Conférence internationale sur le fédéralisme

Mont-Tremblant, octobre 1999

Séance 9) Présentation de Don Tapscott et de son exposé : « Gouvernance à l’ère de l’économie numérique » L’honorable Jean J. Charest Chef de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale du Québec Chef du Parti libéral du Québec, Canada Le texte prononcé fait foi.

Pendant cette troisième et dernière journée de la conférence sur le fédéralisme, j'ai le plaisir de m'associer à un thème d'avenir, celui de la gouvernance à l'ère de l'économie numérique, et de vous présenter une personne de très grande renommée qui partagera avec nous sa réflexion sur un sujet qui va bouleverser nos vies. Cette réflexion nous rappelle que l'émergence, la création et le choix de nos institutions politiques ne sont jamais le fruit du hasard mais plutôt le reflet des caractéristiques de chaque pays et d'un contexte qui façonne les événements. De l'histoire du Québec et du Canada, il faut retenir une décision qui a été prise très tôt et qui constitue encore à ce jour une pierre angulaire de l'existence de notre pays. Après que la France eut cédé la Nouvelle-France au gouvernement anglais, il apparut très rapidement que l'Angleterre n'allait pas garder sa mainmise sur son nouveau territoire à moins de conclure un partenariat avec la population française. Les circonstances de l'époque donnèrent naissance à un grand compromis et à un nouveau partenariat. Le gouvernement anglais choisit donc par Loi, dans L'Acte de Québec de 1774, de reconnaître formellement les droits de la population française. Notre langue, notre religion et notre système de droit civil furent formellement reconnus. Dès lors, ce fut la naissance d'un partenariat entre la population française et anglaise. À ce jour, cette alliance est une des caractéristiques fondamentales du Canada. L'histoire ne s'arrête pas là. Nous avons depuis ce temps, et malgré des débats parfois houleux et difficiles, fait naître un pays. En 1867, le partenariat du début a évolué pour devenir une fédération avec quatre provinces. Cette vision commune s'est développée, s'est enrichie au fil des années. Aujourd'hui, 10 provinces et 3 territoires s'étendent sur la largeur d'un continent. Les Québécois et tous les autres Canadiens ont travaillé ensemble. Le Québec et le Canada se sont aussi donnés un partenariat économique et social qui nous a permis de nous élever parmi les grands pays du monde. Ici, il est important de rappeler un élément de contexte qui aura été un facteur déterminant dans notre histoire. Aujourd'hui, nous allons entendre les propos du président des États-Unis. Or, la présence américaine est un fil conducteur de l'histoire du Québec et du Canada. À chaque étape de notre évolution, de l'Acte de Québec en 1774 jusqu'au débat sur le libre-échange, les acteurs de la scène politique québécoise et canadienne ont toujours voulu se distinguer de l'expérience politique américaine et se doter d'un système qui leur était propre. La peur et parfois aussi la menace de se faire intégrer aux États-Unis ont effectué une galvanisation sur la volonté de chaque génération de leaders politiques au Québec et au Canada. Nous n'avons pas toujours été d'accord sur ce qu'étaient nos propres objectifs internes mais nous nous sommes mis d'accord sur le fait que nous ne voulions pas faire partie des États-Unis. J'espère que nos amis et nos voisins américains ne s'en sentiront pas lésés personnellement, parce que nous sommes vraiment, je crois, les meilleurs voisins au monde. Nous partageons beaucoup de choses, nous avons beaucoup en commun mais nous avons aussi des valeurs différentes. • Notre façon de voir ce que devrait être le rôle du gouvernement est très différente. Dans la guerre entre le point de vue de Hamilton et celui de Jefferson, au Canada, à la différence des États-Unis, c'est le point de vue de Hamilton qui a gagné. • Nous reconnaissons traditionnellement non seulement les droits individuels mais aussi les droits de la collectivité. • Nous avons choisi de vivre dans un pays qui a deux langues et deux cultures et de tailler nos institutions sur ce modèle. • Bien avant que le mot « globalisation » ne devienne un cliché et que le monde se soit englouti dans des changements qui verraient naître nos identités nationales et multiples, nous avions reconnu que notre nationalisme serait construit en fonction de nos diversités. Ce qui implique un haut niveau de tolérance dans un monde où la tolérance est essentielle à notre survie. Le défi québécois et canadien consiste à retrouver le leadership nécessaire pour que la fédération puisse à nouveau faire évoluer son partenariat. À ce niveau, permettez-moi d'identifier trois grands défis : Premièrement, reconnaître la spécificité du Québec par l'affirmation de son identité. Deuxièmement, une meilleure reconnaissance des peuples autochtones et la place qu'ils doivent occuper. Troisièmement, un fédéralisme plus flexible et soucieux de préserver les particularismes qui s'expriment en son sein. À l'heure actuelle, la fédération canadienne est également prête à des changements de taille au niveau de ses propres règlements sur la gouvernance. Dans des domaines de juridictions et de responsabilités partagées, les jours des prises de décisions unilatérales ne sont plus. Nous avons entamé l'examen d'un processus de prise de décision et nous devons le poursuivre avec rigueur en fonction de la cogestion et de la prise de décision partagée. En vertu de ces changements, nous devrions chercher une meilleure comptabilité de la part du gouvernement et aussi plus d'autonomie provinciale puisqu'il est plus sensé de maintenir la prise de décision, dans la mesure du possible, rapprochée du peuple que ces décisions touchent. Alors que vous vous apprêterez à quitter la Conférence, plusieurs d'entre vous seront peut-être encore curieux de savoir ce que l'avenir réserve au Québec et au Canada. Mettons les choses dans leur contexte. Depuis quelques jours, vous avez goûté à un bon échantillonnage de notre … comment dirais-je… notre dialogue politique. D'une manière ou d'une autre, ces débats ont lieu depuis quelques centaines d'années. Le Canada a persisté comme pays, parce que les Québécois et les autres Canadiens continuent de partager les mêmes valeurs fondamentales. Les Québécois et les autres Canadiens partagent toujours les mêmes valeurs. Notre volonté commune de vivre ensemble dans le respect et de partager un même destin reste intacte. Notre histoire au Québec et au Canada est forgée de maintes réussites et se ne résume pas à des épisodes de négociations d'amendements constitutionnels. Et tout en reconnaissant l'importance de faire des changements à notre fédération, je ne crois pas que le Canada va se dissoudre suite à un désaccord au sujet d'un programme de prêts et bourses pour étudiants. Le Québec auquel je crois est un Québec qui assume son rôle de leader dans l'ensemble canadien. Les Québécois sont très fiers de ce qu'ils ont bâti. Les Québécois ont été présents dans les institutions fédérales, et n'eut été de leur leadership, le Canada ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui. L'influence, le respect et la place de choix que le Québec et le Canada ont su se tailler parmi la famille des nations ont été rendus possibles parce que nous avons été des précurseurs. Grâce à ce choix, nous avons une plus grande liberté et les Québécois ne vont pas fermer cette fenêtre sur leur avenir ou sacrifier, pour les générations futures, cette liberté que nous avons chèrement gagnée. Et maintenant, il me fait plaisir de vous présenter M. Don Tapscott, qui vous en dira plus long sur l'avenir.

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