Conférence internationale sur le fédéralisme

Mont-Tremblant, octobre 1999

Séance 9) Plénière : Rapports thématiques RAPPORT DU RAPPORTEUR SUR LE THÈME « FÉDÉRALISME ÉCONOMIQUE ET FISCAL » Richard M. Bird Conseiller à la Banque mondiale 19 octobre

Ce sont deux journées d’échanges intensifs que nous avons eues sur ce thème, sous forme d’une séance plénière et de six tables rondes sur des sujets tels que les avantages et les inconvénients d’un modèle fédéral en ce qui a trait aux politiques économiques, à la distribution et au partage des ressources fiscales et financières, à la redistribution de ces ressources, et à la façon dont le secteur privé voit les structures gouvernementales à paliers multiples. Il est bien difficile de résumer ces débats, et ce pour deux raisons. D’abord, il n’était pas toujours facile de distinguer, parmi les points très spécifiques à un pays ou à un autre, et parfois très détaillés qu’ont soulevés les participants, les liens, les questions les plus importantes, et les questions sur lesquelles nous devrions nous concentrer en rapport avec l’avenir du fédéralisme économique et fiscal. Ensuite, cette tâche était encore plus difficile à cause de la concomitance de quelques séances et de l’impossibilité où j’étais de me trouver à deux places différentes en même temps. Je compte donc encore plus qu’à l’habitude sur la gentillesse des autres, et plus particulièrement les animateurs et les excellents bénévoles qui ont pris des notes, pour me faire une idée de ce qui s’est passé dans plusieurs des séances. Malgré ces obstacles, préparer ce rapport a été, de manière générale, une activité agréable, en partie parce que, comme la plupart d’entre nous, j’ai beaucoup appris de cette conférence. Malheureusement, des contraintes de temps et d’espace m’obligent à faire un compte rendu très sélectif et à exclure quelques aspects plus techniques dont nous avons parlé au cours de nos débats – des aspects qui, de toute façon, ne sont peut-être pas d’un très grand intérêt pour tout le monde. En vérité, notre débat sur le fédéralisme économique et fiscal se résume à deux commentaires généraux : Premièrement, le fédéralisme est souvent considéré comme la solution pour intégrer la diversité à l’unité. Nos échanges étaient certainement très variés. Mais y avait-il aussi quelques thèmes unificateurs? Deuxièmement, nous savons tous que le monde est très complexe. Les pays fédérés semblent sûrement assez complexes puisque nous avons souvent eu l’impression dans nos échanges que la seule façon de considérer quelque chose correctement, c’était de tout considérer – ce qui n’est, bien entendu, jamais possible. Alors, la question est : Que peut-on dire d’une manière relativement simple pour regrouper tous les sujets variés et complexes que nous avons abordés au cours de nos tables rondes? J’ai choisi de diviser mes observations en cinq rubriques générales. Les quatre premières rubriques regroupent plusieurs questions récurrentes que nous avons abordées de différentes manières au cours des différents forums. Sous la dernière rubrique, j’ai regroupé quelques éléments que nous avons brièvement évoqués lors de nos échanges, mais qui méritent, à mon avis, que nous nous y attardions davantage que nous l’avons fait. Mondialisation Au cours de nos échanges, nous avons fréquemment, et de manières très différentes, abordé le sujet fort populaire de la mondialisation. « Mondialisation » est un mot tellement vague et général qu’il fait de « fédéralisme » un concept simple et clair – sauf, semble-t-il, quand nous parlons à la fois de mondialisation et de fédéralisme. Aux yeux de certains participants au moins, des éléments de ce que nous pouvons peut-être appeler l’État « post-fédéral » semblaient émerger vaguement de la brume des temps alors que les structures organisationnelles internationales, régionales, nationales, et sous-nationales continuent de se plier, de se déplacer, de s’adapter, et, peut-être, de se briser sous la pression des forces du marché mondial – que ces forces prennent la forme d’investissements multinationaux, d’échanges frontaliers de biens ou de main-d’œuvre, ou de l’application de normes de politique régionale ou internationale à des situations internes particulières. Dans nos échanges, deux aspects de l’interaction entre la mondialisation et le fédéralisme ont retenu notre attention. Le premier – et, semble-t-il, la principale préoccupation de nombreux participants – était l’influence de la mondialisation sur l’équité. On a souvent fait référence à l’équité en tant qu’équité mondiale – la division des ressources entre les régions riches du monde (le Nord) et les régions plus pauvres (le Sud). Parfois, il s’agissait d’équité interpersonnelle à l’intérieur de pays donnés – les riches contre les pauvres au niveau de la micro-économie. Et parfois, on parlait d’équité interrégionale, ou l’influence de la mondialisation sur l’évolution relative des différentes régions d’un même pays. Seul le dernier de ces éléments a un lien assez fort avec le fédéralisme en tant que tel. Le deuxième élément qui ressort clairement de nos échanges sur la mondialisation est qu’il y avait souvent des différences marquées entre les opinions exprimées par les participants des pays riches et ceux des pays pauvres. Ceux des pays en voie de développement ont, pour la plupart, montré une grande préoccupation quant aux possibles effets défavorables de la mondialisation sur la croissance économique de leur pays – leur part de la richesse mondiale – et ses effets sur l’équité à l’intérieur de leur pays. De telles inquiétudes n’étaient bien sûr pas limitées aux participants des pays en voie de développement. Des participants de pays plus développés ont exprimé leur préoccupation quant à une possible accentuation des déséquilibres régionaux sous l’effet de la mondialisation. Néanmoins, et ce n’est pas surprenant, il semblait y avoir une différence bien réelle dans la façon de voir les choses entre ces deux parties du monde : ceux qui viennent des pays qui, pour ainsi dire, font la « mondialisation » sont beaucoup moins préoccupés que ceux qui se voient comme les récipiendaires plutôt passifs des tendances et des politiques instaurées ailleurs. Le secteur privé Une différence d’opinions du même genre s’est aussi manifestée quant au rôle du secteur privé. Comme mentionné précédemment, une de nos tables rondes s’est concentrée spécifiquement sur la façon dont le secteur privé percevait les gouvernements à paliers multiples. La plupart des échanges qui ont eu lieu dans le cadre de cette séance ont toutefois suggéré que le véritable sujet était la façon dont ceux que préoccupent la démocratie, l’équité, et l’efficacité gouvernementale voient le secteur privé. La réponse dans une grande partie du monde, du moins telle que représentée ici, semblait être – avec beaucoup de méfiance. Wole Soyinka, conférencier lors d’une séance plénière, a livré une allocution captivante où il racontait un voyage en voiture qu’il avait effectué avec quelques amis à travers le Nigéria à un moment critique de l’histoire de son pays. À mesure qu’avançait son voyage, dit-il, et qu’ils sortaient de voiture pour parler aux gens qu’ils rencontraient, il s’est graduellement rendu compte qu’il devait changer sa vision du monde et de ce qui se passait au Nigéria pour être en accord avec ce qui se passait réellement et avec la façon dont l’ensemble des gens voyaient les choses. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’accepter toute la rhétorique de la presse commerciale actuelle pour conclure qu’une grande partie de nos échanges sur le secteur privé suggère qu’au moins quelques-uns d’entre nous semblent encore se trouver dans cette voiture. C’est du reste un point qui s’est trouvé confirmé dans notre échange sur le développement des politiques régionales, dans lequel toute mention du rôle critique du secteur privé était surtout remarquable pour son absence. En effet, il y a eu des moments dans nos débats où, en fermant les yeux, j’aurais eu l’impression d’être au début des années 60, alors que, comme beaucoup d’autres à cette époque, j’écrivais et je parlais avec énergie de pôles de croissance, d’encouragements fiscaux au développement régional, et toute la stratégie interventionniste industrielle, alors populaire. Les temps ont changé, mais nos échanges n’en ont à peu près rien laissé paraître. En effet, dans l’ensemble, nos échanges sur le secteur privé ont montré que contrairement aux gens de gouvernement qui semblent inquiets face au monde des affaires, le monde des affaires, quant à lui, ne semble pas tellement s’inquiéter du gouvernement – qu’il n’y en ait qu’un seul ou plusieurs. Compétitivité Nos échanges sur les deux sujets précédents ne se rapportaient que très peu, sinon pas du tout, au fédéralisme ou aux pays fédérés. Heureusement, une troisième question est fréquemment revenue au cours de nos échanges, et elle était beaucoup plus en rapport avec le sujet de ce Forum – la compétitivité et, plus particulièrement, la concurrence entre gouvernements. Quelquefois, cette concurrence était vue comme positive, créant une adaptation souple, de l’innovation, et une réaction plus rapide aux pressions globales – une course vers le haut, si l’on veut. Plus souvent, toutefois, la concurrence semblait être perçue négativement. Pour certains participants, les concessions fiscales extravagantes aux entreprises, par exemple, ne pouvaient que mener à une course infâme vers le bas (du point de vue des services offerts au public). De la même façon, on a reproché à la concurrence verticale entre niveaux de gouvernement en matière de revenus fiscaux de produire des « jungles » fiscales complexes et coûteuses. Pour certains, la solution à ces effets négatifs de la concurrence semblait évidente – renforcer l’harmonisation. La plupart de ceux qui utilisaient ce terme semblaient en faire un synonyme d’uniformité, apparemment imposée d’en haut. La façon dont une telle solution pourrait s’intégrer à un « gouvernement négocié » du genre qu’on s’attend habituellement à voir dans les pays fédérés était loin d’être claire, toutefois. En effet, si je peux redevenir simple économiste pour un instant, remplacer la concurrence, même la concurrence viciée et imparfaite du vrai monde, par ce qui est en fait un monopole ne me semble pas constituer un progrès particulièrement bénéfique. Transparence Une dernière question qui a souvent été soulevée sous une forme ou sous une autre au cours de nos échanges se rapportait à l’importance, et à la difficulté, de la transparence dans les gouvernements. Les gouvernements doivent, nous en avons parlé, savoir ce qu’ils font. Ils doivent aussi, dans un régime fédéral, savoir ce que font les autres gouvernements. Et bien sûr, les citoyens doivent savoir ce que font tous ces gouvernements pour qu’un régime fédéral fonctionne efficacement.

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