Conférence internationale sur le fédéralisme

Mont-Tremblant, octobre 1999

Article de référence

MONDIALISATION ET DÉCLIN DE L’ÉTAT-NATION

John Whalley Université de Western Ontario et Université de Warwick

1.INTRODUCTION

Cette brève étude traite du déclin d’autorité des États-nations et de son lien avec le processus de mondialisation. Elle pose les questions suivantes : La mondialisation conduira-t-elle inévitablement au déclin et à l’éventuelle disparition de l’État-nation, comme certains l’affirment? Quels sont les facteurs qui contribueraient à une telle situation? Existe-t-il d’autres éléments qui sembleraient plutôt favoriser une redéfinition et même une résurgence de l’État-nation à la suite de la mondialisation? Nous limiterons notre analyse à l’élaboration des politiques économiques, laissant de côté les autres dimensions de la mondialisation.

La notion selon laquelle le pouvoir de l’autorité centrale dans les États-nations est condamné à décliner à mesure que s’accélérera la mondialisation semble être considérée comme normale et plutôt réaliste par la plupart des gens. Vers la fin de l’époque médiévale, les structures d’autorité basées sur les cités commencèrent à s’affaiblir à mesure qu’émergeaient des regroupements politiques plus vastes fondés sur les régions, reflétant ainsi le développement du commerce et les déplacements de la main-d’œuvre entre les cités. Au cours des 200 dernières années, les États-nations sont devenus les points de convergence de la croissance, traduisant une forte importance accordée à la construction de la nation comme l’élément clé inspirant le développement. Pendant ce temps, les structures fédérales ont englobé des entités préexistantes plus petites ou sont devenues des structures de pouvoir qui débordent au-delà de leurs propres frontières (p. ex. les États-Unis).

Tous ces processus reflètent généralement un modèle selon lequel les éléments du pouvoir d’élaboration et d’application de la politique économique qui concernent des problèmes communs mais de nature internationale, tels que les politiques monétaire et fiscale, passent à des niveaux plus élevés dans la structure de compétence, tandis que ceux qui touchent les problèmes particuliers et différents tendent à demeurer dans la sphère de compétence des niveaux inférieurs. Depuis des décennies, voire des siècles, les structures de compétence de niveau inférieur ont eu tendance à perdre de l’autorité tandis que les structures de niveau supérieur tendaient à en gagner. Si la mondialisation implique l’émergence d’autorités supranationales en réponse aux nouveaux problèmes transnationaux résultant de la croissance du commerce et des investissements étrangers, de l’interdépendance des marchés financiers et de l’accélération des changements technologiques, il semble alors bien normal que ce processus conduira aussi à l’augmentation du pouvoir des autorités supranationales et au déclin de celui des États-nations.

La présente analyse montre par ailleurs que même si ce processus semble destiné à se réaliser au cours des prochaines décennies, il comporte en soi des caractéristiques qui le différencient des précédents transferts d’autorité entre niveaux de compétence. La littérature économique a souvent fait état des arguments en faveur d’un probable déclin de l’État-nation, notamment la perte d’autonomie en matière d’élaboration de politiques en raison de la concurrence fiscale [voir l’enquête récente présentée par Schulze et Urspring (1998)] et les nouvelles occasions d’arbitrage transnational qui réduisent la capacité des pays de faire appliquer leurs régimes de réglementation. De façon plus générale, on invoque l’argument que la mondialisation fait surgir dans l’économie mondiale de nouveaux problèmes et défis face auxquels il existe initialement un vide en ce qui a trait aux structures institutionnelles et aux réglementations politiques. L’émergence de structures d’autorité supranationales et même mondiales destinées à définir des politiques économiques transnationales répond à l’apparition de ces problèmes, avec pour conséquence un autre recul du pouvoir des États-nations. Cette situation est compliquée notamment par les pressions en faveur de l’élaboration de nouvelles mesures ou du développement des politiques existantes au niveau de l’État-nation pour répondre aux problèmes engendrés par la mondialisation, tels que l’accroissement des besoins en matière de programmes de sécurité sociale. Ces complications ont été soulignées récemment par Rodrick (1997a,b), qui assume cependant que dans le cadre de la mondialisation, la fonction de sécurité sociale devrait demeurer au niveau de l’État-nation plutôt que de passer au niveau supranational. Il faut donc se demander si la mondialisation peut aussi exercer des pressions compensatrices qui renforceraient l’État-nation. Une réflexion sur l’évolution vers des structures de gouvernement supranationales et sur son corollaire, le déclin de l’État-nation que semble entraîner la mondialisation, clôt l’étude. Elle émet l’avis qu’il pourrait ne pas s’agir d’un processus simple, sans heurts et de courte durée, et que celui-ci pourrait être accompagné moins par une désintégration de l’État-nation que par la superposition d’une nouvelle structure gouvernementale transnationale au-dessus des États-nations, à l’intérieur d’une structure fédérale mondiale.?

2.LE VIDE CRÉÉ PAR LA MONDIALISATION ET LE DÉCLIN DE L’ÉTAT

Le raisonnement le plus irréfutable en faveur du déclin de l’État-nation lié à la mondialisation est l’argument selon lequel les États-nations seront de moins en moins capables de diriger de façon satisfaisante la politique économique de leur propre pays dans le contexte d’une économie de plus en plus mondiale et transnationale. Les principaux facteurs qui sont en jeu sont la croissance soutenue du commerce mondial, l’augmentation encore plus rapide des investissements étrangers directs, l’interdépendance croissante des marchés de capitaux nationaux, la concentration globale de la production dans un nombre relativement petit de sociétés multinationales qui produisent pour le marché mondial plutôt que pour des marchés nationaux et les changements technologiques qui permettent une circulation toujours plus rapide et plus vaste de l’information au-delà des frontières.

Si on jette un regard rétrospectif sur les 200 ans ou plus d’évolution de l’État-nation, c’est en grande partie le pouvoir de réglementer, d’imposer et de dépenser des États-nations qui a défini les règles du jeu pour la plupart des activités économiques. Ces règles touchent les systèmes juridiques et l’application des lois, le contrôle des institutions financières, les lois antitrust et les politiques sur les structures de marché, les réglementations en matière de santé et de sécurité, l’élaboration de normes sur les produits, les politiques sectorielles (p. ex. sur les services publics, l’agriculture, les services et l’industrie lourde) et de nombreuses autres interventions étatiques dans la sphère économique. La forte croissance affichée tant par l’économie mondiale que par certains États-nations pris individuellement dans les années d’après-guerre reflétait en partie l’émergence de ces régimes, malgré un engagement dominant envers l’économie de marché dans plusieurs, voire la plupart des pays. Au cours des 200 dernières années, plusieurs de ces fonctions ont été assumées par les États-nations à mesure qu’augmentait la demande politique de réglementation, et on a fini par reconnaître le principe que la capacité des entités infranationales de mener à bien de telles activités réglementaires dans un contexte intergouvernemental devient de plus en plus limitée à mesure que croît l’interdépendance. Les États-nations se sont donc développés tandis que les entités infranationales régressaient.

Aujourd’hui, un des arguments clés soutenant la position selon laquelle les États-nations sont appelés à décliner en raison de la mondialisation est que dans une économie mondialisée, l’autorité dévolue aux États-nations est insuffisante pour régler les problèmes de réglementation transfrontalière et d’autres problèmes auxquels est confrontée l’économie mondiale. Par exemple, la crise financière asiatique des dernières années, que certains estiment maintenant résorbée en grande partie, révèle clairement un manque de réglementation bancaire comparable à celle qui existe dans les États-nations. Les prêts accordés avant la crise par les banques du Japon et d’autres pays de l’OCDE aux institutions financières indonésiennes malgré des garanties insuffisantes (à cause de l’absence d’une législation efficace sur la faillite) semblent témoigner de pratiques bancaires qui seraient inadmissibles dans les cadres réglementaires en vigueur dans la plupart des États-nations. Ces activités bancaires transfrontalières ont vraisemblablement été menées de façon inacceptable en vertu des règlements existant dans les États-nations. L’intégration des marchés financiers du monde entier et l’instabilité qu’on a connue dans les marchés financiers internationaux devraient donc entraîner un jour la demande d’une réglementation internationale éventuellement comparable à celles qui existent dans les États-nations, permettant ainsi le transfert de certains pouvoirs de formulation de politiques que les États-nations possédaient auparavant à une autorité supranationale.

On peut invoquer les mêmes arguments dans le cas des politiques antitrust. Là encore, on note qu’il n’existe aucun régime de réglementation mondial en vigueur qui pourrait équivaloir aux politiques antitrust, si diverses soient-elles, actuellement appliquées dans les États-nations. La concentration mondiale de la production par un nombre relativement faible de sociétés multinationales s’accentue. On devrait donc assister à une augmentation des pressions en faveur d’une réglementation mondiale. Les fusions internationales du type de celles que nous avons observées récemment dans le secteur des services financiers entre l’Europe et les États-Unis ont déjà soulevé la question d’une réglementation et d’un contrôle supranationaux; les fusions multinationales relativement peu réglementées ne font donc qu’accélérer ce processus.

Un autre argument en faveur du déclin de l’État-nation à cause de la mondialisation est le suivant : étant donné que l’intégration économique et la pénétration dans les États-nations se réalisent par l’investissement étranger direct, la technologie et les communications rapides, de même que par l’augmentation du commerce international, la mondialisation entraînera une plus grande proportion d’activités économiques qui franchiront les frontières et qui ne pourront être facilement réglementées par les États-nations. Enfin, la mondialisation résultera en une incapacité pour les États-nations, pris individuellement, de satisfaire aux demandes de réglementation de leurs propres citoyens. Ce vide est créé par la mondialisation, et la réponse à ce problème sera l’émergence de structures d’autorité supranationales qui affaibliront les États-nations.

Les problèmes occasionnés par la mondialisation de l’économie deviennent de plus en plus évidents pour tous, et la nécessité d’une réponse mondiale entraîne finalement un changement dans les institutions et une adaptation à un niveau supranational. Ce phénomène se manifeste dans toute une série de sphères de réglementation, y compris le secteur financier, la concurrence, l’environnement et le commerce, modifiant ainsi encore davantage le système mondial. Le vide créé par les perturbations économiques mondiales est comblé par l’évolution des agences supranationales qui assument des pouvoirs et des compétences qui, dans une certaine mesure, absorbent ceux qui étaient précédemment exercés par les États-nations.(2) Le même processus d’évolution, qui a permis de passer des cités médiévales aux États post-traités de Westphalie, puis aux structures fédérales, semble à certains susceptible de se reproduire à la suite de la mondialisation, les autorités supranationales assumant de plus en plus de fonctions et de pouvoirs au détriment des institutions des États-nations affaiblis. Le vide créé par la mondialisation est comblé peu à peu par l’évolution des institutions et par des États-nations affaiblis.

?3. AUTONOMIE EN MATIÈRE D’ÉLABORATION DE POLITIQUES ET DÉCLIN DE L’ÉTAT-NATION

D’autres facteurs qu’on croit responsables du déclin de l’État-nation face à la mondialisation sont la concurrence en matière de formulation de politiques et la moindre capacité de l’État de faire appliquer ses politiques sur son territoire. Ces facteurs peuvent être illustrés par des événements survenus dans deux domaines différents.

Le premier facteur est que les États-nations ont vu leur capacité de réglementer les marchés et les acteurs individuels dans leur propre économie nationale réduite à tel point que les modèles réglementaires se sont effondrés, provoquant au début un laisser-aller général, puis finalement une nouvelle réglementation mondiale. Le meilleur exemple d’une telle situation est certainement celui des télécommunications. Au cours des dix dernières années, le secteur des télécommunications a connu des changements radicaux de politiques qui se sont manifestés par un affaiblissement des réglementations nationales et par une chute rapide des tarifs téléphoniques dans la plupart des pays. Dans une certaine mesure, ces bouleversements s’inscrivent dans un processus international de libéralisation, qui s’est manifesté notamment lors des négociations de l’Accord sur les télécommunications tenues au sein de l’OMC et d’autres forums internationaux; mais l’Accord sur les télécommunications de l’OMC ne fait que traduire le fait que de nombreux pays désiraient une libéralisation et voulaient forcer leur propre libéralisation nationale en prenant des engagements internationaux qu’ils auraient à respecter au même titre que les autres pays.

Pourquoi en est-il ainsi? Face à la mondialisation croissante de l’économie, au début des années 90, les implications financières des tarifs téléphoniques élevés et la stricte réglementation nationale pour les investisseurs étrangers devenaient de plus en plus un obstacle à l’investissement dans les pays qui maintenaient des régimes de forte réglementation des télécommunications. On en vint à considérer qu’un engagement à déréglementer le secteur des télécommunications constituait un élément important de la politique visant à attirer les investissements; l’autonomie nationale en matière de formulation de politiques était devenue incompatible avec un marché international des capitaux fonctionnant plutôt librement.

Par ailleurs, la moindre tentative de réglementer les marchés des télécommunications, en particulier les petits marchés, était généralement contrée par la capacité des fournisseurs privés de services de contourner, au moyen de différents dispositifs, les règlements. Ainsi, la réglementation canadienne a été contournée par des entreprises qui ont acheté en bloc du temps de communication à des fournisseurs américains de services téléphoniques situés au sud de la frontière, puis fourni des retransmissions à l’intérieur et à l’extérieur du Canada. Les appels téléphoniques de Toronto à Vancouver étaient acheminés via Buffalo et Seattle par des fournisseurs de rechange afin de réduire les coûts. Une telle situation a eu pour effet d’affaiblir l’autorité des agences canadiennes de réglementation. En Europe, les services « phoneback », qui achètent en bloc du temps de communication à l’étranger et le revendent sur les marchés nationaux pour les appels internationaux à des taux nettement réduits, ont entraîné une baisse des tarifs en vendant moins cher que les fournisseurs réglementés nationaux et les grandes entreprises de télécommunications. Les structures nationales de réglementation des télécommunications, qui avaient semblé stables pendant des décennies dans plusieurs pays, se sont effondrées dans un court laps de temps sous l’effet de mécanismes pourtant conformes aux régimes nationaux de réglementation, mais qui reflétaient une réponse aux règlements totalement imprévue par les agences nationales de réglementation. Les télécommunications représentent donc un bon exemple de la façon dont des opérations d’arbitrage ont réduit le pouvoir de réglementation des États-nations, entraînant un affaiblissement des structures nationales de réglementation accompagné d’un déclin de l’État-nation et un effritement de l’autorité de l’État.

Un autre exemple est la concurrence fiscale et ses effets sur le pouvoir des États-nations. Le principe de base sur lequel se fonde la concurrence fiscale est que le capital peut circuler librement d’un pays à l’autre alors que la main-d’œuvre ne peut le faire; les gouvernements ne peuvent imposer que le capital, et les recettes obtenues sont utilisées pour fournir des biens publics aux citoyens.(3) Il en résulte un sous-financement des biens publics et une diminution de la taille du secteur public dans tous les pays.

Pour l’instant, on croit généralement que la concurrence fiscale se limite surtout au domaine de l’impôt sur le capital, car on estime qu’en raison de la grande mobilité des facteurs de production, les modifications des impôts sur le capital dans un pays ont une incidence significative sur les mouvements de capitaux. En réalité, l’existence de conventions relatives à la double imposition qui font que des réductions d’imposition dans un pays n’ont pas nécessairement une influence directe sur les décisions prises par les investisseurs dans un autre pays complique la question de la concurrence au niveau de l’impôt sur le capital. Toutefois, la concurrence fiscale qui fait que des réductions des taux d’imposition dans un pays attirent les capitaux d’un autre pays constitue, aux yeux de plusieurs, une autre preuve de l’affaiblissement du pouvoir de légiférer des gouvernements nationaux et du déclin de l’État-nation en raison de la mondialisation.

?4. ASSURANCE SOCIALE ET RÉSURGENCE DE L’ÉTAT

Toutefois, si ces facteurs semblent montrer l’existence du déclin de l’État-nation, d’autres paraissent plutôt indiquer une réorientation de l’État-nation et même une certaine résurgence de l’activité étatique à mesure que progresse la mondialisation. Rodrick (1997a) présente un exemple très clair de ce phénomène, l’assurance sociale. Le raisonnement est que face à la mondialisation, les économies nationales deviennent progressivement plus ouvertes et sont sujettes à des chocs externes plus forts qui, à leur tour, engendrent des effets potentiellement négatifs sur la répartition des revenus. Comme l’indiquent des ouvrages récents(4) qui abordent l’influence du commerce sur la répartition des salaires, de tels chocs touchent souvent les travailleurs moins qualifiés des pays à hauts revenus, particulièrement s’il y a une montée soudaine des importations de biens dont la production exige beaucoup de main-d’œuvre. Il en résulte alors des pressions politiques internes en faveur d’une amélioration des programmes d’assurance sociale. Les secteurs durement touchés par l’augmentation du commerce ou, plus généralement, par la mondialisation, demandent des compensations. Les programmes d’assurance sociale se développent et le degré d’intervention de l’État-nation peut même augmenter en raison de la mondialisation. Rodrick (1998) présente, pour les pays de l’OCDE, des analyses comparatives de régression qui semblent donner des résultats un peu contraires : l’ouverture et la volatilité du commerce international auraient un effet négatif sur les dépenses de sécurité sociale et de bien-être. Il semblerait qu’une plus grande mondialisation entraîne une réduction des dépenses de sécurité sociale en raison des effets anticoncurrentiels des arrangements de financement qui y sont associés.

Toutefois, la question de l’assurance sociale illustre bien l’argument plus général selon lequel la mondialisation peut amener une résurgence de l’État-nation. On évoque aussi parfois les politiques relatives à la concurrence et les contrôles sur les investissements étrangers, de même que les contrôles de capitaux qui visent à assurer la stabilité des marchés financiers (comme dans le cas de la Malaisie). Ces arguments peuvent cependant se compliquer davantage, car en même temps qu’on assiste à une augmentation de la demande, par exemple, de sécurité sociale, on se demande si des entités internationales de divers types pourraient assumer les fonctions d’assurance sociale et les enlever du contrôle des États-nations, et si le vide créé par la mondialisation, dans ce domaine comme dans d’autres, pourrait encore une fois être comblé par des agences multinationales nouvelles ou modifiées.

?5. CONCLUSION

Dans cette brève étude, nous nous sommes demandé si le passage d’économies nationales séparées à une économie mondiale intégrée dans le cadre de la mondialisation causera le déclin de l’État-nation dans le domaine de l’élaboration des politiques. La réponse à cette question semble résider autant dans l’analyse politique que dans les calculs économiques, mais si on se fie à l’histoire, au transfert progressif d’autorité vers des niveaux plus élevés de gouvernement survenu depuis le Moyen-Âge, il semble probable que la mondialisation progressive de l’économie engendrera aussi des transferts de ce genre à long terme.

Cela ne signifie pas pour autant que l’État-nation cessera de jouer son rôle en matière d’élaboration des politiques économiques. Cela implique plutôt une redéfinition des activités de l’État-nation dans un contexte où, comme par le passé, la technologie, le commerce et d’autres formes d’interpénétration des États-nations réuniront des petites entités et généreront des compétences sur de plus grandes entités, et où les éléments communs de politique économique internationale passeront progressivement à un niveau plus élevé de compétence tandis que les éléments particuliers des mesures politiques demeureront à un niveau inférieur. Il est probable que cela se produira dans l’avenir en raison de la mondialisation tout comme cela s’est produit pendant la période de construction de la nation, et une telle évolution constitue un affaiblissement et une redéfinition du rôle de l’État-nation dans l’élaboration des politiques économiques.

Le présent document soutient que la façon dont ce processus évoluera dépendra probablement d’un certain nombre de facteurs : les pressions pour combler le vide créé par la mondialisation en matière de réglementation et de contrôle, les contraintes croissantes exercées sur l’autonomie des États-nations en matière d’élaboration de politiques et le recentrage des activités de l’État-nation dans des domaines tels que l’assurance sociale.

NOTES

1. Le présent document a été rédigé pour la Conférence internationale sur le fédéralisme qui aura lieu à Mont-Tremblant (Canada), du 5 au 8 octobre 1999.

2. L’évolution qu’a connue le GATT au fil des huit cycles de négociation montre bien ce processus : il est passé d’un organisme préoccupé par la consolidation tarifaire durant les premiers cycles à un organisme préoccupé par la propriété intellectuelle, l’agriculture, les mesures d’investissement, les services et bien d’autres sujets lors des négociations de l’Uruguay Round.

3. Voir Bucovetsky (1991) et Wilson (1991) pour une analyse de la concurrence fiscale dans le contexte d’une interaction stratégique entre deux pays asymétriques.

4. Voir Lawrence et Slaughter (1993), Wood (1994) et Leamer (1996).

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