Conférence internationale sur le fédéralisme

Mont-Tremblant, octobre 1999

Séance 9) Plénière : Rapports thématiques RAPPORT DU RAPPORTEUR SUR LE THÈME « CITOYENNETÉ ET DIVERSITÉ SOCIALE » Michel Rosenfeld Professeur « Justice Sydney L.Robins » de droit de la personne Benjamin N. Cardozo School of Law, New York, É.-U.

INTRODUCTION Le thème « Citoyenneté et diversité sociale » a fait l'objet d'une séance plénière et de huit tables rondes, animées par des politiciens et des universitaires éminents de tous les coins du monde. Nous avons abordé plusieurs sujets importants et échangé une multitude de vues. Même si, comme nous le prévoyions, nous n'en sommes pas arrivés à un consensus, nous nous sommes entendus sur un certain nombre d'éléments clés. Premièrement, en règle générale, le fédéralisme est mieux adapté à la diversité sociale que les formes d'organisation politique unitaires. Deuxièmement, bien qu'il existe quelques points de convergence, les solutions fédéralistes particulières aux problèmes de diversité sociale sont profondément ancrées dans l'histoire, la culture et la tradition, et, par conséquent, ne peuvent s'adapter facilement d'un pays à l'autre. Et, troisièmement, l'apparition de formes d'organisation politique supra-nationales, comme l'Union européenne, offre de nouvelles possibilités et de nouveaux défis pour la répartition du pouvoir entre les groupes importants dans les régimes socialement diversifiés. Comme l'a signalé le professeur Will Kymlicka, membre du comité organisateur du thème « Citoyenneté et diversité sociale » (les autres membres étaient : Thomas Fleiner, José del Val Blanco, Ronald Watts et Ricky Richard), dans la séance plénière, l'échange devait se faire selon un schéma du genre : 1) les instruments disponibles pour travailler à la diversité sociale, et 2) les différentes sortes de diversité qui peuvent se trouver dans les différents régimes. Les instruments en question devaient être divisés en deux grandes catégories : les modèles du partage du pouvoir et les modèles de protection des droits constitutionnels. Les différentes sortes de diversité, d'un autre côté, devaient comprendre : la diversité nationale, linguistique, religieuse et régionale, de même que la diversité liée aux peuples autochtones et celle résultant de l'immigration. LA SÉANCE PLÉNIÈRE Cette séance, qu'animait le professeur Kymlicka, avait comme objectif de relever les questions principales pour analyser et étudier le fédéralisme comme moyen d'encadrer la diversité sociale. De façon plus générale, le défi est de trouver un moyen de promouvoir et l'unité et la diversité, et de répondre aux besoins d'identité et de différence. Dans toute unité pluraliste ou multiculturelle d'organisation politique, il semble que la meilleure façon d'éviter la fragmentation du tout en parties ou l'absorption des parties en un tout au point de produire une éradication politique virtuelle, c'est d'institutionnaliser le partage du pouvoir. Le partage du pouvoir sert en effet de médiateur entre l'unité et la diversité, et les différents modèles de partage du pouvoir sont susceptibles d'influencer la nature et l'étendue de l'unité et de la diversité, ainsi que la relation entre les deux. Les modèles de partage du pouvoir qui entourent le fédéralisme sont limités, d'un côté par ceux qui sont inclus dans le concept de confédération, et, de l'autre, par ceux qui se classent sous la rubrique de décentralisation. En règle générale, les confédérations offrent une unité plus faible pour l'ensemble, mais une plus grande autonomie pour les parties que le fédéralisme; la décentralisation, au contraire, offre une plus grande unité pour l'ensemble, mais une autonomie plus faible pour les parties que le fédéralisme. Si les divers modèles de partage du pouvoir offrent une multitude d'instruments pour négocier les tensions entre unité et diversité, les divers modèles de citoyenneté et de protection des droits constitutionnels associés à cette dernière fournissent des instruments utiles pour le projet d'alliage entre identité et différence. Qui a droit au statut de citoyen?... et comment accède-t-on à ce statut? Ce sont des questions qui se posent en même temps que l'on définit l'identité d'un régime. On détermine de quels droits constitutionnels disposent les citoyens, mais on délimite aussi l'ampleur des différences compatible avec l'égalité des droits entre citoyens. Les trois conférenciers à la séance plénière - B. P. Jeevan Reddy, président de la Commission de droit de l'Inde, Alex I. Ekwueme, ancien vice-président du Nigéria, et Ghislain Picard, chef régional (Québec et Labrador) de l'Assemblée des Premières Nations au Canada - ont mentionné les forces et les faiblesses du fédéralisme selon leurs points de vue respectifs. M. Reddy a souligné que toutes les fédérations sont la résultante du contexte socio-historique particulier dans lequel elles s'inscrivent. De plus, il a loué la nature et la souplesse du fédéralisme indien, qui a joué un rôle clé en accueillant une démocratie active dans un pays confronté à un grand nombre de défis énormes résultant de sa diversité ethnique, religieuse et linguistique, sans compter la seule taille de sa population. Les caractéristiques les plus importantes du fédéralisme indien sont sa souplesse et la grande puissance de son gouvernement central. Celle-ci s'est avérée être la clé du succès de l'Inde, qui arrive à gérer les tensions entre ses diverses populations. De plus, comme les États n'ont aucun droit constitutionnel permanent, le gouvernement central a pu modifier la configuration des États de façon à mieux servir les diverses différences, et surtout les différences linguistiques, entre plusieurs groupes territoriaux distincts. M. Reddy a mentionné que le fédéralisme ne pouvait exister sans une constitution, et il a attiré l'attention sur la puissante Charte des droits indienne et son engagement à la laïcité et à la protection de la liberté religieuse. En fin de compte, les droits fondamentaux garantis par la Constitution dépendent de la protection de la Cour suprême, et ils assurent une mesure importante d'uniformité des droits à travers le pays. D'un autre côté, la réorganisation, par le Parlement, des frontières étatiques pour mieux servir les différences linguistiques, combinée à la responsabilité des États en matière d'éducation, donne un cadre pratique à la protection de la diversité. Somme toute, selon M. Reddy, le fédéralisme peut, à lui seul, gérer la diversité sociale, et, la Cour suprême jouant le rôle de l'arbitre ultime, l'Inde a su maintenir un équilibre entre unité et diversité. M. Ekwueme, le deuxième conférencier, a étudié le fédéralisme à partir de la situation de son Nigéria natal, qui, avec ses 400 différents groupes ethniques, cherche à réaliser, par le fédéralisme, « l'unité dans la diversité ». Les tentatives du Nigéria de gérer avec succès sa diversité par le fédéralisme ont commencé avant son indépendance de la Grande-Bretagne en 1963, et se poursuivent encore aujourd'hui. Malheureusement, cette recherche a été contrariée pendant la quasi- totalité de la période post-coloniale du pays, qui a connu deux longues périodes de centralisation militaire, entre 1966 et 1979 et entre 1983 et 1999. Alors que son pays émerge de la loi militaire, M. Ekwueme a surtout souligné que le fédéralisme ne peut pas vraiment fonctionner sans la démocratie, et a dit qu'il entrevoyait avec optimisme un Nigéria démocratique capable de relever ses grands défis avec succès et d'établir un fédéralisme effectif. Maintenir l'unité tout en promouvant la diversité au Nigéria pose de graves problèmes, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, ce pays a une diversité religieuse et une population musulmane importante. Cela pose un défi au niveau de l'intégration politique des diverses communautés religieuses. Par exemple, au Nigéria du Nord, où prédomine la religion musulmane, les cours suivent la Sharia, une loi religieuse tirée du Coran. Les décisions de ces cours sont toutefois sujettes à être revues par la Cour suprême du Nigéria. Deuxièmement, le pays a vécu une expérience traumatisante avec la tentative de sécession du Nigéria de l'Est sous le nom de République du Biafra, et la guerre civile qui a suivi. Et, troisièmement, trouver l'équilibre optimal entre les diverses régions, et entre celles-ci et le pouvoir fédéral pour harmoniser unité et diversité s'est avéré délicat. Par exemple, sous la loi militaire, le nombre d'entités fédérales s'est multiplié, mais cela a nuit à l'autonomie locale plutôt que de la favoriser. C'est, en partie, à cause des tendances centralisatrices du pouvoir militaire centralisateur, mais aussi, en partie, à cause de la dispersion du pouvoir des principaux groupes ethniques provoquée par la réduction de leur influence liée à leur fragmentation en un nombre croissant d'unités fédérées. Bref, là où l'on a besoin du fédéralisme pour renforcer l'autodétermination ethnique et promouvoir l'harmonie entre les différents groupes ethniques, diviser les groupes ethniques en unités plus petites peut être aussi nuisible à leurs aspirations politiques que de les agglomérer à d'autres groupes ethniques pour former des unités subnationales plus larges. M. Picard, le dernier conférencier, s'est concentré sur le fédéralisme canadien du point de vue de la population autochtone de son pays, les Premières Nations. Selon M. Picard, le fédéralisme canadien s'est avéré un échec puisqu'il a systématiquement ignoré ou desservi les intérêts et les aspirations des Premières Nations. Malgré cette conclusion, du point de vue des Premières Nations, celles, du moins, qui habitent au Québec, le fédéralisme canadien actuel est mieux qu'un Québec indépendant. M. Picard a souligné que la grande majorité de ceux qui appartiennent aux Premières Nations avait voté contre l'indépendance du Québec au dernier référendum de cette province à ce sujet. Et la raison en était que les Premières Nations étaient convaincues qu'un Québec indépendant serait encore moins ouvert à leur culture que ne l'est présentement la fédération canadienne. Dans sa critique du fédéralisme canadien, M. Picard utilise l'argument principal que le fédéralisme canadien est essentiellement biculturel plutôt que multiculturel. Comme il l'a mentionné, trois cultures différentes cohabitent au Canada : anglophone, francophone et autochtone. Malgré leurs différences, anglophones et francophones partagent une culture occidentale qu'ils ont imposée dans tout le pays sans tenir compte des valeurs fondamentales de la culture autochtone. De plus, les valeurs occidentales ont souvent été imposées par la contrainte. Par exemple, le fédéral a envoyé ses troupes et ses chars d'assaut lorsque des membres des Premières Nations ont tenté de protéger un territoire qu'ils considèrent sacré et dont on voulait faire un terrain de golf. Selon M. Picard, la liste des griefs légitimes des Premières Nations est longue, et la réceptivité des autorités provinciales et fédérales reste plutôt lamentable. Dans cette perspective, il croit que le fédéralisme canadien pourrait éventuellement réussir, mais seulement si celui-ci s'engage sincèrement à tenir compte des trois cultures principales du pays. LES TABLES RONDES Huit tables rondes ont étudié la « citoyenneté et la diversité sociale ». Deux d'entre elles s'attardaient aux instruments disponibles pour s'adapter à la diversité sociale, alors que les six autres exploraient les différentes sortes de diversité susceptibles d'apparaître dans les différents régimes. A) Les « instruments » fédéralistes pour s'adapter à la diversité sociale 1) Modèles de partage du pouvoir Jos Chabert, de Belgique, vice-président du Comité des régions de l'Union européenne, et Ramazan Abdulatipov, ministre fédéral et conseiller spécial aux Affaires des nationalités en Russie, animaient cette table ronde qui étudiait la relation entre les divisions fédérales du pouvoir et la démocratie. Les échanges ont surtout tourné autour de l'Union européenne et de la Russie, mais des participants de différents pays, certains à structure fédérale et d'autres, non, sont intervenus. Les propos de M. Chabert se rapportaient surtout à l'Union européenne. Il a souligné que le fédéralisme n'est pas un concept univoque, et qu'à l'intérieur même de l'Union européenne, les membres s'en faisaient des conceptions très différentes. Les Allemands, par exemple, voient le fédéralisme comme un arrangement institutionnel très spécifique quant au partage du pouvoir entre l'autorité centrale et celle des entités fédérales. L'Angleterre, au contraire, voit le fédéralisme européen comme un moyen de centralisation des pouvoirs à Bruxelles.

M. Chabert a mentionné que, en général, les politiciens s'intéressent aux résultats plutôt qu'aux définitions, et utilisent une approche pragmatique pour aborder le sujet, ce qui, bien souvent, mène à un accord. Il a ajouté que même si le fédéralisme est loin d'être parfait, la fédéralisation de l'Europe en Union européenne, constituée de 15 pays, doit être perçue comme un grand succès, ne serait-ce que parce qu'elle a mis fin aux guerres dans une région qui a déclenché deux guerres mondiales au cours de la première moitié du XXe siècle. En ce qui a trait à l'organisation spécifique du partage du pouvoir dans le contexte de l'Union européenne, elle ressemble, à certains égards, à celle d'autres fédérations, et en diffère, à d'autres. Comme plusieurs autres fédérations, l'Union a des pouvoirs exclusifs et des pouvoirs concurrents qu'elle partage avec ses États membres. Les pouvoirs exclusifs, définis dans les traités européens, comprennent : l'union des douanes, le marché intérieur, une politique agricole commune, une approche commune de pratiques nuisibles à la concurrence, et l'union économique et monétaire. Du reste, en ce qui concerne ses pouvoirs exclusifs, l'Union européenne travaille par le biais de ses propres institutions, le Parlement, le Conseil, la Commission et la cour de justice. En ce qui concerne ses pouvoirs concurrents - qui comprennent : la politique environnementale, la recherche scientifique, les transports, la politique sociale, mais aussi, et il faut le souligner, la culture, l'éducation, la santé publique et le domaine judiciaire - l'Union européenne collabore avec les États membres et même, dans certains cas, avec les régions sous-nationales. Dans le domaine des pouvoirs concurrents, le principe de subsidiarité restreint le rôle de l'Union. En vertu de ce principe, l'Union ne peut intervenir légitimement que si les États membres ou les régions ne peuvent le faire, ou lorsqu'ils ne peuvent le faire de façon efficace. La structure interne des 15 pays qui sont actuellement membres de l'Union rend plus complexe le système fédéral que celle-ci a mis en place. Des 15 pays, seulement trois - l'Allemagne, l'Autriche et la Belgique - ont une structure fédérale. Les autres pays ont des degrés variables de régionalisation et de décentralisation. Par exemple, l'Espagne, avec ses « comunidades autonomas », peut être considérée comme à demi fédéralisée, alors que la France et l'Italie semblent se rapprocher d'une plus grande décentralisation par le biais de leurs « régions ». Finalement, le Royaume-Uni, avec son récent transfert de pouvoirs à l'Écosse, au Pays de Galles et à l'Irlande du Nord, semble être en train de mettre sur pied un autre modèle de partage de pouvoir. Dans ce cadre établi par l'Union européenne, le partage du pouvoir se fait sur deux, si ce n'est trois plans. Premièrement, le pouvoir se partage entre l'Union et les États membres, deuxièmement, entre les États membres et les régions qu'elles abritent. Et, troisièmement, de plus en plus entre l'Union et les unités subnationales. En effet, comme l'a fait remarquer un participant écossais, le simple fait que des unités subnationales comme l'Écosse puissent participer à quelques réunions de l'Union qui se déroulent à Bruxelles contribue à leur donner une voix dans les affaires de l'Union même si, officiellement, celle-ci a plus tendance à écouter les États membres que les régions. Pour conclure, M. Chabert a souligné que l'État-nation tel qu'il est apparu à la fin du XIXe siècle était assez dépassé dans le contexte de l'Union européenne. De plus, le transfert des pouvoirs de l'État-nation aux institutions supranationales n'était en aucun cas limité à l'Union, mais est devenu une tendance généralisée depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Par exemple, une partie importante du pouvoir militaire traditionnel de l'État-nation a été transférée par plusieurs États européens, entre autres, à des organismes internationaux comme l'OTAN. En général, le double mouvement de transfert des pouvoirs aux institutions supranationales, d'un côté, et aux régions infranationales, de l'autre, doit être vu comme encourageant une plus grande coopération pacifique et une intégration économique à une époque de mondialisation, de même que mettant l'accent sur la démocratie locale quant aux sujets qui restent près des citoyens, comme l'instruction et la culture. Bref, M. Chabert a suggéré que l'Union européenne devrait être vue comme une expérience pragmatique continuelle qui cherche à marier efficacité économique et pouvoir démocratique. Ces conclusions n'étaient pas unanimement partagées, et elles ont provoqué un débat animé. Un participant suisse, par exemple, a fait remarquer que, à son avis, l'adoption par l'Union de l'euro, la devise actuelle, était un pas de plus vers la centralisation et l'accumulation excessive du pouvoir à Bruxelles. Dans la même optique, l'Union a d'abord été perçue comme maximisant les objectifs économiques, ce qui a entraîné un déficit démocratique grandissant. D'autres rejetaient cette analyse, et plusieurs conférenciers provenant d'autres régions - et particulièrement de pays fédéraux économiquement désavantagés - ont noté que quels que soient les défauts du fédéralisme de l'Union européenne, ils ne sont pas bien graves en comparaison avec ceux des régions moins fortunées du monde. Relativement parlant du moins, le fédéralisme de l'Union européenne devait être vu comme un grand succès économique et démocratique. Les commentaires de M. Abdulatipov se sont concentrés sur la Russie, et ont entraîné un débat sur la façon dont le fédéralisme pouvait rassembler des unités subnationales disparates alors que quelques-unes d'entre elles réclament la sécession; M. Abdulatipov a accordé une attention particulière au problème de la Tchétchénie. Il a commencé par souligner que le fédéralisme est le plus démocratique de tous les systèmes politiques, et que celui-ci ne peut même pas exister dans les régimes totalitaires et dictatoriaux. Ce qui est le plus important pour le fédéralisme, c'est qu'il y ait accord sur la division des pouvoirs pour qu'il y ait équilibre entre le gouvernement central et les communautés locales. Le fédéralisme doit être établi par des accords ou défini et délimité dans la constitution. En Russie, l'accord sur la division des pouvoirs fait maintenant partie intégrante de la Constitution. La Constitution russe reconnaît trois paliers de pouvoir : celui du gouvernement fédéral, celui des États, et celui des administrations locales ou régionales. Quelques-uns des pouvoirs reconnus par la Constitution russe sont exclusifs alors que d'autres sont concurrents. Un problème principal qui découle du système constitutionnel actuel, c'est qu'il existe dans le système un excès de pouvoirs concurrents. De plus, la Constitution russe ne définit pas assez clairement les limites entre les différentes juridictions. Ces problèmes doivent être résolus par l'adoption d'une approche unifiée, basée sur le droit. Il se pose aussi le problème de trouver un équilibre approprié entre centralisation et décentralisation. Les implacables conflits sur le séparatisme risquent d'affaiblir le gouvernement central au point de conduire vers une nouvelle dictature. Finalement, M. Abdulatipov a souligné qu'on ne devrait pas idéaliser le fédéralisme ou surestimer son potentiel, mais qu'il donne un moyen pratique, à défaut d'être facile, de résoudre les différends. Le débat qui a suivi l'exposé de M. Abdulatipov a surtout porté sur les problèmes en rapport avec la Tchétchénie. Beaucoup ont critiqué le manière dont la Russie a réagi face à la tentative de sécession de la Tchétchénie. Un participant a suggéré que la Russie pouvait tirer des leçons du Canada en ce qui a trait au référendum sur le séparatisme, et qu'elle pourrait s'inspirer de certains principes récemment élaborés par la Cour suprême du Canada. Plusieurs participants russes ont répondu à ces critiques. Leurs commentaires n'étaient pas unanimes, mais on peut résumer les points les plus importants comme suit. La Russie est un intéressant chantier en construction. Avec ses 22 républiques différentes, elle résout, grâce à des accords, des problèmes entre celles-ci et le gouvernement central. De tels accords sont, de plus, élaborés de façon à s'harmoniser avec les traités pertinents qui lient les diverses républiques au gouvernement central. La Russie est, fondamentalement, une fédération constitutionnelle basée sur un traité et, quand il est nécessaire de résoudre des conflits sans en provoquer de nouveaux, on donne la priorité aux traités plutôt qu'à la Constitution. Un des problèmes du fédéralisme russe, c'est qu'il n'est pas encore suffisamment développé. La Russie a des lois avancées sur le multiculturalisme et l'autonomie autochtone qui semblent tout à fait capables d'éviter les conflits. Ce qui manque, malheureusement, c'est le savoir-faire quand vient le temps d'appliquer ces lois. La Fédération russe est un chantier en construction dynamique et en plein essor. Elle doit être perçue comme une grande famille ancrée dans une tradition commune. Si elle doit devenir une famille efficace, les solutions ne peuvent pas toujours être dictées par le Centre aux républiques fédérées. Tant et aussi longtemps que les traditions communes sont assez fortes, les différences doivent être acceptées et satisfaites sans mettre en danger l'unité. Les opinions étaient toutefois partagées en ce qui concerne la Tchétchénie. Quelques-uns l'ont vue comme une menace pour l'unité de la fédération qui s'étend bien au-delà de son territoire; d'autres, même s'ils ne sont pas d'accord avec le mouvement sécessionniste de la Tchétchénie, ont insisté sur le fait qu'il était urgent de trouver une solution politique pacifique. Finalement, étant donné la complexité et les difficultés qui affectent le fédéralisme russe, un participant canadien a suggéré qu'une institution comme la Cour suprême du Canada, qui a des représentants des quatre coins du Canada, pouvait jouer un rôle constructif légitime comme arbitre ultime, agissant selon les limites permises par la loi. 2) Modèles de citoyenneté Les droits actuels des citoyens sont cruciaux et évoluent rapidement, offrant, par conséquent, plus de questions que de réponses. De plus, la citoyenneté fédérale permet une grande souplesse, mais introduit aussi des problèmes supplémentaires. En termes très généraux, la citoyenneté moderne tourne autour de deux axes principaux qui se caractérisent, respectivement, comme l'axe de l'identité et l'axe de la distribution. En termes d'identité, la citoyenneté lie tous ceux qui appartiennent à la même communauté - qu'elle soit nationale, ethnique, religieuse, linguistique ou toute autre collectivité qui se démarque distinctement et qui fait preuve d'une certaine cohésion. En termes de distribution, d'autre part, la citoyenneté donne droit à certains bénéfices de même que la base pour l'imposition de certaines responsabilités (par rapport aux autres citoyens ou à l'entité dont on est citoyen). Jean-Claude Thébault, de l'Union européenne, directeur de la cellule de prospective de la Commission européenne, et Ed Broadbent, du Canada, chercheur en sciences politiques à l'Université Queen's, animaient cette table ronde. Comme les modèles de citoyenneté - sans parler de la citoyenneté fédérale - se développent rapidement, et comme abondent les conceptions à propos de ce que la citoyenneté dans le monde contemporain devrait être, cette table ronde s'est avérée fort utile, offrant un guide utile pour le terrain accidenté dans lequel se trouve ancrée la citoyenneté. Je vais donc me concentrer sur les questions les plus importantes qui ont été traitées, c'est-à-dire le fédéralisme, la mondialisation, et la récente intensification des liens de l'identité collective subnationale. La citoyenneté est un moyen d'inclusion et d'exclusion qui se trouve autant au niveau de l'identité que de la distribution. Au premier abord, la citoyenneté fédérale semble être plus un moyen d'inclusion que d'exclusion - comme en témoigne, par exemple, le 14e amendement à la Constitution américaine, qui stipule que tout citoyen des États-Unis a aussi droit de recevoir la citoyenneté dans l'État dans lequel il ou elle habite. Plus précisément toutefois, la citoyenneté fédérale peut aussi être transformée en un instrument d'exclusion. Par exemple, la différenciation entre citoyenneté nationale et subnationale peut éventuellement ouvrir la voie de la sécession à la citoyenneté commune de l'entité subnationale. L'avantage indéniable de la citoyenneté fédérale sur son homologue unitaire, c'est qu'elle permet d'intégrer divers niveaux de citoyenneté d'une manière plus susceptible de minimiser les tensions entre inclusion et exclusion. L'intégration au niveau fédéral axée d'abord sur les questions de distribution peut, semble-t-il, réduire les tensions provoquées par l'existence de groupes de citoyens d'identités diverses tels qu'on retrouve au niveau des entités fédérées. De plus, à mesure que la mondialisation s'accélère, la division en couches des niveaux de citoyenneté pourrait potentiellement s'étendre jusqu'à englober tout l'éventail compris entre le niveau véritablement global et le niveau plus local. Le premier défi actuel qui confronte les modèles fédéraux de citoyenneté, c'est l'harmonisation de la citoyenneté nationale traditionnelle et des formes de plus en plus diverses de citoyenneté subnationale et supranationale. Un des problèmes soulevés dans le contexte d'une telle harmonisation, c'est celui de concilier les modèles de citoyenneté individuelle et collective. Ce problème est apparu, entre autres, au Canada, où la citoyenneté nationale traditionnelle s'oppose à la vision d'une citoyenneté collective culturelle et linguistique qui réclame autonomie et auto-gouvernance au niveau subnational - qu'il s'agisse d'une province ou des Premières Nations du Canada. De plus, les conflits entre citoyenneté centrée sur l'individu et citoyenneté centrée sur le collectif sont aggravés par l'intervention de ceux qui proposent d'autres concepts de citoyenneté difficiles à intégrer à l'un ou l'autre de ces deux modèles. C'est le cas des conceptions féministes de citoyenneté. Ces conceptions féministes tendent à promouvoir un statut de citoyenneté totalement égalitaire entre hommes et femmes, ce qui peut comprendre des modes d'action affirmative en faveur des femmes pour éliminer les conséquences des injustices passées qui leur ont interdit l'égalité en tant que citoyennes. De plus, dans la mesure où la vision féministe de la citoyenneté entre en conflit avec la vision collective qu'épouse le groupe subnational qui cherche une plus grande autonomie et une auto-gouvernance, les féministes peuvent très bien se retrouver en conflit avec les minorités ethniques et culturelles dans leur recherche d'un modèle de citoyenneté fédérale plus conforme à leurs préférences. C'est précisément ce qui est arrivé dans le contexte de l'Accord du Lac Meech, au Canada, où les féministes se sont opposées aux changements vers un modèle plus asymétrique de fédéralisme parce qu'elles y voyaient une menace à leur recherche de l'égalité à travers le Canada. Les distinctions entre citoyenneté de l'Union européenne et citoyenneté de l'un des États membres de l'Union donnent, quant à elles, une bonne idée des difficultés qu'entraîne l'implantation d'une citoyenneté supranationale. Du point de vue de la distribution, la citoyenneté de l'Union européenne est incontestablement une réalité qui, à plusieurs égards - par exemple, le droit de voyager, de travailler - est semblable à la citoyenneté nationale. Du point de vue de l'identité, toutefois, la citoyenneté de l'Union européenne est beaucoup plus problématique. Ceci est dû, en partie, aux États membres - la peur qu'une citoyenneté supranationale plus forte ne vienne intensifier la poussée des citoyennetés régionales (subnationales). Par exemple, développer une identité européenne peut dévaluer l'identité nationale française vis-à-vis des identités régionales comme celles des Bretons ou des Basques. Un autre problème au point de rencontre entre distribution et identité, c'est que la citoyenneté européenne actuelle tend à être plutôt passive, affirmant des droits sans jamais parler ou presque de responsabilités. La citoyenneté passive décourage la participation politique au niveau supranational, si bien que l'Union européenne souffre d'un plus grand déficit en démocratie participative qu'en démocratie représentative. B) Les six différents types de diversité 1) « Groupes nationaux » Brigitte Grouwels, de la Belgique, membre du Parlement flamand et membre du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitales, et Charles Taylor, du Canada, professeur de philosophie à l'Université McGill, animaient cette table ronde. Celle-ci s'est principalement concentrée sur la Belgique et le Canada bien que plusieurs participants d'autres pays se soient fait entendre au cours du débat. La présence de groupes nationaux différents dans une fédération tend à créer des problèmes et des défis que l'on ne rencontre pas dans les fédérations où il n'y a qu'un seul groupe national. Plus spécifiquement, les problèmes varient généralement selon que l'on a affaire à l'un ou l'autre des trois sortes de fédérations suivantes : fédérations uninationales, comme les États-Unis, l'Allemagne, le Brésil ou l'Australie; fédérations binationales, comme la Belgique et le Canada, et fédérations multinationales, comme la Suisse ou la Fédération russe. Bien que le nombre de variables pertinentes - même en ce qui concerne le groupe national - puisse varier grandement d'une fédération à l'autre, les fédérations binationales et multinationales font généralement face à des questions d'identité et d'auto-détermination qui ne jouent virtuellement aucun rôle dans les fédérations uninationales. De plus - même si cela est moins clair - certaines questions, comme l'attribution asymétrique des pouvoirs aux divers groupes nationaux, peuvent très bien avoir un impact beaucoup plus grand sur les fédérations binationales que sur les fédérations multinationales. Comme la table ronde a principalement porté sur la Belgique et le Canada, la question des fédérations binationales a occupé le premier rang. Curieusement, même si la Belgique et le Canada constituent tous les deux des exemples paradigmatiques de fédéralisme binational, à proprement parler, aucun des deux n'est binational. En Belgique en effet, il existe à côté des deux groupes nationaux principaux, les Flamands et les Wallons, une minuscule communauté germanophone. Au Canada, en plus des anglophones et des francophones, il y a les peuples autochtones, les Premières Nations. D'un point de vue pratique, puisque la population germanophone représente moins que 1 p. 100 de la population totale du pays, et que son impact sur la scène politique nationale est minime, il est juste de considérer la Belgique comme étant essentiellement binationale. Par contre, bien que l'on n'en tienne pas compte assez souvent, les Premières Nations du Canada jouent un rôle substantiel dans la vie politique du pays. Par conséquent, même si le Canada fonctionne largement comme une fédération binationale, il se trouve en fait à cheval entre le fédéralisme binational et le fédéralisme multinational. La Belgique est passée d'un État hautement centralisé à un État fédéral (ou même peut-être confédéral) à la suite de l'écart grandissant entre les communautés flamande et francophone. Le fédéralisme belge est encore en construction puisqu'on envisage présentement de transférer encore davantage de pouvoirs. Il est difficile de dire si l'entité belge survivra ou si ses deux communautés dominantes vont éventuellement devenir complètement indépendantes l'une de l'autre, avec Bruxelles - dans son rôle de capitale de l'Union européenne plutôt que la capitale de la Belgique - comme seul lien entre les deux. La Belgique n'est pas seulement divisée politiquement en deux communautés dominantes, mais aussi en trois régions distinctes : la région flamande, la région de la Wallonie et la région de Bruxelles-Capitale. Les Flamands représentent 60 p. 100 de la population totale de la Belgique, et les Wallons près de 40 p. 100. Dans la région de Bruxelles, par contre, les Wallons sont en majorité. De toute manière, ni la Belgique dans son ensemble ni la région de Bruxelles ne reconnaît à l'un ou l'autre des deux groupes nationaux un statut de majoritaire. Le système fédéral belge se fonde plutôt sur le principe de l'égalité institutionnalisée entre les deux communautés linguistiques, indépendamment de leur importance numérique relative. Le fédéralisme belge est très complexe, en partie à cause du chevauchement entre les pouvoirs des communautés et ceux des régions. De plus, comme la division linguistique touche à tous les domaines, il y a duplication de toutes les institutions, y compris les partis politiques. Par exemple, comme d'autres pays européens occidentaux, la Belgique compte, parmi ses partis politiques, des démocratiques-chrétiens. Contrairement à ce qui se passe ailleurs, toutefois, les démocratiques-chrétiens de Belgique sont séparés en deux partis distincts : un parti démocratique-chrétien flamingant et un parti démocratique-chrétien francophone. En dernière analyse, cette duplication, combinée à la répartition complexe des pouvoirs entre régions et communautés, alourdit le fonctionnement de la démocratie représentative. À mesure que les terrains d'entente disparaissent, l'échange politique devient plus difficile, au point qu'il devienne très concevable de le voir largement confiné au modèle de négociations interétatiques rendu possible par la médiation de l'Union européenne. Le Canada, qui se situe à mi-chemin entre le fédéralisme binational et le fédéralisme multinational, offre par contre un bon contexte pour déterminer si le fédéralisme asymétrique est particulièrement bien adapté pour équilibrer unité et diversité dans un contexte multinational. Comme l'a souligné Charles Taylor, il existe quatre diversités distinctes qui doivent être satisfaites dans le fédéralisme canadien : 1) la diversité des autochtones, 2) la diversité entre francophones et anglophones, 3) la diversité du Québec et son désir de demeurer distinct du reste du Canada, et 4) le multiculturalisme canadien entretenu par son statut de terre d'immigration qui attire un large éventail de personnes venant de multiples cultures différentes. Selon Taylor, les points 1) et 3) seraient mieux servis par le fédéralisme asymétrique, et les points 2) et 4), par le fédéralisme symétrique. L'asymétrie, toutefois, présente un problème difficile puisqu'elle repose sur une inégalité des droits, ce qui contrevient aux principes du libéralisme. De plus, les besoins de diversité des différents groupes nationaux au Canada n'appellent pas tous la même solution puisque les relations entre ces groupes à l'intérieur des institutions fédérales existantes sont assez complexes. Par exemple, le nationalisme autochtone et le nationalisme québécois bénéficieraient vraisemblablement de l'institution d'un fédéralisme asymétrique. Néanmoins, les peuples autochtones du Canada se sont opposés à l'Accord du Lac Meech, qui aurait institutionnalisé un fédéralisme aymétrique en faveur du Québec, parce qu'ils ont eu peur que leur situation ne s'aggrave dans un Québec plus puissant et plus autonome. Il y a eu un long débat sur la meilleure façon de traiter du binationalisme canadien. Pour certains, le séparatisme du Québec était justifié - car même si le Canada comprend deux groupes nationaux, seuls les anglophones contrôlent effectivement l'appareil institutionnel du pays - alors que pour d'autres, tout statut spécial accordé au Québec serait contraire aux principes fondamentaux de justice sociale. Un participant a noté que le problème au Canada n'était pas un conflit entre deux groupes nationaux mais plutôt entre deux conceptions incompatibles de la nationalité. Pour les anglophones, le Canada est un pays basé sur les droits alors que pour les Québécois, la nationalité est inextricablement liée à un peuple. Le débat concernant la Belgique et le Canada a suscité un commentaire critique d'un participant de Chypre. Selon lui, il est décourageant de voir deux des pays les heureux au monde envisager la dissolution quand la coopération pourrait minimiser leurs problèmes. Par contraste, Chypre est une société binationale dans laquelle la puissance militaire supérieure d'une minorité fait obstacle à la démocratie et au droit pour tous. 2) Peuples autochtones Joseph Gosnell, du Canada, président du Conseil tribal des Nisga'a, et José del Val Blanco, du Mexique, président de l'Institut indien inter-américain, animaient cette table ronde. Dans la plupart des cas, le problème avec les peuples autochtones, c'est qu'ils ont été dépossédés par les colonisateurs, puis, privés de la citoyenneté, exclus du processus politique par les régimes coloniaux et post-coloniaux. La combinaison de la dépossession et du statut minoritaire dans une culture étrangère a, de plus, mis les peuples autochtones dans une situation extrêmement désavantageuse, autant du point de vue de leurs besoins d'identité que de celui de leurs besoins de distribution. Dans cette perspective, la question clé est : que peut faire le fédéralisme pour améliorer la condition des peuples autochtones? Et, en supposant une structure fédéraliste, quel palier de gouvernement semble le mieux approprié pour amener des améliorations? Local? National? Supranational? Dans certaines circonstances particulières, les frontières d'une unité fédérée peuvent être tracées de façon à correspondre au territoire d'un peuple autochtone donné. C'est le cas du Nunavut, au Canada, et de certains peuples en Inde. Plus souvent, toutefois, les peuples autochtones se retrouvent comme une minorité dans une unité fédérée ou dans plusieurs d'entre elles. Dans ce dernier cas, atteindre un degré substantiel d'auto-détermination peut être plus difficile, bien qu'il soit possible de promouvoir l'identité territoriale distincte par des moyens parallèles ou extérieurs aux structures fédérales existantes, comme les réserves. Contrairement aux fédérations binationales ou multinationales, comme la Belgique, le Canada ou la Suisse, où toutes les communautés importantes (non-autochtones) partagent un engagement quant aux droits fondamentaux de style occidental, les peuples autochtones adoptent fréquemment des pratiques culturelles incompatibles avec l'application des droits fondamentaux largement protégés dans les démocraties constitutionnelles. C'est ainsi que, par exemple, quelles que soient les différences qui puissent exister entre le Québec et les provinces anglophones du Canada, ou entre les communautés flamande et wallonne de Belgique, elles ont en commun le respect de plusieurs valeurs semblables comme l'égalité entre les sexes. Au contraire, comme l'illustre de manière vivante le litige qui implique la nation Pueblo aux États-Unis, certaines traditions patriarcales ancestrales de ce peuple autochtone entrent directement en conflit avec l'égalité de la femme. Les commentaires respectifs de MM. Gosnell et del Val montrent clairement qu'il y a autant de différences entres les différents peuples autochtones qu'entre ceux-ci et les groupes nationaux occidentaux. Même si l'on ne parle que de l'hémisphère occidental, il y a de grandes différences entre les peuples autochtones soumis à la colonisation anglaise, et ceux qui furent soumis à la colonisation espagnole ou portugaise. Les uns ont conclu des traités ou des accords avec les colonisateurs et gardé la possession de certains territoires. Les autres n'ont pu, quant à eux, conclure aucun traité ni garder aucun territoire. De plus, les uns habitent des fédérations relativement décentralisées où l'application du droit à l'auto-détermination est assez plausible. Les autres, au contraire, sont souvent dispersés dans des fédérations hautement centralisées ou des régimes non-fédéraux, ce qui rend toute auto-détermination sérieuse virtuellement impossible. M. Gosnell a parlé du traité des Nisga'a, qu'il a présenté comme le premier traité moderne donnant aux autochtones des droits d'auto-détermination significatifs dans un contexte fédéral. Le traité, qui crée un régime d'auto-gouvernance dans le cadre de la loi canadienne et une relation avec les autorités fédérale et provinciales protégée dans la Constitution, corrige les injustices historiques et donne aux Nisga'a une plus grande autonomie dans leurs affaires internes. Même si l'expansion des droits autochtones a suscité opposition et résistance au Canada, il s'agit, selon M. Gosnell, de la seule façon de se diriger vers un fédéralisme qui fonctionne et qui soit véritablement capable d'englober une diversité authentique. M. del Val, de son côté, a brossé un portrait beaucoup moins optimiste des 85 p. 100 d'autochtones nord-américains qui habitent en dehors du Canada et des États-Unis de même que ceux qui habitent en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Le problème principal auquel font face ces autochtones, c'est la pauvreté extrême. Ils sont aussi, dans l'ensemble, privés de territoire. Dans de telles circonstances, il est difficile de voir comment le fédéralisme pourrait améliorer leur situation. Idéalement, le fédéralisme pourrait être utile pour encourager la solidarité, pour établir la subsidiarité et pour encourager une plus grande autonomie. En pratique, toutefois, le fédéralisme de l'Amérique latine ne laisse aucune place aux minorités, et les gouvernements fédéraux de la région manquent de souplesse. De plus, dans plusieurs pays de l'Amérique latine comme le Guatemala, la Bolivie, l'Équateur et le Pérou, les peuples autochtones représentent plus de 50 p. 100 de la population totale du pays. 3) Diversité linguistique Hans Peter Furrer, directeur des Affaires politiques du Conseil de l'Europe, et L.M. Singhvi, avocat supérieur de la Cour suprême de l'Inde, animaient cette table ronde. La diversité linguistique pose d'importants défis à l'unité et à la capacité d'administrer un État-nation multilingue. De plus, comme la langue est source d'identité autant que moyen de communication, elle peut grandement influencer les questions d'identité de même que les questions de distribution. Le fédéralisme semble bien adapté pour répondre aux besoins des régimes multilingues puisque les unités fédérées peuvent être découpées de façon à maximiser l'autonomie de chaque communauté linguistique. Dans une analyse plus approfondie, la relation entre fédéralisme et multilinguisme est une relation complexe qui dépend en fin de compte d'une série de variables. La langue est une source d'unité, mais aussi de division. Là où les groupes linguistiques sont territorialement concentrés dans des zones géographiques distinctes, le fédéralisme et une politique linguistique basée sur la territorialité peuvent optimiser les objectifs fondés sur l'identité et ceux fondés sur la distribution. D'un autre côté, là où les groupes linguistiques sont entremêlés dans une série de configurations majorité/minorité, le fédéralisme - ou du moins le fédéralisme linguistique basé sur la territorialité - peut aggraver les tensions entre les différents groupes linguistiques plutôt que de les désamorcer. Par exemple, si la langue majoritaire devient la langue officielle pour toutes les activités publiques, et devient la langue des affaires, un membre de la communauté de langue minoritaire qui ne parle pas couramment la langue majoritaire peut ressentir un problème d'identité dans la mesure où il ou elle se sent étranger/ère dans sa propre région. De plus, cette personne serait aussi en position défavorable dans la concurrence pour la recherche d'un emploi puisque la préférence serait d'office accordée aux personnes dont la langue maternelle est la langue majoritaire. À l'ère de la mondialisation, le problème de la langue est aggravé puisque ceux qui ne possèdent pas les compétences nécessaires dans les langues utilisées dans les communications mondiales se voient refuser l'accès à la connaissance. Ceci isole davantage certains groupes linguistiques, et accroît les menaces à leur identité tout en limitant grandement leur accès aux avantages distributionnels croissants que génère la mondialisation. Ces considérations soulignent l'importance de la politique du langage et l'importance de faire les bons choix quant au langage de la politique. Dans l'ensemble, le fédéralisme est mieux équipé pour s'accommoder de la diversité linguistique, et dans certains cas, les constitutions fédérales ou arrangements territoriaux, comme ceux en Inde, ont géré avec succès la diversité linguistique en produisant un équilibre juste et pragmatique entre faciliter les moyens communs de communication et maximiser l'autonomie linguistique des diverses langues autochtones en définissant les frontières entre les unités fédérées. La langue constitue un élément important dans la formation d'un État. Dans certains cas où elle devient un déterminant prédominant de l'identité nationale - particulièrement dans les cas où les membres des diverses communautés linguistiques ne parlent pas (ou refusent de parler, question de fierté nationale) toute langue autre que la leur - la langue peut même représenter une menace à la survie de fédérations multinationales comme le montrent clairement les exemples de la Belgique et du Canada. D'un autre côté, dans les cas où le nationalisme basé sur la langue est combiné à une grande compétence, et tolérance, d'autres langues importantes dans la société - comme c'est le cas de la Catalogne où le catalan est la langue de la région, mais où l'espagnol est généralement toléré et parlé par les personnes de langue maternelle catalane - les arrangements fédéraux (ou de type fédéral) sont vraisemblablement optimaux. En règle générale, plus la diversité linguistique dans une fédération est grande, moins la question linguistique risque de menacer la survie de cette fédération. Dans ce sens, la grande diversité linguistique dans l'Union européenne est définitivement avantageuse et semble être une garantie contre les sérieux différends qui se rattachent à la langue. Le fédéralisme est, selon toute vraisemblance, mieux adapté pour vivre avec la diversité linguistique que ne l'est aucun de ses concurrents, mais il ne peut y arriver seul. Pour gérer adéquatement la diversité linguistique, il est nécessaire de combiner le fédéralisme à la justice sociale. Et selon les circonstances, ceci peut exiger certains ajustements - soit en redessinant les frontières des unités fédérées soit en remplaçant la politique linguistique basée sur le fédéralisme territorial par une politique qui dépende du fédéralisme personnel - ou encore en ajoutant au fédéralisme certaines politiques sociales conçues pour égaliser les conditions pour divers groupes linguistiques, comme l'action affirmative. 4) Diversité religieuse Moshe Ma'oz, d'Israël, professeur d'études islamiques et moyen-orientales à l'Université hébraïque de Jérusalem, et Asghar Ali, ingénieur indien, président du Conseil d'administration du Centre d'études sur la société et la laïcité, animaient cette table ronde. Il n'est pas évident que le fédéralisme soit particulièrement bien adapté à gérer la diversité religieuse comme il peut l'être dans le cas de la diversité nationale ou linguistique. Il est vrai que, si des groupes religieux très différents sont hautement concentrés territorialement, alors le fédéralisme peut fournir les meilleurs moyens de maximiser l'autonomie de chaque groupe religieux tout en minimisant les occasions de conflit entre eux. À part cela, toutefois, il y a peu d'indications que le fédéralisme soit mieux adapté qu'un autre système pour gérer les différends résultant de la diversité religieuse. La difficulté d'évaluer la relation entre la diversité religieuse et le fédéralisme est aggravée par le fait que les clivages religieux ne correspondent pas toujours aux clivages nationaux ou linguistiques. Dans quelques pays, comme le Canada, les divisions religieuses coïncident avec les divisions nationales puisque les francophones sont, dans l'ensemble, catholiques, et les anglophones, protestants. Dans d'autres pays, comme la Suisse, toutefois, la religion et la nationalité ne coïncident pas puisque certains francophones et germanophones sont catholiques, et d'autres, protestants. Dans d'autres pays encore, comme la Belgique, il y a des divisions nationales, mais pas de divisions religieuses, alors que c'est l'inverse dans un pays fédéré comme l'Allemagne, où il y a des divisions religieuses, mais pas nationales. Finalement, il y a des pays non-fédéraux qui ont des divisions religieuses, mais pas de divisions nationales, comme les Pays-Bas. La clé pour comprendre la relation entre la diversité religieuse et le fédéralisme n'est pas la simple existence de divisions religieuses, mais leur intensité, ou leur intensité en relation avec les intensités respectives des autres divisions, comme les divisions nationales ou linguistiques. Au Canada, par exemple, l'intensité des divisions nationales et linguistiques éclipse complètement celle des divisions religieuses. En Suisse, d'un autre côté, les divisions religieuses ont été historiquement plus intenses que les divisions linguistiques, mais aujourd'hui, l'inverse semble de plus en plus se produire. En réalité, dans le cas de la Suisse, ni l'identité religieuse ni l'identité linguistique n'est irrésistiblement dominante, ce qui encourage une plus grande diversité et renforce le fédéralisme sous la forme du pouvoir cantonal, qui combine à la fois le langage local et la religion locale; ce facteur paraît plus attrayant que l'organisation politique comme fonction exclusive soit de la religion soit de la langue. Sauf en Irlande du Nord et en ex-Yougoslavie, les pays fédéraux et non-fédéraux d'Europe et d'Amérique du Nord ont trouvé des moyens de satisfaire la diversité religieuse sans difficultés majeures. Dans d'autres régions comme le Moyen-Orient, les différences religieuses jouent un rôle beaucoup plus diviseur, comme le montre le Liban ou le conflit israléo-palestinien. La question principale que l'on peut se poser devant l'existence de conflits religieux hautement diviseurs dans le monde est celle de savoir si la religion elle-même est la responsable ou si elle est simplement exploitée par les dirigeants politiques pour augmenter leur pouvoir. Les participants à la table ronde exprimaient des opinions partagées; alors que certains trouvaient les politiciens coupables, d'autres imputaient une partie de la responsabilité à la religion elle-même. La capacité du cadre fédéral de gérer la diversité religieuse dépend aussi, jusqu'à un certain point, de la nature de la religion en question. Par exemple, les religions intégristes et les religions prosélytistes sont plus difficiles à intégrer que d'autres. Aussi, dans le cas des pays de l'Europe occidentale, bien que les différences religieuses entre les catholiques et les protestants, dans l'ensemble, n'occasionnent plus de problèmes politiques difficiles, la vague d'immigration musulmane crée des situations difficiles - pas seulement, ou même principalement, à cause des différences religieuses, mais aussi à cause des différences culturelles et économiques énormes qui isolent ces nouveaux immigrants du reste de la population dans leur nouveau pays. 5) Immigration et migration Urs Ziswiler, de la Suisse, ambassadeur au Canada de son pays, et Guy Laforest, du Canada, professeur de sciences politiques à l'Université Laval, animaient cette table ronde. Contrairement aux peuples autochtones ou aux groupes nationaux, les immigrants comme tels n'ont pas de droits acquis en matière de partage du pouvoir fédéral. De la perspective des immigrants, dans le contexte d'un régime fédéral, la question principale est de savoir si leurs besoins seront mieux satisfaits par la concentration du pouvoir en matière d'immigration au palier fédéral ou niveau des entités fédérées, ou par la répartition de ce pouvoir entre les deux. Du point de vue des intérêts respectifs de l'entité fédérale ou de ses unités constituantes fédérées, d'un autre côté, la question est de déterminer comment la juridiction relative à l'immigration et la responsabilité rattachée aux immigrants sont susceptibles de faire avancer ou reculer leurs programmes. Finalement, dans une perspective plus large tant pour les immigrants que pour les gouvernements dans les pays d'immigration, il faut se demander si un régime fédéral est préférable à d'autres régimes pour ce qui est de gérer l'immigration et ses conséquences sociales, économiques et politiques. Il n'existe pas de réponses simples à ces questions qui dépendent d'une série de facteurs importants, tels que si le pays qui reçoit les immigrants a une attitude positive ou négative face à l'immigration, s'il est divisé selon des barrières religieuses ou linguistiques, ce qui conduit à un équilibre que l'immigration peut déranger, si l'immigration a ou n'a pas une influence disproportionnée sur certains régions particulières d'un pays, etc.

Dans un cadre fédéral, l'immigration peut être laissée exclusivement au gouvernement fédéral, dépendre de la coopération entre le gouvernement fédéral et celui des unités fédérées, ou être essentiellement confiée à ces dernières. Aux États-Unis, l'immigration relève du gouvernement fédéral, ce qui entraîne certains conflits entre les gouvernements des États et le fédéral. De plus, comme certains États sont beaucoup plus affectés par l'immigration que d'autres, les conflits en question tendent à opposer des États particuliers au gouvernement fédéral. Par exemple, l'État du Texas, qui, de par sa frontière avec le Mexique, est la porte d'entrée d'un grand nombre d'immigrants illégaux, a décidé de priver les enfants des immigrants illégaux (qui sont eux-mêmes des immigrants illégaux même s'ils ont été amenés dans l'État sans que leurs parents ne leur demandent leur consentement) du droit à une instruction publique gratuite. Basant sa décision sur le pouvoir exclusif du gouvernement fédéral en matière d'immigration, la Cour suprême des États-Unis a déclaré que l'action du Texas était inconstitutionnelle et a ordonné que les enfants immigrants illégaux résidant sur le territoire du Texas accèdent aux mêmes droits à l'instruction que les autres enfants résidant dans l'État. Par conséquent, le Texas a dû offrir des services aux immigrants illégaux sans avoir aucun pouvoir ni autorité sur leur sort à partir du moment où ils se trouvaient sur son territoire. Au Canada, au contraire, depuis les années 1960, l'immigration a été gouvernée de façon coopérative entre le gouvernement fédéral et les provinces. Les provinces sont généralement responsables de l'immigration, sauf quand il s'agit de réfugiés ou de réunification de familles; dans de telles situations, l'immigration devient une responsabilité du gouvernement fédéral. De plus, les provinces n'ont pas seulement toute discrétion dans le traitement des demandes d'immigration, elles assument aussi le fardeau financier associé à l'installation des nouveaux immigrants. À cause de cela, le Québec exige que les nouveaux immigrants ne déménagent pas à l'extérieur du Québec pendant une certaine période de temps. Cette exigence, toutefois, empiète sur le droit fondamental à la liberté de mouvement, opposant ainsi le contrôle provincial de l'immigration à la protection uniforme des droits fondamentaux à travers le Canada. En Suisse, l'immigration est aussi gouvernée pas la coopération entre le gouvernement fédéral et ses cantons. Par exemple, dans le contexte du récent conflit au Kosovo, la Suisse applique une loi nouvellement approuvée qui reconnaît le droit d'asile aux réfugiés qui ont quitté leur pays à cause de la violence. En vertu de cette loi, la Suisse a admis 250 000 réfugiés du Kosovo, les autorités fédérales dirigeant ces réfugiés dans les différents cantons conformément aux accords qui ont été passés avec ceux-ci. 6) Diversité régionale Osvaldo Alvarez Guerrero, de l'Argentine, président de la Fondation Arturo Illia pour la démocratie et la paix, et ancien gouverneur de la province de Rio Negro, et Popo Molefe, de l'Afrique du Sud, premier ministre de la province du Nord-Ouest, animaient cette table ronde. Dans beaucoup de fédérations, la diversité régionale a des implications politiques importantes sans correspondre officiellement à la division du territoire du pays en des unités constituantes fédérées particulières. La diversité régionale diffère de la diversité nationale, ethnique, religieuse ou linguistique, mais demeure un concept vague auquel on donne des interprétations substantiellement divergentes dans les différentes parties du monde. Les identités régionales sont toutefois importantes dans bien des cas, et, quand on n'en tient pas suffisamment compte, elles peuvent mener à l'aliénation et à des différends. C'est le cas, pas exemple, dans le sud des États-Unis de même que dans l'ouest du Canada et l'ouest de l'Australie. La question qui se pose est de savoir si le fédéralisme ou une autre approche comme la décentralisation régionale est mieux adapté pour faire face aux questions que soulève la diversité régionale. Les régions sont créées de façons différentes et, dans beaucoup de cas, sont assez artificielles. Elles peuvent être le résultat de la colonisation, ou avoir été créées à des fins précises, comme la création en Afrique du Sud de régions destinées à assurer la suprématie blanche pendant la période d'apartheid de ce pays. Les différentes régions acquièrent aussi parfois une importance politique à cause d'inégalités économiques flagrantes qui créent des conflits concernant la redistribution des ressources économiques, des régions les plus prospères à celles qui sont les moins avantagées économiquement parlant. Le défi est d'utiliser les différences régionales à des fins positives comme mettre en valeur le gouvernement représentatif ou renforcer le partage des pouvoirs. Le danger, d'un autre côté, est que la reconnaissance officielle et l'institutionnalisation des identités régionales peuvent encourager une région mécontente sur la voie de la sécession. En fin de compte, selon les circonstances, le fédéralisme peut renforcer l'identité régionale et intégrer diverses régions à l'intérieur du courant politique principal par la promotion d'alliances entre les unités constituantes fédérées, et par les politiques économiques et redistributives conçues pour minimiser les disparités matérielles entre les diverses régions sans aggraver les tensions entre elles. CONCLUSION Attendu que la relation entre le fédéralisme et la promotion de la diversité sociale est complexe et semble souvent obscure, et attendu que l'influence positive du fédéralisme sur la diversité sociale dépend très largement de circonstances culturelles, historiques et politiques particulières, il semble juste de conclure que, dans l'ensemble, le fédéralisme est le régime le mieux adapté et le plus adaptable pour équilibrer unité et diversité dans un monde de plus en plus dense et interdépendant. À mesure que le besoin d'une gouvernance supranationale et la réalité d'une telle gouvernance s'accroissent, le fédéralisme paraît à la fois inévitable et indispensable. En effet, plus l'organisation politique devient nécessaire au niveau supranational, plus il est important pour les individus de maintenir un certain contrôle sur leur destin en tant que membre d'entités nationales et subnationales avec lesquelles ils ont des liens identitaires forts. Alors que nous entrons dans le nouveau millénaire, il se peut que la mondialisation entraîne un raffermissement du supranational et du régional aux dépends de l'État-nation, comme cela semble déjà être le cas dans quelques-uns des États membres de l'Union européenne. Même si cette tendance se poursuit, il semble toutefois qu'un mode quelconque de fédéralisme soit toujours le mieux adapté à la nécessité d'allier unité et diversité sous de nouvelles formes. Il peut sembler qu'un inconvénient du fédéralisme, pour ce qui est de concilier unité et diversité, est qu'il rend plus facile, pour une unité fédérée ou une région peu satisfaite, de se séparer. Dans la mesure où celle-ci - contrairement à une province dans un pays unitaire - a déjà un gouvernement établi avec des pouvoirs substantiels, et jouit déjà d'une autonomie sur ses affaires internes, elle semblerait mieux préparée institutionnellement à mener une vie politique séparée. Même si ceci était vrai, toutefois, ce ne serait pas une raison suffisante pour abandonner les avantages évidents du fédéralisme. Et, de toute manière, les pays unitaires n'ont pas été capables d'éviter les querelles intérieures ou les violents conflits causés par la volonté d'une région d'obtenir une plus grande autonomie.

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