Conférence internationale sur le fédéralisme

Mont-Tremblant, octobre 1999

Séance 9) Plénière : Rapport sur la plénière jeunesse RAPPORT DU RAPPORTEUR SUR LA PLÉNIÈRE JEUNESSE Marie-France Pelletier Conseillère politique auprès du premier ministre du Nouveau-Brunswick, Canada

Distingués invités et chers participants, Comme l’a indiqué M. Voscherau, je m’appelle Marie-France Pelletier. Je suis une Acadienne du Nouveau-Brunswick, donc membre d’une communauté minoritaire qui réussit à s’épanouir et à se développer dans un contexte fédératif, celui du Canada. On m’a confié la lourde tâche de rendre compte des points de vue et opinions exprimés par un groupe très diversifié de délégués qui constituent la délégation jeunesse. Les débats qui ont caractérisé la séance plénière des jeunes hier ont été animés, intelligents et très diversifiés. Je dois maintenant vous résumer, en quinze minutes à peine, toute l’effervescence manifestée par ces 87 délégués. Comme me l’a confié un de mes collègues à la fin de la séance : « Lorsque j’ai appris que t’allais donner le rapport jeunesse, j’ai cru que t’avais beaucoup de chance. Maintenant je n’en suis pas si certain. » À vrai dire, à 2 heures du matin, lorsque j’ai terminé la première ébauche de mon texte, je n’étais pas si certaine d’avoir de la chance non plus. Je m’efforcerai donc de rendre les propos de façon aussi juste que possible. Par ricochet, j’ai aussi la tâche inattendue de donner une voix féminine à cette Conférence. Comme l’ont déploré la quasi-totalité des jeunes, les femmes ont été à peu près absentes des panels des plénières générales et des tables rondes. C’est une omission malheureuse qui sera sans doute corrigée à l’avenir. Permettez-moi maintenant de dire quelques mots sur la formule des discussions lors de la plénière jeunesse. Les participants se sont répartis en onze groupes de discussion d’environ huit personnes chacun. On leur a demandé de discuter de quatre questions que j’énumère à l’instant : • Quels sont les principaux enjeux auxquels les gouvernements fédéraux devront faire face à l’avenir? • Quelles questions les décideurs et les politiciens devraient-ils considérer comme étant des priorités? • Quelles questions importantes n’ont pas été abordées pendant cette Conférence? • Comment allez-vous mettre en pratique dans votre pays ou votre communauté ce que vous avez appris pendant la Conférence? Vous comprenez donc que les discussions ont été très animées. QUESTIONS CRITIQUES POUR L’AVENIR Les participants ont identifié un certain nombre de questions et de défis auxquels les systèmes fédératifs devront faire face à l’avenir. Entre autres, ils et elles ont déterminé ce qui suit : • Il sera nécessaire de mieux reconnaître les identités nationales, les groupes minoritaires, et notamment les groupes autochtones, à l’intérieur des fédérations. Il faudrait idéalement assurer une participation ou, à tout le moins, la consultation de ces groupes lors de la négociation d’ententes internationales ou encore lors des prises de décision dans un cadre national. • Il faut aussi reconnaître que les États fédérés doivent avoir les pouvoirs nécessaires afin de servir l’intérêt public, mais qu’il est aussi nécessaire d’avoir des stratégies communes de développement économique et des standards nationaux pour assurer une équité socio-économique à l’échelle de la fédération. Avant tout, c’est un équilibre entre les droits et les responsabilités fédérales et provinciales qu’il faut établir. • Les systèmes fédératifs devront aussi déterminer de quelle manière ils évolueront dans le contexte de la globalisation. • Ainsi que j’y ai fait allusion plus tôt, on estime qu’il faut en arriver à des partenariats égaux entre le gouvernement, la société civile et l’économie. Plusieurs éléments de la société civile sont marginalisés, et il faut tenir compte des groupes nationaux, accepter le pluralisme et instaurer la tolérance dans les systèmes fédératifs. • Il faudra redéfinir un nombre minimum de principes de base que tout système fédératif doit respecter. Ces principes de base devraient s’appliquer aux droits de la personne et indiquer la façon de les promouvoir et de les protéger dans le système fédératif. • Les fédérations doivent identifier des mécanismes de partage des intérêts entre les régions riches et les régions pauvres. Elles devront trouver des façons pour que les politiques sociales et les transferts de péréquation favorisent le développement et non la dépendance. • Les fédérations doivent aussi examiner le recours à divers modèles de démocratie à l’intérieur de leurs propres frontières comme la participation directe dans le cadre de consultations référendaires ou l’engagement représentationnel. PRIORITÉS DES POLITICIENS ET DES DÉCIDEURS Évidemment, lorsque l’on parle de questions prioritaires auxquelles devraient s’attarder les politiciens et les décideurs, les thèmes se recoupent un peu. Ainsi, les participants ont identifié un certain nombre de priorités : • Les fédérations devraient examiner le rôle des multinationales. La globalisation a un côté humain et les fédérations doivent se préoccuper aussi de ces intérêts. • Les fédérations devraient favoriser le développement économique symétrique. • Les fédérations devraient aborder la question de l’accroissement des disparités culturelles, sociales et raciales. Elles devraient aussi veiller à l’égalité entre leurs membres. • Dans le contexte de la globalisation, les fédérations doivent protéger la participation à la vie politique des citoyens et des groupes. Elles doivent faire l’effort d’expliquer les principes fédératifs aux citoyens qui ne font pas partie de la classe politique. En d’autres termes, elles doivent faire en sorte que le fédéralisme et ses principes soient moins une affaire d’élite politique. • Certaines fédérations devront rebâtir leur pays et veiller à la réconciliation après la décolonisation. • Certains ont suggéré que les systèmes fédératifs prennent du recul et examinent systématiquement, tous les dix ans, le mécanisme de transfert des pouvoirs. • Les fédérations devront toujours avoir présentes à l’esprit les questions de droits de la personne comme l’éducation, le bien-être social et la sécurité. QUESTIONS QUI N’ONT PAS ÉTÉ ABORDÉES À LA CONFÉRENCE Dans un esprit de critique constructive, les participants ont identifié certaines questions qui n’ont pas été abordées lors de cette Conférence. Ces questions et points de vue pourraient fort bien servir à l’élaboration de conférences futures : • Il y aurait avantage à définir certaines notions dès le début de la conférence. Dans le cas qui nous intéresse ici, il aurait été avantageux de donner une définition de fédéralisme et de globalisation, afin que tous les participants puissent travailler avec des notions communes. • Plusieurs jeunes estiment que les conférences devraient s’intéresser un peu moins aux problèmes de l’Ouest et du Nord, et davantage aux questions qui préoccupent le Sud. En conséquence, il faut discuter davantage des fédérations nouvelles et en voie de développement. Les enjeux des nouvelles fédérations et des fédérations plus anciennes peuvent différer. Pour les jeunes fédérations par exemple, la lutte à la corruption pose un défi de taille. • On a parfois eu l’impression que les débats étaient trop éloignés des problèmes de certains pays au lieu d’aider à construire une image consolidée du fédéralisme, non seulement dans son propre pays, mais aussi par rapport à d’autres pays. • Il pourrait y avoir un débat sur les échecs fédératifs et sur les écueils du fédéralisme. Que se passe-t-il quand une fédération s’écroule? • Non seulement faudrait-il davantage de femmes au sein des panels, comme je l’ai déjà mentionné, mais on pourrait aussi débattre des répercussions des structures fédérales sur la participation des hommes et des femmes. • Plusieurs participants ressentent le besoin de redéfinir les questions et les politiques environnementales. • Qu’est-ce que la souveraineté, et comment se définit-elle dans les États fédérés et non fédérés? • Quel est le rôle du pouvoir judiciaire dans le fédéralisme? • Il pourrait y avoir un débat sur des organismes supranationaux comme l’Union européenne et l’ALÉNA, par exemple. Ces organismes pourraient être perçus comme des exemples de véritable fédéralisme mondial. • À tout le moins, il devrait y avoir un débat sur le rôle de la jeunesse au sein des fédérations. MISE EN PRATIQUE DES LEÇONS APPRISES Les jeunes sont unanimes à dire qu’ils ont appris en participant à cette Conférence. La Conférence a servi à élargir nos horizons. Nous avons été mis au courant de problèmes qui existent au Canada et ailleurs. Nous serons en mesure d’appliquer chez nous les renseignements et les expériences de pays autres. Plusieurs d’entre nous ont pu mettre en perspective les défis de leur propre pays. Ces enjeux ne sont peut-être pas si importants si, par exemple, on les compare aux menaces de guerre civile. Les participants n’ont pas oublié qu’ils sont aussi des observateurs et qu’à ce titre, ils doivent faire connaître ce qu’ils ont appris. Ils entendent le faire de l’une des façons suivantes : • Contribution dans le cadre de leurs études, de la fonction publique et de groupes communautaires. • Organisation de conférences sur le fédéralisme et organisation de groupes de discussion informels de personnes engagées dans des partis politiques et représentatives de tous les groupes nationaux. • Reprise en main de programmes éducatifs dans nos pays, possiblement avec les ressources acquises dans le cadre du forum. • Action au niveau des associations d’étudiants, des groupes communautaires et dans nos rapports avec les divers niveaux de gouvernement. Par exemple, lorsque nous avons décidé de former une association de jeunes dans ma province, nous avions étudié tous les modèles associatifs à notre disposition. Nous avions alors choisi de nous unir sous forme de fédération puisque c’est le modèle qui nous offrait une plus grande occasion de réunir tous les genres de groupes de jeunes existants et de leur donner une voix égale au sein de notre organisme. Voilà le genre d’applications concrètes qui pourra résulter de notre expérience à cette Conférence. En guise de conclusion, j’aimerais me permettre un commentaire personnel. J’ajoute que cette Conférence m’a été d’une utilité formidable. Il y a à peine trois mois, j’ai commencé à travailler à titre de conseillère en politiques sociales auprès d’un gouvernement nouvellement élu, imbibé du désir d’améliorer le sort de notre province dans le contexte d’une fédération qui, je l’espère, sera forte, unie, mais surtout respectueuse de toutes ses composantes. Les échanges et les discussions de cette semaine me seront d’un concours indispensable dans le cadre de mon travail et je me sens tout à fait privilégiée d’avoir pu y participer. Je veux ainsi prendre le temps de remercier les organisateurs de la Conférence et les nombreux bénévoles qui ont participé au succès de cette rencontre. Alors que la plupart de vous vous dirigez vers vos pays d’origine, les participants jeunesse se rendent maintenant à Ottawa pour la deuxième partie de leur programme. C’est là que nous mettrons en application tous les principes que nous venons d’apprendre dans le cadre d’une simulation d’une conférence intergouvernementale, dont le scénario a été conçu par le professeur Jonathan Rose de l’Université Queen’s, en Ontario. Alors voilà le rapport jeunesse. J’aurais sûrement pu ajouter mille et une choses, mais j’espère que j’ai quand même bien su rendre l’essentiel des débats et des points de vue des jeunes. Merci encore une fois et bonne fin de Conférence.

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