Conférence internationale sur le fédéralisme

Mont-Tremblant, octobre 1999

Séance 9) « Gouvernance à l’ère de l’économie numérique » ALLOCUTION AU FORUM DES FÉDÉRATIONS Don Tapscott Président de l’Alliance for Converging Technologies, Canada

Je suis certain que si quelqu’un vient maintenant parler de « mondialisation, de technologie ou de l’avenir de l’État-nation », il y aura ruée vers les fontaines à café. Je sais que votre patience a des limites, mais j’aimerais vous faire part de ce que signifient à mon avis ces termes pour la gouvernance du XXIe siècle. Mais je veux aller au-delà de la souveraineté économique, de la taxation du commerce électronique international et de la croissance des entreprises transnationales pour pouvoir aborder une question centrale, à savoir comment la révolution numérique influencera la relation entre le peuple et ses gouvernements. Et même s’il paraît inutilement provocateur – surtout devant cet auditoire – de demander « où va l’État-nation? », les changements en cours nous obligent à réfléchir aux rôles et aux stratégies qui rendront les États-nations plus productifs à l’avenir, et à les repenser. Je vous suggère quelque chose de simple : L’ère numérique, et ses citoyens numériques, donnent naissance à des forces qui vont mettre au défi – et transformer – nos institutions de gouvernance existantes. L’autre jour, j’assistais à une réunion au cours de laquelle nous nous sommes demandé si les institutions scolaires préparent bien leurs étudiants – jeunes et moins jeunes – à apprendre et à travailler à l’ère numérique. Je m’apprêtais à répondre quand le doyen d’une école commerciale – que je ne nommerai pas – a dit « Attendez! Qu’est-ce qui dit que l’Internet n’est pas juste une autre mode? » Comme on me le faisait remarquer plus tard, cette intervention nous aura au moins permis de constater comment cette école commerciale prépare ses étudiants à la nouvelle économie. En mettant l’Internet dans la même catégorie que le hula-hoop et les Pokémons, ou en ramenant le phénomène du commerce électronique à une nouvelle tendance dans les principes de gestion, nous sous-estimons complètement le grand bouleversement qui s’opère dans le monde. Cela reflète aussi, et c’est inquiétant, que nous ignorons les nouvelles générations, qui, non seulement sont à l’aise dans la technologie Internet avec laquelle elles ont grandi, mais qui, en les utilisant quotidiennement, métamorphosent aussi la façon dont nous vivons, communiquons et travaillons. Les réseaux sont au cœur de l’ère numérique et des technologies convergentes. C’est ce que fait la technologie Internet – permettre aux gens, et pas seulement aux entreprises ou aux gouvernements, de communiquer, d’échanger des connaissances et des idées avec une vitesse, une facilité et une puissance inconcevables il y a quelques années. Et à mesure que ces réseaux s’implanteront, ils modifieront les deux relations, distinctes mais intimement liées, entre les gens et leur gouvernement : l’une entre le gouvernement et le citoyen comme client ou consommateur de services publics, et l’autre entre le gouvernement et le citoyen comme propriétaire ou actionnaire. Pensez à l’énorme vague de changement qui déferle sur les gouvernements – et sur nos structures de gouvernance en général. Les questions d’argent et d’efficacité ... la marée de citoyens numériques armés d’information ... la multiplication rapide de réseaux dans un monde où l’amendement d’une loi ou d’un règlement peut prendre des années ... et bien sûr la mondialisation, qui expose les gouvernements de tous les paliers aux nouvelles pressions de la concurrence. Chacun de ces facteurs exigerait à lui seul une réforme draconienne de nos structures de gouvernance. Pris ensemble, ils constituent un défi de taille aux monopoles traditionnels des gouvernements par les changements qu’ils produisent sur les mondes physique et virtuel. Le pouvoir de prélever des impôts, et de les percevoir effectivement. L’autorité sur le processus politique. L’autorité sur l’accès aux outils de communication et à l’information. Le monde de l’Internet, et ses citoyens et entreprises numériques, menacent l’autorité virtuellement incontestée du gouvernement dans tous ces domaines. Le résultat, c’est un puissant courant de changement, que les gouvernements ne peuvent, ou ne pourront pas, ignorer. L’ère numérique est une époque de grands changements, déstabilisante pour ceux qui se réclament du statu quo, et assurément sans précédent dans notre existence. Mais comme l’ère numérique a horreur du vide, elle remplace les vieilles structures à mesure qu’elles s’effondrent. On sent poindre les premiers balbutiements d’un gouvernement numérique, annonçant une mutation dans la façon dont le gouvernement est organisé, les services, dispensés, et la démocratie, pratiquée. Les communautés électroniques, comme on les appelle, commencent à prendre racine, s’appuyant sur un groupe plus important de participants qui dépassent les limites des législatures et des bâtiments publics pour créer une nouvelle valeur. Permettez-moi de suggérer quatre nouveaux modèles de communautés électroniques qui apparaîtront ultérieurement avec le soutien de la technologie Internet. Je veux délibérément ancrer ces modèles dans l’expérience fédérale, parce que les régimes fédéraux, de par leur nature, causent à leurs citoyens des difficultés supplémentaires du fait de la répartition et du partage des compétences entre les multiples paliers de gouvernement. Intégration Peu importe ses autres qualités, la structure fédérale est souvent source de frustration pour le citoyen moyen, qui doit vivre avec des paliers multiples de gouvernement et des couches multiples de complexité. Les impôts, les services de santé, l’enseignement et le soutien aux entreprises ne sont que quelques exemples des domaines où interviennent plusieurs paliers de gouvernement. Pour le citoyen-client, ceci se traduit par une multiplicité de guichets et de désagréments. On trouve de plus en plus des exemples de réseaux qui rendent possible l’intégration de ces niveaux multiples de services en un guichet unique. Les bureaux des gouvernements subnationaux et des administrations locales donnent de plus en plus accès aux services du gouvernement national, et vice versa. Chaque palier de gouvernement garde ses responsabilités et ses ressources, mais les consommateurs bénéficient d’un guichet unique de services. http://belgium.fgov.be/pa/fra_frame.htm Marchés ouverts Les marchés ouverts constituent un aspect très important du commerce électronique – des forums où organismes et clients échangent biens et services selon une politique d’achat à la carte. Les gouvernements empruntent maintenant cette forme d’échange pour certains secteurs de leur domaine de compétences qui se prêtent le mieux au marché libre. L’exemple le plus notable est celui des appels d’offre, qui, de plus en plus, se font via des réseaux numériques qui relient acheteurs du secteur public et fournisseurs du secteur privé. Ceci a une influence cruciale sur les organismes du gouvernement fédéral. À l’ère industrielle, les organismes fédéraux mettaient à la disposition des régions et des municipalités un forum leur permettant de combiner leurs ressources et leur pouvoir d’achat. À l’ère numérique, l’achat sur réseau permet aux régions de coordonner leurs achats sur une base ad hoc, sans demander au gouvernement fédéral d’agir comme coordonnateur. À titre d’exemple, il y a EMall, aux États-Unis, où cinq gouvernements d’État collaborent à un système d’achat conjoint. http://emall.isa.us/ Chaîne de valeur Dans le modèle traditionnel, chaque palier de gouvernement travaillait dans son coin, assurant ses services avec peu ou pas de coordination avec les autres. Dans le modèle intégré, ceci commence à changer à mesure que les gouvernements donnent à leurs citoyens accès à d’autres juridictions qui ont l’information ou les services qu’ils cherchent. Dans la chaîne de valeur, les gouvernements vont au-delà du simple guichet en intégrant des services jusque là fragmentés. Même si les exemples de tels services à valeur ajoutée sont encore rares, ils représentent la prochaine étape du gouvernement électronique. Le Canada, où les gouvernements fédéral et provinciaux ont uni leurs efforts pour offrir un guichet unique au monde des affaires, offre un bon exemple. http://www.cbsc.org/ontario/index.html Alliance Quasi-inexploité, le modèle de l’alliance pourrait constituer l’une des façons les plus puissantes d’utiliser la technologie Internet pour rendre le gouvernement plus efficace. Imaginez le scénario : avec des ressources nationales limitées et une complexité organisationnelle croissante, les gouvernements fédéraux transfèrent aux gouvernements subnationaux des responsabilités tout en se réservant le droit de fixer les normes. Sous leur forme numérique, au lieu de gérer les ressources et demandes des diverses régions via un gouvernement national de type descendant, les gouvernements fédéraux agissent en tant que centre d’un réseau de régions et de municipalités qui travaillent ensemble. Puisque toutes les régions doivent se conformer aux normes minimales de service élaborées par le gouvernement fédéral, elles peuvent collaborer efficacement – échanger des idées, regrouper leur pouvoir d’achat, partager leurs ressources – à un réseau coordonné au plan national. Un des premiers exemples est le National Clearinghouse for Criminal Justice Information Systems [Centre national d’échange sur les systèmes d’information de droit criminel]; c’est le résultat d’un travail conjoint entre le gouvernement fédéral des États-Unis et les 50 États, qui vise à partager information et pratiques exemplaires dans le domaine du droit. http://www.ch.search.org/default.asp Même si les changements dans la prestation de services gouvernementaux représentent un défi important pour l’ordre établi, la capacité de communiquer avec les citoyens d’une manière fondamentalement différente et si efficace constitue sûrement pour les politiciens et les fonctionnaires progressistes l’une des percées les plus excitantes. L’Internet est l’instrument qui crée de nouvelles formes d’interaction avec les citoyens, et qui leur permet de participer en temps réel au gouvernement et à la démocratie. Aujourd’hui, les « gens ordinaires » sont bombardés d’information comme jamais auparavant. La technologie est collaboratrice, immédiate, participative et habilitante. Elle favorise la transparence et la participation. Son influence se fera sentir dans toutes nos institutions de gouvernance. À l’ère numérique, la démocratie offrira – doit offrir – plus qu’un voyage aux urnes tous les quatre ans. Les citoyens exigeront de ne plus être des consommateurs passifs d’une propagande électorale servie par les candidats ou interprétée par les médias de masse; ils voudront devenir des partenaires actifs dans le processus de gouvernance. Et cela va transformer le système politique. La démocratie représentative va passer de la diffusion d’une politique de masse à des relations électroniques directes entre citoyens et politiciens. L’Internet place la barre un peu plus haut pour les politiciens. Il ne suffit plus dorénavant d’offrir des pages d’accueil qui véhiculent sur l’Internet toujours les mêmes messages partisans. La nouvelle norme, c’est la véritable interactivité, où les électeurs sont consultés individuellement et participent activement au processus politique. L’État-nation lui-même va changer. Tout comme le modèle d’aujourd’hui ne ressemble guère aux premières formes de l’État-nation telles qu’elles sont apparues dans la deuxième moitié du millénaire, le modèle de demain sera tout aussi différent. Il vaut la peine de se rappeler que plusieurs rôles de l’État-nation – la prestation des services sociaux et de l’aide sociale, par exemple – sont des caractéristiques relativement modernes, même si les citoyens d’aujourd’hui les prennent pour acquis. De nos jours, au moins quatre des concepts fondamentaux de l’État-nation moderne sont remis en cause. La culture nationale : Les États-nations sont construits sur la base que la nation est politiquement significative. Mais les migrations internationales et l’émergence d’une culture globale ont érodé l’homogénéité culturelle de nombreux États modernes. Nombre de pays fédérés doivent faire face à un défi particulier alors que leurs minorités culturelles ou ethniques transcendent les frontières physiques pour renforcer leurs liens à l’échelle internationale. Les pouvoirs exclusifs de fiscalité et de réglementation : Les pouvoirs les mieux enracinés de l’État-nation sont probablement ceux qui concernent la fiscalité et la réglementation, de même que l’emploi de ces pouvoirs au service d’objectifs sociaux et politiques. Mais la mondialisation a grandement restreint la capacité du gouvernement de taxer et de réglementer, limitant ce que peut faire le gouvernement national. Le territoire physique : Les États-nations sont des entités territoriales. Ceci présuppose que la géographie est une division politique à la fois nécessaire et pertinente. La croissance de communautés virtuelles, non géographiques, a réduit la signification du territoire géographique comme fondement d’une communauté. Un monopole sur le pouvoir militaire : L’autorité des États-nations repose essentiellement sur leur monopole de l’utilisation légitime de la force. Dans une grande mesure, les États-nations détiennent encore ce monopole, mais l’importance du pouvoir militaire s’est énormément amenuisée. Dans une économie globale, le pouvoir économique remplace souvent le pouvoir militaire en tant que source d’autorité internationale. Par ailleurs, les interventions militaires multilatérales – même si elles exigent encore l’autorisation des pays commanditaires – deviennent de plus en plus communes. L’économie mondiale a remplacé l’économie nationale. En 1972, l’intégration mondiale des marchés de capitaux traçait la voie vers l’effondrement du système de taux d’échange de Bretton Woods, soulignant les nouvelles limites de la capacité de tout gouvernement à maîtriser les forces économiques internationales. Dix ans plus tard, le gouvernement français de Mitterand s’est vu contraint à l’austérité fiscale par les courants commerciaux mondiaux. La concurrence mondiale fut, en 1992, un facteur principal de la création de l’Union européenne. Il n’est guère surprenant que les citoyens posent des questions appropriées quant à la pertinence et à la portée de l’autorité de leur palier de gouvernement principal. Même si c’est très inquiétant pour certains, il y a aussi une occasion à saisir. Et la façon dont les gouvernements réagissent va, en partie, soit renforcer soit miner leur prétention à une place légitime dans notre avenir. Le modèle fédéral fait face à des défis intéressants. Vous en faites déjà l’expérience avec une forme de gouvernement en réseau à mesure que les juridictions se partagent selon les différentes strates de gouvernement. Les citoyens qui vivent dans les pays fédérés sont habitués à avoir une multitude de relations multiples avec plusieurs paliers de gouvernement. Ceci constitue une expérience et une tradition qui peuvent être un atout à l’ère numérique. Toutefois, le gouvernement national fait face à un problème supplémentaire quand il s’agit de trouver son rôle dans un monde réseauté, du fait qu’il se trouve pris en sandwich entre les liens plus forts qui se créent simultanément avec les institutions mondiales et les paliers de gouvernement situés plus près du citoyen. En tant que citoyen du Canada, hôte de cette conférence, je me sens contraint de m’arrêter un moment aux événements qui touchent notre grand État-nation. Au grand découragement de la plupart des Canadiens, nous semblons être prisonniers d’un débat paralysant et sans fin sur notre avenir – débat ponctué d’orages périodiques d’activité provoqués par l’une ou l’autre partie, et qui se terminent inévitablement sans changement ni résolution – sauf celle de tout recommencer bientôt. Se peut-il qu’il s’agisse d’un débat périmé? Se peut-il que la trame de réseaux qui entoure la planète et les nouveaux défis de l’économie mondiale devraient amener des pays comme le Canada à s’élever au-dessus des interminables débats constitutionnels et à passer à une nouvelle façon de penser la structure et la nature même de la fédération? Se peut-il que l’ère numérique offre de nouvelles occasions de redéfinir la façon dont nous agissons ensemble dans ce vaste espace géographique? Dans le monde entier, nous assistons aux premiers balbutiements du gouvernement de l’ère numérique. De nouveaux modèles font leur apparition, mais il nous reste encore un bon bout de chemin à faire avant que les règles du jeu ne s’éclaircissent. Ce que nous savons maintenant, c’est que les gouvernements auront besoin de trouver de nouvelles façons de travailler, de nouvelles façons d’interagir avec le public, de nouvelles façons d’organiser leurs responsabilités, et de nouvelles formes de valeur à offrir au public. Au cours des prochaines années, nous verrons se répandre l’adoption de modèles qui, bien qu’adaptés à la culture de chaque gouvernement et société, partageront plusieurs caractéristiques. • La nouvelle technologie de réseaux éliminera les frontières entre les branches de gouvernement, et entre les gouvernements, à mesure que la prestation de services s’organisera autour des besoins des utilisateurs, et non plus des structures traditionnelles de services publics. • Des changements fondamentaux dans le gouvernement – et même dans les dispositions constitutionnelles – feront suite aux réformes des prestations de services à mesure que les citoyens exigeront des structures gouvernementales plus rationnelles pour la prestation de services. • Les nouveaux réseaux des gouvernements, de la société civile et du marché redéfiniront la nature des « services publics » à mesure que les frontières s’écrouleront et que l’on songera d’abord à déterminer qui est le mieux placé pour fournir des services de plus grande valeur. • Dans le cadre de l’élaboration de programmes et de la prestation de services, les citoyens participeront directement et largement aux décisions et à la création de valeur, remplaçant ainsi le processus descendant qui caractérise trop de processus gouvernementaux. • Un gouvernement centré sur le citoyen créera de nouveaux rôles pour les citoyens et fera ressortir la participation du citoyen à mesure que les systèmes de gouvernance réintroduiront la participation du citoyen, passant d’une démocratie de la diffusion à un modèle plus intime et plus immédiat. Ceci signifie aussi un véritable changement dans les notions traditionnelles de responsabilité et de gouvernance. Si ce que l’ère numérique offre, ce sont, entre autres, de nouvelles façons d’innover et de créer une nouvelle valeur, pouvons-nous, dans notre quête d’une nouvelle gouvernance, supporter qu’on prenne encore des risques, qu’on ait moins d’assurance, et même qu’on se glorifie de ses échecs? Pouvons-nous accepter une plus grande participation au processus de gouvernance, plutôt que d’y voir un inconvénient ou une menace? Les gouvernements actuels ont peu de marge de manœuvre; il leur en faudra davantage à l’avenir. On m’accuserait de ne présenter qu’un tableau partiel de la situation si je ne mentionnais pas deux facteurs qui empêchent la technologie Internet de contribuer à rendre plus solides et plus saines les institutions de gouvernance. La première chose, c’est que les gouvernements font un emploi abusif de la technologie pour attenter au droit des citoyens à la vie privée et limiter leur accès aux communications. Il y a malheureusement trop d’exemples du « Big Brother » pour qu’on fasse abstraction de ces préoccupations, et les citoyens ont raison de se refuser à concentrer trop d’information entre les mains de gouvernements abusifs. La deuxième chose, c’est la « faille numérique » qui existe actuellement, horizontalement dans le monde et verticalement dans les pays, même là où la masse de la population a facilement accès à l’Internet et aux ordinateurs. Aux États-Unis, on parle maintenant d’un « fossé racial » alors que l’on publie des statistiques inquiétantes sur les nouvelles technologies et les groupes minoritaires. Il revient aux gouvernements et au secteur privé de résoudre ces problèmes. Mais j’envisage l’avenir avec exaltation et optimisme. Harold Innis, ce grand historien canadien, et Marshall McLuhan, son élève, ont noté que les nouveaux médias ont hâté les changements politiques dans l’histoire. Innis écrivait, en 1953 : Les monopoles et les oligopoles du savoir ont été construits ... (pour soutenir) des forces essentiellement sur la défensive, mais l’amélioration de la technologie a renforcé la position de forces en pleine offensive et imposé des réarrangements en faveur du vernaculaire. L’invention des parchemins en papyrus et de l’alphabet fut un facteur déterminant de la démocratie limitée de la Grèce antique. Le papier et l’imprimerie menèrent à la Réforme, la fin du système féodal et l’apparition des premiers exemples de démocratie parlementaire moderne. À l’aube du XXIe siècle, la richesse découle du savoir – un atout plus accessible que jamais. La répartition du vrai pouvoir, si ce n’est le pouvoir officiel, est en train de changer. Nous vivons à une époque où la confiance dans les dirigeants politiques est tombée à un niveau dangereusement bas, et la participation aux événements démocratiques est en déclin dans la plupart des pays. Mais il serait futile d’entreprendre, dans le présent contexte, de réamorcer la participation des citoyens sans avoir compris au préalable, puis accepté les changements fondamentaux qui ont lieu dans l’économie et la société. Ne vous méprenez pas sur mes propos. Ce seront les gens, et non la technologie, qui guideront la réforme qui doit avoir lieu. Si on leur donne les instruments nécessaires, les gens exploreront, créeront, innoveront et repousseront les limites. C’est pourquoi, malgré les obstacles, je garde espoir. Dans le contexte global, la voie vers une gouvernance revitalisée est encore loin d’être ouverte, mais l’avènement de l’ère de l’intelligence réseautée ne peut que faciliter les choses.

Forum of Federations / Forum des fédérations

forum@forumfed.org