importance toute particulière dans les domaines relevant de la compétence exclusive des länder,

comme l’éducation. La Conférence des ministres de l’Éducation permet d’assurer

des cursus de formation et des exigences scolaires presque identiques sur

l’ensemble de la République, de manière { faciliter la circulation des habitants d’un land { l’autre et { permettre la libre circulation garantie par la Loi fondamentale.

Au surplus, au niveau administratif, on compte plus de 950 forums de discussion et autres groupes de travail au sein desquels des experts chargés de dossiers spécifiques se réunissent régulièrement pour échanger des informations et coordonner leurs décisions. Tous ces réseaux entraînent d'importantes complications au niveau fédéral et représentent un des facteurs principaux expliquant la paralysie qui affecte souvent le processus de décision politique au niveau national. Dans le champ des relations intergouvernementales, les décisions ne sont pas rendues à la majorité et le principe de consensus demeure prédominant. Dans la plupart des cas, on en arrive donc à des accords qu'en recourant au plus petit dénominateur commun, ce qui entraîne une certaine rigidité, voire une

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certaine inflexibilité, du processus décisionnel.

LES CONFLITS DE JURIDICTION ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES LÄNDER

En ce qui concerne les conflits en matière de compétences entre la fédération et les länder, il convient de distinguer entre désaccords législatifs et administratifs. Si la fédération et les länder sont incapables de se mettre d’accord sur l'ordre de gouvernement qui est responsable de légiférer sur un point spécifique, tous deux peuvent demander à la Cour constitutionnelle fédérale de décider directement selon les règles régissant ce que l’on appelle un conflit fédération-länder. Si par exemple la fédération adopte une loi dans un domaine de juridiction concurrente pour lequel un land prétend être totalement ou partiellement compétent, ce land peut faire appel à la Cour constitutionnelle fédérale pour que cette loi soit invalidée en raison

d’un manque de compétence fédérale. La situation inverse se produit également, et

de tels cas se sont produits à de nombreuses reprises.

Dans le contexte de l’administration, le fédéralisme allemand se caractérise par une particularité atypique. Conformément à la Loi fondamentale, les länder n’appliquent pas seulement leurs propres lois, mais également celles de la fédération. Tant que les länder agissent pour leur propre compte, la fédération ne dispose que d’un contrôle de légalité et doit suivre une procédure spécifique pour effectuer ce contrôle. La fédération doit d'abord déléguer des représentants auprès des plus hautes autorités régionales, et si ceux-ci constatent que des erreurs judiciaires ont été commises dans l’application du droit fédéral, les autorités du land se voient infliger un blâme. Si le land refuse d’endosser ces erreurs ou s’il considère que ses droits ont été violés, la fédération ou le land peut en appeler au Conseil fédéral (Bundesrat), qui doit déterminer si le land a enfreint le droit fédéral. La fédération ou le land peuvent à nouveau faire appel de la décision du Conseil fédéral auprès de la Cour constitutionnelle fédérale, qui prendra l'ultime décision (art. 84(IV)). Cette

procédure de contrôle ne revêt toutefois qu’une importance pratique mineure

puisque les länder ont toujours eu tendance à se plier aux demandes du gouvernement fédéral.

Cependant, lorsque les länder sont tenus par la fédération d'exécuter des lois fédérales (ce qui doit être expressément prévu par la Loi fondamentale), ils sont alors soumis au contrôle « technique » de la fédération, qui ne couvre dès lors plus seulement la légalité, mais également la pertinence des mesures employées pour l'exécution. Les länder sont alors tenus de suivre les prescriptions de la fédération sans opposition, même si celles-ci se révèlent inconstitutionnelles. Les litiges découlant de cette procédure complexe ont été, dans la plupart des cas, résolus par diverses décisions de la Cour constitutionnelle fédérale, de telle sorte que ce genre

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de conflits ne se produit pratiquement plus désormais.

LE FÉDÉRALISME, LA STRUCTURE DU GOUVERNEMENTET SON MODE DE FONCTIONNEMENT

La fédération comme les länder disposent de systèmes parlementaires basés sur le modèle britannique dans la mesure où la formation du gouvernement et son maintien en fonction dépendent de la confiance d’une majorité du Parlement. Le système parlementaire a été choisi en grande partie à cause des expériences négatives liées au système semi-présidentiel pendant la République de Weimar. La prise du pouvoir par les nazis est en partie liée au fait que le président allemand a fait un usage abusif des décrets d’urgence { la fin des années 1920, alors que le Reichstag n’était plus été en mesure de former une majorité. Le seul land disposant encore { l’heure actuelle d’un régime semi-présidentiel est l’État libre de Bavière. Sa constitution ne prévoyant ni un vote de défiance constructive, ni le droit pour le premier ministre de dissoudre le Parlement en cours de législature, un changement de gouvernement ne peut se produire que si celui-ci démissionne volontairement. Le Parlement du land ne peut donc pas procéder à un changement de gouvernement à son gré.

Bien qu'elle soit imposée dans la Loi fondamentale, la séparation des pouvoirs n’est normalisée que de manière indirecte dans le texte de la Constitution. L’article 20(II) mentionne les « organes spécifiques » du législatif, de l’exécutif et du système judiciaire (principe de séparation des organes), dont les membres ne peuvent, dans

la plupart des cas, appartenir qu’{ un seul de ces organes (principe d’incompatibilité). La seule exception réside dans le fait qu'il est possible de siéger au Parlement et d'occuper en même temps la fonction de ministre. Au surplus, ces trois organes, ou branches de gouvernement, sont mentionnés une fois encore dans les articles 1(III) (respect des droits fondamentaux) et 20(III) (respect de la Constitution, de la loi et de la justice), assurant dès lors la séparation des fonctions

gouvernementales. Finalement, l’indépendance des juges est garantie par l’article

97(I).

Bien qu’un équilibre existe formellement entre ces trois organes, le parlementarisme veut que, en pratique, le pouvoir législatif prime. Une loi est en effet indispensable pour toute mesure étatique touchant les droits des citoyens (principe de la réserve légale). Cependant, comme dans tout régime parlementaire, les pouvoirs législatifs et exécutifs ne sont pas strictement séparés puisqu'ils sont réunis au sein de la majorité au pouvoir. Alors que le gouvernement et sa majorité parlementaire forment une unité politique leur permettant d’agir, la minorité parlementaire (l’opposition), elle, passe leur manière de gouverner au peigne fin au

sein du Parlement. Fruit du multipartisme et de la représentation proportionnelle en Allemagne, l’habitude s’est instaurée de trouver d’un côté un gouvernement de coalition et de l’autre une opposition hétérogène. Le résultat de cette confusion des pouvoirs, c’est une certaine rupture du principe de la séparation des pouvoirs au sens légal du terme, autrement dit entre la majorité et l’opposition.

Le Parlement fédéral

Quatre organes se trouvent constitutionnellement impliqués dans le processus législatif de la fédération : le Bundestag (Diète fédérale), le Bundesrat (Conseil fédéral), le gouvernement fédéral (c'est-à-dire la branche exécutive) et le président fédéral. Les mesures législatives peuvent être proposées par le Bundesrat, ou par le Bundestag si au moins cinq pour cent de ses membres appuient les mesures. Si le gouvernement fédéral propose une mesure législative, celle-ci est tout d’abord soumise au Bundesrat, lequel se prononce à son sujet. Elle retourne ensuite au

gouvernement fédéral, qui peut adopter un contreprojet. C’est seulement { la fin de

ce processus que la loi proposée est soumise au Bundestag. Si le Bundesrat propose une mesure législative, elle est d'abord envoyée au gouvernement fédéral (c'est-àdire { l’exécutif), qui y ajoute ses commentaires, puis soumise au Bundestag. Cette « étape préliminaire » permet au Bundestag de prendre connaissance de l’opinion des länder si la mesure proposée émane du gouvernement, et de celle du gouvernement fédéral si elle émane du Bundesrat, avant de se pencher lui-même sur l'avant-projet de loi en question. Les mesures émanant du cénacle parlementaire demeurent en son sein, sans que l’exécutif fédéral ni le Bundesrat puissent émettre leurs opinions.

La règle veut que chaque loi soit soumise à trois lectures devant le Parlement : une

discussion d’entrée en matière, un débat article par article et un vote final. Si la loi reçoit l'appui d’une majorité de députés, elle devient ce que l’on appelle un projet de loi adopté. Elle est alors soumise au Bundesrat, qui dispose d’un droit de veto absolu sur toute législation requérant son approbation. Dans le cas des lois munies de ce que l’on appelle un droit d’objection, le Bundesrat peut obliger le Bundestag à se prononcer de nouveau sur les critiques qu’il a formulées, auquel cas ce dernier doit passer outre { cette objection s’il entend adopter la loi. Quant { savoir si l’assentiment du Bundesrat est obligatoire pour qu’une loi soit adoptée ou si celui-ci doit simplement se borner à exprimer des objections, cela dépend du contenu du

texte. S’il contient des réglementations d’organisation ou de procédure concernant son application par les länder et les municipalités, l’approbation du Bundesrat est toujours obligatoire. Que la loi ait été adoptée parce que le Bundesrat a donné son consentement ou parce que le Bundestag a passé outre { l’opposition du Bundesrat, elle est tout de même soumise au président fédéral, qui la signe et la promulgue. Conclusion de la procédure, le texte est publié dans le Journal officiel de la R.F.A.

L’Allemagne ne dispose ni d'un système monocaméral, ni d'un véritable système

bicaméral. Le législatif se compose pourtant de deux chambres, le Bundestag et le Bundesrat. Ces deux organes n'ont toutefois ni les mêmes compétences, ni les

mêmes fonctions. Dans le cas des lois pour lesquelles il a un droit d’objection, le Bundesrat dispose simplement d’un veto suspensif qu’une majorité du Bundestag permet de contourner. C’est seulement dans le cas des lois qui exigent le consentement du Bundesrat que le veto absolu de ce dernier lui permet de bloquer le processus législatif, comme dans un système bicaméral. Cependant, avant même que le Bundesrat puisse faire valoir ses objections ou refuser de consentir à la loi, un processus de médiation visant à trouver un compromis entre les majorités du Bundestag et du Bundesrat est généralement enclenché. Le projet de loi adopté est de ce fait soumis { ce que l’on appelle la Commission de médiation, qui est composée de 32 membres (soit un par land et 16 représentants du Bundestag qui ne sont pas nommés par la majorité, mais désignés par les groupes parlementaires en fonction de leur importance respective au sein du Parlement). Le sujet de la procédure législative qui se poursuit devant le Bundesrat est toujours la version du texte telle

qu’elle a été adoptée durant le processus de médiation. La Commission de médiation

peut traiter d'un même projet de loi au maximum trois fois : une fois à la demande du Bundesrat (cas classique), une fois à la demande du gouvernement fédéral et une fois à la demande du Bundestag.

En matière de législation, les länder sont représentés au Bundesrat, mais cette représentation ne concerne en fait que les gouvernements régionaux : les Parlements des länder n’ont aucune influence sur la composition du Bundesrat, pas plus que sur la manière dont votent leurs gouvernements. Contrairement aux membres du Sénat américain, les députés au Bundesrat ne sont pas élus au suffrage universel. Le Bundesrat représente donc uniquement les exécutifs des länder, ce pour quoi on le surnomme parfois « le Parlement des fonctionnaires ». Les députés et leurs suppléants sont simultanément membres des cabinets de leurs länder respectifs, mais ils peuvent également se faire représenter par des suppléants qui, en règle générale, sont de hauts fonctionnaires.

Le nombre de votes (et de membres) au Bundesrat est déterminé par le nombre d’habitants de chaque land. Chacun d’eux dispose d'au minimum trois voix (ce qui est le cas pour Brême, Hambourg et le Mecklembourg-Poméranie occidentale). Les

länder de plus de 2 millions d’habitants disposent de quatre voix (c'est le cas de

Berlin, du Brandebourg, de la Rhénanie-Palatinat, de la Saxe, de la Saxe-Anhalt, du Schleswig-Holstein et de la Thuringe) ; les länder de plus de 6 millions d’habitants disposent de cinq suffrages (en l’occurrence la Hesse) et ceux de plus de 7 millions d’habitants ont droit { six voix (le Bade-Wurtemberg, la Bavière, la Basse-Saxe et la Rhénanie du Nord-Westphalie). Chaque land représenté au Bundesrat doit voter en bloc, c'est-à-dire que tous les votes d'un land doivent aller dans le même sens. Cette exigence représente souvent un problème quand les gouvernements de coalition dans les länder regroupent plusieurs partis. Les députés ont tenté de surmonter ceci

en recourant { l’abstention ou { des dispositions spécifiques figurant dans les accords de coalition. Mais quoi qu’il en soit, une abstention représente un vote négatif. Chaque décision du Bundesrat requiert la majorité absolue des votes, ce qui signifie présentement au moins 35 de ses 69 voix et membres.

Selon la Constitution, la tâche la plus importante du Bundesrat est sa participation à l’approbation ou au blocage des lois fédérales par le biais de ses droits d’approbation et d’objection. Cependant, parce qu’il est composé de délégués des cabinets ministériels des länder, il exerce de facto certains pouvoirs exécutifs. C’est la raison pour laquelle on peut évoquer une dimension de fédéralisme exécutif en Allemagne, dans la mesure où les politiques publiques sont négociées et formulées par les exécutifs du land et de la fédération. Le pouvoir exécutif du Bundesrat s’en trouve même renforcé, premièrement par son incontournable participation à

l’approbation des décrets statutaires les plus importants adoptés par le

gouvernement fédéral (c’est-à-dire les textes réglementaires requérant son consentement en vertu de l’article 80(II)) et, deuxièmement, par le fait que sa Chambre européenne est en mesure de prendre des décisions sans appel en ce qui a

trait aux questions touchant l’Union européenne (art. 23). À l’exception de son pouvoir dans ces domaines, le Bundesrat ne dispose d’aucune compétence particulière ou exclusive.

La participation du Bundesrat { la législation et { l’administration fédérales, comme aux affaires européennes, est une arme { double tranchant. D’un côté, il offre aux gouvernements des länder un moyen d’exprimer leurs intérêts et de présenter leurs demandes directement dans le processus décisionnel fédéral. Cependant, parce que le Bundesrat a été conçu comme l’organe représentatif des länder et qu'il le demeure – il s’agit également d’un organe fédéral : il est donc partiellement responsable de la politique fédérale dans son ensemble. D’un autre côté, cette nature bipolaire du Bundesrat entraîne de vifs conflits lorsque des partis politiques différents détiennent la majorité des sièges au Bundesrat et au Bundestag, ce qui est pratiquement devenu la norme dans la République fédérale, surtout depuis 1971.

Chaque fois qu’un mouvement politique remporte les élections fédérales et forme le gouvernement pour un mandat de quatre ans ou plus, l’opposition réussie

généralement à remporter les élections suivantes dans les Parlements des länder, obtenant de ce fait une majorité au Bundesrat. Cette situation peut conduire la

politique fédérale { une impasse si les grands partis n’arrivent pas { se mettre d’accord sur les termes d’une grande coalition « secrète » entre le Bundestag et le Bundesrat. La dilution des responsabilités associée à cette situation provoque

régulièrement l’irritation et la frustration du public, les électeurs ne sachant jamais

à quels acteurs du jeu politique ils doivent attribuer une décision précise. Pour cette raison, il est question d’une réforme du Bundesrat ou, du moins, d'une modification de son mode de scrutin, ce qui obligerait les gouvernements de coalition des länder à se prononcer clairement pour ou contre une mesure proposée par la majorité

gouvernementale. De l’avis unanime, la situation actuelle représente un danger pour

le fonctionnement du régime parlementaire et même, aux yeux de nombreux

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observateurs, un déficit démocratique.

Alors que le Bundesrat permet aux gouvernements des länder de proposer leurs

propres mesures législatives dans l’arène fédérale, ni les municipalités, ni les

minorités ethniques ou nationales ne sont formellement invitées à participer aux procédures législatives de la fédération. Au mieux, elles apparaissent comme des groupes de pression (notamment la Conférence allemande des autorités municipales). Étant donné que les mesures de la Bundesrat proposées par la majorité des gouvernements des länder peuvent être bloquées par le Bundestag,

elles sont déposées soit dans le but de souligner l’importance politique d’une

question, soit lorsqu'il est très probable que la majorité du Bundestag les accepte. Les mesures émanant du Bundestag lui-même sont plutôt rares ; la plupart du temps, elles ne servent qu’{ accélérer la procédure de manière { éviter la participation du Bundesrat durant la première étape de sa prise en considération. De la sorte, plus de 80 pour cent de tous les projets de loi émanent du gouvernement fédéral dans l’espoir qu’ils seront appuyés par la majorité parlementaire au Bundestag. Cependant, les gouvernements des länder peuvent empêcher ces projets de devenir lois grâce à leur majorité au Bundesrat et, s’il s’agit de lois nécessitant l'approbation du Bundesrat, cette chambre peut amender les textes proposés au terme des résultats de la procédure de médiation.

L’exécutif fédéral

Le pouvoir exécutif de la fédération se trouve aux mains du gouvernement fédéral et de l’administration fédérale. Le nombre des ministres et les portefeuilles dont ils sont responsables ne sont pas précisés par la Constitution ; il appartient formellement au chancelier fédéral de se prononcer sur ces questions en

recommandant au président fédéral la nomination d’un certain nombre de

ministres. Il en est toutefois autrement dans la pratique puisque, dans le cas de gouvernement de coalition, les décisions touchant la nomination des ministres, la responsabilité des ministères et la détermination de leurs portefeuilles font toutes l’objet de négociations préalables, et les résultats de ces négociations font partie intégrante de l’accord de coalition. L’organisation de l’exécutif fédéral incombe donc

de facto au gouvernement fédéral dans son ensemble. Ce dernier se compose du chancelier fédéral et des ministres fédéraux, c’est-à-dire du Cabinet. Chaque ministre est responsable d’un ministère, { la tête duquel on trouve un sous-ministre, lequel est un fontionnaire nommé. Le chancelier préside le Cabinet. Il définit également les lignes directrices des politiques et doit s'assurer que celles-ci sont respectées. Dans le cadre de ces lignes directrices, chaque ministre fédéral conduit les affaires de son portefeuille de manière indépendante et conformément à ses responsabilités, et se trouve responsable devant le Parlement pour celles-ci. Il

appartient au gouvernement fédéral d’arbitrer les différences d’opinions entre les

ministres fédéraux.

Parce que ce sont les länder qui sont chargés d’exécuter la plus grande partie des lois fédérales, l’Allemagne ne dispose que d’une très modeste administration

fédérale directe, essentiellement dévolue aux responsabilités exclusives de la fédération (art. 87), notamment aux relations extérieures, { l’administration fédérale des finances, { l’administration des voies navigables fédérales et de la marine marchande, à la police fédérale des frontières et aux forces armées fédérales. Les autres tâches administratives de la fédération sont accomplies sur la base de la loi concernant les hautes autorités fédérales indépendantes. Ces tâches

comprennent notamment les prévisions météorologiques, l’administration des

transports, la radioprotection, la défense de la Constitution et les services de renseignements. Les länder ne participent donc pas directement { l’administration fédérale. La Constitution prévoit toutefois que les fonctionnaires employés par les plus hautes autorités fédérales doivent provenir de tous les länder en proportion adéquate (art. 36), mais, en pratique, ces fonctionnaires sont sélectionnés parmi tous les postulants sans tenir compte leur provenance régionale. Lorsqu'une

administration fédérale spécialisée n’est pas située { Berlin, la capitale, mais dans

un des länder, la règle veut que ses employés proviennent du land où ils travaillent.

Le système judiciaire fédéral

Les tribunaux fédéraux fonctionnent exclusivement comme des cours d’appel ; ils examinent les décisions des cours des länder pour y découvrir d’éventuelles erreurs de droit, mais ils ne revoient pas les faits. De la sorte, la seule tâche des cours fédérales consiste à contrôler la légalité des décisions rendues par les cours inférieures des länder. Ces tribunaux fédéraux comprennent la Cour fédérale de justice (causes civiles et pénales), la Cour administrative fédérale (litiges de droit public), la Cour fédérale des finances (litiges en matière fiscale), la Cour fédérale du Travail (droit du travail), la Cour fédérale sociale (assurances sociales) et la Cour constitutionnelle fédérale (art. 93 et 95). La fédération a également instauré d’autres tribunaux (art. 96) parmi lesquels la Cour fédérale des brevets (protection de la propriété industrielle) et la Cour fédérale antitrust (loi antitrust). La Cour constitutionnelle fédérale est chargée de tous les litiges survenant en raison de

l’application ou de l’interprétation de la Loi fondamentale.

Les juges fédéraux sont nommés conjointement par le ministre fédéral qui en a la compétence et par une commission chargée de la sélection des juges, composée des ministres des länder qui en ont la compétence et d’un nombre égal de membres du Bundestag (art. 95 II). La moitié des membres de la Cour constitutionnelle fédérale est désignée par une commission électorale du Bundestag, et l’autre moitié par le Bundesrat.

La Loi fondamentale ne prévoit pas de cour suprême capable de trancher en dernière instance par rapport à tous les autres tribunaux. Toutes les cours fédérales sont égales entre elles. Il est certes vrai que la Cour constitutionnelle fédérale peut annuler les décisions des autres cours fédérales si elles violent la Constitution, mais

cette capacité n’en fait pas pour autant une cour suprême parce qu’elle n’agit que sur requête. En outre, ses décisions ne font qu’exprimer la primauté de la

Constitution sur les lois ordinaires. La possibilité, prévue par la Loi fondamentale,

de garantir l’uniformité de la procédure judiciaire en instituant une chambre conjointe des cours fédérales mentionnées ci-dessus — en d’autres termes, une cour suprême de justice — n’a encore jamais été mise { profit (art. 95(III)). Tous les autres tribunaux relèvent des länder et il s’agit de tribunaux inférieurs subordonnés aux cours fédérales. Dans ce contexte, on peut voir une certaine hiérarchie dans l’organisation judiciaire en Allemagne. Une fois encore, les cours constitutionnelles des länder représentent une exception, car elles ont pour unique tâche de vérifier la compatibilité des actes entrepris par un land avec sa propre constitution.

Le droit d’invalider les lois fédérales revient exclusivement { la Cour constitutionnelle fédérale. Trois moyens permettent d’arriver { ce résultat. Premièrement, si une cour inférieure considère qu’une loi, ou une partie d’une loi,

dont la validité est décisive pour la décision de la cour, est inconstitutionnelle, elle doit ordonner la suspension de l'instance et obtenir une décision de la Cour

constitutionnelle fédérale (contrôle judiciaire direct), comme le prévoit l’article 100.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral, tous les gouvernements des länder ou un tiers des membres du Bundestag peuvent demander que la compatibilité de toute loi fédérale, ou d'une partie de celle-ci, avec la Loi fondamentale soit examinée. Ces instances peuvent également demander l’examen de toute loi d’un land en ce qui a trait à sa compatibilité avec le droit fédéral. En cas d’incompatibilité avec la Constitution ou avec le droit fédéral, la Cour constitutionnelle procède à

l’invalidation de la loi en cause (contrôle judiciaire abstrait) comme le prévoit l’article 93(I)(2). Troisièmement, toute personne peut déposer une plainte constitutionnelle après avoir épuisé toutes les autres voies de droit pour annuler

une décision de l’exécutif qui l’affecte directement (art. 91(I)(4a)). Dans de tels cas, la Cour constitutionnelle examine si l’acte de l’autorité publique qui a suscité la plainte est lui-même basé sur une loi contraire à la Constitution : si c'est le cas, la

Cour constitutionnelle procède { la fois { l’invalidation de la loi et de l’acte de l’autorité publique. Jusqu’en 1954, il était possible d’obtenir un avis préjudiciel de la Cour quant à la constitutionnalité de futurs textes législatifs, mais cette pratique a

été abolie, car l’expérience a démontré que cela permettait { la Cour d’exercer une

influence considérable sur le débat politique avant même que celui-ci ne soit terminé, et qu'elle se prêtait ainsi au risque d'être instrumentalisée par les politiciens pour leurs propres ambitions. Les cours constitutionnelles des länder (y compris celle du Schleswig-Holstein pour qui la Cour constitutionnelle fédérale sert aussi de cour constitutionnelle régionale) prennent les décisions de dernière instance quant à la validité des lois régionales et à leur compatibilité avec les constitutions des länder ; leurs décisions ne sont soumises à aucun contrôle ultérieur de la part de la Cour constitutionnelle fédérale.

Les länder ne présentent pas directement leurs propres candidats pour les cours fédérales. Cependant, par le truchement de leurs ministres de la Justice, lesquels sont membres de la Commission parlementaire chargée de la sélection des juges, ils

disposent d’une influence considérable quand il s’agit de pourvoir aux postes

vacants des tribunaux fédéraux. Le Bundesrat, en sa qualité de représentant des länder dans l’arène fédérale, sélectionne lui-même la moitié des juges de la Cour constitutionnelle fédérale. De cette manière, la composition de toutes les cours fédérales s’oriente vers une représentation proportionnelle des länder, sans pour autant qu'un land en particulier puisse revendiquer un certain quota de postes. Il

n’est pas absolument nécessaire qu’une personne ait été préalablement juge pour devenir membre d’une Cour fédérale. Toute personne âgée de 40 ans ou plus et qui satisfait aux critères d’admission au barreau peut être élue { une telle fonction.

La Loi fondamentale dispose que seuls les tribunaux institués peuvent se prononcer

sur les contentieux juridiques. Des tribunaux d’exception réservés aux minorités

ethniques, traditionnelles ou religieuses sont expressément prohibés (art. 101(I)). Cette interdiction se fonde sur les expériences vécues par l’Allemagne avec les cours extraordinaires destinées aux Juifs et aux dissidents politiques sous la dictature nazie. C’est seulement au niveau municipal que certains länder disposent de juges de paix ou de services d’arbitrage, auxquels il est indispensable de s’adresser avant de pouvoir faire appel à un tribunal généraliste.

Les institutions des entités constituantes

En ce qui concerne leurs institutions, les choix opérés par les constitutions des

länder reflètent généralement ceux de la fédération. L’ordre constitutionnel des länder doit avoir un caractère républicain et se conformer aux principes d’un État de droit, démocratique et social. Les länder et les municipalités doivent également disposer d’organes représentant le peuple et élus au suffrage universel lors d’élections directes, libres, égales et { scrutin secret (art. 28(I)). Tous les länder sont dotés de Parlements monocaméraux et de gouvernements élus par les citoyens du land selon les principes du parlementarisme. Les gouvernements sont composés des

premiers ministres et de leurs ministres. Les länder n'ont pas de chefs d’État qui assument le rôle de président. Une partie des prérogatives du président (notamment la représentation extérieure, le droit de procéder à des nominations et

le droit de grâce) est exercée par le premier ministre, et l’autre partie (songeons { la

rédaction et la promulgation des lois) est confiée, dans certains länder, au président du Parlement.

Par ailleurs, des processus de démocratie directe ont été instaurés dans tous les länder et comprennent parfois deux étapes (demande de référendum et référendum proprement dit) et parfois trois étapes (une motion préliminaire précède la demande de référendum). Le concept de référendum abrogatoire qui existe en Suisse — permettant aux citoyens d'abroger directement une loi au cours d’un seul scrutin — n’existe pas en Allemagne. Néanmoins, le recours { la procédure législative ordinaire permet également de demander l’abrogation d’une loi.

Les länder ne disposent pas de tribunaux indépendants dont les décisions ne peuvent être annulées par les tribunaux fédéraux supérieurs : ils sont plutôt conçus

comme des canaux obligés de l’organisation judiciaire dans son ensemble. En ce qui

concerne les institutions de la justice, en dépit de leur indépendance formelle,

l’Allemagne relève plus d’un système de tribunaux hiérarchisé que d’un système

bipolaire. Seules les cours constitutionnelles de la fédération et des länder sont complètement séparées les unes des autres. De la sorte, dans des matières sur lesquelles la cour constitutionnelle d’un land est liée par la constitution du land plutôt que par la Loi fondamentale, elle peut arriver à des décisions qui diffèrent de celles de la Cour constitutionnelle fédérale.

Les relations entre les entités constituantes

En vertu de sa Loi fondamentale, la République fédérale d’Allemagne forme une

seule juridiction. Cela signifie que tous les actes juridiques entrepris par un land sont reconnus dans les autres länder. Selon l’article 33(I) de la Loi fondamentale, tout citoyen allemand a les mêmes droits politiques et les mêmes devoirs dans chaque land et, en fonction de ses aptitudes, de ses compétences et de son parcours professionnel, la même chance d’accéder { la fonction publique. La libre circulation de tous les citoyens allemands est donc garantie à travers tout le territoire fédéral (art. 11), et toute discrimination à leur égard est interdite. La libre circulation des capitaux, des biens, des services et du travail est garantie par la Constitution. De plus, le Code pénal et le Code civil étant standardisés par des lois fédérales, les frontières des länder ne jouent aucun rôle dans la poursuite des infractions et la punition des criminels, bien que la sévérité des sanctions tende à décliner quand on passe du sud au nord du pays. Dans les procédures civiles, le domicile du demandeur ou du défenseur détermine dans quelle cour la cause sera entendue, à l’exception des cas où les parties, par un acte sous seing privé, se sont mises d'accord pour que la cause soit entendue dans une autre juridiction. Dans les cas où le litige porte sur une décision administrative du gouvernement, l'emplacement de l’autorité étatique qui a pris la première décision est déterminant. Dans les cas pénaux, la décision revient toujours au tribunal dans la juridiction duquel le crime a été commis ou les faits délictueux ont débuté.

Formellement, la Loi fondamentale ne prévoit aucun mécanisme ni aucune institution chargée des relations entre les länder. En pratique cependant, de nombreux forums ont été mis sur pied (voir ci-dessus), au sein desquels les länder forgent des accords politiques (ce que l’on appelle l’autocoordination des länder à un « troisième niveau »). Ils comprennent les conférences régulières des premiers ministres (y compris les « causeries officieuses au coin du feu »), les conférences réunissant des ministres et les nombreux groupes de travail et de discussions composés d’experts. Les länder se voient également reconnaître le droit de conclure des accords entre eux et avec la fédération. Tant que ces conventions demeurent dans le cadre de leurs compétences législatives exclusives (c’est-à-dire l’éducation, les médias et la sécurité intérieure), les länder sont dispensés de requérir le consentement des organes fédéraux.

C’est seulement lorsque les länder concluent des traités avec des pays étrangers dans ces domaines de responsabilité que le gouvernement fédéral doit donner son approbation (art. 32(III)). Dans le contexte des travaux favorisant l’unification européenne, on assiste maintenant à une intense collaboration transfrontalière

basée, en partie, sur des traités internationaux, mais pour l’essentiel sur de simples

conventions administratives ne nécessitant pas le consentement de la fédération. De manière à garantir ce mode de coopération sous les auspices du droit administratif et du droit constitutionnel, la Loi fondamentale autorise même les länder, avec le consentement du gouvernement fédéral, à transférer des pouvoirs souverains touchant certaines tâches précises à des institutions transfrontalières des régions voisines, à condition que les länder demeurent les principaux responsables de l’exécution de ces tâches (art. 24 (II a)). Ces institutions transfrontalières se concentrent d’habitude sur des questions telles que l’aménagement régional et la gestion du transport, la protection de l’environnement et les services publics

communs (par exemple, la Nouvelle Hanse dans la région de la Baltique et l’ARGE

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Alp entre la Bavière, l’Autriche, la Suisse et l’Italie).

LES COMPÉTENCES FISCALES ET MONÉTAIRES

L’Allemagne dispose d’un système passablement embrouillé en ce qui concerne : (1) les lois sur les taxes et l’impôt sur le revenu, de compétence essentiellement fédérale ; (2) la répartition des impôts et des revenus, tâches que se partagent la fédération et les länder ; et (3) la perception des créances fiscales, administrée par les länder. L’une des caractéristiques les plus frappantes et les plus spécifiques du fédéralisme fiscal allemand est un mécanisme extrêmement développé de péréquation financière entre la fédération et les länder, mais aussi entre les länder eux-mêmes.

La Loi fondamentale établit un système de partage des charges entre la fédération et les länder, suivant pour cela deux principes assortis de nombreuses exceptions. La fédération et les länder financent séparément les dépenses (principe de séparation) résultant de l’exécution de leurs tâches respectives (principe de connexion), dans la mesure où la Loi fondamentale ne prévoit rien d’autre. L{ où les länder agissent en qualité d’agents de la fédération, celui-ci doit prendre en charge les dépenses correspondantes. Les lois fédérales destinées à être exécutées par les länder contiennent des dispositions relatives aux paiements incombant totalement ou partiellement à la fédération. Lorsque de telles lois prévoient que ce dernier doit assumer la moitié des dépenses ou même plus, elles doivent être exécutées par les länder en tant qu’agents de la fédération. En revanche, si les länder doivent assumer un quart des dépenses voire plus, l’approbation du Bundesrat est exigée. La fédération et les länder assument les dépenses administratives engendrées par leurs autorités respectives et sont mutuellement responsables d’en assurer la bonne gestion.

La fédération dispose du pouvoir exclusif de légiférer sur les douanes et les

monopoles fiscaux, et d’une compétence concurrente pour toutes les autres taxes,

dont le revenu lui revient totalement ou en partie. Les länder peuvent légiférer sur les contributions indirectes et les taxes locales, aussi longtemps et dans la mesure où elles ne sont pas identiques à celles qui sont imposées par la fédération. Les lois fédérales touchant des taxes dont le produit revient totalement ou en partie aux länder ou aux municipalités et aux associations de municipalités nécessitent l’approbation du Bundesrat (art. 105). Les municipalités sont autorisées à prélever des taxes locales d'ordre secondaire (des taxes foncières ou sur le commerce, par exemple) dans le cadre des lois en vigueur et des taxes indirectes locales (art. 106(VI)). Bien que la Constitution attribue à la fédération une compétence exclusive sur les douanes et le total des revenus qui y sont liés, il s’agit l{ d’un des pouvoirs qui ont été transférés { l’Union européenne.

Ni la Loi fondamentale ni la constitution d’un land ne donnent à un gouvernement la propriété des ressources naturelles ou le pouvoir de les imposer, où qu’elles se situent. La partie septentrionale de l’Allemagne renferme cependant quelques gisements produisant du pétrole et du gaz qui sont exploités par des compagnies privées. Celles-ci doivent payer des redevances (Förderzins) qui reviennent intégralement au land dans lequel se trouvent les ressources naturelles (la Basse-Saxe et le Schleswig Holstein), et ces droits sont comptabilisés comme des revenus dans le système de péréquation financière horizontal.

La Loi fondamentale garantit la propriété individuelle et crée de la sorte une limite inhérente à la compétence fiscale de la fédération et des länder (art. 14). Les impôts de ces derniers doivent donc être coordonnés de manière à créer un équilibre

raisonnable permettant d’éviter une surcharge des contribuables (la confiscation,

par exemple), mais aussi pour assurer l'uniformité du niveau de vie sur le territoire

fédéral (art. 106(III)(2)). Se fondant sur l’exigence d’éviter la surcharge des contribuables, la Cour constitutionnelle a récemment déclaré illégal l’impôt foncier

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sous sa forme actuelle.

La Loi fondamentale limite également la compétence fiscale des länder dans la mesure où elle interdit l'imposition d'une même taxe par deux ordres de gouvernement. La compétence législative de la fédération empêche les länder de légiférer sur la même base fiscale. L’exigence de conditions de vie équivalentes { travers tout le pays prévient la concurrence fiscale entre les länder (art. 28 (I)(1) et 72(II)). Cet obstacle est actuellement contesté, car certains länder font valoir qu’il s'agit d'une des raisons, avec le système très poussé de péréquation financière, pour lesquelles les autorités régionales n'ont pas tendance à déployer les efforts nécessaires pour promouvoir leurs économies et utiliser leurs ressources de manière plus efficace.

Les droits de douane, les monopoles fiscaux, les contributions indirectes sujettes

aux lois fédérales, y compris l’impôt sur le chiffre d’affaires { l’importation, de même que les charges imposées par l’Union européenne, sont prélevés et administrés par des autorités fédérales de taxation. L’organisation de ces dernières est réglementée

par des lois fédérales. Les chefs des autorités intermédiaires sont nommés en consultation avec les gouvernements des länder appropriés. Toutes les autres taxes sont perçues et gérées par les autorités de perception des länder. L’organisation de ces autorités et la formation uniforme de leurs fonctionnaires sont réglementées par des lois fédérales soumises { l’approbation du Bundesrat.

Dans la mesure où les impôts revenant à la fédération sont également perçus par les autorités fiscales des länder, ces dernières agissent en tant qu’agents de la fédération. Dans ce cas, les autorités du land sont tenues de se conformer aux directives émanant du ministère fédéral des Finances. Le droit fédéral réglemente :

(1) la coopération entre les autorités fiscales de la fédération et des länder en ce qui concerne la perception des taxes, et leur administration en ce qui a trait aux droits de douane, aux monopoles fiscaux et aux contributions indirectes, y compris l’impôt sur le chiffre d’affaires { l’importation et les charges imposées par l’Union européenne ; (2) la perception et l’administration des taxes par les autorités fiscales des länder ; et (3) dans le cas des autres taxes, leur perception et leur administration par les autorités fiscales fédérales, dans les domaines et dans la mesure où cela

permet de faciliter ou d’améliorer considérablement l’application du droit fiscal.

La perception et l’administration des taxes dont le revenu revient exclusivement aux municipalités ou aux associations de municipalités sont déléguées à ces dernières par les autorités fiscales régionales. La procédure devant être suivie par les autorités fiscales des länder est fixée par le droit fédéral. La procédure devant être appliquée par les autorités fiscales des länder pour les taxes dont le revenu revient exclusivement aux municipalités ou aux associations de municipalités est également déterminée par le droit fédéral et nécessite l’approbation du Bundesrat. Le gouvernement fédéral adopte des directives administratives à caractère général qui, dans la mesure où l’administration est confiée aux autorités fiscales du land, des municipalités ou des associations de municipalités, requièrent le consentement du Bundesrat (art. 108).

Les emprunts, les cautionnements, les garanties et autres engagements (dépenses déficitaires par nature) de chaque exercice financier requièrent une autorisation spéciale sous la forme d'une loi fédérale spécifiant ou permettant le calcul des sommes engagées. Les emprunts ne doivent pas dépasser le total des dépenses

d’investissement prévues par le budget. Les exceptions ne sont autorisées que pour éviter des distorsions de l’équilibre macroéconomique général (art. 115). Les constitutions des länder contiennent des limites identiques en matière d’emprunts. Au surplus, un accord intergouvernemental prévoit que la fédération et tous les länder doivent limiter leur endettement à trois pour cent du budget total de la fédération, exigence contenue dans le Pacte de stabilité de l’Union européenne.

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Suivant une décision de la Cour constitutionnelle fédérale,la fédération doit accorder des subventions additionnelles aux länder en cas « d’urgence fiscale » (c’est-à-dire si les länder ou les municipalités se trouvent en cessation de paiement) à condition que les länder proposent un plan de recapitalisation.

La répartition et la distribution de la manne fiscale sont régies par des règles détaillées contenues dans la Loi fondamentale. Le produit des monopoles fiscaux et des revenus des taxes suivantes revient à la fédération : droits de douane ; impôts sur la consommation (impôt sur le tabac, par exemple) dans la mesure où ils ne reviennent pas aux länder, ou conjointement à la fédération et aux länder, ou encore aux municipalités ; taxes sur le transport autoroutier ; impôt sur les transactions en capital ; assurances et lettres de change ; charges non récurrentes sur la propriété et les impôts visant l’égalisation des charges (inexistantes) ; surtaxes visant le revenu et les sociétés (inexistantes) ; et les charges imposées par la Communauté européenne (inexistantes). Le produit des taxes suivantes revient aux länder : taxe foncière (inexistante) ; droits de succession ; taxes sur les véhicules à moteur ; taxes sur les transactions qui ne reviennent pas à la fédération ou conjointement à la fédération et aux länder ; taxe sur la bière et sur les établissements de jeu. Tous ces impôts et ces taxes réunis ne représentent pourtant pas plus de 20 pour cent du revenu total à la fois de la fédération et des länder.

Le produit de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le chiffre d’affaires (représentant 80 pour cent du revenu total) revient conjointement

à la fédération, aux länder et aux municipalités (taxes conjointes). La fédération et les länder reçoivent une part égale des impôts sur le revenu et les sociétés (42,5 pour cent chacun), et les municipalités reçoivent les 15 pour cent restants selon leur population. Les parts respectives de la fédération et des länder en ce qui concerne le

produit de l’impôt sur le chiffre d’affaires (une taxe { la valeur ajoutée, TVA) sont déterminées par une loi fédérale nécessitant l’approbation du Bundesrat. Une telle délimitation se base sur les principes suivants : (1) la fédération et les länder ont un droit égal aux revenus disponibles permettant de couvrir leurs frais fixes ; (2)

l’étendue de ces dépenses est déterminée en tenant compte de la planification

financière pluriannuelle ; et (3) les exigences financières de la fédération et des

länder sont coordonnées de manière { trouver un juste équilibre, { éviter d’obérer les contribuables et { garantir l’uniformité des conditions de vie sur l’ensemble du territoire fédéral. Pour l’instant, la fédération reçoit 45 pour cent de la TVA et les länder 55 pour cent, répartis selon le nombre d'habitants. Les municipalités

reçoivent une partie des produits de l’impôt sur le revenu (15 pour cent), l'impôt

sur le chiffre d'affaires, les taxes foncières et sur le commerce, de même que les taxes locales sur la consommation et les impôts locaux sur la consommation et les dépenses. En outre, elles reçoivent des länder des subventions sans conditions, selon une formule particulière appelée « système à clefs » (art. 106).

En 1949, le système de répartition et de distribution des revenus demeurait inachevé en raison de certaines interventions extrêmement contestées des puissances alliées, qui entendaient favoriser un régime très décentralisé. Cependant, les nécessités de la reconstruction en Allemagne ont conduit à une réforme du système, entrée en vigueur en 1955. Une seconde modification majeure basée sur les concepts keynésiens a été effectuée en 1969 pour tenter de juguler la crise économique. La troisième et dernière série de réformes a débuté après la réunification, afin de financer les cinq nouveaux länder provenant de l’ancienne République démocratique allemande (RDA) et amener leur situation économique à un niveau comparable à celui des länder occidentaux, conformément { l’obligation constitutionnelle imposant l’équivalence des conditions de vie dans tout le pays.

La Loi fondamentale autorise également le gouvernement fédéral à engager des dépenses au profit des länder et des municipalités (art. 104(a)), et cela, de deux manières. Premièrement, la fédération peut accorder aux länder une assistance financière pour des investissements particulièrement importants effectués par les länder eux-mêmes ou par des municipalités ou des associations de municipalités, à condition que ces investissements se révèlent nécessaires pour prévenir un

dérèglement de l’équilibre macroéconomique général, pour égaliser les différences

de capacités économiques sur le territoire fédéral ou pour encourager la croissance

économique. Les détails, surtout en ce qui concerne le type d’investissement devant être favorisé, sont réglementés par une loi fédérale nécessitant l’approbation du

Bundesrat ou par des arrangements administratifs conclus sous les auspices du droit budgétaire fédéral. Deuxièmement, la politique fédérale de péréquation financière prévoit que des subventions fédérales peuvent être accordées aux länder défavorisés afin de compléter les montants déjà accordés pour leurs besoins financiers généraux (art. 107(II)(3)). Ces subventions complémentaires doivent couvrir, par exemple, les charges spéciales incombant à tout le pays (comme les ports et les voies navigables) et elles doivent promouvoir la croissance économique des cinq nouveaux länder de l’ancienne R.D.A.

La Loi fondamentale contient un mécanisme de péréquation financière extrêmement développé (art. 107). Les revenus des impôts des länder et leur part du produit des impôts sur le revenu et sur les sociétés reviennent à chaque land dans la mesure où ces taxes sont perçues par les autorités fiscales dans leurs juridictions respectives (principe du rendement local). La part des länder du revenu de l’impôt sur le chiffre d’affaires est attribué { chaque land selon leur nombre d'habitants (principe du nombre d'habitants).

Selon la Loi fondamentale, le processus de péréquation financière suit quatre étapes. Premièrement, un partage du revenu local est opéré. Une loi fédérale (la Loi sur la péréquation financière) nécessitant l’approbation du Bundesrat (c’est-à-dire la majorité des voix des länder) réglemente la délimitation aussi bien que la manière de faire et la portée de la répartition des revenus locaux provenant des impôts sur les sociétés et des impôts sur les salaires. Cette loi peut également traiter de la

délimitation et de l’attribution des revenus locaux provenant d’autres taxes. Deuxièmement, les länder ont parfois droit { des parts supplémentaires de l’impôt sur le chiffre d’affaires. Une loi fédérale nécessitant l’approbation du Bundesrat peut prévoir l’attribution de quotas supplémentaires provenant de l’impôt sur le chiffre d’affaires aux länder dont le revenu par habitant provenant des impôts régionaux et des impôts sur le revenu et les sociétés demeure inférieur à la moyenne de l’ensemble des länder (ce montant supplémentaire ne peut excéder un quart de la part du land en question). Troisièmement, il existe une péréquation horizontale. Cette même loi fédérale doit assurer une péréquation raisonnable entre les capacités financières relativement disparates des länder, tout en tenant compte des capacités financières et des besoins des municipalités. Elle précise les conditions posées aux demandes émanant des länder ayant droit de recevoir des paiements compensatoires (länder receveurs) et les responsabilités des länder tenus de fournir des paiements péréquatifs (länder donateurs), de même que les critères permettant de déterminer les sommes en jeu. Quatrièmement, il existe également des subventions supplémentaires provenant de la fédération. Une loi fédérale prévoit que celle-ci puise dans ses propres réserves pour procéder à de telles donations destinées à aider les länder financièrement faibles à subvenir à leurs besoins

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financiers généraux (subventions supplémentaires).

Ce processus péréquatif permet de revaloriser les douze länder receveurs, même les plus pauvres, pour leur faire atteindre 98,5 pour cent du revenu fiscal moyen par habitant des länder, et il rétrograde les quatre länder donateurs (Bade-Wurtemberg, Bavière, Hambourg et Hesse) de 130 pour cent à 103,5 pour cent de la moyenne. Lorsque trois des länder donateurs ont déféré les autres länder devant la Cour constitutionnelle fédérale, celle-ci a confirmé la constitutionnalité du système dans son principe, mais elle a aussi énoncé que le législateur fédéral devait éviter toute

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diminution de la capacité des länder à lever des impôts.

En ce qui concerne les dépenses, la politique fiscale est confiée conjointement à la fédération et aux länder. Dans la gestion de leurs budgets, tous deux sont autonomes et indépendants. Des lois fédérales requérant l’assentiment du Bundesrat ont permis d’établir des principes applicables conjointement { la fédération et aux länder

concernant à la fois le droit budgétaire, une gestion budgétaire tenant compte de

l’état de l’économie et une planification financière quinquennale. En vertu de la nécessité d’éviter toute perturbation de l’équilibre macroéconomique, des lois fédérales nécessitant l’approbation du Bundesrat déterminent les montants maximaux et les conditions des emprunts à contracter par les autorités locales ou les autorités conjointes, ainsi que le moment approprié pour les effectuer. Ces lois obligent également la fédération et les länder à conserver des dépôts sans intérêt à la Banque fédérale centrale d’Allemagne (réserves anticycliques). Seul le gouvernement fédéral, avec l’approbation du Bundesrat, a le droit de promulguer des décrets en la matière, mais ceux-ci peuvent être abrogés à la demande expresse du Parlement fédéral (art. 109).

La Loi fondamentale prévoit la création d’une banque centrale responsable d’émettre les billets de banque et de stabiliser les cours de la monnaie (art. 88). Les länder sont représentés { son conseil d’administration par des délégués de leurs

propres banques centrales. Les responsabilités et les compétences de cette banque centrale, mais aussi des banques des länder, ont toutefois été transférées à la

banque européenne instaurée en 1998 pour gérer l’Union monétaire européenne,

institut lui aussi indépendant et dont la tâche principale consiste à garantir la

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stabilité des prix au sein de l’UE.

AFFAIRES EXTÉRIEURES ET DÉFENSE

À quelques exceptions près, les compétences en matière d’affaires extérieures et de

défense reviennent exclusivement à la fédération ou, pour être plus précis, au gouvernement fédéral et aux corps législatifs fédéraux, le Bundestag et le Bundesrat (art. 73(I)(1)). Le gouvernement fédéral est responsable de l’ensemble de la politique extérieure, le service diplomatique (art. 87(I)) et la signature des traités internationaux engageant le pays dans les cas où le président fédéral ne représente

pas formellement la République fédérale d’Allemagne (art. 59(I)). Au surplus, le

gouvernement fédéral ou, plus précisément, le ministre de la Défense organise la sécurité extérieure et une partie de la sécurité intérieure (art. 80a, 87a et 115a(I)).

En temps de paix, c’est le ministre de la Défense qui est commandant en chef des forces armées (art. 65a) ; mais quand l’Allemagne est en état de défense, cette compétence passe au chancelier fédéral (art. 115b). Les corps législatifs sont

responsables de la signature des traités internationaux (art. 59(II)). Les commissions de politique extérieure contrôlent la politique étrangère du gouvernement fédéral.

En outre, tout déploiement de l’armée fédérale en dehors de la zone OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) doit être autorisé par une résolution spéciale du Bundestag. Le fait que cette compétence soit réservée au Parlement n’est pas inscrit dans la Constitution, mais elle se base sur une décision de la Cour

constitutionnelle fédérale qui a expressément qualifié les forces armées d’armée parlementaire selon le droit constitutionnel allemand (au contraire de l’armée

allemande sous la République de Weimar).18 Étant donné que, selon la Loi

fondamentale, l’armée fédérale ne dispose que du pouvoir de défendre le territoire fédéral ou celui d’un autre État membre de l’OTAN contre une agression, tout déploiement { l’extérieur de ces territoires — au Kosovo, en Macédoine ou en Afghanistan, par exemple exige une approbation parlementaire spécifique. Dans le domaine de la défense, le Bundestag prend la décision de mobiliser (état de tension), comme le prévoit l’article 80a, et c’est aussi lui qui décide si le territoire fédéral ou celui d’un autre membre de l’OTAN est victime d’une attaque par des troupes hostiles (état de défense), comme le prévoit l’article 115a.

Les compétences des länder en matière de relations extérieures et de défense sont strictement limitées. Ils ne disposent ni de leurs propres forces armées ni de toute autre milice. Les gardes-côtes dépendent de la police fédérale des frontières ainsi que du service des douanes, et relèvent donc du gouvernement fédéral. Dans les domaines où les länder disposent de la compétence législative, ils peuvent signer des traités avec des pays étrangers, traités qui requièrent néanmoins l’approbation du gouvernement fédéral (art. 32(III)). La procédure à suivre est fixée par une convention entre la fédération et les länder appelée Accord de Lindau. De plus, grâce au Bundesrat, les länder se voient ménager une influence sur la ratification des traités internationaux par la fédération (art. 59(II)). De plus, les länder ne disposent d’une certaine influence dans le domaine de la défense et de la sécurité extérieure que dans la mesure où le Bundesrat fait partie du processus. Rappelons que toute

décision proclamant que le territoire fédéral fait l’objet d’une attaque requiert l’approbation de ce dernier (art. 115(I)).

Le contrôle politique des forces armées par le pouvoir civil s’exerce de trois

manières différentes : (1) par le commandement exercé par le ministre fédéral de la Défense et, en cas d’état de défense, par le chancelier fédéral ; (2) par la Commission de la défense du Bundestag, qui peut également faire office de commission d’enquête parlementaire (art. 45a) ; et (3) par le commissaire parlementaire pour les forces armées, lequel assiste le Bundestag dans son exercice du contrôle parlementaire des violations des droits des soldats (art. 45b).

Cela mis { part, l’article 4(III) prévoit que personne ne peut être obligé d’effectuer

un service militaire si sa conscience le lui interdit. En cas de nécessité, il est possible d’affirmer ce droit fondamental en déposant devant la Cour constitutionnelle une plainte pour violation de la Constitution. Pendant un certain temps, il n’y avait aucune procédure particulière permettant de déterminer l’existence de tels motifs

basés sur des raisons de conscience. Le service communautaire a été mis en place pour remplacer le service militaire dans ces cas particuliers et sa durée a été fixée à trois mois de plus que ce dernier. On estime que ce désavantage est suffisant pour freiner les abus touchant le droit d’être exempté du service militaire pour des raisons de conscience. Depuis la fin de la Guerre froide cependant, il est question de

supprimer tout service militaire et d’instaurer une armée professionnelle.

La politique européenne joue un rôle central dans la manière de gouverner

l’Allemagne, et elle tend même { prendre de plus en plus d’importance.

Formellement, la politique européenne relève toujours des affaires étrangères, pour

lesquelles c’est la fédération qui est responsable, mais dans de nombreux cas on peut déj{ parler d’une politique intérieure européenne qui n’est plus vraiment de la politique extérieure. Bien que les organes fédéraux représentent la République fédérale d’Allemagne sur la scène internationale dans ce domaine, les länder ont, au cours des dernières années, acquis des droits considérables leur permettant de participer à la politique européenne et à son élaboration. Ceux-ci sont exercés en priorité par le Bundesrat (art. 23(II-V)). Par exemple, si la fédération transfère à l’Union européenne une compétence souveraine relevant principalement de la législation des länder, il doit impérativement tenir compte de l’opinion du Bundesrat et, lorsque les décisions liées { ce domaine sont prises par l’UE { Bruxelles, la représentation de la République fédérale d’Allemagne peut être transférée de la fédération à un représentant des länder nommé par le Bundesrat. L’opinion de ce dernier revêt également toute son importance lorsque la fédération agit dans le contexte de ses propres compétences législatives exclusives, mais que son action touche les intérêts des länder (art. 23(V)). Les détails sont réglés dans deux lois appelées lois fédérales de coopération. Au surplus, tous les länder disposent de leurs propres bureaux auprès du siège de l’UE { Bruxelles, occasion pour eux de pratiquer

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à l'occasion une sorte de « politique extérieure subsidiaire » de leur cru.

La Loi fondamentale ne contient aucune réglementation explicite concernant la

qualité de membre ou la participation de la fédération, d’un land ou d’une municipalité { des organisations internationales. L’article 24(II) prévoit simplement

que la fédération peut intégrer un système collectif de sécurité mutuelle ayant pour but le maintien de la paix. Cette réglementation fait surtout référence à l’OTAN. En fait, la République fédérale d’Allemagne est membre de presque toutes les organisations internationales (notamment l’ONU, l’OIT, l’OMC et l’OMS). Le seul

organisme dans lequel les länder et les municipalités sont directement représentés au niveau supranational est le Comité des régions de l’UE, qui dispose d’une voix consultative dans le processus législatif européen.

CITOYENNETÉ

L’article 116(I) de la Loi fondamentale propose une définition de la nationalité

allemande : un Allemand est une personne qui possède la citoyenneté allemande ou

qui a été admise comme réfugié ou expatrié d’origine ethnique allemande sur le

territoire du Reich allemand dans ses frontières du 31 décembre 1937. Les détails sont réglés par la Loi sur la citoyenneté, un texte relevant de la compétence exclusive de la fédération (art. 73(II)). La compétence concurrente permettant de

réglementer la citoyenneté, qui existait en 1949, n’a été abolie qu’en 1994. Depuis

lors, seul le législateur fédéral peut décider de la nationalité et des conditions de la naturalisation, bien que les länder y jouent un rôle essentiel par l’intermédiaire du Bundesrat. Cependant la double nationalité (fédération et länder), théoriquement

possible jusqu’en 1994, n’a jamais véritablement existé.

La citoyenneté au sein du pays a longtemps été basée exclusivement sur le principe de la descendance (ius sanguinis). Cette pratique a été légèrement assouplie. Les

enfants d’étrangers vivant en Allemagne reçoivent provisoirement la nationalité allemande à leur naissance et la conserve jusqu’{ l’âge de 23 ans, âge auquel ils doivent décider s’ils veulent rester allemands ou adopter la nationalité de leurs

parents. Cette exception mise à part, pour laquelle au demeurant une limite de temps a été fixée, la double nationalité n’est en principe pas admise en Allemagne, quoique certains exemples existent en pratique. Le but de cette exception est de favoriser une meilleure intégration des étrangers de la deuxième ou de la troisième génération vivant en Allemagne (le plus souvent des Turcs).

Bien que les citoyens de l’Union européenne se soient vus reconnaître le droit de

vote aux élections locales de tout État membre, l'UE n'offre pas encore de citoyenneté européenne comparable à la citoyenneté nationale. Cela pourrait néanmoins figurer dans la nouvelle constitution européenne.

VOTES, ÉLECTIONS ET PARTIS POLITIQUES

L’article 38 de la Loi fondamentale réglemente le droit de vote pour les élections au

Bundestag. Il ne définit cependant que les principes fondamentaux touchant le droit de vote (c’est-à-dire des scrutins généraux, directs, libres, équitables et secrets) et s’appliquant également aux élections législatives régionales et municipales, de

même que celles des comtés (« Kreis » ou « landkreis ») (art. 28(I)). Il ne détermine pas le système électoral, le nombre des circonscriptions ni la taille du Parlement

fédéral. Il impose toutefois l’âge de 18 ans comme une condition pour le droit de vote et d’éligibilité aux fonctions publiques. Toutes les autres dispositions réglementant les élections au Bundestag figurent dans la Loi électorale fédérale et son règlement d’application. Les élections au Parlement d’un land sont régies par les lois et les règlements du land, tout comme les élections dans les comtés et les municipalités sont régies par les dispositions réglementaires des comtés et des municipalités. Dans le cadre de ces principes généraux de base concernant le droit de vote, chaque ordre de gouvernement se donne donc ses propres règlements relatifs aux élections, qui varient considérablement tant en fonction du système électoral que du mode de scrutin (à un ou deux tours).

La Loi fédérale sur les élections, comme toutes les lois fédérales, étant appliquée par les länder, ceux-ci sont également les principaux responsables de l’enregistrement des électeurs et du bon déroulement des scrutins. Les élections relevant des compétences des États, les länder ont délégué cette tâche aux municipalités. Ces dernières sont responsables du registre électoral, des bulletins de vote et de

l’organisation du vote par correspondance. Des scrutateurs municipaux sont { l’œuvre dans les bureaux de vote et, après leur fermeture, ce sont eux qui procèdent

au décompte des voix. Dans le cas des élections au Bundestag, les résultats sont

ensuite transmis au directeur fédéral du scrutin par l’intermédiaire du directeur

régional. Dans les cas des élections régionales ou municipales, ainsi que dans les comtés, les résultats sont transmis au directeur régional du scrutin. Le directeur fédéral ou le directeur régional du scrutin proclame ensuite un résultat final provisoire et, après examen, le résultat définitif des élections.

Selon le principe du suffrage universel, les conditions de participation aux élections pour le Bundestag, pour le Parlement d’un land, pour les comtés et les municipalités sont les suivantes : la nationalité allemande (pour les élections dans les comtés et

les municipalités, les personnes possédant la citoyenneté d’un État membre de l’Union européenne peuvent aussi voter) et avoir atteint l’âge de 18 ans pour les élections fédérales et, pour l’élection du législateur régional dans certains länder,

avoir atteint l'âge de 16 ans. Au surplus, les électeurs doivent disposer de leurs droits civils, desquels ils peuvent être privés, dans certains cas particuliers, par un

jugement pénal. Il n’y a pas d’autres motifs d’exclusion au droit de vote en

Allemagne.

Pour la première fois dans l’histoire allemande, l’article 21 de la Loi fondamentale

réglemente le statut des partis politiques. Ces derniers sont désormais tenus de participer à la formation de la volonté politique du peuple. Ils peuvent être instaurés librement et leurs activités politiques peuvent se dérouler tout aussi librement. Dans cette mesure, ils peuvent également se prévaloir des droits fondamentaux. En réaction au principe dictatorial du « Führer » dans le programme électoral du Parti national socialiste allemand des travailleurs (NSDAP), la Loi fondamentale exige que l’organisation interne des partis se conforme aux principes de la démocratie. Étant donné que les partis sont également financés en partie par l’État (jusqu’{ un

maximum représentant la moitié de leurs revenus totaux), la Loi fondamentale exige une parfaite transparence quant à la provenance de leurs revenus et l’usage qu’ils en font. Il en va de même pour leurs biens.

Les partis dont les buts ou le comportement visent { saper ou { détruire l’ordre démocratique libéral ou { mettre en danger l’existence et la sécurité de la fédération

ou des länder sont considérés inconstitutionnels, mais ne peuvent être interdits que

par la Cour constitutionnelle fédérale. En cas d’interdiction, ils doivent renoncer { leurs biens et à leurs sièges aux Parlements de la fédération et des länder. Jusqu’{ présent, la Cour constitutionnelle n’a fait usage de cette option que deux fois : en 1952 { l’encontre du Sozialistische Reichspartei (l’organisation qui entendait succéder au NSDAP) et en 1956 contre le Parti communiste d’Allemagne (KDP). La procédure entreprise il y a quelques années par le Bundestag, le Bundesrat et le gouvernement fédéral visant l’interdiction du parti national démocratique (NDP), un parti d’extrême droite, a échoué il y a peu parce que les identités des informateurs des services secrets n’ont pas été révélées devant la Cour constitutionnelle.

LA PROTECTION DES DROITS INDIVIDUELS ET COLLECTIFS

Depuis son entrée en vigueur, la Loi fondamentale contient une liste exhaustive de droits de la personne et de libertés fondamentales. Elle fait également référence aux accords internationaux en la matière. Tirant leçon de la période nazie, la Loi fondamentale attache une très grande importance aux libertés fondamentales et aux

droits de la personne, ce que l’inclusion de ces derniers dans la toute première disposition de la Constitution dénote. En effet, l’article 1(II) rappelle que le peuple allemand reconnaît l'inviolabilité et l'inaliénabilité des droits de la personne comme la base de toute communauté, de la paix et de la justice dans le monde.

L'article 25 reconnaît les droits de la personne qui font partie des chartes

fondamentales d’organisations internationales, tels que ceux de la Déclaration des droits de l’homme adoptée par les Nations Unies en 1948, comme des principes

généraux du droit international et, par conséquent, ces droits se voient reconnaître la primauté sur les lois de la fédération et des länder, mais non sur la Constitution

fédérale. Selon l’article 59(II), les droits qui sont incorporés { des conventions

internationales multilatérales, comme la Convention européenne des Droits de

l’Homme, font partie du droit fédéral, { l’instar de tout traité international.

Tous les tribunaux, les gouvernements et les administrations du pays doivent respecter ces droits de la personne et garantir leur validité. Les Parlements euxmêmes y sont astreints. De manière générale, on doit donc constater que, en Allemagne, les droits civils fondamentaux et les droits de la personne, en leur qualité de droits directement applicables (art. 1(III)), s’imposent au législatif, à l’exécutif et au système judiciaire.

La Loi fondamentale garantit les droits individuels à la fois comme une défense

contre l’État (droits négatifs) et comme la recherche d’un résultat et d’une

participation (droits positifs). Les « droits de défense » incluent les droits civils classiques (c’est-à-dire la liberté d’opinion, de réunion, d’association, de croyance et de travail). Les « droits de résultat et de participation » comprennent les impératifs traditionnels d’égalité, tels que l’interdiction de toute discrimination fondée sur l’origine, la race, le sexe, la patrie ou les opinions religieuses ou politiques, de même que le droit { l’égalité des chances pour les groupes défavorisés (les femmes, les

personnes handicapées, les enfants, les personnes âgées et les malades, par

exemple). Les droits de propriété et d’héritage sont également garantis. Il convient encore de mentionner le droit { la vie et { l’intégrité corporelle, la protection de la vie privée (c’est-à-dire la protection des données, l’inviolabilité du domicile et de la famille, la confidentialité des communications postales et des télécommunications). Finalement, selon les arrêts de la Cour constitutionnelle, les citoyens disposent

d’une créance directe contre l’État pour le versement d’un revenu minimal sous forme d’aide sociale.

Dans la mesure où ces droits sont prévus par la Loi fondamentale, ils sont exclusivement dirigés contre les pouvoirs de la fédération. La plupart des constitutions des länder contiennent de leur côté leurs propres listes de droits fondamentaux qui lient alors les autorités régionales. Dans les constitutions des länder comme dans celle de la fédération, la liste des droits fondamentaux est accompagnée de prescriptions directement applicables qui, du point de vue du droit constitutionnel, sont garanties par le fait que toute personne peut faire valoir une violation de ses droits. La procédure consiste à déposer une plainte pour violation de la Constitution devant la Cour constitutionnelle fédérale ou la Cour constitutionnelle d’un land.

Néanmoins, tous ces droits protègent une personne uniquement contre des

interventions de l’État, ou justifient l’obligation de ce dernier de fournir une

protection spécifique. Ils ne concernent pas directement les violations de droits d'un particulier par un autre, bien que la loi sur le travail représente une exception. Les tribunaux sont cependant tenus de respecter les droits fondamentaux dans un conflit mettant en cause les droits civils de particuliers. S'ils ne le faisaient pas, leurs

décisions pourraient faire l’objet d’une plainte pour violation de la Constitution entraînant une violation directe des droits civils d’un particulier par un autre.

Quiconque se rend coupable d’un abus des droits fondamentaux, particulièrement de la liberté d’expression, de la presse, d’enseignement, de réunion, d’association, des droits de propriété ou du droit d’asile, dans l’intention de détruire l’ordre démocratique libéral, risque de s’en voir privé. Cependant, cette confiscation ne peut résulter que d’un arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale (art. 18). Cette procédure n’a été engagée qu’une seule fois, contre la publication d’un journal d’extrême droite, mais elle n’a pas abouti. Il n'est également nullement question de moratoire sur les droits fondamentaux. Même en cas d’urgence, les droits fondamentaux ne sauraient être supprimés ou suspendus : ils ne peuvent qu'être restreints. De la même manière, personne ne saurait renoncer à ses droits fondamentaux.

Contrairement aux constitutions de certains länder, la Loi fondamentale ne contient

pas de droits sociaux (par exemple, le droit au logement, { l’éducation et { l’instruction publique, au travail, { la sécurité sociale ou { des examens de santé).

Les cours constitutionnelles tendent cependant à donner au corps législatif le droit

d'intervenir en vertu de l’obligation qu’a l’État de protéger certaines libertés fondamentales, telles que le droit { la vie et { l’intégrité corporelle. Le corps législatif a en effet l'obligation de créer les conditions propices { l’exercice de ces libertés et droits civils.

La Loi fondamentale ne contient pas de droits particuliers { l’usage de certains

groupes, ni de droits se rapportant à des minorités ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques. Tous les droits individuels peuvent cependant être également exercés conjointement par un certain nombre de personnes. Ainsi, la liberté de réunion, mais aussi les réunions en tant que telles, sont protégées, de même que la liberté d’association et les associations elles-mêmes ; la liberté syndicale protège de la même manière les associations patronales et les syndicats. Au surplus, toutes les personnes morales allemandes peuvent bénéficier de ces droits fondamentaux dans la mesure permise par leur nature (art. 19(III)). Cela s’applique également aux institutions publiques, comme dans le cas de la liberté académique pour les

universités, la liberté d’émettre pour les organismes de radiodiffusion et la liberté

de religion pour les églises et les communautés religieuses.

Dans la Loi fondamentale et les constitutions des länder, les droits fondamentaux sont formulés en partie comme des droits de la personne, et en partie comme des droits civils seulement (c’est-à-dire des droits réservés aux Allemands). La protection des droits de la personne est également valable pour tous les habitants du pays qui ne sont pas de nationalité allemande, comme les travailleurs étrangers ou les touristes.

La plupart des constitutions des länder contiennent également des listes de droits fondamentaux, et en particulier des droits qui sont associés aux responsabilités spécifiques des länder (la culture et la sécurité intérieure, par exemple). Ces listes diffèrent peu de celle qui figure dans la Loi fondamentale. Les länder sont évidemment tenus de respecter les droits fondamentaux inscrits dans la Loi fondamentale, mais dans leurs propres chartes ils peuvent les présenter de manière

plus détaillée ou en inscrire d’autres. Ils ne sauraient cependant contredire la Loi

fondamentale et doivent au moins satisfaire aux exigences minimales des droits fondamentaux de base (art. 142). Par exemple, la Constitution de Saxe contient un

droit de codétermination dans les services publics qui, bien que n’existant pas dans

la Loi fondamentale, est valide dans ce land. En revanche, la Constitution de Hesse contient une interdiction de lockout par les employeurs, mais cette pratique est autorisée dans une certaine mesure par la Loi fondamentale : la réglementation du land de Hesse est dès lors invalide.

Les droits fondamentaux inscrits dans les constitutions régionales sont légalement protégés uniquement dans les länder où il est possible de déposer une plainte pour violation de la Constitution devant la cour constitutionnelle du land en question (Bavière, Berlin, Brandebourg, Hesse, Rhénanie-Palatinat et Saxe par exemple).

Étant donné que la possibilité d’une protection légale des droits fondamentaux des länder n’existe que dans quelques-uns d’entre eux, la signification de tels droits est demeurée passablement limitée dans la pratique.

LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

La Loi fondamentale peut être modifiée en tout temps, mais seulement au moyen

d’une loi qui modifie ou complète expressément son texte. De simples ajouts sans

changement du texte ne sont pas autorisés. Les traités internationaux qui réglementent le maintien de la paix ou servent à la défense de la République

fédérale d’Allemagne ne doivent pas contredire la Loi fondamentale, et tous les

changements ou les additions à cette dernière qui sont indispensables pour se conformer aux exigences du traité doivent être limitées à celui-ci. Les lois qui amendent la Constitution sont adoptées selon le processus législatif normal, mais elles requièrent l’approbation de deux tiers des membres du Bundestag et de deux tiers des voix au Bundesrat. Il n'existe pas de procédure de démocratie directe visant

{ modifier la Loi fondamentale par le biais d’un vote populaire.

Au surplus, la Loi fondamentale prévoit des limites qu’un amendement

constitutionnel ne saurait franchir. La division du pays en länder, de même que les règles concernant la participation de ces derniers au processus législatif de la fédération, ne saurait être modifiée par un changement constitutionnel, pas plus que les principes fondamentaux des articles 1 et 20. Ceux-ci incluent le respect de la dignité humaine et sa protection ; la reconnaissance des droits de la personne ; la séparation des pouvoirs et des fonctions gouvernementales ; l’obligation pour les trois ordres de gouvernement de respecter le droit et la justice et en particulier les droits fondamentaux ; de même que les décisions favorables à la forme républicaine de l’État, { l’État de droit, { la démocratie, { l’État-providence et au fédéralisme. Selon l’article 79(III), ces principes sont soumis { ce que l’on appelle la « clause d’éternité ». Les restrictions aux modifications constitutionnelles s’appliqueraient

également si le peuple allemand se donnait une nouvelle constitution par le biais d’une révision totale (art. 146).

En Allemagne, les modifications constitutionnelles ne sont que partiellement le fait de la Loi fondamentale. La Cour constitutionnelle fédérale joue un rôle essentiel

dans l’amendement de la Loi fondamentale en l’interprétant, mais surtout en l’adaptant aux développements techniques les plus récents de même qu’aux

changements économiques et sociaux. En comparaison, le gouvernement et l'organe

législatif travaillent d’une manière bien moins créatrice lorsqu'ils interprètent la

Constitution. Depuis que celle-ci a été adoptée en 1949, elle a été amendée à 50 reprises, ce qui représente en moyenne une modification par année. La plupart des changements concernent des transferts de compétences vers la fédération au détriment des länder.

Au cours de ces dernières années, le nombre d'amendements n’a pas augmenté, mais il n’a pas non plus diminué. Personne ne saurait prédire quels changements

seront apportés à la Constitution dans l'avenir. Les changements des dix dernières années ont été causés en partie par la réunification, en partie en réaction aux développements sociaux de la société moderne, et en partie en raison de

l’intégration européenne. Le droit européen a aussi entraîné certains changements (l’incorporation des femmes au sein des forces armées, par exemple). Les autorités de la fédération et des länder travaillent à présent à une réforme en profondeur du système fédéral allemand, réforme qui se reflétera dans la Loi fondamentale d'ici quelques années.

NOTES

1 Ute Wachendorfer-Schmidt, Politikverflechtung im vereinigten Deutschland (Wiesbaden: Westdt. Verlag, 2003) ; Jürgen Faulenbach, Föderalismus in Deutschland (Bonn: Bundeszentrale für politische Bildung, 2002) ; Roland Sturm, Föderalismus in Deutschland (Opladen: Leske und Budrich, 2001) ; Karl Eckart, Föderalismus in Deutschland (Berlin: Duncker and Humblot, 2001) ; et Heinz Laufer et Ursula Münch, Das föderative System der Budesrepublik Deutschland (Opladen: Leske und Buderus, UTB für Wissenschaft, 1998).

2 Statistisches Bundesamt, Datenreport 2002 (Bonn: Bundeszentrale für politische Bildung, 2002). Cf. également www.destatis.de, Facts about Germany (Francfort : Societätsverlag, 1996) ; et Federal Council, Handbuch 2002/03 (Baden-Baden: Nomos Verlag, 2002).

3 Hans-Peter Schneider, « Entwicklungen, Fehlentwicklungen, Reformen des deutschen Föderalismus und der Europäischen Union », Föderalismus: Leitbild für die Europäische Union, ed. Michael Piazolo et Jürgen Weber (Munich: Olzog Verlag, 2004), pp. 4657; et Charley Jeffery, Recasting German Federalism: The Legacies of Unification (Londres : Pinter, 1999).

4 Maiken Umbach, Federalism and Enlightenment in Germany, 17401806 (Londres: Hambledon Press, 2000) ; et Ernst Deuerlein, Föderalismus: Die historische und philosophische Grundlagen des föderativen Prinzips (Munich: List Verlag, 1972).

5 Maiken Umbach, German Federalism: Past, Present, Future (Basingstoke: Palgrave, 2002); Hans-Peter Schneider, « Fünfzig Jahre Grundgesetz: Vom westdeutschen Provisorium zur gesamtdeutschen Verfassung », Neue Juristische Wochenschrift (1999): 14971504 ; et Hans-Peter Schneider, « Federalism in Continental Thought during the 17th and 18th Centuries », Federalism and Civil Societies: An International Symposium, ed. Jutta Kramer et Hans-Peter Schneider (Baden-Baden: Nomos, 1999), pp. 4352.

6 Sur le concept de fédéralisme compétitif, cf. par exemple Daphne A. Kenyon et John Kincaid (Eds), Competition among States and Local Governments: Efficiency and Equity in American Federalism (Washington, DC: Urban Institute Press, 1991).

7 Arthur B. Gunlicks, The länder and German Federalism (Basingstoke: Palgrave, 2003); Hans-Georg Wehling, Die deutschen länder: Geschichte, Politik, Wirtschaft, 2e éd. (Opladen: Leske und Buderus, 2002) ; Cesare Onestini, Federalism and länder Autonomy: The Higher Education Policy Network in the Federal Republic of Germany (New York: RoutledgeFalmer, 2002); et Hans-Peter Schneider, « German Unification and the Federal System: The Challenge of Reform », Recasting German Federalism: The Legacies of Unification, ed. Charlie Jeffery (Londres : Pinter, 1999), pp. 5884.

8BundesVerfassungsGerichtsEntscheidung (BVerfGE) [Recueil des arrêts de la Cour constitutionnelle] « Altenpflegegesetz » [Loi sur les soins de santé aux personnes âgées] 106, p. 62 ss.

9 Hans-Peter Schneider, « The Distribution of Powers in the Federal Republic of Germany », African Journal of Federal Studies 1 (2000) : 1933 ; Ute Wachendorfer-Schmidt, Federalism and Political Performance (Londres: Routledge, 2000) ; et Fritz W. Scharpf, Politikverflechtung (Kronsberg/ts: Scriptor Verlag, 1976).

10 BVerfGE 81, pp. 31031.

11 Sven Leunig, Föderale Verhandlungen: Bundesrat, Bundestag und Bundesregierung im Gesetzgebungsprozess (Francfort: Lang, 2003); et Hans-Peter Schneider, « Die Aufgabenverteilung zwischen Bund und ländern nach dem Grundgesetz: Eine Ausprägung des Subsidiaritätsprinzips? » Die Entwicklung des Staates der Autonomien in Spanien und der bundesstaatlichen Ordnung in der Bundesrepublik Deutschland, ed. Jutta Kramer (Baden-Baden: Nomos, 1996), pp. 3747.

12 Hans-Peter Schneider, « Grenzen der Rechtsangleichung in Europa: Warum der Europäische Gerichtshof die Gemeinschaftsorgane in die Schranken wies », Frankfurter Allgemeine Zeitung, n° 240 (16 octobre 2000): 12 ; Rudolf Hrbek, Europapolitik und Bundesstaatsprinzip: Die Europafähigkeit Deutschlands und seiner länder im Vergleich mit anderen Föderalstaaten (Baden-Baden: Nomos Verlagsgesellschaft, 2000) ; et Rudolf Hrbek, éd, Aussenbeziehungen von Regionen in Europa und der Welt (Baden-Baden: Nomos Verlagsgesellschaft, 2003).

13 BVerfGE 93, p. 121 ss.

14 BVerfGE 86, p. 148 ss.

15 Hans-Peter Schneider, « Comment on art. 107 Basic Law », Kommentar zum Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland (AKGG), ed. Erhard Denninger, Wolfgang Hoffmann-Riem, Hans-Peter Schneider, et Ekkehard Stein, vol. 3. (Neuwied: Lucherthand Verlag, 2001), pp. 6483; et Kai A. Konrad et Helmut Seitz, Fiscal Federalism and Risk Sharing in Germany: The Role of Size and Difference (Berlin: WZB, 2001).

16 BVerfGE 72, p. 330 (418 s.) ; 86, p. 148 (250).

17 Hans-Peter Schneider, « Föderative Gewaltenteilung in Europa: Zur Kompetenzabgrenzung zwischen der Europäischen Union und ihren Mitgliedstaaten », Tradition und Weltoffenheit des Rechts: Festschrift für Helmut Steinberger, ed. H.-J. Cremer, T. Giegerich, D. Richter et A. Zimmermann (Berlin : Springer, 2002), pp. 140124 ; et Richard Deeg et Suzanne Lütz, Internationalization and Financial Federalism: The United States and Germany at the Crossroads? (Cologne: MPIFG, 1998).

18 BVerfGE 100, p. 266 ss.

19 Hans-Peter Schneider, « Entwicklungen, Fehlentwicklungen, Reformen des deutschen Föderalismus und der Europäischen Union » ; and Rüdiger Gerst,

Föderalismus in Deutschland und Europa: Was bleibt den deutschen ländern?

(Bamberg: Leibniz-Verlag, 2000).