Forum mondial de la démocratie Varsovie, Pologne 25-27 juin, 1999

Commentaires du president

Fédéralisme, société multi-ethnique et démocratie

Forum mondial de la démocratie Varsovie, 26 juin 2000

Ralph Lysyshyn

Président, Forum des federations

Si cet atelier a lieu aujourd'hui, c'est grâce à la générosité du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada, qui, dans le cadre du Programme canadien pour la sécurité des personnes et la consolidation de la paix, souhaitait contribuerau succès du Forum mondial de la démocratie. Nous sommes contents, au Forum, d'avoir collaboré en organisant cette séance.

Notre organisation s'appelle le Forum des fédérations. Et l'étude du

fédéralisme en tant que domaine d'intérêt commun fondamental est notre raison d'être.

Nous avons comme mission de réunir les gens du monde entier qui partagent cet intérêt pour le fédéralisme ... un intérêt académique ou théorique, ou complètement pratique.

Nous mettons avant tout l'accent sur l'aspect pratique et sur ceux que nous appelons praticiens de la gouvernance fédérale. Il y a, bien sûr, beaucoup de praticiens parmi nous aujourd'hui.

Nous voulons que les praticiens puissent partager et apprendre de l'expérience des autres. Nous voulons aussi donner l'occasion à ceux qui font quotidiennement face aux défis et problèmes de la gouvernance dans un contexte fédéral d'apprendre et d'échanger des idées avec les autres.

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Le 20e siècle fut peut-être, à plusieurs égards, un duel entre les diverses formes de tyrannieet de démocratie. Au cours du dernier siècle, le pays où nous sommes aujourd'hui réunis a connu presque toutes les formes inimaginables de gouvernement antidémocratique :

absolutisme monarchique, dictature militaire, nazisme, communisme.

Aujourd'hui, la Pologne est finalement revenue à la démocratie ... comme tant d'autres pays qui ont si douloureusement souffert de la violence de ce siècle.

Mais dans les démocraties naissantes du monde, on se rend compte qu'une démocratie représentative garantissant les droits humains de base ne suffit généralement pas à la tâchede gouvernance ... et cette réalité touche surtout les vastes pays diversifiés, aux communautés ethniques multiples. De telles situations nécessitent souvent une bonne dosede fédéralisme; sans nécessairement en adopter le nom, il faut à tout le moins en adopter laméthode.

En effet, si le 20e siècle s'est, en grande partie, affairé à substituer la démocratie à la tyrannie – ce qui est loin d'être terminé –, le 21e siècle doit, quant à lui, voir à ce que la démocratie fonctionne dans toutes sortes de situations complexes. La démocratie est sans doute un concept plus ancien que le fédéralisme, mais il semble toutefois que l'an 2000 ait insufflé à ce dernier une nouvelle vie.

Il suffit de le demander aux Anglais, qui ont recours aux outils du fédéralisme pour que le pays de Galles et l'Écosse soient autonomes ... ou aux Espagnols, qui, suite à la restitution de la démocratie, ont mis sur pied un modèle, parfois appelé fédéralisme asymétrique, qui satisfait aux besoins de chaque région ... ou aux Brésiliens, qui s'appliquent à fortifier les gouvernements d'État et à établir les règles de coopération fiscale ... ou encore, au Canada,qui a créé un nouveau territoire pour permettre aux habitants du Nunavut de jouir d'une plus grande autonomie.

Le passage à un siècle nouveau laisse présager un défi peut-être plus subtil et moins brutalque la lutte contre les tyrannies et les dictatures qui a caractérisé le 20e siècle. C'est peut-être pousser un peu que d'affirmer que si le 20e siècle fut une lutte pour la démocratie, le 21e siècle tentera calmement et systématiquement de se servir de méthodes comme le fédéralisme pour rapprocher les démocraties de leurs citoyens ...

On pousse peut-être un peu trop loin ... mais célébrerle triomphe de la démocratie devraitaussi nous amener à réfléchir placidement à la façon dont nous pouvons, dans une ère où règnent mondialisation et complexité, faire de la démocratie une forme de gouvernement efficace. Nous verrons aujourd'hui comment les principes et l'expérience du fédéralisme peuvent nous aider.

Je crois que nous pouvons tous admettre que le fédéralisme n'est pas toujours le moyen le plus simple et le plus beau de gouverner, et que nous avons tous pensé, un jour ou l'autre, qu'il serait beaucoup plus facile que toutes les décisions et tous les pouvoirs soient concentrés en un seul endroit. Jamais nous n'aurions peur que les rôles se mélangent ou se chevauchent ... jamais nous ne serions frustrés par l'inefficacité apparente des différents niveaux de gouvernement d'en arriver à un consensus quant à leurs objectifs et aux moyens d'y parvenir.

Cela peut paraître tellement plus simple et facile. Mais le plus facile, le plus élégant ou le plus simple n'est pas nécessairement le plus juste, le plus équitable ou le plus impartial.

Quand on vit avec le défi de gouverner démocratiquement dans des pays aussi vastes et diversifiés que le Canada, les États-Unis, l'Inde ou le Brésil, un régime fédéral, quel qu'il soit, semble, par nature, tout indiqué.

Il est difficile d'imaginer un fédéralisme authentique sans la démocratie.

Un des aspects fondamentaux du fédéralisme, c'est l'espèce de tension créatrice qui existe entre le centre et les unités constituantes.

Un régime fédéral viable accorde à tous ses États ou provinces l'occasion de défendre leurspropres intérêts et de s'allier à d'autres avec qui ils ont des intérêts partagés ou complémentaires. En même temps, il donne un rôle significatif au gouvernement central, qui a la tâche de déterminer les buts communs pour tout le pays.

L'interaction entre les deux niveaux de gouvernement devrait permettre de créer des politiques solides.

Mais pour qu'existe cette tension créatrice – cette interaction productrice – les États ou provinces ne peuvent pas être de simples instruments du gouvernement central; ils doivent jouir d'une légitimité autonome.

Et le consentement volontaire des gouvernés reste la meilleure façon d'accorder la légitimité à un gouvernement.

Mais si le fédéralisme est un vieux concept qui perdure, il n'est pas pour autant immuable. À mesure que le monde change et évolue, différents styles et modèles de fédéralisme apparaissent. Nous avons aujourd'hui de nouveaux modèles, comme le fédéralisme supra-national, le fédéralisme asymétrique et le fédéralisme naissant.

Si, pour certaines personnes, le terme fédéralisme est synonyme d'instabilité et de fragmentation, nous, nous croyons que le fédéralisme produit exactement l'inverse.

De la même façon que la planète a besoin de biodiversité, le monde a besoin d'une diversité culturelle. Et le fédéralisme offre le moyen de maintenir et d'encourager cette diversité humaine vitale tout en évitant les longs débats politiques.

Et peu importe comment vous le nommez, le monde est plus que jamais à la recherche des compétences et des connaissances que nous, nous appelons le fédéralisme. La démocratie s'étend, et, partout, les divers groupes culturels cherchent à s'affirmer; les réponses fédérales deviennent dès lors inévitables.

Le fédéralisme n'est pas une religion. Ni une idéologie. Ce n'est peut-être rien de plus qu'une méthode, une façon de faire les choses.

Mais dans un monde aussi complexe et diversifié que le nôtre, le fédéralisme, c'est aussi l'espoir –

... l'espoir que les gens harmoniseront leurs différences selon des règles constitutionnelles définies,

... l'espoir que les groupes et les régions coopéreront sans perdre leur caractère individuel,

... et l'espoir que la naissance de nouvelles démocraties ne fragmentera pas le monde en centaines de nouveaux États soi-disant indépendants (mais néanmoins essentiellement impuissants).

Les conférenciers vont aujourd'hui s'appuyer sur leur expérience personnelle pour nous dire comment nous pouvons nous servir du fédéralisme pour mettre en valeur notre démocratie.

Forum of Federations / Forum des fédérations

forum@forumfed.org