Conférence internationale sur le fédéralisme

Mont-Tremblant, octobre 1999

Article de référence

STRUCTURES DES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES

David Cameron Professeur de sciences politiques Université de Toronto

Introduction

Le fédéralisme, c'est le partage de la souveraineté de l'État entre un gouvernement central et des gouvernements régionaux. Ce système donne lieu à deux séries de relations, l'une d'une importance primordiale, à laquelle nous nous attacherons tout particulièrement dans ce document, et l'autre d'importance secondaire, quoique non négligeable.

Les relations qui sont d'une importance primordiale sont celles qui existent entre les éléments constituants d'une fédération et le gouvernement central. Le pouvoir et la compétence relatifs des deux ordres de gouvernement sont des questions qui préoccupent constamment les pays fédérés au même titre que les relations et l'interdépendance qui existent entre eux.

Viennent ensuite les relations qui existent entre les éléments infranationaux d'une fédération.

Ces deux sortes de relations intergouvernementales influent considérablement sur le fonctionnement d'une fédération donnée. En fait, les relations intergouvernementales (RIG) constituent la pierre angulaire de tout régime fédéral; elles sont l'instrument privilégié grâce auquel le travail – quel qu'il soit – s'effectue. Les RIG servent de tampon entre ce que prévoit la Constitution et ce qu'exige la réalité concrète du pays.

En raison des exigences de la vie moderne, les relations qui existent entre et parmi les gouvernements revêtent une importance croissante. Même si la théorie du partage précis des compétences et des compartiments étanches paraissait logique au XIXe siècle, elle est nettement dépassée aujourd'hui. On ne trouve pas seulement dans les fédérations classiques un chevauchement des compétences et un besoin implacable de discussion, de négociation et d'échange entre les gouvernements; cette nécessité existe à tous les niveaux de la vie publique tant sur la scène nationale qu’internationale, comme en témoigne l'importance croissante de ce que l'on appelle désormais la « plurigouvernance ».

Qu'est-ce qui façonne la structure des relations intergouvernementales? Les relations entre les gouvernements d'une fédération se façonnent en fonction des éléments suivants :

la société au sein de laquelle elles existent;
le régime constitutionnel qui les régit;
les institutions gouvernementales dont elles sont en partie le fruit; et
les conditions internes et externes qui influent sur la vie du pays en cause à un moment donné.

Dans les pages qui suivent, nous mentionnons certains des principaux facteurs qui aident à façonner les relations intergouvernementales. Dans chaque pays fédéral, ces facteurs sont combinés de façon à créer le modèle particulier des institutions et des procédures intergouvernementales propres à cette société.

Facteurs démographiques et géographiques

La taille du pays, l'importance de sa population et la répartition de celle-ci sur le territoire sont autant de facteurs qui influent sur les structures et la tenue des RIG. L'expérience de la Russie en tant que fédération sera très différente de celle de la Suisse, disons, ne serait-ce que parce que la Russie est le plus grand pays du monde, avec un territoire qui s'étend sur 12 fuseaux horaires, tandis que la Suisse est une petite enclave au coeur de l'Europe de l'Ouest. L'Inde, un sous-continent surpeuplé de près d’un milliard d’habitants, ne mènera pas ses affaires fédérales de la même façon que la République des Comores, qui se compose de trois îles dans l'océan Indien et qui compte moins de 600 000 habitants. Le fait que les territoires ne se touchent pas constitue de toute évidence un autre facteur à prendre en considération.

Facteurs sociaux et culturels

La composition raciale, religieuse, linguistique et culturelle d'un pays donné définit souvent les conditions de l'entente fédérale, imposant ou excluant certains modes et usages au niveau des institutions. La Belgique, le Canada, l'Inde, la Malaisie et la Suisse, qui ont une société multilingue et multiculturelle, sont des pays très différents des fédérations plus homogènes du point de vue social comme l'Australie, l'Autriche, l'Allemagne et les États-Unis.

Une langue commune simplifie les échanges au niveau fédéral; l'existence de plusieurs langues officielles, ou l'absence d'une lingua franca accessible à tous, rend les communications plus difficiles dans le cadre des RIG. De profonds écarts d'ordre socio-culturel dans un pays risquent de nuire à des relations intergouvernementales efficaces en donnant lieu à l’ignorance et à des doutes entre les groupes. L'existence d'une minorité culturelle importante et concentrée peut favoriser la mise en place de règles et de méthodes plus officielles dans le cadre des RIG que dans les autres cas.

Facteurs historiques

La force de la tradition et de l'expérience politique commune influera sur la capacité d'une fédération de préserver ou de remanier ses relations intergouvernementales. Une communauté politique qui jouit d'une longue expérience commune du fédéralisme connaîtra des avantages et des inconvénients qui n'existeront pas dans une société fédérale récente. Que ce soit un bien ou un mal, les normes et pratiques des RIG au Canada et aux États-Unis sont établies dans des modèles d’usages et de comportement traditionnels, tandis que dans un pays fédéral récent comme la Russie, un changement radical des dispositions en place est toujours possible, ce qui peut s'accompagner de conséquences positives ou négatives. En outre, comme nous le prouve l'expérience de la Russie, le fait que l'État de droit ne soit pas une notion bien ancrée dans un pays influera profondément sur les relations intergouvernementales de ce dernier.

Facteurs constitutionnels et institutionnels

Le nombre et la taille relative des éléments d'une fédération, le niveau d'asymétrie entre eux, l'existence d'un régime de common law ou de droit civil, l'organisation du gouvernement en régime parlementaire ou présidentiel - autant de facteurs qui sont de la plus haute importance pour déterminer la nature des structures et du mode des relations intergouvernementales. Il est difficile, voire impossible pour des représentants des divers gouvernements aux États-Unis, qui comptent 50 États, ou en Russie, qui compte 89 éléments infranationaux divers, de discuter dans la même salle. Là encore, étant donné l'énorme asymétrie qui existe entre les 89 républiques, oblasts, krais, okrugs divers et variés que compte la Russie, lesquels sont souvent le fruit de traités bilatéraux, ce pays doit organiser ses RIG comme s'il s'agissait d'une série de procédés intergouvernementaux sans rapport les uns avec les autres; la cohérence est un objectif difficile à atteindre. Des systèmes juridiques différents présupposent que la structure du gouvernement est plus ou moins formelle, ce qui influe considérablement sur la nature des RIG. Dans un régime parlementaire, où le pouvoir est généralement concentré aux mains de l'exécutif, et un régime présidentiel, où le pouvoir est réparti entre de nombreux intervenants, les RIG prendront une tournure très différente : dans le premier cas, elles seront dominées par l'exécutif, et, dans le deuxième cas, le pouvoir législatif aura également un rôle à jouer. Une bonne partie des activités liées aux RIG d'une fédération peut être menée par une chambre haute se trouvant dans la capitale fédérale, laquelle regroupe les exécutifs fédéral et régionaux dans un processus législatif central « fédéralisé ».

Facteurs politiques

Le genre de régime électoral en place peut avoir une influence, non seulement sur la stabilité des gouvernements, mais aussi sur la capacité du gouvernement central de représenter les collectivités minoritaires et régionales et de favoriser une certaine cohésion au sein de la fédération. Même si un régime électoral fondé sur le système du scrutin anglais ou du scrutin majoritaire uninominal favorise en général l'élection de gouvernements majoritaires stables, il tend également à sous-représenter l'opinion de la minorité. Les pays qui utilisent diverses formes de représentation proportionnelle, comme l'Australie, l'Autriche et la Suisse, en revanche, ont un système électoral qui représente de façon plus exacte la répartition réelle des voix, mais ils ont généralement tendance à favoriser les régimes multipartites et, bien souvent, les gouvernements de coalition. Ces facteurs contribuent à l'organisation des régimes de partis politiques tant au niveau fédéral que régional.

La nature du système de partis politiques au sein d'une fédération influera sur ses relations intergouvernementales. Une fédération dotée d'un système de partis national/régional intégré jouira d'une capacité d'intégration qui n'existe pas dans une fédération constituée de façon différente; les relations entre les gouvernements pourront ressembler à l'occasion à des relations entre collègues politiques de la même affiliation. Un pays comme le Canada, dont le système de partis est très différent aux niveaux fédéral et provincial, doit trouver un autre moyen pour diriger les affaires de la fédération.

Le niveau de centralisation ou de décentralisation est un autre facteur important qui influe sur les RIG. Souvent le fruit de l'évolution des conditions historiques et politiques plutôt que d'un texte officiel de la Constitution, le niveau de centralisation ou de décentralisation influe sur l'équilibre du pouvoir entre les deux ordres de gouvernement, et donc, sur le comportement des principaux intervenants et leurs relations mutuelles.

Facteurs circonstanciels

Enfin, il faut tenir compte des circonstances réelles dans lesquelles évolue un pays fédéral. En temps normal, ce contexte ne semble pas avoir d'effet concret sur les RIG, mais si l'on tient compte de l'existence d'une menace externe, comme une guerre, ou d'une menace interne, comme une sécession, on peut comprendre l'incidence de ces facteurs circonstanciels sur les relations intergouvernementales. En général, la guerre a un effet extrêmement centralisateur sur les États, et notamment les fédérations, et les conditions en temps de guerre entraînent parfois la suspension réelle du régime fédéral et de son mode normal de relations intergouvernementales. Une menace sérieuse de sécession de la part d'un des éléments régionaux de la fédération peut aussi obliger le pays à prendre des mesures de défense extraordinaires, ce qui influe sur le mode et le déroulement normaux des relations intergouvernementales. Il importe également de signaler que ce genre d'incidents peuvent avoir d'énormes conséquences résiduelles dont les effets peuvent se faire sentir bien après la fin de la crise. Ainsi, il est parfois très difficile de démanteler la centralisation qui s'est effectuée en temps de guerre, une fois la paix rétablie.

Les structures des relations intergouvernementales

Les structures des relations intergouvernementales peuvent varier énormément d'un régime fédéral à l'autre. Même si elles remplissent toutes la même fonction générale, à savoir faciliter les échanges entre les gouvernements, surtout entre les deux ordres de gouvernement, elles peuvent différer considérablement. Cette différence est directement liée aux facteurs dont il a été question dans la partie précédente de ce document.

Une bonne partie des RIG qui se déroulent dans les fédérations sont d'ordre « préstructurel ». La plupart des activités de la fédération seront menées de façon officieuse, par téléphone, télécopieur et courriel, ainsi qu'au cours de rencontres informelles entre les politiques et les hauts fonctionnaires. Cet aspect des relations est, comme on peut le comprendre, tout aussi important que les autres « structures » pour faciliter la conduite efficace des affaires fédérales; si elles n'existaient pas, la fédération s'en ressentirait très rapidement.

La portée des relations intergouvernementales peut toutefois varier. Elles peuvent se dérouler entre tous les éléments d'une fédération, ou seulement certains de ses éléments (p. ex., un groupe régional, culturel ou économique), ou entre seulement deux des éléments (soit le gouvernement central et l'un des éléments régionaux, soit deux éléments régionaux dans le cadre de relations bilatérales).

Les relations intergouvernementales peuvent également varier en fonction des trois facteurs suivants :

Le degré d'institutionnalisation. Dans un pays donné, les RIG peuvent être extrêmement institutionnalisées, se déroulant selon des structures et des méthodes officielles qui définissent l'activité intergouvernementale, ou encore de façon informelle et ponctuelle, en fonction essentiellement des circonstances de l'heure et de la préférence des intervenants politiques en cause.
L'importance du processus décisionnaire dans les relations. Les RIG peuvent parfois consister simplement en échanges d'information entre et parmi les gouvernements d'une fédération, ou déboucher sur des consultations et sur la modification de politiques par l'un d'entre eux compte tenu des projets ou des intentions d'un autre gouvernement; ces relations peuvent également s'accompagner d'un processus décisionnaire officiel, servant de tribune où se prennent certaines décisions éclairées d'une communauté fédérale.
Le degré de transparence. Les RIG peuvent se dérouler dans les coulisses et pratiquement à l'insu de la majorité des gens ou sans reddition de comptes, ou bien elles peuvent s'inscrire dans des procédures qui sont assujetties à l'examen et à l'influence du public, et limitées par des principes clairs de responsabilité démocratique.

Il est possible de classer les structures de RIG en trois, et peut-être quatre catégories : intrajuridictionnelles; interjuridictionnelles, judiciaires et – étant donné l'incidence croissante de la mondialisation sur les États fédéraux – internationales. Nous aborderons brièvement ces quatre catégories.

Les relations intergouvernementales intrajuridictionnelles

Plusieurs fédérations ont prévu des dispositions constitutionnelles qui ont pour effet de « fédéraliser le centre ». Les régions sont donc représentées dans les institutions du gouvernement central.

Souvent, cela se fait grâce à une chambre haute qui, d'une façon ou d'une autre, représente les régions fédérées. Le type de nomination définit en fait la façon dont les intérêts régionaux sont représentés au centre; par élection directe, ce qui est le cas de l'Australie, de la Suisse et des États-Unis; par élection indirecte à partir des assemblées législatives régionales, ce qui est le cas de l'Autriche et, dans une certaine mesure, de l'Inde; par nomination directe de délégués dans les gouvernements régionaux, comme c'est le cas en Allemagne; ou par un système qui combine tout ce qui précède, comme cela se fait en Belgique, en Malaisie et en Espagne. Le système canadien de nomination des sénateurs par le gouvernement central ne répond pas au critère des relations intrajuridictionnelles. La principale fonction de la plupart de ces chambres hautes est d'examiner la législation fédérale du point de vue des intérêts régionaux et minoritaires. Le Bundesrat allemand, composé de délégués des Länder, joue un rôle intergouvernemental précis, en favorisant la collaboration entre le gouvernement national et les exécutifs régionaux.

Les relations interjuridictionnelles

Ce genre d’interaction tombe dans deux catégories : les relations entre tous les éléments régionaux, ou certains d'entre eux et le gouvernement central, et les relations entre certains éléments régionaux, ou la totalité d'entre eux, à l'exclusion du gouvernement central.

Il existe une vaste gamme de structures et de dispositions qu'ont adoptées les fédérations pour faciliter l'interaction entre les gouvernements central et régionaux, depuis les réunions entre chefs de gouvernement (comme les Conférences des premiers ministres au Canada), jusqu'aux réunions de ministres titulaires de portefeuilles précis, en passant par toute une gamme de rencontres entre hauts fonctionnaires.

Les dispositions de ce genre ne sont généralement par requises par la constitution, puisqu'elles ont été adoptées de façon pratique au fil des ans pour répondre à un besoin réel. Toutefois, le Loans Council de l'Australie, créé en vertu d'une modification constitutionnelle en 1927, coordonne les emprunts du gouvernement fédéral et des provinces, et peut prendre des décisions qui sont exécutoires pour les deux ordres de gouvernement.

Ces institutions varient, allant de réunions purement ponctuelles, portant sur une question d'actualité, à des conférences, des conseils ou des commissions institutionnalisés. La Commission des subventions du Commonwealth de l'Australie, organisme permanent depuis 1933, est chargée de conseiller le gouvernement du Commonwealth sur les questions de redistribution des richesses grâce au programme de péréquation. Le Council of Australian Governments, créé en 1992, favorise la collaboration intergouvernementale, surtout en ce qui a trait au développement économique du pays. À l'occasion, des réunions informelles, convoquées selon les besoins, finissent par devenir de véritables institutions ; elles commencent à être dotées d'un personnel de soutien, à élaborer des normes relatives au processus décisionnel, et confient des travaux à des organismes qui relèvent d'elles.

Dans de nombreuses fédérations, il y a des réunions régulières entre les représentants de tous les gouvernements infranationaux, ou de certains d'entre eux, qui se réunissent de leur propre chef. Parmi les exemples de réunions régionales qui se déroulent au Canada, mentionnons la Conférence des premiers ministres de l'Ouest et le Conseil des premiers ministres de l'Atlantique; aux États-Unis, les gouverneurs des États des Grands-Lacs et de Nouvelle-Angleterre se réunissent régulièrement pour examiner des questions d'intérêt régional. Les activités qui se déroulent au nord et au sud du 49e parallèle ont débouché sur des réunions régionales transfrontalières entre des gouverneurs américains et les premiers ministres provinciaux canadiens. La Conférence annuelle des premiers ministres, au Canada, rassemble tous les premiers ministres provinciaux ainsi que les dirigeants des territoires. Cette conférence est la preuve concrète de la façon dont ces régions évoluent, parfois jusqu'à devenir des institutions plus officielles avec le temps. Au départ, il s'agissait pour ainsi dire d'une rencontre de golf pendant l'été, mais au cours des 40 ans qui se sont écoulés depuis la première rencontre, et surtout ces dernières années, cette conférence est devenue l'une des principales institutions intergouvernementales de la fédération. Il arrive que ces organismes s'attaquent à des problèmes auxquels tous les intervenants se heurtent dans leurs domaines de responsabilité communs. Souvent, en outre, les exécutifs régionaux veulent discuter entre eux d'une initiative fédérale ou se préparer en vue d'une réunion avec le gouvernement central.

À mesure que les éléments constituants acquièrent de l'expérience dans la pratique courante du fédéralisme exécutif, bon nombre d'entre eux chargent un personnel désigné de coordonner des activités de RIG à leur niveau et d'offrir des conseils stratégiques sur les objectifs intergouvernementaux et la façon de les atteindre. Dans ces cas-là, les relations intergouvernementales deviennent plus stratégiques, plus centralisées aux deux niveaux de gouvernement, plus ciblées et plus officielles.

Les RIG et le pouvoir judiciaire

Lorsque les litiges semblent impossibles à résoudre grâce au processus normal des RIG, il peut arriver qu'une des parties décide de saisir les tribunaux pour obtenir un règlement définitif. Étant donné que la guerre est la prolongation de la diplomatie par d'autres moyens, on peut également interpréter l'appel interjeté devant les tribunaux comme la prolongation des RIG dans un contexte différent. De toute évidence, il ne s'agit pas là de relations intergouvernementales normales, même si elles offrent aux participants un outil stratégique puissant, mais risqué, dans la lutte pour promouvoir ses intérêts sur le plan intergouvernemental. Il convient de signaler qu'il ne s'agit pas simplement d'un mécanisme de règlement des différends entre le gouvernement central et les régions; à l'occasion, des litiges insolubles entre les gouvernements régionaux sont réglés par les tribunaux. L'effet de l'interprétation judiciaire peut être important et durable, et c'est pourquoi, dans les domaines où il existe une véritable ambiguïté, on constate souvent que les participants sont peu enclins à se voir imposer une décision par les tribunaux.

Les RIG au niveau international et autres

Certains enjeux modernes auxquels sont confrontés les États fédéraux et d'autres États ont des conséquences très nettes pour les RIG, même s'ils sont liés à des formes d'interaction gouvernementale qui sortent des définitions classiques du domaine.

Par exemple, le désir des territoires fédéraux d'en arriver à une plus grande autodétermination exige que l'on redéfinisse peu à peu les relations qui existent au sein de la fédération et qu'on conçoive de nouvelles formes de collaboration intergouvernementale.

Là encore, la poursuite de l'objectif de l'autonomie gouvernementale par les peuples autochtones de plusieurs fédérations soulève des problèmes de principe et d’orientation complexes quant aux relations qu'il convient d'établir entre ces nouvelles entités politiques et les structures traditionnelles du fédéralisme.

Lors de toute étude approfondie des relations intergouvernementales dans les régimes fédéraux, il faut tenir compte de la croissance des organismes internationaux quasi gouvernementaux et de l'apparition de structures politiques complexes à plusieurs niveaux qui dépassent les limites des États. Même si l'agencement de tous ces éléments ne paraît pas toujours évident, il est un fait que l'on se doit d'en tenir compte.

Trois fédérations nord-américaines – le Canada, les États-Unis et le Mexique – se sont regroupées pour faire de l'ALENA une entité internationale qui aura une incidence durable sur tous les éléments constituants de ces trois fédérations. De même, la Malaisie fait partie de l'ASEAN, l'Association des nations d'Asie du Sud-Est. La négociation de ce genre d'accords internationaux et leur application permanente exigent des tendances de comportement et d'interaction nationale peu habituelles de la part des États fédéraux qui en sont membres.

Au sein de l'Union européenne, qui est en fait une confédération avec des dimensions fédérales distinctes, on trouve quatre fédérations : l'Autriche, la Belgique, l'Allemagne et l'Espagne. La question du choix du statut européen à conférer aux éléments régionaux de chacune de ces fédérations est encore à l'étude, en ce qui a trait aux négociations pertinentes au niveau européen et à la représentation à Bruxelles, ainsi qu'au rajustement de l'équilibre des pouvoirs entre le centre et les régions au sein de chaque fédération.

Les forces de la mondialisation influent sur la plupart des sociétés, et celles des États fédéraux n'y font pas exception; par ailleurs, ces forces modifient de façon plus ou moins nuancée les structures et les méthodes d'interaction des éléments fédéraux constituants.

Conclusion

Le domaine des relations intergouvernementales des fédérations actuelles présente un vaste éventail de structures, de méthodes, d'institutions et de mécanismes visant à faire face au chevauchement et à l'interdépendance inévitables, caractéristiques de la vie moderne. Même si toutes les fédérations ont suivi une voie distincte, en fonction de leur situation particulière, elles répondent toutes à la même exigence fonctionnelle, à savoir trouver une façon efficace de gérer les relations entre les gouvernements. La capacité de gérer ces relations revêtira une importance croissante à l'avenir, à mesure que de nouveaux régimes fédéraux seront créés et que les structures de gouvernement à plusieurs niveaux se multiplieront au sein du monde moderne.

Il est facile de se perdre dans les aspects techniques de ces processus et de concentrer son analyse sur les structures et les mécanismes qui permettent de réglementer la concurrence ou de favoriser la collaboration entre les gouvernements. Il existe toutefois un autre contexte, plus important en dernier ressort, dans lequel doivent s'inscrire les relations intergouvernementales, à savoir le cadre des normes et valeurs démocratiques. Les gouvernements modernes, quelle que soit leur affiliation politique, sont confrontés à de sérieux défis sur le plan démocratique. Il se pose des problèmes doublement complexes en matière de démocratie, de citoyenneté et de responsabilité auxquels sont confrontés les gouvernements dans le cadre de leurs relations mutuelles.

Il est au moins possible d'affirmer, toutefois, qu'il existe à la fois une théorie et des institutions assez musclées qui justifient l'adjectif « démocratique » dans l'expression : « l'État démocratique moderne ». Jusqu'ici, il n'existe ni théorie ni institution équivalentes qui nous permettent de parler sans ambiguïté de « relations intergouvernementales démocratiques ». Et pourtant, les RIG sont une réalité cruciale de la vie politique moderne – pas simplement dans les fédérations – et elles le seront encore davantage dans les années à venir. La démocratisation des relations intergouvernementales est l'un des principaux enjeux que pose la conduite des affaires publiques à la fin du siècle.

Questions à aborder lors de la discussion en table ronde

La table ronde pourra commencer par une discussion entre les participants sur leur expérience pratique, autour des questions suivantes :

Quel est le problème pratique le plus urgent auquel se heurtent les relations intergouvernementales dans votre fédération? Comment s'y attaque-t-on?
Que considérez-vous comme la réalisation récente la plus importante au niveau des relations intergouvernementales dans votre pays? À quoi est-elle due?
Y a-t-il eu d'importantes innovations au niveau de la structure et de la conduite des relations intergouvernementales dans votre fédération? Quelle incidence ces réformes ont-elles eue sur les RIG dans votre pays?

La deuxième partie de la discussion pourra porter davantage sur des questions d'évaluation. Il est possible d'évaluer les relations intergouvernementales du point de vue de l'efficience, de l'efficacité et de la démocratie.

Les RIG telles qu'elles se déroulent en général constituent-elles un moyen onéreux, fastidieux et inefficace d'atteindre les objectifs de la politique gouvernementale, ou est-ce une façon rentable de mener les activités nécessaires d'un régime fédéral? Certains modèles de relations intergouvernementales sont-ils plus efficaces que d'autres? Y a-t-il des moyens de réduire les dépenses?
Les relations intergouvernementales entravent-elles ou facilitent-elles la réalisation et la mise en oeuvre des politiques nationales dont le pays a besoin? Si le rôle de l'État est d'offrir une vaste gamme de services à ses ressortissants, les relations intergouvernementales aident-elles les gouvernements nationaux et infranationaux qui sont les mandataires de l'État au sein d'une fédération, à bien exécuter leurs tâches?
La pratique des relations intergouvernementales fait-elle obstacle à la participation des citoyens, entrave-t-elle le processus décisionnaire du gouvernement, sème-t-elle la confusion dans l'esprit du public et rend-elle plus floue, au lieu de la préciser, la hiérarchie des reponsabilités, ou a-t-il fallu qu'elle s'aligne sur les normes démocratiques?
Un dernier sujet qui mérite d'être examiné porte sur l'apparition de concurrents sérieux sur le « marché de la gestion publique ». L'État-nation ne détient plus de monopole, mais il doit soutenir une vive concurrence de la part des centres de pouvoir au-dessus de lui et des nouveaux centres de pouvoir qui se créent à l'intérieur de l'État et en dessous de lui.
Quelle est l'incidence de ces forces sur la nature des relations intergouvernementales dans les régimes fédéraux?

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