Conférence internationale sur le fédéralisme

Mont-Tremblant, octobre 1999

Séance 7K) Table ronde sur la CDS : Peuples autochtones LE TRAITÉ NISGA’A ET LA DIVERSITÉ DU FÉDÉRALISME CANADIEN L’honorable Joseph Gosnell [LLD.OBC] Président de la nation nisga’a, Canada

Au cours du prochain siècle, les États fédéraux du monde devront affronter un défi critique d’envergure croissante : les aspirations grandissantes de leurs peuples autochtones. Si le fédéralisme du XXIe siècle est flexible – et comporte des garanties juridiques de la diversité et de l’inclusivité –, alors il y a un espoir réel et des solutions concrètes. Permettez-moi de vous parler de l’une de ces solutions concrètes. Elle vient de la nation nisga’a, mon peuple, qui vit dans la dure région nord-ouest de la Colombie-Britannique, près de l’Enclave de l’Alaska. Je veux parler du Traité nisga’a, document historique qui fera l’objet dans quelques semaines d’un débat animé au Parlement du Canada. Il doit encore être ratifié, mais je n’ai aucune crainte : il le sera. Car, à mon avis, le Traité nisga’a est un triomphe et un grand symbole d’espoir pour les peuples autochtones du monde entier. C’est un triomphe qui prouve à la communauté internationale que des gens raisonnables peuvent s’asseoir ensemble pour porter remède aux torts commis au fil des ans. Un triomphe qui prouve qu’un État fédéral moderne peut corriger les erreurs du passé. C’est un triomphe parce qu’en vertu du Traité, les Nisga’a vont se joindre au Canada en tant que citoyens libres, en tant que participants égaux et de plein droit à la vie sociale, économique et politique du Canada. Parce qu’en vertu du Traité, nous ne serons plus des pupilles de l’État, nous ne serons plus des mendiants sur nos propres terres. Nous allons recommencer à nous gouverner nous-mêmes au moyen de nos propres institutions, mais dans le contexte de la loi canadienne. Parce qu’en vertu du Traité, nous aurons droit à nos propres erreurs, nous pourrons savourer nos propres victoires et nous pourrons nous tenir à nouveau la tête haute. Parce que, article après article, le Traité nisga’a met l’accent sur l’autonomie, la responsabilité personnelle et l’éducation moderne. Il encourage aussi, pour la première fois, les placements dans les terres et les ressources nisga’a. Il nous permet de faire un travail utile en exploitant les ressources de notre territoire en faveur de notre propre peuple. Aux investisseurs, il donne la certitude économique et, à nous, il donne une chance d’établir de façon légitime notre indépendance économique, de prospérer côte à côte avec nos voisins non autochtones dans un Canada nouveau et fier. C’est un triomphe parce que le Traité prouve hors de tout doute que la négociation – et non les procès, les barricades et la violence – constitue le moyen le plus efficace et le plus honorable de régler les questions autochtones ici et partout ailleurs dans le monde. Le Traité nisga’a définit la place que la nation nisga’a occupera dans la fédération canadienne. Nous avons toujours dit que l’objectif des Nisga’a était de négocier leur entrée au Canada, non leur départ. Le fait que nous ayons atteint cet objectif en négociant avec les autorités fédérales et provinciales témoigne de la flexibilité et de la force du fédéralisme. En vertu du Traité nisga’a, nous avons droit à l’autonomie gouvernementale et nous avons le pouvoir de faire des lois. Toutefois, le Traité prévoit aussi que les lois fédérales et provinciales s’appliquent aux terres et au peuple nisga’a. Il n’y a pas de règle unique régissant cette relation entre les lois. Dans certaines circonstances, les lois nisga’a auront prépondérance sur les autres. Dans d’autres cas, ce sont les lois fédérales et provinciales qui l’emporteront. Dans certains secteurs législatifs, les Nisga’a devront se conformer aux normes fédérales ou provinciales pour que leurs lois soient valides. D’une façon générale, les lois nisga’a auront prépondérance dans les affaires internes de la nation nisga’a, lorsqu’il s’agira de choses ayant trait à nos terres, à notre peuple, à nos biens, à notre langue et à notre culture. Nous avons réussi à trouver un moyen de participer à la grande fédération canadienne en tant que citoyens du Canada et en tant que résidants de la Colombie-Britannique. En même temps, nous nous réservons le droit de légiférer sur les questions essentielles touchant notre autonomie comme peuple autochtone du Canada. L’existence d’une assise territoriale est un élément crucial. Il s’agit des quelque 2000 kilomètres carrés désignés comme terres nisga’a en vertu du Traité. Toutefois, nos droits et nos activités s’étendent également au-delà de ces terres, et c’est pour cette raison qu’il est nécessaire de veiller à ce que ces droits soient protégés dans le cadre de la Constitution du Canada. Nous espérons que les leçons que nous avons apprises seront utiles aux peuples des autres régions du Canada et du reste du monde, qui doivent régler la difficile question du rôle des peuples autochtones dans les fédérations du XXIe siècle. Nous avons cru aux promesses signées par le roi George III dans la Proclamation royale de 1763. Nous avons cru à l’engagement pris de ne pas nous enlever nos terres sans notre permission. Et la signature d’un Traité était le moyen approprié pour faire en sorte que les Nisga’a fassent partie de cette nouvelle nation. En 1913, le Comité des terres nisga’a a présenté une pétition au Conseil privé de Londres, qui régnait encore sur le Canada. La pétition renfermait une déclaration établissant notre droit de posséder et de gouverner nos terres traditionnelles ainsi que l’affirmation critique que la propriété de nos terres devait être respectée. Voici un extrait du texte de cette pétition [Traduction] : « [...] Nous ne sommes pas opposés à la venue des hommes blancs sur notre territoire, pourvu que ce soit fait avec justice et en conformité des principes britanniques incarnés dans la Proclamation royale. Par conséquent, si, comme nous nous y attendons, les droits ancestraux que nous revendiquons sont établis par décision du Conseil privé de Sa Majesté, nous serons disposés à adopter une position modérée et raisonnable. Dans ce cas, tout en revendiquant le droit de décider par nous-mêmes des conditions dans lesquelles nous traiterons en ce qui concerne notre territoire, nous serons disposés à accepter que toutes les questions pendantes entre la province et nous-mêmes soient définitivement réglées par des moyens équitables dont il faudra convenir et qui devraient comprendre la représentation des Tribus indiennes au sein de toute Commission qui pourrait être constituée. La déclaration ci-dessus a été adoptée à l’unanimité à une réunion de la nation nisga’a ou tribu des Indiens tenue au village de Kincolith le 22e jour de janvier 1913. » Enfin, sous la direction du président émérite Frank Calder, le Comité des terres nisga’a a été reconstitué sous le nom de Conseil tribal des Nisga’a, en 1955. En 1968, nous avons porté notre revendication territoriale devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Nous avons perdu, mais avons interjeté appel auprès de la Cour suprême du Canada. Là, en 1973, dans ce qui est aujourd’hui connu sous le nom d’arrêt Calder, les juges ont statué que le titre autochtone existait avant la Confédération. C’est ainsi qu’est né le processus moderne de négociation des revendications territoriales au Canada. Le gouvernement du Canada a convenu que la solution la plus indiquée consistait à négocier un traité moderne. Il a convenu qu’il était temps de bâtir une nouvelle relation fondée sur la confiance, le respect et la primauté de la loi. Pendant les 26 dernières années, les Nisga’a se sont efforcés en toute bonne foi de négocier ce traité. Nous ne sommes pas naïfs. Nous savons que certains ne veulent pas de ce traité. Nous savons que nous avons des opposants et que certains d’entre eux sont présents ici aujourd’hui. Nous savons qu’il y en a qui affirment que le Canada nous en « donne » trop. Et que quelques autres voudraient rouvrir les négociations pour pouvoir nous en « donner » moins. Mais ce ne sont là que des manœuvres désespérées, condamnées d’avance à l’échec. En jouant le jeu de la politique avec les aspirations des peuples autochtones, ces opposants cherchent à ternir la promesse du Traité nisga’a, non seulement pour nous, mais aussi pour les non-Autochtones. Nous nous attendons à un débat énergique. En fait, nous nous en réjouissons. Ce sera peut-être le dernier grand débat de ce siècle au Parlement du Canada. Nous sommes sûrs que les Canadiens en viendront à considérer ce traité comme un jalon historique sur la voie du respect des droits des Autochtones, comme un triomphe de la réconciliation et comme la reconnaissance juridique de la place unique que nous occupons dans la mosaïque fédérale du Canada. Qu’attendez-vous de cette Conférence? Quels problèmes devez-vous surmonter? Le fédéralisme, dans votre pays, est-il assez souple pour permettre une véritable participation des Autochtones? RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES Site Web Nisga’a : www.ntc.bc.ca

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