Conférence internationale sur le fédéralisme Mont-Tremblant, octobre 1999 Article de référence

LE FÉDÉRALISME ET L’IMMIGRATION

Peter J. Spiro Professeur adjoint à l'École de Droit de l' Université de Hofstra

De façon générale, les pays ont toujours considéré que la politique d’immigration faisait partie intégrante des relations étrangères et qu’elle devait ainsi relever exclusivement du gouvernement central. Même au sein de fédérations, les unités infranationales n’ont jamais exercé beaucoup de pouvoir discrétionnaire en matière d’immigration. Mais des changements semblent se dessiner à cet égard, la mondialisation permettant une participation beaucoup plus importante du niveau infranational aux décisions relatives à l’immigration. Ainsi, les préférences des unités infranationales seront davantage prises en compte et, en bout de ligne, les groupes d’immigrants en retireront les bienfaits.

Dans ce document de référence, on examine les nouveaux arrangements fédéraux possibles dans trois domaines distincts que comportent le droit de l’immigration et la formulation de politiques : les droits des immigrants, les avantages de l’immigration et l’exécution de la loi en matière d’immigration. On entend par droits des immigrants notamment le traitement des étrangers aux fins d’application du droit civil et criminel, de même que les incidences du statut d’étranger sur l’admissibilité aux services sociaux publics et à d’autres avantages. Les avantages de l’immigration comptent l’autorisation d’entrer sur un territoire donné et la possibilité d’acquérir la citoyenneté. L’exécution de la loi en matière d’immigration comporte notamment le contrôle des frontières et des admissions, de même que l’application de conditions à l’admission régulière.

On examine également dans ce document les approches qui seraient possibles d’appliquer à chaque domaine dans le cadre de trois modèles de fédéralisme : fédéralisme où il y a suprématie du gouvernement central, fédéralisme coopératif, et fédéralisme décentralisé. Lorsqu’il y a suprématie du gouvernement central, les unités infranationales ne jouent qu’un rôle indirect, marginal, dans les décisions en matière d’immigration. Dans le fédéralisme coopératif, le gouvernement central assume l’ultime contrôle et la supervision des décisions relatives à l’immigration, mais il engage la participation des autorités infranationales à titre de partenaires de second rang, leur accordant un certain pouvoir d’exprimer ou de préciser leurs besoins particuliers. Enfin, dans le fédéralisme décentralisé, le gouvernement central cède son contrôle en matière d’immigration aux unités infranationales.

On semble actuellement constater une tendance générale, au sein des fédérations, de s’éloigner du modèle de suprématie du gouvernement central pour se rapprocher du fédéralisme coopératif. Il reste à déterminer si une approche entièrement décentralisée relativement à la formulation des politiques d’immigration serait préférable – ou même possible.

Types de décisions en matière d’immigration et tendances récentes

Droits des immigrants. Les droits des immigrants se répartissent en deux catégories de base. Il y a d’abord les droits civils, notamment le droit à la protection de la loi et celui à la protection devant la loi, autrement dit, le droit à une identité personnelle. Ceux-ci comptent aussi le droit à un procès dont bénéficient les accusés lors de poursuites au criminel, et le droit de recourir à la loi pour se protéger contre les méfaits d’autres personnes (par exemple, le droit en matière de contrat et le droit du travail). Les autorités infranationales ont peu de latitude en ce qui concerne le respect ou le non-respect de la plupart des droits civils. Mais cela est attribuable davantage à la primauté du droit international qu’à la suprématie du gouvernement central. Les droits civils sont devenus les droits de la personne et sont aujourd’hui régis au niveau international plutôt que national.

La plupart des droits sociaux ne sont pas encore intégrés clairement dans les principes du droit international. Il s’agit, entre autres, du droit aux services sociaux comme les soins de santé, les programmes de soutien aux pauvres et l’enseignement public. La prise des décisions relatives à ces droits peut être confiée au gouvernement national ou aux unités infranationales. Dans d’autres contextes que l’immigration, un débat important a surgi pour déterminer quel palier de gouvernement pouvait le mieux administrer les programmes sociaux.

Dans le domaine de l’immigration, il s’agit de déterminer si les étrangers (légaux et illégaux) seront admissibles aux programmes sociaux que finance l’État. En Allemagne, les Länder exercent depuis longtemps le pouvoir de déterminer les avantages sociaux auxquels les étrangers ont droit. Ailleurs, jusqu’à récemment, du moins aux États-Unis, cette question relevait du gouvernement central, dans un modèle où celui-ci jouissait de suprématie, c’est-à-dire que seul le gouvernement central avait le pouvoir de décider des incidences du statut d’étranger sur l’admissibilité aux programmes sociaux, même pour ce qui était des programmes financés localement. Cela a changé au cours des dernières années : dans le cadre de la révision de la législation relative aux programmes sociaux de 1996, on accordait pour la première fois aux gouvernements des États américains le pouvoir d’établir les conditions d’admissibilité à certains programmes importants en fonction du statut de citoyenneté.

Exécution de la loi en matière d’immigration. L’exécution de la loi comprend le contrôle des frontières et l’application des dispositions prévoyant le renvoi d’étrangers qui sont entrés illégalement au pays ou qui ont violé les conditions de leur admission légale. Dans la plupart des États, l’exécution de la loi en matière d’immigration est du domaine exclusif du gouvernement central, par l’entremise des sections d’exécution de leur ministère de l’immigration. Toutefois, l’Allemagne constitue une exception importante à ce chapitre, en ce que les décisions relatives à l’expulsion sont la responsabilité des Länder. Dans d’autres pays, les autorités infranationales ont pu exercer une certaine influence sur les décisions relatives à l’expulsion, du moins lorsque ces décisions sont le résultat de poursuites criminelles ou d’autres démarches de niveau infranational; par exemple, le juge d’un tribunal national ou fédéral pouvait déterminer qu’une personne était passible d’expulsion grâce à la discrétion dont il jouit pour prononcer une sentence. Les autorités fédérales chargées de l’exécution de la loi peuvent également, de manière non officielle, affecter des ressources pour répondre aux pressions des unités infranationales; cela s’est déjà produit aux États-Unis, pour permettre d’exécuter la loi plus rigoureusement dans le Sud-Ouest, où il y a des poussées occasionnelles de xénophobie, que dans le Nord-Est, qui se montre généralement plus accueillant envers les immigrants.

Le modèle de la suprématie du gouvernement central au chapitre de l’exécution de la loi fait aussi l’objet de révision. Par suite de la grande réforme de la législation des États-Unis en matière d’immigration réalisée en 1996, le ministère de la Justice sera autorisé à conclure des ententes avec les gouvernements des États ou les gouvernements locaux, et de déléguer à ces derniers le pouvoir de faire enquête, d’arrêter et de détenir les étrangers qui se trouvent illégalement aux États-Unis. Le Secrétaire d’État pourra également charger les responsables de l’exécution de la loi des États ou des localités de contrôler l’immigration lors « d’afflux importants » d’étrangers.

Ni l’une ni l’autre de ces nouvelles dispositions n’ont encore été mises en application aux États-Unis, bien que certaines localités aient examiné la possibilité de conclure des ententes de délégation de pouvoirs. Pendant ce temps en Allemagne, l’expulsion par les Länder d’étrangers à qui on avait refusé le droit d’asile a été source de controverse. Mais la tendance indique quand même, pour ce qui est des décisions relatives à l’immigration, qu’il y a éloignement du contrôle exclusif du gouvernement central en faveur d’un rapprochement d’un autre modèle, au moins d’un modèle coopératif. Récemment, Peter H. Schuck, de la Yale Law School, a écrit un article important encourageant une plus grande participation des États américains à l’exécution de la loi en matière d’immigration.

Toutefois, il ne faudrait pas inclure dans cette tendance un genre particulier de participation infranationale à l’exécution de la loi en matière d’immigration, soit l’assistance obligatoire du niveau infranational aux fins du contrôle de l’immigration, imposée par le gouvernement central. On a constaté des efforts dans ce sens durant les années 1990 aux États-Unis (après que quelques localités eurent adopté des lois interdisant la coopération avec les autorités fédérales de l’Immigration), mais il semblerait que cette situation ne se soit pas reproduite.

Avantages de l’immigration. Les avantages de l’immigration consistent en l’obtention de certains droits relatifs à l’admission et à la présence dans un pays, c’est-à-dire l’autorisation d’être admis d’abord et les conditions de cette admission (plus particulièrement en ce qui a trait au statut temporaire ou permanent). Les décisions dans ce domaine touchent également l’exercice et la gestion des pouvoirs liés à la naturalisation.

À l’instar de l’exécution de la loi en matière d’immigration, les avantages de l’immigration (du moins au vingtième siècle) demeurent la responsabilité exclusive des gouvernements centraux; ceux-ci ont donc déterminé eux-mêmes les catégories d’immigrants qui seraient éventuellement admis, de même que les conditions de leur admission. Les plus importantes décisions à ce chapitre concernent les qualifications que doivent posséder les immigrants permanents. Aux États-Unis, les autorités infranationales n’ont pas été consultées au sujet de l’admission des immigrants. Les catégories dont les membres bénéficient de la résidence permanente ont été déterminées en fonction des besoins et des capacités de l’ensemble du pays, en considérant très peu les différences au niveau infranational. Dans le passé, ce sont dans les admissions autorisées en fonction des compétences professionnelles que cette situation a été la plus évidente.

Mais la suprématie du gouvernement central s’amenuise à ce chapitre également. Les gouvernements nationaux tiennent de plus en plus compte des différents besoins des unités infranationales auxquels des immigrants qualifiés pourraient répondre. Ainsi, l’Australie et le Canada se sont dotés de programmes où les provinces ont droit à un quota supérieur d’immigrants qualifiés, aux termes d’ententes officielles conclues entre les autorités centrales et infranationales. Au Canada, le Québec participe de façon importante aux questions touchant l’immigration dans la province. Actuellement, le Québec maintient plusieurs bureaux à l’étranger, lesquels sont chargés, entre autres, de promouvoir l’immigration. La province a été autorisée à établir son propre « système de points d’appréciation » pour l’immigration fondée sur les compétences et à administrer un programme d’immigration « des investisseurs » distinct de celui du gouvernement canadien; de fait, ce programme est vu comme faisant concurrence au programme fédéral. Aux États-Unis par contre, les gouvernements des États ne participent pas encore officiellement à la détermination des niveaux et des priorités en matière d’immigration.

En ce qui concerne la naturalisation, ce domaine continue d’être exclusivement du ressort national, aussi bien pour ce qui est de la formulation des politiques que de l’administration. Cela n’a cependant pas toujours été ainsi. Avant 1906, aux États-Unis, les autorités des États exerçaient des responsabilités administratives parallèles relativement à la naturalisation des étrangers.

Évaluation des approches de l’immigration au sein du fédéralisme

Il semble donc qu’il y aurait une tendance perceptible vers une plus grande participation des unités infranationales dans les trois champs de décisions en matière d’immigration. Il reste à déterminer si cette tendance est désirable.

Le contrôle exclusivement fédéral sur les décisions en matière d’immigration était justifié dans un monde d’États-nations hostiles et concurrentiels. L’immigration était alors presque inhérente à la politique étrangère puisqu’elle implique par définition le traitement de citoyens d’autres États. Par conséquent, l’immigration et le traitement des étrangers en général constituaient des points délicats dans les relations entre États dans le système Westphalien.

Comme pour les autres éléments de la politique étrangère, le fait de confier la politique d’immigration à un organisme central, capable de prendre les décisions en matière d’immigration en tenant compte du contexte général des relations étrangères, comportait de nombreux avantages sur le plan structurel. Dans le cas contraire, les unités infranationales auraient pu suivre leurs préférences et rompre l’équilibre précaire sur lequel se fondaient les relations bilatérales, avec des conséquences parfois catastrophiques. (De fait, on trouve plusieurs exemples de situations, au dix-neuvième et au vingtième siècles, où des autorités infranationales, agissant contre les intérêts nationaux, ont soulevé de graves controverses au sujet de la politique étrangère.) Cela constitue l’explication la plus solide de la suprématie traditionnelle exercée par les gouvernements centraux au chapitre de la politique d’immigration.

Cependant, la suprématie des gouvernements centraux s’est toujours exercée au détriment des variations des préférences infranationales, ce qui a eu pour effet de restreindre la souplesse. Aux États-Unis, cela a joué en défaveur des immigrants (résidents sans papiers et éventuels) En périodes de pointe la xénophobie est typiquement concentrée dans des régions précises et attire beaucoup plus l’attention que les opinions neutres ou favorables ailleurs. Lorsque le contrôle relève exclusivement du gouvernement central, les sentiments xénophobes localisés sont transmis à ce gouvernement, même s’ils ne reflètent pas l’opinion majoritaire nationale.

Deux épisodes marquants de restrictions extrêmes aux États-Unis, l’un à la fin du dix-neuvième siècle (illustré par les lois visant à exclure les Chinois), l’autre au milieu des années 1990, peuvent effectivement être liés à la position anti-immigration de la Californie. À titre d’État puissant sur le plan politique mais n’ayant pas le pouvoir de prendre ses propres mesures, la Californie a pu faire intégrer son attitude xénophobe dans la législation nationale.

Mais, quoique déplorable, il était nécessaire de subjuguer dans le passé les préférences infranationales aux impératifs de la politique étrangère. Depuis quelques années cependant, l’équilibre n’est plus le même. D’abord, les relations entre les États-nations (du moins dans le monde démocratique) ne s’établissent plus sous la menace de conflits graves. Ainsi, le risque que les activités infranationales nuisent aux relations étrangères est moins grand. Ensuite, les gouvernements nationaux sont plus susceptibles de reconnaître que, lorsqu’une unité infranationale d’une fédération agit dans le cadre de sa sphère de compétences, elle est seule responsable de ses gestes. Aujourd’hui donc, on est moins enclin à rendre un gouvernement national responsable des actions de l’une de ses unités infranationales.

Cette succession des faits explique, en même temps qu’elle justifie, l’accroissement de la participation infranationale au domaine de la politique étrangère en général et, par conséquent, en matière d’immigration. Elle devrait signaler la fin de la suprématie des gouvernements centraux dans le domaine de l’immigration. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il faille transférer la responsabilité de la politique d’immigration aux unités infranationales, ou qu’il soit même possible de le faire. Toutefois, les modèles les plus susceptibles d’émerger dans l’avenir s’inspireront du fédéralisme coopératif ou du fédéralisme décentralisé.

Droits des immigrants. Il est possible de déléguer plus facilement des pouvoirs en ce qui concerne les droits des immigrants. Contrairement à ce que font valoir les défenseurs des droits des immigrants, d’inclination nettement fédéraliste, il serait peut-être plus avantageux pour les immigrants - de façon générale - si les décisions relatives à l’admissibilité aux avantages sociaux étaient de responsabilité infranationale. C’est ce que la loi de 1996 sur la réforme des programmes sociaux aux États-Unis a montré. Lors de son adoption, les défenseurs des droits des immigrants ont déploré la suppression des dispositions relatives aux décisions touchant les programmes sociaux et les soins de santé pour les personnes âgées; ils annonçaient un « nivellement par le bas », qui aurait pour effet de priver tous les immigrants de ces avantages. Au contraire, la plupart des États ont établi des critères d’admissibilité très généreux qui s’appliquaient à tous les étrangers. Il se pourrait donc que le niveau infranational soit plus sensible aux besoins des étrangers immigrants (surtout lorsqu’ils sont intégrés dans des communautés de citoyens immigrants) et qu’il se préoccupe de sa réputation internationale dans le contexte d’une économie mondiale axée sur la concurrence.

Mais de confier le contrôle entier des droits des immigrants au niveau infranational risquerait d’entraîner des restrictions considérables dans certains cas. Ce danger est cependant atténué en grande partie par le droit international, qui protège les droits fondamentaux de la personne, que les autorités nationales aussi bien qu’infranationales doivent respecter. De façon à pouvoir continuer de respecter ces obligations internationales, les gouvernements nationaux devront toujours circonscrire, dans une certaine mesure, les pouvoirs discrétionnaires des autorités infranationales en ce qui concerne les avantages consentis aux immigrants. Cela est particulièrement important au chapitre des programmes sociaux où les gouvernements infranationaux assument déjà le contrôle général et où la responsabilité des décisions relatives à l’admissibilité des étrangers semblerait aller de soi.

Exécution de la loi en matière d’immigration et avantages de l’immigration. La liberté fondamentale de mouvement à l’intérieur des fédérations vient compliquer le contrôle de l’immigration, de l’exécution de la loi et de l’admissibilité aux avantages de l’immigration. Le contrôle de l’exécution de la loi et des avantages ne peut être entièrement délégué en raison du problème que pose le « maillon faible ». Autrement dit, lorsqu’il n’y a aucune restriction imposée au mouvement entre les unités infranationales après l’admission, il faut que le gouvernement central exerce une certaine supervision, à défaut de quoi une unité infranationale pourrait déterminer les conditions d’entrée pour toutes les autres. Les pays de l’Union européenne se sont déjà heurtés à cette difficulté, et chaque nation a dû céder considérablement de contrôle en matière d’immigration au groupe de Schengen, de façon à garantir la liberté totale de mouvement à l’intérieur de l’Union.

Le modèle de fédéralisme décentralisé ne convient donc pas à l’exécution de la loi et à la détermination des avantages en matière d’immigration. Cependant, un fédéralisme coopératif pourrait convenir à ces deux secteurs, comme le confirme le récent déroulement des événements.

Dans le cas de l’exécution de la loi (surtout en matière de contrôle des frontières), les autorités fédérales ne peuvent pas transférer la responsabilité entière aux unités infranationales, car la volonté d’une unité pourrait ainsi être ignorée. Le Montana, par exemple, pourrait ne pas se soucier de l’absence de contrôle de l’immigration et cesser de contrôler ses frontières; en permettant cette liberté de mouvement, il compromettrait la situation d’autres États qui préfèrent limiter l’immigration. Mais ce danger n’empêche pas les unités infranationales d’assister le gouvernement fédéral au chapitre de l’exécution de la loi. Une unité infranationale qui serait sensible au grand nombre d’immigrants sans papiers pourrait se voir conférer le pouvoir (comme il est maintenant possible aux termes de la loi américaine) de participer au contrôle de l’immigration. Cela lui permettrait de suivre ses préférences sans trop nuire aux autres unités et permettrait peut-être de contenir les sentiments xénophobes qui autrement risqueraient de s’élever jusqu’au niveau national.

Le fédéralisme coopératif conviendrait également au chapitre des avantages. Certaines unités infranationales s’écarteront des normes nationales et préféreront accueillir plus d’immigrants, comme c’est le cas dans les provinces et les États agricoles au Canada et aux États-Unis. Elles peuvent alors suivre leur préférence en ciblant certains genres d’immigrants, en recherchant des qualifications précises par exemple, comme le font actuellement le Canada et l’Australie avec la participation des gouvernements provinciaux. Cette forme de fédéralisme coopératif pourrait être considérablement élargie en octroyant le statut d’immigrant à condition que la personne réside dans la région de destination pour une période raisonnable suivant son admission Par exemple un médecin admis dans le cadre d’un programme spécial visant les régions rurales obtiendrait son visa d’immigrant à condition qu’il pratique dans la région visée, disons pour cinq ans. Des mécanismes semblables sont en place aux États-Unis pour les cas d’immigration aux fins de mariage et d’investissement, de façon à éviter la fraude. Un tel système fixerait pour chaque unité infranationale un quota facultatif d’immigrants, pour qui elle pourrait déterminer les qualifications selon ses besoins particuliers.

Encadrées de cette façon, les approches du fédéralisme coopératif relativement aux avantages de l’immigration permettraient de mieux contrôler l’immigration. Elles auraient sans doute pour effet d’élever le niveau global d’immigration par rapport au niveau minimum établi à l’échelle nationale. Elles seraient également avantageuses pour les unités d’une fédération que l’immigration aurait moins bien servies dans le passé.

Enfin, bien que la difficulté que pose le « maillon faible » empêche la pleine délégation de pouvoirs en matière de normes de naturalisation, le fédéralisme coopératif offre des possibilités au chapitre de l’administration du processus de naturalisation. En Allemagne, les Länder sont chargés de l’administration de la naturalisation, comme c’était le cas pour les États américains avant 1906. Les États-Unis ont accumulé un vaste arriéré de demandes de naturalisation au cours des dernières années. Ces arriérés pourraient être diminués si l’on confiait un rôle aux gouvernements des États pour leur permettre de faciliter la naturalisation, sous la supervision appropriée des organismes fédéraux.

Ouvrages à consulter

NEUMAN, Gerald L., The Lost Century of American Immigration Law (1776-1875), Columbia Law Review, vol. 93, p. 1833 (1993)

SPIRO, Peter J., Learning to Live with Immigration Federalism, Connecticut Law Review, vol. 29, pp. 1627-46 (1997)

SPIRO, Peter J., The States and Immigration in an Era of Demi-Sovereignties, Virginia Journal of International Law, vol. 35, pp. 121-78 (1994)

SKERRY, Peter, Many Borders to Cross: Is Immigration the Exclusive Responsibility of Federal Government?, Publius: The Journal of Federalism, vol. 25, no. 3 (1995)

TESSIER, Kevin, Immigration and the Crisis in Federalism: A Comparison on the United States and Canada, Indiana Journal of Global Legal Studies, vol. 3, p. 211-244 (1995)

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