RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES DANS LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

Alexei Avtonomov

PARTIE 1 : CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

a Fédération de Russie compte 89 unités constituantes, dont 21 républiques, six provinces, 49 régions, deux cités fédérales, une région autonome et 10 districts autonomes. En théorie, ainsi que le confirme l’histoire, les républiques, la région autonome et les districts autonomes sont des unités constituantes fondées sur l’ethnicité, tandis que les autres possèdent une base territoriale. Cela dit, les ethnies considérées titulaires d’unités constituantes ne sont aujourd’hui majoritaires que dans 10 des 32 unités fondées sur l’ethnicité. Par contre, la proportion de non-Russes vivant dans certaines régions est relativement élevée. À titre d’exemple, les Tatars représentent 17 % de la population de l’Ulianovsk, alors que dans de nombreuses unités constituantes ethniques, l’ethnie identifiée par le nom de l’unité constituante compte pour moins de 10 % de la population.

Il est facile d’établir qu’il existe un besoin de coordination intergouvernementale dans la Fédération de Russie. Un système fédéral s’impose étant donné l’existence d’une diversité régionale. Les différences culturelles, économiques, climatiques et environnementales entre les unités territoriales de la Fédération de Russie se traduisent par d’importants écarts dans les priorités politiques, non seulement parmi les 89 unités constituantes, mais également entre les unités constituantes et la Fédération. La Constitution de 1993 de la Fédération de Russie contient les fondements de l’interaction intergouvernementale. Comme c’est souvent le cas dans les constitutions fédérales, les dispositions de celle-ci ne sont pas suffisamment claires dans ce domaine. De plus, il existe un degré considérable de chevauchement de compétences dans de nombreuses sphères de politique publique.

La Constitution de 1993 de la Fédération de Russie comprend à la fois des éléments de fédéralisme symétrique et asymétrique. L’article 5 de la Constitution porte particulièrement à controverse. Le premier alinéa de l’article 5 stipule que toutes les unités constituantes sont des membres égaux en droit de la Fédération de Russie, et l’alinéa 4, que toutes ces unités sont égales entre elles dans leurs rapports avec les organes fédéraux du pouvoir d’État. Toutefois, l’alinéa 2 stipule que seules les républiques peuvent avoir une constitution en tant que telle, les autres unités constituantes ayant droit à des statuts. Toutes les unités constituantes possèdent les mêmes pouvoirs législatifs et exécutifs. L’alinéa 2 de l’article 68 donne aux républiques le droit d’établir leurs langues officielles, en plus du russe.

PARTIE 2 : RÉPARTITION DES COMPÉTENCES LÉGISLATIVES

En vertu de l’article 71 de la Constitution, relèvent de la compétence exclusive de la Fédération de Russie ce qui suit :

  • l’adoption et la modification des lois fédérales de la Constitution de la Fédération de Russie, et le contrôle de leur respect,

  • la structure fédérale et le territoire de la Fédération de Russie,

  • la réglementation et la protection des droits et libertés de l’homme et du citoyen, la citoyenneté dans la Fédération de Russie, la réglementation et la protection des droits des minorités nationales,

  • l’établissement du système des organes fédéraux des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, des modalités de leur organisation et de leur fonctionnement ; la formation des organes d’État fédéraux,

  • la propriété fédérale d’État et son administration,

  • l’établissement des fondements de la politique fédérale et les programmes fédéraux dans le domaine du développement d’État, économique, écologique, social, culturel et national dans la Fédération de Russie,

  • l’établissement des fondements juridiques du marché unique ; la réglementation financière et douanière, la réglementation des changes et du crédit, l’émission monétaire, les fondements de la politique des prix ; les services économiques fédéraux, y compris les banques fédérales,

  • le budget fédéral, les impôts et taxes fédéraux, et les fonds fédéraux de développement régional,

  • les systèmes énergétiques fédéraux, l’énergie nucléaire, les matières fissiles ; le transport, les voies de communication, l’information et les télécommunications fédérales ; les activités spatiales,

  • la politique étrangère et les relations internationales de la Fédération de Russie, les traités internationaux de la Fédération de Russie ; les problèmes de la guerre et de la paix,

  • les relations économiques étrangères de la Fédération de Russie,

  • la défense et la sécurité ; les industries de défense ; la fixation de la procédure de vente et d’achat d’armes, de munitions, d’équipements militaires et des autres biens militaires ; la production de substances toxiques, de stupéfiants et les modalités de leur utilisation,

  • la définition du statut et la protection de la frontière d’État, de la mer territoriale, de l’espace aérien, de la zone économique exclusive et du plateau continental de la Fédération de Russie,

  • l’organisation judiciaire ; la Prokuratura ; la législation pénale, de procédure pénale et pénitentiaire ; l’amnistie et la grâce ; la législation civile, de procédure civile et de procédure d’arbitrage ; la réglementation juridique de la propriété intellectuelle,

  • le droit fédéral des conflits de lois,

  • le service météorologique, les normes et étalons, le système métrique et la mesure du temps ; la géodésie et la cartographie ; la dénomination des entités géographiques ; la statistique et la comptabilité officielles,

  • les décorations d’État et les titres honorifiques de la Fédération de Russie,

  • la fonction publique fédérale.

En vertu de l’article 72 de la Constitution, relèvent de la compétence conjointe de la Fédération de Russie et de ses unités constituantes ce qui suit :

  • la garantie de la conformité des Constitutions et des lois des républiques, des statuts, des lois et autres actes juridiques normatifs des territoires, régions, villes d’importance fédérale, de la région autonome, des districts autonomes à la Constitution de la Fédération de Russie et aux lois fédérales,

  • la protection des droits et libertés de l’homme et du citoyen, la protection des droits des minorités nationales ; la garantie de la légalité,de l’ordre juridique et de la sécurité publique ; le régime des zones frontalières,

  • les problèmes de possession, de jouissance et de disposition de la terre, du sous-sol, des eaux et des autres ressources naturelles,

  • la délimitation de la propriété d’État entre les organes fédéraux et les entités infranationales,

  • l’exploitation de la nature ; la protection de l’environnement et la garantie de la sécurité écologique ; les sites naturels spécialement protégés ; la protection des monuments historiques et culturels,

  • les questions générales de l’éducation, de l’enseignement, de la science, de la culture, de la culture physique et du sport,

  • la coordination des questions de santé ; la protection de la famille, de la maternité, de la paternité et de l’enfance ; la protection sociale, y compris la sécurité sociale,

  • l’organisation de mesures de lutte contre les catastrophes, les calamités naturelles, les épidémies, l’élimination de leurs conséquences,

  • l’établissement des principes généraux de l’imposition et de la taxation dans la Fédération de Russie,

  • la législation administrative, de procédure administrative, du travail, de la famille, du logement ; la législation foncière, sur l’eau, les forêts ; la législation sur le sous-sol, sur la protection de l’environnement,

  • les cadres des organes judiciaires et du maintien de l’ordre ; le barreau et le notariat,

  • la protection de l’habitat coutumier et du milieu de vie traditionnel des communautés ethniques peu nombreuses,

  • l’établissement des principes généraux d’organisation du système des organes du pouvoir d’État, y compris les gouvernements locaux,

  • la coordination des rapports internationaux et économiques extérieurs des sujets de la Fédération de Russie, l’exécution des traités internationaux de la Fédération de Russie.

Le caractère exclusif des compétences législatives des unités constituantes est souligné à l’article 73. Ces compétences s’étendent à tous les domaines qui ne sont pas assignés en exclusivité à la Fédération de Russie à l’article 71, ou qui ne font pas partie des compétences conjointes établies à l’article 72. On constatera à l’examen des articles 71 et 72 que les compétences législatives exclusives des unités constituantes sont plutôt limitées.

En outre, les dispositions relatives à la répartition des compétences entre la Fédération de Russie et ses unités constituantes portent de temps à autre à controverse du fait de leur imprécision. À titre d’exemple, la protection des droits et libertés de l’homme et du citoyen, ainsi que celle des droits des minorités nationales relèvent à la fois des compétences exclusives de la Fédération et des compétences conjointes de la Fédération et de ses unités constituantes. Comment résoudre cette contradiction ? Nul ne le sait.

Un des problèmes les plus aigus demeurés en suspens depuis l’adoption de la Constitution de 1993 est la façon dont la Fédération de Russie et ses unités constituantes doivent se partager les responsabilités dans les champs de compétence conjointe. L’article 76 donne certaines indications à l’effet d’une suprématie fédérale. À la suite de fréquentes impasses au niveau fédéral, plusieurs unités constituantes ont agi de façon unilatérale dans des domaines de compétence conjointe. Par voie de conséquence, leurs législations ont souvent été en contradiction avec la Constitution ou avec des lois subséquemment adoptées. La nature ambiguë du concept de compétence conjointe est certainement l’aspect le plus controversé de la répartition du pouvoir au sein de la Fédération. La Constitution ne précise pas la façon dont la Fédération et les unités constituantes doivent coordonner leurs activités législatives, en particulier en l’absence de lois fédérales. Cela dit, la Constitution mentionne tout de même que les pouvoirs relatifs aux compétences conjointes peuvent être répartis en vertu d’une loi fédérale ou d’un traité conclu entre des organes d’État fédéraux et leur contrepartie au niveau des unités constituantes.

Il existe un certain nombre de traités et conventions de cette nature qui concourent à renforcer le caractère asymétrique de la Fédération. Le traité avec le Tatarstan, conclu le 15 février 1994, représentait le premier pas d’importance vers une fédération asymétrique. Depuis 1994, quelque 46 unités constituantes ont signé des traités bilatéraux avec le gouvernement fédéral. Ce genre de traité tend à se substituer rapidement aux dispositions constitutionnelles relatives à la répartition du pouvoir comme base des relations intergouvernementales. Ces accords bilatéraux confèrent souvent à l’unité constituante un droit de regard plus étendu sur l’utilisation des ressources naturelles sur son territoire, des concessions fiscales spécifiques et d’autres privilèges économiques et politiques substantiels. Ces traités ont souvent été signés à la veille d’élections parlementaires ou présidentielles, ce qui peut être interprété comme une incitation pour les unités constituantes à soutenir le président de la Fédération.

Dans les régions potentiellement riches comme le Tatarstan et le Bashkortostan, les ententes bilatérales ont permis le transfert d’industries extrêmement florissantes, telles l’extraction et le raffinage du pétrole ou la production d’énergie, des centres de pouvoir fédéraux vers des administrations et des intérêts locaux. En juin 1995, le Sakha (Iakoutie) a signé un traité avec la Fédération de Russie qui reconnaissait à cette république un droit de propriété sur 26 % de la production de diamants, 30 % de la production aurifère, et un pourcentage légèrement inférieur de ses réserves de pétrole et de gaz. Selon des spécialistes russes, le montant du déficit fiscal en 1994 (ainsi, probablement, qu’en 1995) pour les autorités fédérales, consécutif aux ententes budgétaires spéciales conclues avec les républiques de Carélie, du Tatarstan, du Bashkortostan et du Sakha, s’est élevé à au moins deux milliards de roubles, soit 2,3 % des recettes fédérales de 1994.

Entre autres privilèges non économiques renforçant le caractère asymétrique du système, se trouve le transfert de compétences fédérales exclusives aux républiques, notamment dans les traités avec le Tatarstan et le Bashkortostan. La constitutionnalité de ces transferts est sujette à caution.

En effet, le gouvernement fédéral intervient dans certains traités dans des domaines qui relèvent de la compétence exclusive des unités constituantes. À titre d’exemple, le traité avec la région de Sverdlosk stipule qu’une cour statutaire (analogue à une cour constitutionnelle) pourrait être instituée dans cette région. Mais une région n’a besoin d’aucune permission spéciale du fédéral pour créer une institution gouvernementale, la Constitution de 1993 prévoyant que le pouvoir dans les unités constituantes soit exercé par des organes gouvernementaux institués par les unités constituantes mêmes.

Dans les faits, chaque traité est augmenté d’une kyrielle d’accords bilatéraux relatifs à divers secteurs administratifs. Au total, plus de 20 accords bilatéraux ont été signés en accompagnement des traités. Ces accords ont été conclus entre des ministères ou des départements des unités constituantes et des ministères fédéraux. Un exemple parmi d’autres : le ministère du Combustible et de l’Énergie a signé, en 1996, quelque 26 ententes de ce type.

Bien que le statut légal et constitutionnel de ces traités ne soit pas clair, ceux-ci, dans la plupart des cas, confèrent aux unités constituantes une plus grande autonomie dans leurs relations avec le gouvernement fédéral et avec les unités constituantes n’ayant signé aucun traité bilatéral. Comme la Constitution n’offre pas de marge de manœuvre suffisante dans les relations entre le centre et la périphérie (voir article 78), il y a un risque que ces traités contribuent à saper la crédibilité de la Constitution. Les traités outrepassent aussi allègrement l’article 5 de la Constitution, qui stipule que les relations entre le centre et les sujets doivent être égalitaires. Qui plus est, il est clair que les traités bilatéraux ont élevé certaines régions favorisées au rang de république de fait. L’ancien président de la Russie, Boris Eltsine, avait clairement adopté ce genre de politique avec les régions dans la perspective de « diviser pour régner », mais l’on peut s’interroger sur le caractère durable d’une telle politique. Il est connu qu’une fédération qui se fonde sur des traités est une fédération faible, éventuellement destinée à s’effondrer.

Depuis 1999, on a mis un terme à l’élaboration et à la signature de nouveaux traités entre la Fédération de Russie et ses unités constituantes. Le président Vladimir Poutine, à son arrivée au pouvoir, a décidé de reconsidérer les modes de répartition du pouvoir dans les champs de compétence conjointe. Ainsi, un décret présidentiel mettait sur pied, le 29 juin 2001, la Commission de répartition des compétences et des pouvoirs entre la Fédération de Russie et ses unités constituantes. Dimitri Kozak, chef adjoint de l’administration présidentielle, a été nommé président de la Commission. Tel que stipulé par le décret, la Commission doit préparer des propositions de répartition du pouvoir entre la Fédération de Russie et ses unités constituantes d’ici juin 2002. La Commission est composée de plusieurs ministres fédéraux, de hauts dirigeants de certaines unités constituantes (dont le président du Tatarstan, Mentimir Shaimiyev), et de spécialistes. Le décret exige la création de commissions régionales dans chacun des sept districts fédéraux, sous la supervision du représentant plénipotentiaire du président de la Russie. Les commissions régionales avaient jusqu’au 15 décembre 2001 pour donner leur avis sur les propositions de répartition du pouvoir de la Commission.

Une certaine controverse a cours en Russie à propos de la répartition du pouvoir entre la Fédération et ses unités constituantes. Plusieurs politiciens et érudits considèrent que l’existence de compétences conjointes est la véritable cause de l’asymétrie au sein de la Fédération, et de l’ambiguïté juridique et organisationnelle associée aux relations entre la Fédération et ses unités constituantes. Cela dit, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’une définition claire des compétences permettra de résoudre la question des contacts intergouvernementaux. Aucune fédération ne peut éviter les situations dans lesquelles les champs de politique engagent à la fois le gouvernement fédéral et ses unités constituantes, même si la constitution de cette fédération ne prévoit aucun domaine de compétence conjointe (comme c’est le cas aux États-Unis). L’interdépendance et le chevauchement des compétences sont des réalités des systèmes fédéraux.

Par conséquent, il ne s’agit pas d’éliminer les domaines de compétence conjointe entre la Fédération de Russie et ses unités constituantes, mais de définir explicitement les modalités d’engagement de la Fédération et de ses unités constituantes dans les champs de politique concernés. La tâche consiste à déterminer les modalités de coopération entre la Fédération et ses unités constituantes, de façon à ce que chacun puisse assumer ses responsabilités.

PARTIE 3 : STRUCTURE DE LA COORDINATION INTERGOUVERNEMENTALE

La Constitution prévoit un certain nombre de mécanismes pour résoudre les différends pouvant survenir entre le gouvernement fédéral et les unités constituantes, ou entre les unités constituantes elles-mêmes. L’article 85 stipule que le président peut avoir recours à des procédures de réconciliation pour régler de tels différends. Si aucune entente n’est conclue, le président peut déférer le cas au tribunal approprié. La Cour constitutionnelle, par exemple, a été appelée à résoudre de nombreux conflits de juridiction. Les jugements de la Cour constitutionnelle viennent combler graduellement les lacunes de la Constitution, tout en clarifiant plusieurs dispositions de cette dernière.

Selon l’article 15 de la Constitution, la législation d’une unité constituante ne doit pas être en contradiction avec la Constitution fédérale. Malgré l’existence de cette disposition, un des plus importants contentieux de l’ère post-soviétique a été la « guerre des législatures » entre le gouvernement fédéral et les unités constituantes. En l’an 2000, le ministère de la Justice révélait que plus de 50 000 actes juridiques régionaux n’étaient pas conformes à la Constitution ou aux lois fédérales. À titre d’exemple, en 1998, le procureur général divulguait qu’en 1996 et 1997, les procureurs de tous niveaux avaient contesté quelque 2 000 résolutions et lois adoptées par des parlements régionaux, pour le motif qu’elles contrevenaient d’une façon ou d’une autre à la Constitution fédérale. Alors qu’il s’agit là du point de vue de diverses institutions nationales, il faut préciser que seuls les tribunaux fédéraux ont la compétence nécessaire pour juger de la compatibilité ou de l’incompatibilité des lois et mesures adoptées par des unités constituantes avec les lois fédérales. Qui plus est, seule la Cour constitutionnelle a le droit de décider de la compatibilité relative des constitutions, statuts et lois des unités constituantes avec la Constitution russe.

Le président a également le pouvoir de suspendre certaines décisions des unités constituantes, si celles-ci sont en contradiction avec la Constitution fédérale, avec des lois fédérales, avec des obligations contractées par la Fédération de Russie à l’international, ou si elles enfreignent les droits et libertés de la personne et du citoyen.

Il existe des organes fédéraux au sein desquels les unités constituantes se trouvent représentées, ce qui leur permet de prendre part au processus décisionnel au niveau fédéral. Un des plus importants d’entre eux est le Conseil de la Fédération, une des deux chambres de l’Assemblée fédérale. Le Conseil de la Fédération a les compétences suivantes ?

  • approuver des changements de limites administratives entre les unités constituantes de la Fédération de Russie,

  • approuver un décret du président de la Russie instaurant la loi martiale,

  • approuver un décret du président de la Russie instaurant l’état d’urgence,

  • décider d’utiliser les forces armées de Russie à l’extérieur du territoire de la Fédération de Russie,

  • déclencher une élection présidentielle,

  • destituer le président de la Fédération de Russie,

  • nommer les juges à la Cour constitutionnelle, à la Cour suprême et à la Cour supérieure d’arbitrage de la Fédération de Russie, parmi un choix de candidats proposé par le président,

  • nommer et démettre de ses fonctions le procureur général de la Fédération de Russie, à la demande du président,

  • nommer et démettre de ses fonctions le vice-président et la moitié des auditeurs de la Chambre des comptes.

Le Conseil de la Fédération ne peut pas amender une loi approuvée par la Douma. Il peut seulement accepter ou rejeter la loi en question. S’il ne considère pas un projet de loi à l’intérieur de 14 jours après l’avoir reçu, la loi est considérée approuvée comme si elle avait été adoptée par la Douma. Il est important de préciser que le Conseil de la Fédération se réunit normalement tous les mois pour une session unique de deux ou trois jours. Il s’ensuit que le Conseil n’a pas la possibilité d’étudier en profondeur tous les projets de loi fédéraux. En vertu de la Constitution, le Conseil de la Fédération est tenu de se pencher sur certaines questions et de prendre des décisions sur :

  • le budget fédéral,

  • les taxes ou impôts fédéraux,

  • la réglementation financière et douanière, la réglementation des changes et du crédit, et l’émission monétaire,

  • la ratification et l’abrogation des traités internationaux de la Fédération de Russie,

  • l’état et la protection des frontières de la Fédération de Russie,

  • les problèmes de la guerre et de la paix.

Étant donné sa composition, le Conseil de la Fédération joue un rôle particulier dans les relations intergouvernementales. Chacune des 89 unités constituantes possède deux représentants au Conseil. En vertu de la Constitution, l’un de ces deux sièges est réservé à la branche exécutive de l’unité constituante, l’autre à la branche législative. La façon dont s’opère la sélection est déterminée par une loi fédérale. En 1993, la population élisait directement ses deux députés (de nombreuses têtes dirigeantes des branches exécutives et législatives ont alors été élues). En 1995, les membres du Conseil de la Fédération étaient sélectionnés d’office parmi les responsables des branches exécutive et législative des unités constituantes. En 2000, le président Poutine a poursuivi la réforme du processus de sélection. Selon une loi fédérale adoptée en 2000, les organes exécutifs et législatifs de l’unité constituante nomment chacun un membre au Conseil de la Fédération. Un remplacement graduel au Conseil de la Fédération des dirigeants des branches exécutives et législatives par les personnes désignées s’est produit à la fin de l’année 2000 et tout au long de l’année 2001. En janvier 2002, le Conseil de la Fédération siégeait pour la première fois avec une équipe de députés nommée exclusivement selon la nouvelle méthode. Cette disposition devrait augmenter l’efficacité du Conseil tout en maintenant un haut niveau de coopération intergouvernementale. La composition du Conseil de la Fédération (soit, à l’origine, les chefs des branches exécutive et législative des unités constituantes, puis, à partir de 2000, les membres désignés de ces branches) donne aux unités constituantes un accès direct au processus décisionnel de la Fédération. Il s’ensuit que le Conseil de la Fédération agit comme une institution déterminante de la coopération intergouvernementale.

Spécialistes et politiciens ont exprimé une certaine appréhension face à l’adoption de la nouvelle procédure de sélection des membres du Conseil de la Fédération. Ils avaient l’impression que l’absence de gouverneurs et de présidents d’unités constituantes à Moscou risquait de nuire à la coordination et à la coopération intergouvernementales. C’est pourquoi le président Poutine a également institué un organe consultatif, la Conseil d’État, à l’automne 2000. Ce Conseil est constitué des chefs des branches exécutives des unités constituantes. Le Conseil d’État siège tous les trois mois à la demande du président de la Russie pour discuter de questions précises. Un præsidium comptant sept membres choisis alternativement parmi les membres du Conseil a été créé et se réunit une fois par mois. Ces rencontres sont l’occasion pour les dirigeants des unités constituantes d’exprimer leur opinion sur des initiatives majeures du gouvernement fédéral.

Au surplus, certains groupes de travail ad hoc ont été créés au sein du Conseil d’État dans le but de faire des propositions de réforme dans les sphères politique et économique. À titre d’exemple, des groupes de travail sur des questions telles que le fédéralisme, la production et la distribution de l’énergie, l’essor de la gouvernance locale et l’amélioration de l’administration fédérale sont déjà actifs. La composition de ces groupes de travail ne se limite pas aux membres du Conseil ; ils peuvent comprendre, hormis deux ou trois membres du Conseil, des députés de la Douma et des législatures des unités constituantes, de hauts fonctionnaires des ministères fédéraux et de l’administration présidentielle, ainsi que des spécialistes hautement qualifiés.

En mai 2000, certains représentants présidentiels plénipotentiaires nommés par le président Poutine après la division du pays en sept districts fédéraux, s’occupent également de coopération et de coordination intergouvernementales. Ces représentants ont pour tâche de superviser l’application des politiques fédérales aux niveaux régional et local, et de coordonner le travail des sections locales des organes exécutifs fédéraux. Ainsi, les représentants présidentiels ne peuvent faire autrement que de coopérer avec les organes directeurs des unités constituantes pour toute question de compétence conjointe. Les représentants présidentiels et leur personnel rencontrent régulièrement les représentants des unités constituantes pour coordonner leurs efforts de façon bilatérale ou multilatérale. Certains représentants présidentiels ont mis sur pied des organes consultatifs et des groupes de travail ad hoc, invitant des représentants et des spécialistes locaux à y participer. Les représentants présidentiels ont tous fait la démonstration que leur priorité allait, entre autres, à des projets de développement social et économique, à la nécessité d’attirer des investissements et à la lutte contre le crime économique. Il est clair que des résultats ne seront atteints dans ces domaines que par un effort conjoint des organismes fédéraux et des unités constituantes. Les représentants présidentiels veillent également à ce que les constitutions, statuts et lois des unités constituantes soient compatibles avec la Constitution et les lois fédérales.

Plusieurs unités constituantes ont pignon sur rue à Moscou. Les républiques de la Fédération de Russie ont conservé leurs agences datant de l’ère soviétique. Les autres unités constituantes ont ouvert leurs propres bureaux à la fin de cette période. Bien que leurs activités soient plutôt discrètes, ces représentations offrent au quotidien un important support technique et opérationnel aux relations intergouvernementales.

Il y a eu une tendance récente à renforcer le pouvoir de l’autorité centrale. Ainsi, en 1999, des amendements à la loi fédérale ont été adoptés concernant l’organisation des corps exécutif et législatif des unités constituantes. Ces nouvelles dispositions permettent au président de la Russie de démettre les dirigeants de la branche exécutive ou de dissoudre la législature d’une unité constituante. L’exercice de cette prérogative est réservé au cas où une cour de justice aurait déterminé qu’il y a eu violation de la Constitution ou d’une loi fédérale par un dirigeant de l’exécutif ou d’une législature d’État, et que rien n’aurait été fait pour corriger la situation.

En 2001, la loi fédérale sur la milice (police) été amendée. Selon la nouvelle version de la loi, les chefs des départements des Affaires internes des unités constituantes sont désormais nommés par le ministre fédéral. Auparavant, ils étaient nommés par le ministre avec l’approbation du chef de l’exécutif des unités constituantes. Toutefois, il arrivait que ce mode de sélection du responsable des Affaires internes des unités constituantes se solde par une paralysie du département, faisant la partie belle aux criminels.

PARTIE 4 : RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES DANS LA SPHÈRE BUDGÉTAIRE

À l’heure actuelle, selon les règles de budget et de taxation du fédéral, la part de l’assiette fiscale destinée aux unités constituantes devrait être de 50 % des recettes totales. Cette règle n’a pas été respectée en 2000. Les différentes taxes d’accise, sur la valeur ajoutée (TVA) et sur le bénéfice des sociétés, sont normalement réparties entre le gouvernement fédéral et les unités constituantes, tandis que l’impôt sur le revenu des particuliers est laissé entièrement aux unités constituantes. Le gouvernement fédéral a préparé un avant-projet de budget pour 2001, dans lequel les revenus d’impôt devaient être répartis comme suit : 70 % pour le budget fédéral, et seulement 30 % pour les unités constituantes. Après un long débat à l’Assemblée fédérale, le budget 2001 a été adopté. Les recettes fiscales ont été allouées dans une proportion de 65 % au fédéral et de 35 % aux unités constituantes. Les unités constituantes ont accepté ce compromis en autant que le fédéral s’acquitte de la dette extérieure. Dans le futur, le gouvernement fédéral peut à nouveau tenter de modifier le barème de répartition de l’impôt inscrit dans les Codes.

Parmi les 89 unités constituantes de la Fédération de Russie, moins de dix versent à la Fédération des sommes plus importantes que les subsides qu’elles en reçoivent. Certaines unités constituantes dépendent presque totalement des subsides fédéraux. La distribution de l’aide fédérale ne s’est pas toujours faite sur la base de la nécessité économique. En effet, les paiements de transfert du fédéral ont souvent servi de monnaie d’échange pour obtenir les faveurs de certains dirigeants des unités constituantes, importants pour le gouvernement. Il est clair qu’il s’agit de tactiques à courte vue. Celles-ci encouragent l’obstruction de la part des unités constituantes, tout en ajoutant à la disparité économique dans le pays.

PARTIE 5 : LIENS GOUVERNEMENTAUX HORIZONTAUX

Jusqu’ici, nous n’avons considéré que les relations entre le fédéral et les unités constituantes. Certes, ces relations sont importantes, mais d’égale importance sont les formes de coopération établies entre les unités constituantes, ou en leur sein, sans participation directe des autorités fédérales. À titre d’exemple, huit associations pour la coopération économique ont été fondées dans la première moitié des années 1990. Ces associations, qui étaient géographiquement déterminées (Extrême-Orient, Accord de Sibérie, Grande Volga, etc.) ont été créées sur l’initiative des unités constituantes. Bien que rien n’interdise aux unités constituantes de faire partie de plus d’une association, la plupart d’entre elles ne sont devenues membres que d’une seule. Qui plus est, la composition de ces associations est plutôt stable. Tout au long de leur existence, rares sont les unités constituantes qui ont changé d’association. Les associations ont été créées dans une perspective de développement économique et de coopération, et chacune comprend différents types d’unités constituantes (républiques, régions, provinces, districts autonomes, etc.).

Ces associations ont gagné en importance dans la seconde moitié des années 1990 et, en 1998, le premier ministre Evgueni Primakov a même invité des représentants élus des huit associations (parmi les dirigeants de la branche exécutive des unités constituantes) à joindre son Cabinet. La situation s’est par la suite modifiée. En 1999, la loi fédérale sur les associations de coopération économique était vague et dénuée de mécanismes et d’incitatifs légaux à promouvoir cette forme de coopération économique. La création de sept districts fédéraux en mai 2000 a ajouté à la confusion, les frontières des districts fédéraux ne coïncidant que partiellement avec celles des huit associations économiques. Simultanément, des représentants présidentiels se déclaraient disposés à coopérer avec les associations, établissant des liens avec leurs dirigeants.

Parmi les unités constituantes, ou entre celles-ci, il existe également diverses relations bilatérales ou multilatérales d’appoint. Dans certains cas – lorsque, par exemple, une unité constituante en comprend d’autres – les unités constituantes ont officialisé ces contacts au moyen de traités et d’ententes diverses. À titre d’exemple, la région de Tyumen comprend à l’intérieur de ses frontières administratives les deux districts autonomes du Yamalo-Nenets et du Khanty-Mansi, alors que chacune des trois unités constituantes possède des statuts équivalents aux deux autres, et qu’elles transigent toutes directement avec le gouvernement fédéral. Cette situation est un héritage de la période soviétique au cours de laquelle tous les districts autonomes faisaient également partie de régions et de provinces. Afin de clarifier et de réglementer leurs relations, la région de Tyumen et les districts autonomes du Yamalo-Nenets et du Khanty-Mansi ont signé un traité.