L’Australie, ou Commonwealth d’Australie

CHERYL SAUNDERS

Élaborée au cours de la dernière décennie du XIXe siècle, la Constitution australienne est entrée en vigueur le 1er janvier 1901. Sa nature fédérale a été fortement influencée par les États-Unis, du moins tel qu’ils concevaient le fédéralisme { l’époque. Pourtant, la Constitution australienne recelait des traits distinctifs d'entrée de jeu. Ceux-ci sont reflétés dans le texte de la Constitution et n’ont fait que prendre de l’importance avec le temps.

Cette constitution associe un fédéralisme de type américain à des institutions parlementaires britanniques, créant ainsi deux dynamiques différentes selon que les

décisions sont prises { l’intérieur d’une même sphère de gouvernement ou entre des sphères différentes. Les rédacteurs de la Constitution craignaient dès l’origine que ces deux systèmes ne se révèlent antagonistes et, de fait, il n’a pas toujours été facile

de les concilier. De plus, le fédéralisme et le parlementarisme ont créé des visions diversifiées du constitutionnalisme. L’une impliquait la limitation du pouvoir par une constitution écrite et immuable. L’autre se révélait nettement plus pragmatique, favorisant la souplesse et l’efficacité par rapport aux règles constitutionnelles

écrites. La tension entre ces deux approches est toujours présente dans le constitutionnalisme australien. Les chapitres de la Constitution consacrés au

législatif et { l’exécutif laissent aux institutions gouvernementales une considérable marge de manœuvre. Les tentatives de leur appliquer des restrictions constitutionnelles, fût-ce au nom de la protection des principes démocratiques, se

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sont vues opposer d’âpres résistances. Dans la plus pure tradition britannique, la Constitution ne garantit que peu de droits, ses rédacteurs ayant considéré que le Parlement et la common law suffisaient à protéger les droits. Peu de limites

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également sont mises au pouvoir de décision des États, { l’exception de celles qui

sont nécessitées par le fédéralisme lui-même.

Par une sorte de juste retour des choses, les éléments suivants de la Constitution australienne sont pris très au sérieux : la répartition des compétences qui concernent des buts fédéraux ; les dispositions concernant l’union sociale et économique et celles qui établissent le système judiciaire, considéré { l’origine

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comme un épiphénomène du fédéralisme. Les limites imposées aux pouvoirs du

Parlement australien pour les besoins du fédéralisme sont établies par l’entremise

du contrôle de la constitutionnalité des lois (judicial review). Les pouvoirs

judiciaires fédéraux sont donc divisés, ce qui s’est révélé être, pour l'organe

législatif, une contrainte considérable et allant bien au-delà de la simple protection de l’indépendance d’un système judiciaire chargé de fixer les limites de la

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répartition fédérale du pouvoir.

Mais le constitutionnalisme australien recèle une autre caractéristique propre. Ainsi

que l’a quelquefois relevé la Haute Cour, il est le produit de l’évolution plus que de la

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révolution. Il n’y a pas eu de rupture dans le système juridique depuis la colonisation européenne, qui elle-même reposait sur le droit anglais, considéré

comme intégré dans les colonies australiennes. À l’origine, la légitimité de la Constitution découlait d’un acte du Parlement britannique. Elle était démocratiquement progressiste, selon les normes de l’époque, parce qu’elle était

conçue pour une nation neuve et relativement égalitaire. Les auteurs de la Constitution n’avaient, par ailleurs, aucun besoin ni aucune raison de se montrer particulièrement créatifs. La fédération australienne a largement été conçue afin de répondre à des considérations liées aux avantages économiques et aux intérêts

conjoints en matière de défense et d’immigration, bien que la recherche historique

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contemporaine ait également mis en lumière l’émergence d’un sentiment national.

Après la création de la fédération, un même processus évolutif a permis { l’Australie d’accéder { l’indépendance sans changement constitutionnel, ni rupture dans le

système juridique. En conséquence, la Constitution conserve certaines apparences témoignant de son ancien statut colonial, au nombre desquelles le maintien du lien

avec la monarchie britannique. Mais un autre élément a eu nettement plus d’impact sur les aménagements constitutionnels du fédéralisme australien : il s’agit de la prise en charge de la souveraineté extérieure du pays par le Commonwealth, après le retrait du pouvoir impérial.

LA CONSTITUTION FÉDÉRALEDANS SON CONTEXTE HISTORIQUE ET CULTUREL

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Cela fait plus de cent ans que l’Australie est une fédération. Elle se compose de six États, de deux territoires autonomes continentaux et de quelques territoires

insulaires. La population de 20 millions d’âmes est disséminée sur une surface de 7

682 800 km2. La majorité des habitants vivent dans huit grandes agglomérations

situées sur le pourtour du territoire continental et dans l’île de Tasmanie. Ces villes sont les capitales de leurs États et territoires respectifs. L’ethnie dominante est anglo-celtique et la langue principale, l’anglais. La société présente pourtant un aspect multiculturel, surtout dans le sud-est du pays, là où les migrations en

provenance d’Europe de l’Est, d’Asie et d’Afrique provoquées par la seconde Guerre

mondiale ont engendré une remarquable diversité ethnique. Au surplus, une

population indigène d’autochtones et d’insulaires du détroit de Torrès représente

actuellement quelque 2 pour cent de la population totale. La religion majoritaire est chrétienne, composée d'un mélange de protestants et de catholiques, bien que ces

deux confessions connaissent un relatif déclin. L’Australie incarne une société d’abondance dont le produit intérieur brut s’élevait { 23 100 USD par habitant en

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2002.

Fédération

La fédération a été constituée le 1er janvier 1901 après une décennie de négociations sporadiques. À cette époque, la population était répartie de la même manière

qu’aujourd’hui, mais { plus petite échelle. La colonisation britannique a débuté en 1788 avec l’établissement d’une colonie pénitentiaire dans une crique de la baie de Sydney appelée Sydney Cove. Vers 1890, l’Australie se composait de six colonies

britanniques autonomes, qui sont devenues par la suite les États australiens originels. Formellement donc, la fédération a réuni six États distincts, chacun d’eux ayant dû se laisser convaincre d’abandonner une parcelle de son autonomie. La

Constitution contient encore des traces de ce processus de négociation, notamment des concessions faites { l’Australie-Occidentale, la colonie la plus éloignée, qui

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hésitait quelque peu { s’engager.

Une certaine cohésion existait cependant d’ores et déj{ entre les colonies. Il a fourni l’élan indispensable { la fédération et a permis d’en forger le caractère. La vaste

majorité de la population se composait de colons venus des îles Britanniques. Les quatre colonies orientales ne formaient au départ qu'un seul État, la Nouvelle-Galles-du-Sud, qui a été progressivement divisée au cours de la première moitié du XIXe siècle. Les six colonies faisaient au surplus partie d’un même empire, qui s’efforçait de les administrer collectivement. Bien avant que la fédération ne soit constituée, un certain degré de collaboration « intercoloniale » s’était également instauré par le biais de rencontres réunissant les premiers ministres et de hauts

fonctionnaires. Des discussions touchant { la fédéralisation étaient donc { l’ordre du

jour, quoique de manière intermittente, depuis la moitié du XIXe siècle.

C'est cependant toute une série de facteurs qui ont donné l'impulsion nécessaire à la création de l'union. Les plus déterminants étaient : (1) le besoin de sécurité à une

époque marquée par la crainte des manœuvres de la France, de l’Allemagne et de la Russie dans le Pacifique ; (2) l’attractivité d’un marché unique ; (3) le désir de contrôler l’immigration ; et (4) le sentiment un peu diffus d’une unité nationale naissante. La distance séparant l’Australie de la Grande-Bretagne a elle aussi exercé de subtiles pressions, notamment en faisant miroiter les avantages d’une Cour d’appel de dernier recours qui serait située en Australie et remplacerait le Conseil

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privé de Londres.

Une première tentative fut entreprise en 1885 avec l’instauration du Conseil fédéral de l’Australasie, une confédération assez lâche réunissant les îles Fidji et la plupart des colonies australiennes, mais pas la Nouvelle-Galles-du-Sud, ce qui a son

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importance. Ce Conseil existait encore au moment où le mouvement pour une forme plus effective de fédération fut véritablement lancé. En 1890, la première étape consista en une conférence réunissant des représentants de toutes les colonies australiennes et de la Nouvelle-Zélande, afin de déterminer la meilleure façon de procéder. Cela fait, la nature de la solution retenue de type fédéral de même que les termes précis de la Constitution, ont été définis dans le détail au cours de deux conventions constitutionnelles ultérieures. La Convention nationale Australasienne de 1891 a réuni des délégations de parlementaires venus de chacune des six colonies australiennes et de Nouvelle-Zélande. Elle s’est mise d’accord sur un projet de constitution, qui a servi de modèle à la Constitution définitive, bien que le texte de 1891 ne soit lui-même jamais entré en vigueur. Aucun consensus ne s’est en effet dessiné sur le processus de son adoption et, lorsque la Convention eut terminé ses travaux, des priorités économiques et politiques plus urgentes ont accaparé

l’attention des gouvernements et des Parlements. Profitant d’un renouveau du

mouvement en faveur de la fédération, entraîné par des forces à la fois intérieures et extérieures aux Parlements coloniaux, une seconde convention, la Convention fédérale Australasienne, s’est tenue en 1897-98. La question était devenue si l’on peut dire plus populaire à ce stade des discussions, ce qui s'est reflété dans la composition de la nouvelle Convention. Quatre des cinq colonies participantes y ont envoyé une délégation élue, tandis que la cinquième, l’Australie-Occidentale, y a délégué une fois encore des parlementaires. De plus, les lois habilitantes des quatre colonies ayant élu leurs délégués exigeaient qu'un référendum sur le projet de

Constitution soit tenu avant qu’il puisse être soumis au Parlement impérial pour

adoption.

Bien que le processus ait été plus complexe que prévu, il s'est finalement révélé

efficace. Les délégués { la Convention se sont mis d’accord sur un projet de constitution qui, malgré les quelques changements mineurs, bien qu’importants, que

lui ont apportés successivement la Conférence des premiers ministres australiens et le Parlement britannique, est, pour l'essentiel, identique au texte entré en vigueur le 1er janvier 1901. À ce moment-là, le Queensland, la sixième colonie, avait réintégré le mouvement fédéral et avait adopté un texte législatif autorisant l’approbation de la convention par voie référendaire. L’Australie-Occidentale adopta également un

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texte similaire, mais la Nouvelle-Zélande ne le fit jamais. Au bout du compte cependant, la Constitution finit par être approuvée par référendum dans les six

colonies australiennes. Selon les normes de l’époque, il s’agissait d’un processus relativement démocratique bien que, si on l’examine d'un point de vue

contemporain, le droit de vote ait été limité et la participation, faible.

En se fédérant, les six colonies australiennes ont pris le rang d’États originels du Commonwealth d’Australie. À cette époque, l’intégralité du territoire était répartie entre eux. Après la première décennie de la fédération, l’Australie-Méridionale a cédé au Commonwealth son Territoire du Nord, devenu autonome en 1978. Un deuxième territoire autonome, celui de la Capitale fédérale, a été détaché de la Nouvelle-Galles-du-Sud pour en faire le siège du gouvernement, par un compromis entre les États de Victoria et de Nouvelle-Galles-du-Sud et consacré dans la

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Constitution. La Constitution reconnaît qu’un territoire (mais sans doute pas le

siège du gouvernement lui-même) peut être établi comme un nouvel État et que de nouveaux États peuvent être créés { partir d’États existants13. Bien que certaines pressions aient été exercées de manière sporadique en faveur de la création de

nouveaux États, elles n’ont jamais abouti, principalement en raison du fait que la

Constitution exige le consentement du Parlement de tout État dont le territoire se verrait amputé par une telle modification.

Toutefois, les années 1990, marquées par la célébration du centenaire de la

Constitution, ont permis d’assister { un virulent débat entourant la revendication d’un statut d’État pour le Territoire du Nord. Ce débat était alimenté par plusieurs facteurs. Par définition, un territoire dispose de moins d’autonomie qu’un État. De

plus, conformément à la manière dont la Constitution est interprétée, certains garde-fous constitutionnels ne s’appliquent pas aux territoires14. À cette occasion, les revendications visant l’octroi du statut d’État au Territoire du Nord se soldèrent par un échec, largement en raison de l’inadéquation de la Constitution proposée

pour le nouvel État et du processus utilisé pour l'élaborer. Selon toute probabilité, dans un avenir plus ou moins rapproché, le Territoire du Nord revendiquera encore

un statut d’État. Si le territoire obtient ce statut, il faudra alors déterminer le

nombre de sénateurs que le nouvel État pourra élire.

Aucune disposition ne parle de sécession, le préambule de la Constitution évoquant même un « Commonwealth fédéral indissoluble ». Cela n’empêcha cependant pas un mouvement sécessionniste de voir le jour dans les années 1930. L’Australie-

Occidentale a alors décidé de se retirer du Commonwealth15. Cet État s’était toujours comporté en protagoniste quelque peu hésitant de l’aventure fédérale, notamment

en raison de son isolement géographique par rapport au reste du pays. Il se considérait également comme désavantagé par la fédération, aux points de vue économique et politique. Le mouvement sécessionniste échoua devant la détermination britannique de ne pas amender la constitution australienne pour

reconnaître la sécession d’un État, alors même que l’Australie se trouvait { l’aube de

son indépendance. Le soutien à la sécession fut également détourné par

l’instauration de la Commission des subventions du Commonwealth

(Commonwealth Grants Commission) permettant de rendre plus systématiques les transferts liés à la péréquation aux États qui les réclamaient16. Il n’y a plus eu, depuis lors, de mouvement sécessionniste sérieux.

La Constitution

La Constitution du Commonwealth est relativement succincte avec ses 127 articles et 11 908 mots. Les deux buts principaux qu’elle poursuivait, et qui ont été parfaitement atteints, étaient l’instauration d’une fédération sur une base { laquelle

toutes les colonies étaient prêtes à se rallier, et la mise au point des institutions du gouvernement national. La Constitution présente un caractère très démocratique,

une fois encore si on la juge selon les critères de l’époque. Les deux Chambres du

Parlement du Commonwealth doivent être élues au suffrage universel. Les critères d'admissibilité sont identiques pour le Sénat et la Chambre des représentants, et ce, tant pour les électeurs que pour les députés. La Constitution encourage aussi

quelque peu l’octroi du droit de vote aux femmes, qui avait déj{ été instauré dans

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deux colonies à l'époque. Au bout du compte cependant, conformément à la philosophie qui imprègne cette partie de la Constitution, la décision a été laissée à l’entière discrétion du Parlement national. Par ailleurs, les « autochtones » ne faisaient pas partie du compte aux fins de la Constitution, même pour calculer la

taille de la députation de l’État { la Chambre des représentants18. Il a fallu attendre 1967 pour que cette disposition discriminatoire soit supprimée.

Au moins deux aspects spécifiques de la Constitution peuvent être attribués aux circonstances de son élaboration.

Le premier concerne sa nature même. La Constitution australienne s’inspire de la

tradition constitutionnelle de la common law de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Les institutions des colonies australiennes ont été créées selon la tradition britannique du parlementarisme. Il était naturel que les institutions du nouveau gouvernement national copient ce modèle. Mais de son côté, la partie de la

Constitution consacrée au fédéralisme s’inspire largement de la Constitution des États-Unis, popularisée en Australie par l’œuvre de James Bryce19. L’influence américaine ne s’est pas simplement reflétée sur la manière dont les compétences ont été réparties, avec l’attribution de compétences spécifiques au centre et l’abandon des pouvoirs résiduels aux États. Elle s’est également étendue { d’autres

caractéristiques : une Chambre haute, ou Sénat, dans laquelle les États sont représentés de manière égale ; une constitution écrite symbolisant la loi fondamentale, et qui ne peut être modifiée qu’au terme d’un processus impliquant à

la fois l’approbation de la nation et des États20 ; les concepts de juridiction fédérale et de système judiciaire fédéral distinct ; et même le vocabulaire et la structure du texte lui-même. Une conséquence probablement inattendue a été l’interprétation jurisprudentielle selon laquelle la Constitution australienne incarnait une triple

séparation des pouvoirs, bien qu’asymétrique, impliquant une stricte indépendance

du pouvoir judiciaire par rapport aux organes législatifs et exécutifs du gouvernement.

Cette combinaison de fédéralisme et de parlementarisme est généralement considérée comme un succès. Elle implique cependant des tensions de deux ordres

au moins. À l’évidence, elle recèle un potentiel conflictuel entre le principe du

parlementarisme, selon lequel le gouvernement tire sa légitimité du soutien de la

Chambre basse du Parlement, et l’existence d’un Sénat puissant disposant du pouvoir de rejeter n’importe quelle législation, y compris en matière financière, ce

qui représente ipso facto un danger pour le gouvernement lui-même. Cette difficulté,

entrevue dès l’époque de la rédaction, a été traduite par l’aphorisme selon lequel

« ou bien le parlementarisme tuera la fédération, ou bien la fédération tuera le

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parlementarisme » Le problème spécifique des désaccords portant sur la

législation financière a fait l’objet d’un important compromis durant les conventions des années 1890, lequel a limité le pouvoir du Sénat d’amender certaines catégories

clés de projets de loi financiers, tout en préservant sa capacité de les rejeter,

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manquant ainsi l’occasion de résoudre définitivement le problème. À la suite d’une crise constitutionnelle qui s’est produite en 1975 et qui concernait justement la

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capacité du Sénat de rejeter les lois de finances, de nombreuses propositions de

modifications ont été débattues publiquement, mais aucune d’elles n’a dépassé le

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stade des discussions.

La tension entre les traditions constitutionnelles anglaise et américaine se retrouve aussi dans la Constitution australienne : elle se reflète dans l’attitude des Australiens vis-à-vis des rôles respectifs de la Constitution et des tribunaux chargés de son interprétation. Un difficile compromis a été trouvé en restreignant le contenu de la Constitution aux éléments indispensables au fonctionnement d’une fédération et { l’établissement des institutions nationales de gouvernement. Les Australiens tendent { diverger d’opinion sur une question essentielle, { savoir si le but des

règles constitutionnelles revient à confier des pouvoirs aux gouvernements ou au contraire à les freiner dans leur exercice du pouvoir. La Constitution ne prévoit

aucune protection expresse des droits individuels, bien qu’une poignée de limites

portées aux pouvoirs du Commonwealth ou des États aient un effet similaire. Une satisfaction unanime entoure le considérable degré de flexibilité que les aménagements actuels laissent aux autorités élues. En même temps cependant, les Australiens attendent des autorités judiciaires qu’elles fassent respecter les limites mises au pouvoir fédéral à la fois en ce qui concerne le gouvernement national et celui des États. La jurisprudence qui fait découler du principe de la séparation du

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pouvoir judiciaireou de la logique institutionnelle d'un gouvernement

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représentatif, un renforcement des limites au pouvoir, suscite également une certaine approbation, qui est cependant loin d’être universelle.

Le second élément résultant de la structure même de la Constitution et qui a profondément affecté, et affecte toujours sa nature, est la manière dont elle a été instaurée. Les Australiens ont recouru à un processus relativement démocratique par lequel le peuple, réparti par colonie, a voté pour approuver le projet. Ce processus est actuellement complété par la procédure d’amendement qui exige

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l’approbation de la population votant { la fois au niveau national et étatique, suivant en cela l’exemple de la Constitution suisse. De ce point de vue, l’expérience

constitutionnelle australienne soulève une question familière à de nombreux systèmes fédéraux, à savoir si la légitimité de la Constitution repose sur le peuple organisé de manière nationale ou sur le peuple organisé par État. En Australie, cette question n’a pas revêtu de signification pratique. Et d’une certaine manière en tout cas, la réponse est : ni l’un ni l’autre. À l’origine, la Constitution a pris effet en tant que loi fondamentale, en qualité d'acte législatif adopté par le Parlement britannique alors souverain. Bien que ce dernier ne le soit plus, la Constitution

demeure, en apparence, une partie d’un acte législatif britannique. Après la

renonciation formelle à la souveraineté britannique, par les Australia Acts de 1986,

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la Haute Cour a commencé à confier le pouvoir constituant au peuple australien, à la fois pour des raisons de commodité et pour justifier les limites implicites du

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pouvoir, dans le même sens que Marbury v. Madison. Pour ce faire, le « peuple » est invariablement perçu comme organisé au niveau national. Cela peut revêtir une certaine signification quant à la nature du fédéralisme australien, mais il est clair que de telles observations ont été faites sans même songer au fédéralisme.

Le processus relativement « informel » qui a vu le pouvoir constituant passer du Parlement britannique au « peuple » met en lumière une autre caractéristique de la

Constitution et de la culture constitutionnelle en Australie. Comme la Haute Cour l’a

parfois noté en se basant sur des études comparatives de la jurisprudence, la Constitution australienne est le fruit d’une évolution plus que d’une révolution, contrairement { son homologue américaine. L’Australie est devenue une fédération avant même d’avoir obtenu sa pleine indépendance, et elle a obtenu cette

indépendance sans aucune rupture de la continuité institutionnelle. Cette manière

de procéder n’est pas dépourvue de conséquences parfois importantes.

Premièrement, la Constitution implique une common law préexistante, sur laquelle

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elle se base. Il existe, et il a toujours existé, une common law australienne, seule et unique, reconnue par la Haute Cour en sa qualité de cour de dernière instance.

Deuxièmement, nombre d’importantes dispositions constitutionnelles ne figurent

pas dans la Constitution. Ainsi en est-il, par exemple, des normes établissant formellement l’indépendance de l’Australie, dont la version la plus récente est contenue dans les Australia Acts de 1986. Troisièmement, cette attitude vis-à-vis du

constitutionnalisme, tendant { privilégier l’évolution, s’applique également { l’approche de l’Australie en ce qui a trait aux changements constitutionnels. Des changements importants tendent à être effectués sans altérer la Constitution, ou

alors en la corrigeant d’une manière aussi discrète que possible. Il en résulte une

constitution assez désarmante quant à la manière dont fonctionnent certains éléments fondamentaux du système gouvernemental. À en croire la Constitution, par exemple, la Reine demeure un personnage considérable, dont les responsabilités { l’égard de l’Australie sont déléguées { un gouverneur général. Le premier ministre et son cabinet n’y sont même pas mentionnés, alors qu’en fait ce sont eux les véritables décideurs de l’exécutif. Il n’est fait référence qu’incidemment aux partis politiques, dans le contexte d’un changement relativement mineur adopté en 1977 et qui concerne la procédure en cas de vacance au Sénat. Aucune des institutions

s’occupant des relations intergouvernementales n’est mentionnée dans la

Constitution, pas même le Conseil des gouvernements australiens.

LES PRINCIPES CONSTITUTIONNELS DE LA FÉDÉRATION

Fédéralisme

Selon la Constitution, l’Australie est une fédération bipolaire en ce sens qu’elle comporte deux niveaux de gouvernement, chacun d’eux disposant d’une panoplie complète d’institutions gouvernementales et d’une attribution des pouvoirs correspondants. En d’autres termes, tant le Commonwealth que chacun des États

dispose de son propre Parlement, de ses institutions exécutives et de ses tribunaux. Les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires sont répartis entre le Commonwealth et les États pour des raisons tenant au fédéralisme. Les aménagements

constitutionnels relatifs au système judiciaire s’écartent de ce modèle (1) en ce sens

que la Constitution permet au Commonwealth de conférer des compétences fédérales aux tribunaux des États, s’il le souhaite31 ; et (2) en créant la Haute Cour comme tribunal de dernière instance, pour tous les tribunaux et toutes les causes. La Haute Cour a récemment noté que cette conception dualiste de la fédération entraînait quelques difficultés quant à la validité constitutionnelle de certains types

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de coopération intergouvernementale.

En revanche, l’Australie ne saurait être considérée comme une fédération bipolaire si ce terme devait sous-entendre l’existence de deux sphères gouvernementales exerçant leur pouvoir d’une manière totalement étanche l’une par rapport { l’autre et ne pouvant légiférer l’une pour l’autre. La fédération présente aussi d'autres

caractéristiques lorsqu'on ne s'attarde qu'à la Constitution elle-même. Ainsi, certaines dispositions de la Constitution imposent ou facilitent la coopération. Le Commonwealth a le pouvoir de légiférer dans des domaines additionnels que lui

confient les Parlements des États33 ; la Constitution autorise les accords

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intergouvernementaux en relation avec les emprunts; et le Commonwealth a le

droit, acquis { l’époque de la fédération { des fins purement pratiques, de faire

usage des cours et des prisons des États à des fins fédérales35. La répartition des compétences fédérales et étatiques, qui laisse aux États un pouvoir législatif et fiscal considérable, fait en sorte qu'il est très probable qu'il y ait compétition entre les ordres de gouvernement en ce qui concerne les impôts et, de manière plus générale, les politiques publiques. Les inégalités fiscales, auxquelles la Constitution elle-même

contribue directement en déniant aux États la compétence d’imposer des droits de

douane et des impôts indirects, ouvrent la porte à un fédéralisme de type régulateur.

Rétrospectivement, il apparaît que la Constitution a mis en place un cadre fédéral permettant de multiples variantes. Le fonctionnement du système, pendant plus

d’un siècle, est le résultat de développements politiques et de décisions

jurisprudentielles qui se sont déroulées dans un cadre relativement souple. Le concept de fédéralisme bipolaire, au sens de fédéralisme coordonné, a été pendant

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longtemps discrédité par des décisions juridiques. Dans la pratique, toute une série d’arrangements coopératifs a substantiellement modifié la répartition des

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compétences formellement prévue par la Constitution. La prédominance du Commonwealth en ce qui a trait aux ressources fiscales et la dépendance des États vis-à-vis des transferts de revenus ont parfois fourni le prétexte à des spéculations

selon lesquelles l’Australie se rapprochait d’un fédéralisme de type régulateur dans lequel le rôle principal assigné aux États ne consistait plus qu’{ administrer les

programmes du Commonwealth. Cette analyse est un peu exagérée, dans la mesure où les États conservent suffisamment de compétences constitutionnelles et

politiques pour concurrencer le Commonwealth en matière d’avantages électoraux

et de politiques.

Pour la même raison, il est difficile de cataloguer la fédération australienne comme

étant centralisée ou décentralisée, ou comme privilégiant l’unité ou la diversité. Lorsqu’elle fut créée, la fédération était assez peu centralisée et dotée d’un considérable potentiel de divergences politiques, lequel n’a pas été nécessairement exploré en raison de la relative homogénéité des États. En un siècle, l’Australie est devenue nettement plus centralisée et a plutôt valorisé l’uniformité au détriment de la diversité. Le Commonwealth s’est mis progressivement { assumer de plus en plus de responsabilités dans des domaines qui relevaient { l’origine des États, et qui vont des droits de la personne { l’environnement, en passant par l’éducation, la santé, le

logement et le transport. Les raisons en sont diverses : la domination fiscale du Commonwealth, de nombreuses interprétations des pouvoirs de ce dernier par la Haute Cour, le rôle de la Cour elle-même en sa qualité d’autorité de dernier recours en ce qui concerne la common law australienne, et la prise en charge des affaires étrangères par le Commonwealth, après l’indépendance du pays. Ce dernier développement a par ailleurs conduit à l'interprétation des pouvoirs extérieurs du Commonwealth afin que celui-ci puisse légiférer pour mettre en œuvre tous les traités internationaux de l’Australie, ce qui a beaucoup contribué à la centralisation de la fédération, quoique de manière controversée.

Mais cette centralisation n’est pas toujours le fruit d’une action unilatérale du

Commonwealth. Dans certains domaines, parmi lesquels le droit des sociétés a

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longtemps fait figure d’exemple classique, l’uniformisation des politiques publiques, de la législation et de l’administration a été réalisée dans les faits par la

coopération intergouvernementale, celle-ci étant facilitée par la dynamique née du parlementarisme, ce qui a donné naissance au phénomène du fédéralisme exécutif.

Statut des États membres

Les principales entités politiques constituant la fédération australienne sont les six États originels. Les dispositions constitutionnelles qui les concernent confèrent à la fédération australienne une apparence remarquablement symétrique. En dépit de différences considérables quant à leur population qui varie de 6,6 millions d’habitants en Nouvelles-Galles-du-Sud à 470 000 habitants en Tasmanie tous les États originels sont également représentés au Sénat et bénéficient d’une

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représentation minimale garantie à la Chambre des représentants. Ces dispositions ne sauraient être modifiées sans un référendum nécessitant la majorité dans tout État concerné. Au surplus, les compétences constitutionnelles des six États sont strictement identiques. La Constitution empêche le Commonwealth de désavantager un État par rapport à un autre sur le plan de la fiscalité, et d'en

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favoriser certains par le jeu de la législation sur le commerce ou les revenus. Ces caractéristiques revêtent une grande importance pour la fédération australienne : il est peu probable que les colonies auraient accepté de se réunir sur toute autre base.

La Constitution fournit une certaine protection aux États, à leurs constitutions et à leurs territoires. Les concepts d’« État » et d’« État originel » sont définis dans le Commonwealth of Australia Constitution Act de 1900, qui établit la Constitution. La Constitution du Commonwealth protège expressément les constitutions des États,

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bien que celles-ci soient soumises à ses autres dispositions. Les frontières des

États ne sauraient être modifiées sans le consentement du Parlement et l’approbation d’une majorité d’électeurs dans l’État concerné42. Toute modification des dispositions constitutionnelles touchant les frontières des États exige un référendum dans lequel une majorité dans l'État ou les États concernés approuve la proposition. La jurisprudence empêche le Commonwealth de faire usage du pouvoir

fédéral pour menacer l’existence ou le fonctionnement des États43.

Les institutions des États sont instaurées par leurs constitutions respectives. Elles sont largement indépendantes des institutions du Commonwealth ; les gouverneurs des États eux-mêmes sont nommés par la Reine sur proposition du gouvernement

de l’État plutôt que par le gouverneur général. Bien que les constitutions des États soient subordonnées { celle du Commonwealth, cette dernière n’impose que relativement peu de restrictions sur la structure et l’organisation du gouvernement de l’État. À quelques exceptions près, il n’existe aucun carcan de principes nationaux

auxquels les institutions des États doivent se conformer.

Les principales exceptions à ce principe découlent de la structure du système

judiciaire. La Haute Cour a jugé que la possibilité donnée aux tribunaux d’État d’exercer une juridiction fédérale empêchait ceux-ci d’organiser leurs cours et de définir leurs compétences d’une manière qui se révélerait incompatible avec leur

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position de composantes du système judiciaire australien. La Haute Cour

d’Australie, instaurée par la Constitution comme le point culminant de tout le

système judiciaire, revêt également une profonde signification pour les gouvernements des États. Bien évidemment, elle peut déclarer les constitutions et les lois de ces derniers contraires à la Constitution nationale. En outre, elle édicte la common law d’Australie et la développe en conformité avec la Constitution du

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Commonwealth. Au surplus, en sa qualité de cour de dernière instance pour les litiges relevant des États aussi bien que du Commonwealth, la Haute Cour fait figure

d’ultime interprète de la législation et des constitutions des États.

La Constitution tolère certaines divergences entre la position des nouveaux États et

celle des États originels, quoique leur ampleur n’ait jamais pu être testée puisqu’aucun nouvel État n’a encore été créé. De nouveaux États ne se verraient ainsi reconnaître aucune garantie d’être représentés de manière égale au Sénat ou de bénéficier d’une représentation minimale { la Chambre des représentants. Tout au contraire, la Constitution prévoit que l’admission de nouveaux États se fera

« selon les conditions » que le Parlement du Commonwealth jugera appropriées « y compris en ce qui concerne la représentation aux deux Chambres du Parlement ». Ce

mécanisme permet au Commonwealth d’exercer un certain contrôle sur le contenu de la constitution d’un nouvel État. Le Commonwealth pourrait également modifier

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la répartition des compétences fédérales avec un nouvel arrivant, bien que

certaines incertitudes existent encore quant { l’ampleur de ses pouvoirs en la

matière. Le traitement différent d'un État en fonction de la catégorie à laquelle il appartient reflète le pragmatisme des auteurs de la Constitution, pour qui les États

originels n’avaient accepté de se réunir qu’{ la condition de respecter une stricte égalité, et qu’il n’y avait dès lors aucune raison de faire bénéficier automatiquement

les nouveaux venus de ces concessions.

Territoires, collectivités locales et peuples autochtones

Constitutionnellement, la position des territoires est bien différente. Les deux principaux territoires continentaux, le Territoire du Nord et celui de Canberra, la capitale, sont administrés par leurs propres institutions élues. Pour le fonctionnement quotidien du système fédéral, ils sont virtuellement considérés comme des États. Néanmoins, certaines différences institutionnelles et constitutionnelles méritent d’être signalées. Le gouverneur général nomme le chef

de l’État, ou administrateur, du Territoire du Nord. De leur côté, les institutions du

territoire de la capitale sont conçues de telle sorte que cette fonction est superflue ; dans des circonstances extrêmes, cependant, le gouverneur général endossera lui

même toute charge qui se révélerait nécessaire. Les statuts d’autonomie des territoires consistent d’ordinaire en des lois passées par le Parlement australien, qui

conserve toute latitude pour les modifier. Il peut également contourner la législation du territoire, même dans des domaines relevant de la souveraineté de celui-ci, comme ce fut par exemple le cas en 1997 après que le Territoire du Nord adopta une loi légalisant l’euthanasie. Ces différences entre le statut constitutionnel des États et celui des territoires se retrouvent dans d’autres parties de la Constitution,

par exemple : les dispositions touchant à la composition du Parlement australien ne s’étendent pas aux électeurs des territoires ; la stricte séparation du pouvoir judiciaire ne s’y déploie pas complètement ; et les quelques limites que la Constitution impose aux pouvoirs du Commonwealth et des États ne s’appliquent pas lorsque le Commonwealth agit dans les territoires, ni d’ailleurs aux

gouvernements des territoires eux-mêmes.

L’Australie abrite au surplus quelque 800 administrations locales. Celles-ci ne sont cependant pas mentionnées dans la Constitution. Au contraire, elles sont instituées et réglementées par chaque État, généralement au niveau législatif, bien qu’{ l’heure actuelle toutes les constitutions des États reconnaissent les administrations locales

et leur assurent un minimum de protection. La question de savoir s’il convient de

reconnaître les administrations locales dans la Constitution fédérale soulève un

débat politique depuis les années 1970. La résistance { tout changement s’est

cristallisée en partie parce que cela pourrait a contrario affecter les pouvoirs des États et en partie parce que, en Australie, les administrations locales demeurent relativement faibles. Un référendum visant à reconnaître les administrations locales dans la Constitution australienne a été rejeté en 1988 par une très large majorité.

La Constitution ne fait actuellement pas non plus mention des peuples autochtones. Lors de la création de la fédération, les Autochtones étaient expressément exclus de la souveraineté du Commonwealth et de tout recensement entrepris à des fins constitutionnelles. Le premier élément reflétait la conception selon laquelle les Autochtones relevaient de la responsabilité des États, et le second découlait simplement du racisme. Un référendum gagné en 1967 par une écrasante majorité,

tant au niveau national qu’{ celui des États, a permis d’abandonner cette manière de

voir les choses tout en attribuant au Commonwealth la compétence de légiférer pour « les peuples de toute race pour lesquels il est nécessaire de rédiger des lois

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spéciales ». La « compétence liée à la race » est devenue une compétence concurrente et désormais les lois du Commonwealth, tout comme celle des États, s'appliquent aux Autochtones.

Jusqu’{ relativement récemment, la common law ne reconnaissait pas le droit autochtone. Cette lacune a été comblée en 1992 dans la mesure où l’arrêt Mabo v.

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Queensland (No.2)a jugé que la common law pouvait reconnaître, dans certaines circonstances, les titres de propriété autochtones. L’arrêt Mabo a été suivi par une loi du Commonwealth offrant un cadre réglementaire pour les revendications territoriales des Autochtones. Mais les dernières décennies du XXe siècle ont

également vu d’autres changements significatifs touchant { la gestion de cette problématique. Parmi ceux-ci, il faut mentionner la création d’une institution nationale élue, la Commission pour les Autochtones et les insulaires du Détroit de Torrès, dotée de responsabilités touchant à la fois la représentation et la prestation de services aux populations autochtones ; l’attribution de quelques prérogatives en matière d’administration autonome pour certaines communautés autochtones

particulières, soit sur leurs propres territoires soit dans le contexte des administrations locales ; et enfin la mise en œuvre de divers accords touchant aux revendications territoriales, conclus entre les groupes autochtones, les gouvernements et le secteur privé. Aucun de ces aménagements ne repose pourtant sur une base constitutionnelle, ni au niveau du Commonwealth ni à celui des États.

La répartition des compétences

La Constitution du Commonwealth énumère les compétences du corps législatif fédéral et du système judiciaire fédéral. Les pouvoirs de l’exécutif fédéral ont été

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définis par la jurisprudence par analogie avec les pouvoirs législatifs fédéraux. Sujets de la Constitution du Commonwealth, les États disposent de tous les pouvoirs qui leur sont conférés par leurs constitutions respectives. Il résulte de cet

aménagement que les États disposent des compétences résiduelles. D’une manière

très schématique, les quelque quarante compétences attribuées au Commonwealth peuvent être réparties dans les catégories suivantes : commerce, affaires étrangères et défense, de même que certaines compétences sociales, parmi lesquelles le

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mariage et le divorce. Les compétences qui représentent l’essentiel de la législation du Commonwealth touchent aux sociétés commerciales et financières, aux affaires étrangères et au commerce, intérieur comme extérieur. Les compétences liées aux forces de police restent en général aux mains des États, bien que le droit pénal fédéral ne soit pas négligeable et prenne de l’importance en raison des développements internationaux. Il existe aussi une force de police fédérale en plus des forces de police des États, plus généralistes.

Ce sont les États-Unis qui ont servi de modèle pour la répartition des compétences législatives. La plupart des compétences du Commonwealth sont concurrentes, en ce

sens qu’elles peuvent également être exercées par les États. La principale exception

est la compétence exclusive du Commonwealth de prélever des droits de douane et

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des contributions indirectes. En cas de conflit de compétence entre la loi du

Commonwealth et celle d’un État dans un domaine de juridiction concurrente, c’est

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la loi du Commonwealth qui l’emporte. La notion de conflit est définie de manière très large, dans le but d’englober non seulement des lois qui entreraient directement en conflit les unes avec les autres, mais également toutes les circonstances dans lesquelles un acte du Commonwealth entend couvrir l’intégralité d’un « domaine »

législatif, ne laissant ainsi plus la moindre place à la loi des États53.

Bien que les compétences du Commonwealth ou des États ne fassent l’objet que de

peu de limites absolues, celles-ci ont pris une importance insoupçonnée. Certaines d’entre elles sont destinées { garantir l’union économique. Elles offrent une certaine protection au marché intérieur et quelques garanties pour la mobilité entre les

États54. D’autres limitations expresses du pouvoir exigent que le Commonwealth (mais pas les États) s’acquitte du paiement d’« indemnités équitables », ou compensations, en liaison avec l’acquisition de biens-fonds, et qu’il assure une

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certaine protection de la liberté religieuse. Au surplus, les chapitres de la Constitution qui fondent les institutions du gouvernement et du Parlement évoquent des limitations des compétences à la fois du Commonwealth et des États

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afin de ne pas porter atteinte à la liberté de la communication politique.

La seule autre institution gouvernementale mentionnée par la Constitution est une

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Commission interétatique ou « Interstate Commission » . A l’origine, celle-ci a été conçue afin de surveiller la mise en œuvre des dispositions de la Constitution traitant du marché intérieur. Il s’agissait d’une institution fédérale plus qu’intergouvernementale dans la mesure où elle était instaurée par le Commonwealth et que celui-ci en nommait les membres. La Commission

interétatique a joué un rôle que l’on pourrait qualifier de sporadique dans le fédéralisme australien et s’est finalement révélée assez peu importante. À l’heure actuelle, il n’existe plus aucune Commission interétatique et il est peu probable que cela change.

Les conflits de juridiction

Les conflits de juridiction entre le Commonwealth et les États sont à vrai dire relativement communs. Lorsqu’ils se produisent, ils tendent à prendre une importance démesurée, bien que la plupart d’entre eux ne puissent être qualifiés ni

de fréquents, ni de graves. Les questions de juridiction peuvent être soulevées devant n’importe quelle cour, relevant du Commonwealth ou des États, par les instances gouvernementales ou des parties représentant un intérêt suffisant pour satisfaire aux exigences australiennes. Cette procédure est implicite dans le modèle constitutionnel de la common law et reconnu, quoique de manière un peu indirecte par la Covering Clause 5 de la Constitution (Commonwealth of Australia Constitution Act). Si une question constitutionnelle est soulevée, la législation fédérale prévoit

qu’une note doit être adressée aux procureurs généraux de toutes les juridictions australiennes afin de leur permettre de décider s’ils doivent intervenir et s’ils doivent demander le renvoi du cas devant la Haute Cour. Si une question

constitutionnelle d’importance est soulevée, elle sera habituellement portée devant

la Haute Cour, à la requête de la juridiction de départ ou bien parce que le cas y sera renvoyé. En tous les cas, il semble évident que la Haute Cour finira par traiter de telles questions en appel. Les tribunaux jouent un rôle considérable en définissant les limites de la Constitution du Commonwealth en ce qui concerne les deux sphères de gouvernement et on trouve des arrêts relativement récents invalidant, pour des raisons constitutionnelles, des lois du Commonwealth et des États. En 1995, par exemple, la Haute Cour a jugé que la loi du Commonwealth réglementant le contrat

de travail entre deux parties, dont l’une était également liée contractuellement avec

une « société commerciale », ne pouvait pas être considérée comme une loi

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concernant les sociétés commerciales et que, de ce fait, elle était nulle. En 1997, la Haute Cour a estimé que les taxes de licence pour les franchises commerciales des

États étaient des contributions indirectes et qu’{ ce titre elles ne pouvaient pas être

imposées par les États en vertu de la Constitution59.

Il n’existe pas de mécanismes spécifiques permettant de prévenir les conflits de juridictions, si ce n’est les processus politiques et administratifs classiques. À vrai

dire, les coûts et les perturbations engendrés par les conflits constitutionnels

représentent de bonnes raisons d’éviter ce genre de litiges ou, { tout le moins, de les

tenir éloignés des tribunaux.

LE FÉDÉRALISME ET LA STRUCTURE DES INSTITUTIONS, AINSI QUE LEUR MODE DEFONCTIONNEMENT

Les institutions du Commonwealth en général

Le Commonwealth et les États sont tous deux dotés de systèmes parlementaires. Les membres du gouvernement doivent donc également être membres du Parlement ; les gouvernements doivent bénéficier de la « confiance » de la Chambre basse du Parlement, et un gouverneur général, ou gouverneur représentant la Reine,

fonctionne en qualité de chef d’État { titre largement honorifique, ce pouvoir restant

formellement exercé sur proposition du gouvernement.

En dépit des impératifs historiques parlant en faveur du parlementarisme, les

concepteurs de la Constitution ont hésité avant d’instaurer un tel système pour le

Commonwealth. Un doute subsistait dans leur esprit quant à la compatibilité entre fédéralisme et parlementarisme. Leurs craintes portaient sur les conflits possibles entre la Chambre des représentants et la composition et les pouvoirs du Sénat, ainsi que sur le fait que le gouvernement doive obtenir le soutien de la Chambre. Le projet de Constitution résultant de la Convention de 1891 avait laissé en suspens la

question du gouvernement responsable. L’un des changements les plus significatifs auxquels a procédé la Convention de 1897-98 a été de réintroduire l’obligation pour les ministres d’être membres du Parlement.

La Constitution est également marquée par la séparation des pouvoirs fédéraux. Ce

principe a gagné de l’importance quoiqu’il demeure subordonné { l’exigence

fondamentale du parlementarisme. La conclusion que la Constitution exige une séparation des pouvoirs fédéraux a été tirée par les tribunaux en se basant sur la structure du texte et, en particulier, sur la division de ses trois premiers chapitres

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entre les branches judiciaires, législatives et exécutives du niveau fédéral. La séparation des pouvoirs demeure cependant « asymétrique ». Le système parlementaire présume que les branches législatives et exécutives sont interreliées

et que le législatif l'emporte sur l’exécutif. Le système judiciaire, de son côté, se

caractérise par une stricte indépendance, en vertu de laquelle les tribunaux se distinguent des autres institutions gouvernementales, les organes autres que des

tribunaux se voient dénier l’exercice d’un quelconque pouvoir judiciaire, et les tribunaux fédéraux sont limités { l’exercice du pouvoir judiciaire fédéral.

Un système d’équilibres et de contrôles mutuels (checks and balances) se dessine en filigrane de cette structure institutionnelle, bien qu’il n’ait pas fait partie des

éléments originels du concept constitutionnel. Les tribunaux peuvent déclarer illégales des actions de l’exécutif et invalider des actes du Parlement. Les gouvernements nomment les juges ; les tribunaux ont besoin de fonds, conformément à des dotations budgétaires votées par les Parlements ; et les juges peuvent être démis de leurs fonctions par une combinaison d’actions législatives et

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exécutives pour des raisons « d’inconduite ou d’incapacité manifestes » .En ce qui concerne les relations entre l’exécutif et le législatif, ce dernier peut retirer sa confiance { l'exécutif, alors que l’exécutif peut demander au gouverneur général de dissoudre la Chambre basse du Parlement. Les nouvelles lois doivent être adoptées

par le Parlement, duquel on attend qu’il joue son rôle traditionnel de haute surveillance de l’activité exécutive. Dans la pratique, le Sénat a permis de renforcer l’efficacité du Parlement australien dans ce domaine parce que, pour les raisons

expliquées ci-dessous, sa composition diffère généralement de celle de la Chambre des représentants.

Le gouverneur général fonctionne aussi comme un organe de contrôle, car il dispose de pouvoirs « réservés » qu’il peut exercer sans l’aval du gouvernement, voire contre l’avis de ce dernier. Mais en réalité ce contrôle demeure limité : dans les faits, le gouverneur général est choisi par le premier ministre même si sa nomination est formellement opérée par la Reine, ses pouvoirs réservés sont rares et leur usage

toujours controversé. Néanmoins, quelques circonstances de l’histoire australienne ont permis au gouverneur général d’influencer le cours des événements, le cas le plus notable s’étant déroulé en 1975 lorsque le premier ministre Whitlam, qui disposait pourtant d’une majorité { la Chambre des représentants, a été révoqué après que le Sénat eut bloqué l’adoption d’importantes lois de finances.

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Le Parlement

Le Parlement du Commonwealth dispose des pouvoirs traditionnellement attribués au législatif dans un système parlementaire de common law soumis à la division des

pouvoirs { des fins fédérales. En d’autres termes, il lui appartient de rédiger ou d’approuver toutes les lois, y compris les lois fiscales, et d’allouer les fonds dont le

gouvernement pourra disposer.

Le Parlement est bicaméral et la composition de ses deux Chambres est marquée

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par des considérations relatives au fédéralisme. Le Sénat réunit six sénateurs au moins pour chacun des États originels, mais ce nombre peut être augmenté à

condition de maintenir l’égale représentation de ces États. Actuellement il se monte

à douze. Le nombre total de députés siégeant à la Chambre des représentants doit atteindre approximativement le double de celui des sénateurs, et la Constitution exige que le nombre total des sièges soit réparti entre les États, proportionnellement à leur population, avant que les circonscriptions électorales ne

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soient découpées. Ces dernières ne doivent pas être strictement égales en termes de population, mais la législation en vigueur limite les variations à quelque 10 pour cent par rapport à la moyenne. Une circonscription fédérale ne saurait traverser les

frontières d’un État, et chaque État originel dispose d’un minimum de cinq députés {

la Chambre des représentants, quelle que soit sa population.

Les statuts d’autonomie des deux principaux territoires continentaux présentent

quelques légères différences par rapport au modèle de base. Ils sont représentés dans les deux Chambres du Parlement mais en vertu de la législation du Commonwealth plutôt que du droit constitutionnel. Les représentants des territoires ne sont pas soumis à nombre des contraintes que la Constitution fait peser sur ceux des États, comme le fait que les sénateurs ne doivent disposer que

d’un mandat fixe de six ans ; qu’en général la moitié des sénateurs doivent faire face

à des élections tous les trois ans ; et que le nombre total des membres de la Chambre doit être lié à la taille du Sénat.

Les pouvoirs du Sénat sont presque les mêmes que ceux de la Chambre. Seule

exception, le fait qu’il ne peut présenter des projets de loi imposant des taxes ou allouant des subventions, pas plus qu’il ne saurait amender de telles lois. Par ailleurs, la Constitution prévoit une procédure permettant de mettre fin aux impasses entre le Sénat et la Chambre, à la fois pour les lois ordinaires et pour les amendements constitutionnels. Ce très long processus qui comprend, dans le cas des lois ordinaires, une double dissolution des deux Chambres finit quand même

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par donner priorité à la Chambre des représentants. Le Sénat demeure néanmoins

une chambre relativement puissante, même s’il ne dispose pas de pouvoirs

constitutionnels supplémentaires comme celui des États-Unis.

Depuis l’instauration de la fédération, les sénateurs ont généralement voté selon les recommandations de leurs partis plutôt qu’en fonction de leurs États ou d'intérêts

régionaux. Cela ne signifie cependant pas que le Sénat ne joue aucun rôle dans le fédéralisme australien. À tout le moins, sa composition garantit aux petits États une

représentation supérieure { ce qu’elle serait s’il n’existait pas. Dès lors, les petits

États jouent un plus grand rôle dans leur caucus de parti que celui qu'ils auraient autrement joué. Il y a également un plus grand nombre de représentants des petits

États parmi lesquels choisir lorsqu’il s’agit de nommer des ministres et des

commissions parlementaires.

De plus, le Sénat influence considérablement le fonctionnement du Commonwealth

{ d’autres égards. La Chambre des représentants est composée de membres élus

dans des circonscriptions uninominales par un mode de scrutin préférentiel et pour un mandat maximal de trois ans. le Sénat, quant à lui, consiste en un nombre égal de députés par État, dont la moitié sont élus tous les trois ans pour un mandat fixe de six ans, selon un système de représentation proportionnelle qui considère chaque État comme une circonscription. Traditionnellement, la représentation des partis au

Sénat présente d’énormes différences par rapport { celle de la Chambre, et il est inhabituel tant pour le gouvernement que pour les partis d’opposition d’y avoir une

majorité de sièges. De la sorte, les gouvernements ne peuvent présumer que leurs projets de loi y seront adoptés et les agissements du gouvernement sont surveillés

de plus près au Sénat qu’{ la Chambre. Le Sénat représente dès lors un contrepoids réel, bien qu’il ne se comporte pas toujours de manière très logique, par rapport au gouvernement dont l’autorité repose sur la Chambre des représentants. L’opinion

australienne est très partagée quant au bien-fondé de ce système. En 2003, le gouvernement australien en exercice a institué une commission d'enquête chargée de trouver des façons dont les procédures pour sortir des impasses pouvaient être modifiées de manière à faire prévaloir plus facilement la volonté de la Chambre des représentants. Bien que les résultats ne soient pas encore connus au début de 2004,

le manque d’intérêt manifeste de la part du public, mais aussi son manque d’enthousiasme pour un tel changement, font en sorte que cette proposition a bien peu de chances d’aboutir.

L’exécutif

Le gouvernement du Commonwealth se compose du premier ministre et des ministres ; ils doivent tous être membres de la Chambre ou du Sénat et leur mandat

dépend de la confiance de la Chambre. Comme l’Australie est une monarchie constitutionnelle, l’exécutif comprend également un gouverneur général,

représentant de la Reine et nommé sur proposition du premier ministre. Formellement, le pouvoir exécutif est détenu par la Reine et exercé par le

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gouverneur général. En pratique, en vertu d'une convention constitutionnelle non écrite, les pouvoirs du gouverneur général sont exercés sur proposition du

gouvernement, { l’exception des cas, par ailleurs rarissimes, où le pouvoir

discrétionnaire ou « réservé » du gouverneur général entre en jeu. Toujours selon cette convention, l’exécutif doit rendre compte de la conduite des activités du gouvernement au Parlement, conformément aux principes et aux usages généralement associés au système parlementaire dans la tradition britannique. Les

pouvoirs de l’exécutif sont ceux qu’exerce habituellement un gouvernement dans un

système parlementaire de common law, une fois encore soumis à la division du

pouvoir aux fins de la fédération. De la sorte, l’exécutif du Commonwealth tire son autorité directement de la Constitution (par exemple, quand il s’agit de dissoudre la

Chambre des représentants), des lois et des pouvoirs qui lui sont inhérents et que la common law lui a reconnus. Bien que certains domaines soient de la compétence

exécutive des États plutôt que du gouvernement fédéral, l’exécutif du

Commonwealth dispose des compétences habituellement attribuées à un gouvernement national, y compris celles de conclure des traités internationaux, de déclarer la guerre et de signer la paix.

Aucune obligation constitutionnelle ne prescrit que les États doivent être représentés au sein de l’exécutif ; la pratique s’est cependant instaurée de choisir au moins un ministre dans chacun des six États. En Australie, la poste de chef d’État est rendue plus complexe par la monarchie constitutionnelle. La Reine est l’unique chef d’État pour l’ensemble du pays. À ce titre, elle joue un rôle autant dans les États que dans le Commonwealth. Dans la pratique cependant, elle dispose de sept représentants différents en Australie, dont le rôle effectif demeure relativement discret au sein de leurs juridictions. Ainsi, la Reine nomme le gouverneur général sur proposition du premier ministre, sans que les États soient consultés. Elle nomme également chacun des gouverneurs des États, sur proposition du gouvernement de

chaque État, sans consulter les autres juridictions. Si le poste de gouverneur général est vacant ou si celui-ci n’est pas disponible pour quelque raison que ce soit , c'est un des gouverneurs d’État qui le remplacera. Cette façon de faire s’explique par le

fait que, formellement, le gouverneur général et les gouverneurs des États

représentent le même monarque. Si l’Australie devait devenir une république, ce

lien serait rompu et la question se poserait de savoir si, et le cas échéant comment, la structure fédérale de l’Australie devrait se refléter dans le nouvel aménagement de la fonction de chef d'État.

Les tribunaux

La Constitution répartit le pouvoir judiciaire entre le Commonwealth et les États et instaure deux hiérarchies distinctes de tribunaux, réunies à leur sommet par la Haute Cour. Le pouvoir judiciaire fédéral traite les litiges qui lui sont attribués par la Constitution du Commonwealth et les lois fédérales, ceux qui impliquent des parties ou des gouvernements provenant de diverses juridictions et ceux dans lesquels le

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Commonwealth est partie prenante. De tels différends peuvent être confiés soit à des cours fédérales soit { des cours d’État. Durant le premier demi-siècle d’existence de la fédération, le Commonwealth a largement recouru aux cours d’États. Mais,

depuis les années 1970, le système des cours fédérales a été progressivement

développé, de sorte qu’il existe désormais une hiérarchie bien établie de tribunaux

fédéraux, comprenant une Cour fédérale des magistrats (Federal Magistrates Court), un tribunal de la famille (Family Court) et la Cour fédérale d’Australie, juste en dessous de la Haute Cour elle-même. Le gouverneur général nomme les membres du système judiciaire fédéral sur proposition du Conseil exécutif fédéral, proposition qui est faut-il le préciser toujours acceptée.

La Haute Cour est donc la plus haute cour. Elle fonctionne à la fois comme

juridiction autonome et comme cour d’appel. Elle peut être saisie d’une affaire

constitutionnelle par sa juridiction d’origine, mais un tel dossier peut également être ouvert dans une autre juridiction. La Haute Cour fait fonction de cour d’appel tant pour les tribunaux fédéraux que pour ceux des États, fonction actuellement soumise { l’exigence que la Haute Cour elle-même accorde une autorisation spéciale pour traiter la cause en appel. Les tribunaux, y compris la Haute Cour, peuvent

déclarer nuls pour cause d’inconstitutionnalité des actes émanant des Parlements

du Commonwealth et des États, mais ils ne peuvent pas émettre d'avis consultatifs. Une telle compétence serait considérée comme contraire { l’indépendance du pouvoir judiciaire, au moins au sein de la sphère fédérale.

Le rôle de la Haute Cour, en sa qualité de cour d’appel de dernière instance, lui

confère une autorité particulière sur les questions relatives aux États. Arbitre suprême des litiges impliquant les constitutions des États, elle est également

l’ultime interprète de la législation de ces derniers, sans oublier qu’elle détermine et

interprète également la common law. Les États représentent donc une cible privilégiée des préférences exprimées par les juges à la Haute Cour. La Constitution ne réserve pourtant aucun rôle aux États dans la désignation des juges. Depuis 1978, la législation du Commonwealth prescrit au procureur général du Commonwealth de consulter ses homologues des États avant de procéder à toute nomination.

L’impact de cette modification est difficile { mesurer. Elle revêt une importance symbolique et on peut présumer qu’elle a conduit { certains changements dans la

pratique, aussi peu contraignante que puisse se révéler une simple « consultation ».

Aucun concept visant la représentation des États au sein de la Haute Cour n’a été mis de l'avant en Australie. Ainsi, deux États n’ont jamais vu aucun de leurs

ressortissants y siéger, et dans sa composition actuelle celle-ci comprend cinq juges du même État, la Nouvelle-Galles-du-Sud. Au surplus, tous ces juges sont des hommes ! La composition de la Cour est devenue controversée. Ironie de l’histoire, les autres cours fédérales sont mieux représentées dans les États. Elles disposent dans la plupart des États de bureaux et de juges locaux, recrutés au sein de la

communauté des juges de l’État concerné. La Haute Cour, quant { elle, est située dans la capitale nationale, bien qu’elle tienne régulièrement des audiences dans les capitales des États.

Les institutions des États

Les institutions des États sont, dans leurs grandes lignes, très semblables à celles du

Commonwealth. La plupart des États ({ l’exception du Queensland) se sont dotés d’un Parlement bicaméral ; les ministres y sont membres du Parlement et dépendent de la Chambre basse de celui-ci pour la pérennité de leur mandat ; tous

les États disposent également d’un gouverneur représentant la Reine, qui agit sur proposition de l’exécutif régional ; enfin, ils sont dotés d’un ensemble de tribunaux capables de déclarer illégaux les actes de l’exécutif et inconstitutionnels ceux du Parlement de l’État.

Certaines différences institutionnelles entre le Commonwealth et les États méritent

cependant d’être signalées. L’une d’elles tient au fait que les constitutions des États sont généralement plus souples et que, dans certains cas, leur statut n’est pas supérieur { celui d’une loi ordinaire. Une deuxième est que la séparation des pouvoirs n’est pas inscrite dans les constitutions des États. De la sorte, alors qu’on s’attend généralement { ce que le pouvoir judiciaire soit exercé par les tribunaux de l’État, aucune disposition constitutionnelle n’empêche son exercice par, disons, une commission d’enquête, ou ne cantonne les cours d’État { l’exercice du pouvoir

judiciaire. Une troisième différence concerne la Chambre haute des Parlements

d’État. La raison d’être du Sénat australien, qui se reflète dans sa composition, ne se

retrouve pas dans les États. Les conseils législatifs de ces derniers ont fait leur apparition dans un modèle institutionnel de type colonial : { l’intérieur d’un Parlement bicaméral, une Chambre haute relativement conservatrice permettait de représenter les intérêts des possédants et de faire office d’organe de contrôle sur la Chambre basse. Bien que cette époque soit révolue et que les conditions d’éligibilité aux deux Chambres soient désormais identiques dans les États, la plupart d’entre

eux s’efforcent de trouver une fonction propre { ces Chambres hautes pour qu’elles

ne constituent pas un simple redoublement des vues de la Chambre basse et ne se contentent pas de faire obstruction, de manière parfois inopportune, aux décisions de cette dernière. Pour y parvenir, la plupart des États ont instauré un système électoral différent pour les Chambres hautes (exemple typique : la représentation proportionnelle) qui doit permettre la représentation d'intérêts plus variés. La plupart de ces Chambres hautes ont également perdu leur compétence, légale ou

tacite, de rejeter les lois financières et, par l{ même, de menacer l’existence du

gouvernement.

Traditionnellement, chaque État dispose d’un système judiciaire complet et

hiérarchisé, débutant avec des cours de magistrats de première instance ou des cours régionales et culminant dans une Cour suprême. Les tribunaux des États exercent une juridiction fédérale aussi bien qu'étatique. Leurs juges sont nommés par le gouverneur de l’État sur recommandation du gouvernement concerné ; le Commonwealth n’influence pas la manière dont ils sont désignés. Au surplus, bien que les tribunaux d’État puissent exercer une juridiction fédérale, le Commonwealth ne dispose que d’une capacité limitée d’aménager la composition des cours d’État { cet effet. Le Commonwealth est censé « prendre les cours d’État comme il les trouve » quelles que soient les implications qui peuvent être déduites de la

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Constitution du Commonwealth.

Conformément au système de common law, les arrêts des plus hautes cours de chaque État ont force exécutoire dans les tribunaux inférieurs. Les décisions des

autres cours d’État n'ont pas force exécutoire, mais ont un caractère persuasif, particulièrement lorsqu’il s’agit de l’interprétation des processus législatifs

intergouvernementaux. Ce système judiciaire apparemment décentralisé a été substantiellement modifié par des décisions de la Haute Cour, qui ont force exécutoire dans tous les systèmes régionaux, ce qui a entraîné un effet

d’homogénéisation tendant { accroître la probabilité que les décisions prises par les juges d’un État se révèlent « persuasives » dans tous les autres.

Relations entre les États

La Constitution fournit un cadre minimal favorisant la courtoisie entre les États dans le but de préserver l’unité nationale sur les questions fondamentales. Une disposition donne pleine et entière validité aux lois et aux procédures judiciaires

des États à travers tout le pays69. D’autres dispositions constitutionnelles interdisent le protectionnisme dans le commerce interétatique et garantissent

certains droits de mobilité70. Les États sont territorialement limités dans leur capacité de légiférer pour d’autres États71. Le Commonwealth dispose du pouvoir de légiférer pour le fonctionnement et l’exécution de la procédure judiciaire { travers

72

toute l’Australie et il ne s’en est pas privé. Les litiges entre résidants de différents États sont déférés devant une juridiction fédérale, bien qu’ils soient généralement traités par des cours d’États.

Il existe un vaste réseau de conférences intergouvernementales de niveau ministériel, lesquelles se sont multipliées au cours de la seconde moitié du XXe siècle.

Aucune d’entre elles ne repose sur une base constitutionnelle spécifique, { une exception partielle près. Il s’agit du Conseil australien des crédits (Australian Loan Council), qui est instauré par un accord intergouvernemental autorisé par l'article 105A de la Constitution et chargé de coordonner les emprunts du gouvernement en Australie. La Constitution n’interdit pas les conventions entre les États. Bien que la coopération s’établisse traditionnellement entre ces derniers et le Commonwealth,

des accords sont parfois conclus entre les États eux-mêmes sans que cela soulève de

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problème particulier.

LES COMPÉTENCES FISCALES ET MONÉTAIRES

Imposition

À deux importantes exceptions près, la Constitution attribue à la fois au Commonwealth et aux États une compétence générale en matière de taxation. En ce

sens, il s’agit d’un système compétitif. Les exceptions concernent les droits de

douane et les impôts indirects, qui sont attribués exclusivement au Commonwealth. Cette manière de procéder a été interprétée par la Haute Cour comme une

interdiction faite aux États d’imposer la moindre taxe sur les biens. Elle empêche

également les États de taxer les ressources naturelles de leur territoire ou des zones extracôtières jouxtant l’État, si de telles taxes sont imposées sur leur production74. En revanche, la souveraineté sur ces ressources, { l’intérieur des frontières de l’État

et dans la limite de la bande côtière de trois miles75, donne aux États le droit de prélever des redevances sur leur utilisation.

La Constitution limite de diverses manières les compétences fiscales du

Commonwealth et des États. Les taxes du Commonwealth ne sauraient entraîner ni discrimination, ni favoritisme entre les États ou des parties de ceux-ci76. Quant aux États, ils subissent des restrictions de leur autorité en ce qui concerne la taxation

dotée d’un effet extraterritorial, { moins qu’une relation ne puisse être établie entre l’État et l’objet de la taxe77. Aucun ordre de gouvernement ne peut taxer la propriété d’un autre ordre. Les États, et par voie de conséquence les administrations locales,

ne peuvent en aucun cas taxer le Commonwealth, bien que celui-ci puisse taxer les États et ne se prive pas de le faire.

En pratique, une action politique largement soutenue par les tribunaux a permis de centraliser la fiscalité. De manière plus symptomatique encore, le Commonwealth s’est unilatéralement arrogé un monopole sur la taxation des revenus durant la seconde Guerre mondiale par toute une série d’actes coordonnés et la Haute Cour a, par deux fois, fait abstraction des objections relatives à la validité de ces actes. Bien que la loi permette désormais aux États de se réapproprier le champ de la taxation

sur le revenu, pour autant qu’ils en expriment le souhait, le Commonwealth a

pourtant conservé ce monopole depuis lors78. À la fin des années 1990, les États se

sont mis d’accord pour renoncer { des taxes étatiques additionnelles en contrepartie de l’engagement du Commonwealth de leur rétrocéder les produits de

la taxe sur les biens et les services. Les États continuent cependant à prélever certaines taxes, au nombre desquelles les taxes foncières, les taxes sur le jeu, les charges sociales et certains droits de timbre. Lors de l'exercice financier 2001-2002, les impôts des États et des administrations locales ont représenté 18,4 pour cent de

l’ensemble des revenus fiscaux, le Commonwealth encaissant les 81,6 pour cent

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restants .

Emprunts

Le modèle constitutionnel originel conférait tant au Commonwealth qu’aux États la

compétence de procéder à des emprunts de manière indépendante. Mais dès la création de la fédération, des inquiétudes ont été exprimées quant au niveau d’endettement atteint durant la période coloniale pour financer des infrastructures onéreuses, comme les chemins de fer. On s'est alors demandé si le Commonwealth devait reprendre les dettes des États et si, en contrepartie, les emprunts de ces derniers ne devaient pas être soumis à une certaine forme de contrôle national. Un consensus a été atteint en 1927 et des amendements autorisant les accords entre le Commonwealth et les États concernant les dettes de ces derniers ont été ajoutés à la Constitution.

Le premier de ces accords a instauré un conseil ministériel intergouvernemental, le Conseil des crédits (Loan Council), chargé de cordonner les emprunts de tous les gouvernements. Il prévoyait que, pendant la période au cours de laquelle il resterait en vigueur, le Commonwealth se chargerait d’emprunter les fonds destinés aux États suivant les décisions du Conseil des crédits. Moyennant quelques adaptations,

ce modèle a fonctionné pendant plus de 60 ans, bien qu’il soit devenu moins efficace

au fur et à mesure que les États se sont mis à développer de nouvelles méthodes pour financer leurs travaux d'immobilisation, et que des autorités semi

gouvernementales, ne correspondant donc plus { la définition de l’État telle qu’elle figure dans l’accord, se sont mises { emprunter des capitaux. En 1995, une révision complète de l’Accord financier a restauré la capacité de chaque gouvernement d’emprunter en son propre nom, mais il exige que les programmes d’emprunts

soient parfaitement transparents et soumis à la surveillance du Conseil des crédits. Ce mécanisme, associé à la discipline politique imposée désormais par les agences de notation à une époque où une certaine retenue fiscale de la part du

gouvernement est { la mode, s'est jusqu’{ présent révélé efficace en ce qui concerne

le contrôle du niveau des emprunts.

La répartition des revenus

Dès le lancement de la fédération, il était attendu que le Commonwealth dispose de

plus de revenus qu’il n’en avait besoin, et qu’en revanche les États en auraient

moins, en raison de la compétence exclusive du Commonwealth en matière de droits

de douane et d’impôts indirects. Les auteurs de la Constitution n’ont pas réussi { se mettre d’accord sur un système permanent de redistribution des revenus. La

Constitution contient donc une disposition détaillée en la matière, mais valable seulement pour les dix premières années suivant la fédéralisation. Au-delà de cette période, la seule obligation du Commonwealth se limitait à distribuer chaque mois aux États son « excédent de recettes » d’une manière que le Parlement fédéral puisse qualifier de « juste ». Ce chapitre de la Constitution s’est révélé complètement inefficace, parce que le Commonwealth a réussi à gérer ses revenus de manière à ne

80

jamais laisser d’« excédent » .

La redistribution des revenus s’effectue néanmoins conformément { l'article 96 de la Constitution, qui autorise le Parlement à offrir une « assistance financière » à tout État « selon les conditions jugées appropriées par le Parlement». Le Commonwealth se base sur cette disposition pour verser aux États des subventions, qu’elles soient générales ou { des fins déterminées. Il s’agit l{ du mécanisme utilisé, par exemple,

pour rétrocéder aux États les sommes provenant de la taxe sur les biens et les services. Les transferts d'ordre général sont typiquement corrigés par une formule

de péréquation. Ce concept de péréquation fiscale n’est pas nouveau. Dès le départ, la Constitution avait octroyé une concession spécifique { l’Australie-Occidentale, lui permettant de continuer à prélever des droits de douane, mais à un taux décroissant, pendant les dix premières années de la fédération. Les paiements opérés par le Commonwealth en faveur des États les moins fortunés ont débuté peu après que le fonctionnement de cet article de la Constitution soit devenu caduc.

On peut dire du système actuel de péréquation qu’il remonte aux années 1930,

lorsque le Commonwealth instaura une Commission des subventions indépendante chargée de faire des recommandations en ce qui a trait aux transferts aux États

demandeurs. L’objectif de la péréquation fiscale est de permettre { chaque État de

proposer des services publics selon des normes équivalentes à celles des autres États, sans devoir pour autant imposer des taxes et des charges sensiblement plus élevées. Pour y parvenir, la Commission des subventions détermine pour chaque État un « facteur » qui tient compte à la fois de sa capacité contributive et de ses besoins en termes de dépenses. La totalité des subventions générales que le Commonwealth peut mettre à disposition des États est répartie

proportionnellement { la population de l’État, pondérée en fonction de ce facteur

péréquatif. En 2003, trois États étaient contributeurs nets et trois faisaient figure de bénéficiaires de fonds. Bien entendu, les États donateurs critiquent le système de péréquation fiscale ; cependant, toutes les tentatives de limiter son étendue en modifiant la méthodologie ont échoué.

Utilisation des revenus

La Constitution exige que les sommes dépensées par l’exécutif fédéral soient

81

destinées par la loi « aux buts du Commonwealth ». Cette condition ne limite pas

82

les domaines auxquels des sommes peuvent être affectées. Les dépenses elles

mêmes sont une autre question, cependant, parce qu’elles engagent le pouvoir

exécutif. La Haute Cour a jugé que le pouvoir exécutif du Commonwealth était

délimité par référence { l’énumération des domaines relevant des pouvoirs législatifs, auxquelles viennent s’ajouter quelques matières additionnelles

particulièrement appropriées à un gouvernement national. Les dépenses touchant la

83

recherche scientifique représentent un exemple de tels pouvoirs « nationaux ».

Les limites mises au pouvoir de dépenser du Commonwealth ne touchent pas la variété des buts pour lesquels des subventions peuvent être accordées aux États, ni les conditions qui peuvent leur être attachées. La jurisprudence relative à l'article

96 fait clairement ressortir qu’en dépit du fait que les États ne sauraient être

contraints d'accepter des subventions, ces dernières peuvent être faites dans n’importe quel but et être soumises { n'importe quelles conditions, tant que celles-ci n’outrepassent pas l’une des rares limites absolues imposées aux compétences du

Commonwealth ou des États84. Il n'est cependant pas clair si les conditions attachées

aux subventions ont force exécutoire contre un État une fois qu’une subvention a été

acceptée. Mais, en pratique, la question ne se pose pas, parce que la menace du

retrait d’autres subventions { l’État contrevenant représente une efficace

dissuasion.

La Haute Cour a jugé que la compétence de dépenser du Commonwealth n’était pas affectée par l’interdiction de donner la préférence { un État en particulier dans une

85

loi « liée aux revenus ». La Constitution prévoit cependant que toute « prime » offerte par le Commonwealth pour la production ou la manufacture de biens doit

86

être appliquée uniformément à travers tout le pays.

Politique monétaire

La politique monétaire est exclusivement l’affaire du Commonwealth. « La monnaie, sa frappe et son cours légal » font partie de la liste des pouvoirs concurrents du Commonwealth. Une interdiction absolue formulée dans l'article 115 interdit aux États de battre monnaie. La Banque centrale, la « Reserve Bank of Australia », n’est pas instituée par la Constitution, mais par une loi fédérale. Aucune tradition ne prévoit que les États soient représentés au sein des organes dirigeants de celle-ci.

87

AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DÉFENSE

La responsabilité des affaires extérieures et de la défense relève presque exclusivement du Commonwealth, ce qui s’explique { la fois par le modèle constitutionnel et par la manière dont l’Australie a accédé { l’indépendance. Dans un

premier temps, les États étaient totalement indépendants. Progressivement, l’autorité du pouvoir impérial en ce qui a trait aux relations extérieures et à la défense est passée au Commonwealth, et la Constitution a été adaptée en conséquence.

88

Le gouverneur général est le commandant en chef des forces armées, fonction qu’il exerce sur proposition du gouvernement fédéral. Le Parlement du Commonwealth peut adopter des lois en matière de défense89, alors qu'il est interdit aux États de

90

maintenir des forces navales ou militaires sans le consentement du Parlement. Seul le Commonwealth possède le statut international lui permettant de s’exprimer

91

au nom de l’Australie. Le pouvoir exécutif du Commonwealth s’étend { la négociation et à la ratification des traités, à la déclaration de guerre et à la signature de la paix. Il n’y a de fait aucune limite { cette compétence. Cependant, les traités à caractère législatif doivent passer par un Parlement, qu’il s’agisse de celui du Commonwealth ou de ceux des États, avant d’être incorporés dans la législation

australienne. Le pouvoir législatif du Parlement fédéral en matière de relations

extérieures lui permet d’appliquer des engagements internationaux qui seraient

92

sinon frappés de restrictions par la Constitution. L’extension des domaines couverts par les traités internationaux, jointe à la reconnaissance jurisprudentielle

de l’étendue de ce pouvoir, ont fortement influencé la répartition des compétences

93

fédérales.

Formellement, les États australiens n’ont que peu d’autorité, voire aucune, dans ces

domaines. Les pouvoirs de l'exécutif des États qui sont susceptibles d'affecter les affaires extérieures sont subordonnés aux décisions du Commonwealth avec lesquelles elles sont incompatibles. Les Parlements des États peuvent légiférer pour appliquer des traités, mais une telle loi est subordonnée à toute loi du Commonwealth avec laquelle elle se révélerait incompatible. Dans la pratique, cependant, les États australiens ont conclu des accords avec toute une série de pays

ou de régions. Le statut de tels accords reste inférieur { celui d’un traité formel. Les

États australiens ont également ouvert des bureaux de représentation dans certains pays d’outre-mer, tels que la Grande-Bretagne et les États-Unis. Ils font également partie des récents accords entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande qui traitent de la reconnaissance mutuelle des normes pour les biens et les professions, et l’exécution des décisions touchant la protection des enfants. En vertu de la Constitution, le Commonwealth est également tenu de protéger les États contre toute invasion et,

« sur demande de l’autorité exécutive d'un État, contre la violence domestique »94.

L’élargissement de la gamme des domaines ayant vocation internationale,

caractéristique de la dernière décennie, a entraîné des demandes pour davantage de coopération et de consultation entre le Commonwealth et les États en ce qui concerne les relations extérieures. Un cheminement parallèle réclame une plus grande implication du Parlement fédéral dans les décisions touchant aux traités, qui demeuraient traditionnellement l’apanage de l’exécutif. À la suite de quelques importants changements procéduraux effectués dans les années 1990, les

engagements internationaux sont devenus plus transparents, qu’ils soient en vigueur ou en préparation. Avant que l’Australie ne les ratifie, les traités internationaux sont désormais déposés au Parlement où ils sont soumis { l’examen d’une commission parlementaire. Un conseil intergouvernemental des traités a été

institué afin de se pencher sur les conventions internationales qui touchent particulièrement les États. Avec l’accord du Commonwealth, ces derniers peuvent même faire partie des délégations internationales chargées de négocier les traités

au nom de l’Australie. Les Parlements des États peuvent en outre appliquer les

traités lorsque leur domaine relève principalement des compétences des États.

CITOYENNETÉ, VOTES, ÉLECTIONS ET PARTIS POLITIQUES

À l’époque où la Constitution fut rédigée, les citoyens australiens ne représentaient

95

pas formellement une catégorie légale. Ils étaient simplement sujets du monarque du Royaume-Uni, au point que lorsque la Constitution fait référence à ce statut, elle

96

évoque les « sujets de la Reine ».

La Constitution confie au Commonwealth la compétence de légiférer en matière de

97

« naturalisation et d’étrangers » . Après la seconde Guerre mondiale, lorsque plusieurs dominions de l’Empire britannique ont commencé { créer des

citoyennetés nationales distinctes, le Parlement fédéral a adopté une loi sur la nationalité, reposant apparemment sur sa compétence en matière de naturalisation. Envisagée de la sorte, la citoyenneté relève exclusivement du Commonwealth. La

manière la plus traditionnelle de l’acquérir consiste { naître en Australie avec au

moins un parent qui soit citoyen australien ou résident permanent dans le pays. Les demandes de naturalisation doivent être adressées au Commonwealth, qui les traite sans consulter les États.

L’Australie ne connaît pas explicitement une double souveraineté au sens de

citoyennetés étatique et nationale distinctes. Quelques arguments permettraient

cependant d’étayer l'hypothèse de la citoyenneté distincte. Les citoyens qui votent

dans chaque État ont approuvé la constitution originelle, et tout amendement

constitutionnel demeure soumis { l’approbation des citoyens votant dans une majorité d’États. Les candidats { la Chambre des représentants s’identifient comme des « citoyens » de l’État dans lequel ils résident. Il existe un concept de résidence dans un État donné, auquel sont rattachés { la fois le droit et l’obligation de voter

lors des élections dans les États et les administrations locales.

La Constitution définit les institutions du gouvernement du Commonwealth, mais elle contient peu de dispositions contraignantes concernant les droits politiques, autrement dit le droit de vote et celui de se présenter aux élections. Pour certains, cela est dû au fait que la Constitution est « facultative », en d’autres termes que son but principal consiste { créer les institutions de l’État et { leur permettre de fonctionner. Une autre interprétation veut que l’imprévoyance entourant ce genre de question reflète les désaccords touchant au statut des électeurs à une époque où deux des six États avaient déjà octroyé le droit de vote aux femmes alors que les autres hésitaient à franchir ce pas.

La seule disposition constitutionnelle qui concerne de manière significative l'admissibilité des électeurs figure dans l'article 41. Elle interdit au Commonwealth d'empêcher toute personne jouissant du droit de vote aux élections d'un État de voter à un scrutin fédéral. Cette prescription avait pour but de préserver le droit de vote des femmes lors des élections pour le Parlement du Commonwealth

98

immédiatement après la fédéralisation, et elle devait avoir un effet transitoire.

Mis à part cet article 41, le modèle prévu par la Constitution confie au Parlement du Commonwealth le soin de décider des critères d'admissibilité des électeurs pour la Chambre et le Sénat, après une période initiale durant laquelle, pour des raisons de commodité, les lois des États s’appliqueraient encore. Le Parlement a fait usage de cette compétence en 1902 et, depuis lors, c’est la loi du Commonwealth qui réglemente la question. Sa marge de manœuvre n’est probablement pas absolue,

dans la mesure où les considérations tirées de la Constitution elle-même semblent

99

désormais garantir au moins le suffrage universel adulte. Le suffrage universel adulte est d'ailleurs prescrit par le Code électoral (Commonwealth Electoral Act) qui fixe l’âge minimum { dix-huit ans. Les sujets britanniques qui ne sont pas citoyens australiens, mais qui ont obtenu le droit de prendre part aux élections australiennes

avant la date limite de 1984, l’ont conservé. Le vote est obligatoire. Paradoxalement dans de telles circonstances, l’éducation civique a été singulièrement négligée, bien que certains efforts destinés à remédier à ce problème bien connu aient été entrepris en 2001 dans le contexte du centenaire de la Constitution.

Le modèle constitutionnel se révèle identique pour les candidatures au Parlement du Commonwealth. Au départ, les lois des États s'appliquaient, mais c'est le Parlement qui disposait de la compétence visant à déterminer les critères d'admissibilité des candidats, et il l'a exercé. Cette compétence doit cependant tenir compte des incapacités mentionnées dans l'article 44. Celles-ci empêchent, par

exemple, les Australiens qui sont également citoyens d’autres pays, y compris le

Royaume-Uni, de faire acte de candidature pour le Parlement du Commonwealth.

Dans sa version originale, la Constitution n’avait prévu aucune référence aux partis politiques. Il en existe une désormais, résultat d’un référendum couronné de succès

en 1977. L'article 15 prescrit que si un siège devient vacant au Sénat en cours de législature, il doit être comblé par le Parlement de l’État concerné avec un député provenant du même parti politique que le sénateur sortant. Une telle modification

reflète l’importance de la diversité des partis au Sénat, particulièrement depuis

l’introduction de la représentation proportionnelle. Cette disposition est complexe, car il faut tenir compte du fait que le sénateur sortant ait pu changer de parti au cours de son mandat ou que le candidat retenu ne soit pas, en fait, le candidat de prédilection du parti en question. Cet article de la Constitution précise donc que

l’appartenance au parti est celle qui prévaut { la date de l’élection et qu’un nouveau choix doit être opéré si le candidat désigné est rejeté par son parti avant d’entrer en

fonction.

100

PROTECTION DES DROITS INDIVIDUELS ET COLLECTIFS

Ni la Constitution du Commonwealth ni celles des États ne contiennent des chartes

des droits. À l’époque où ces textes ont été rédigés, les pays vivant sous le système

constitutionnel britannique considéraient que les droits des citoyens pouvaient être

protégés par d'autres moyens. De plus, contrairement { d’autres pays comparables, au nombre desquels figure désormais le Royaume-Uni lui-même, l’Australie a poursuivi sur cette voie. Plusieurs projets de charte nationale des droits ont été proposés, mais ils se sont toujours soldés par des échecs, bien qu’un projet de loi offrant une protection des droits expressément prévue par la loi ait été déposé

devant l’Assemblée législative du Territoire de la capitale nationale au début de l’année 2004, avec pour objectif une entrée en vigueur en juillet de la même

101

année. Conformément à cette vision parfois un peu complaisante selon laquelle le

système légal ordinaire est en mesure de protéger les droits d’une manière

satisfaisante, aucun des instruments internationaux de protection des droits de la

personne desquels l’Australie fait partie n’ont été intégrés dans la législation

australienne. La législation australienne est en fait présumée conforme à ces instruments. Des mesures correctives peuvent être prises si, comme cela se produit parfois, cette présomption se révèle infondée, mais elles ne le sont pas toujours.

Dans le cas de certains instruments, une loi d’application spécifique a été adoptée. L’Acte fédéral de discrimination raciale de 1975 (Commonwealth’s Racial Discrimination Act 1975) en est un exemple. Cette loi s’applique { la fois au

Commonwealth et aux États, bien que dans son application au Commonwealth elle

ne revête que le statut d’une loi ordinaire.

La Constitution australienne impose quelques limites bien précises aux pouvoirs du

Commonwealth ou des États, dont l’effet s’apparente { la protection des droits individuels. Ainsi, la législation du Commonwealth autorisant l’acquisition de biens-fonds privés doit prévoir le paiement d’« indemnités équitables » ; tout procès pour mise en accusation pour une violation des lois du Commonwealth doit se dérouler devant un jury ; les compétences du Commonwealth sont restreintes dans l’intérêt de la liberté religieuse ; et ni les États ni, selon toute probabilité, le Commonwealth ne pourraient discriminer des sujets de la Reine sur la base de leur résidence dans

un État, d’une manière qui pourrait porter atteinte aux exigences de l'article 117102. La Haute Cour a eu tendance à qualifier ces dispositions de limites systématiques

mises { certains pouvoirs, plutôt que de droits individuels autonomes. Il s’agit l{ d’une distinction mineure, mais d’une distinction quand même. En se fondant sur cette analyse, par exemple, la Cour a jugé que l’exigence du procès devant un jury valait pour l’ensemble du système judiciaire et que, s’il est applicable, il ne saurait

103

être contesté par un accusé.

D’autres limites portées aux compétences des Parlements et des gouvernements ont

été déduites des chapitres de la Constitution qui instaurent les institutions

gouvernementales. Ainsi, l’effet collectif des articles de la Constitution mettant en

place les institutions du système parlementaire a été organisé de manière à limiter la capacité des Parlements du Commonwealth ou des États de surcharger la

104

« communication politique ». C’est probablement pour la même raison que la Constitution protège quelque peu le suffrage universel et la bonne foi dans le découpage des circonscriptions électorales, au moins pour les élections fédérales.

L’indépendance du pouvoir judiciaire fédéral qu’elle instaure offre aussi une

protection limitée de certains aspects de la procédure judiciaire. Il est considéré, par exemple, que cette indépendance ferait obstacle à toute loi du Commonwealth qui

105

aurait l’effet d’un arrêt du Parlement. Mais en dépit de l’analogie entre les conséquences de ces considérations et ce qui peut être décrit dans d’autres pays

comme les droits civils et politiques, la Haute Cour a persisté dans sa distinction entre les limites mises aux pouvoirs et les droits eux-mêmes.

Nombre de ces restrictions de pouvoirs sont liées d’une manière ou d’une autre { la participation politique aux institutions gouvernementales et s’appliquent principalement aux citoyens. Mais d’autres s’appliquent également aux noncitoyens, cela dépend du contexte. En particulier, l’exigence d’« indemnités équitables » pour l’acquisition de biens-fonds et les protections découlant de la séparation du pouvoir judiciaire fédéral sont applicables à tous les individus concernés par une loi fédérale en la matière.

MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

La Constitution prévoit une procédure d’amendement en deux étapes qui

impliquent à la fois le Parlement et les électeurs. Seul le Parlement australien peut présenter un projet de loi visant à amender la Constitution. En règle générale, ses deux Chambres doivent adopter le projet de loi. La procédure prévue par l'article 128 permet cependant au gouverneur général de soumettre au référendum un projet de loi qui a été adopté deux fois par une seule des deux Chambres. En pratique, ce mécanisme destiné à sortir des impasses fonctionne uniquement si le

gouvernement est disposé { demander au gouverneur général d’agir, ce qui paraît peu probable dans le cas où la Chambre a rejeté le projet de loi. Quoi qu’il en soit, le rejet d’un projet de loi par une des Chambres du Parlement est de bien mauvais augure quant { son succès { l’issue d'un processus référendaire.

Une fois qu’il a été adopté par le Parlement, le projet d'amendement de la Constitution doit être accepté par référendum pour acquérir force de loi. En règle générale, cette approbation nécessite le soutien d’une double majorité : des électeurs au niveau national et des électeurs dans une majorité des États. Les habitants des territoires sont pris en considération pour le premier décompte, mais

pas pour le second. Les modifications concernant la représentation d’un État originel dans l’une des deux Chambres, de même que les dispositions de la Constitution touchant les frontières d’un État, doivent également recueillir une majorité dans l’État concerné.

Il s’est révélé difficile d’amender la Constitution au moyen de cette procédure.

Quarante-quatre propositions de modifications ont été soumises aux électeurs depuis les débuts de la fédération, mais seules huit d’entre elles ont été adoptées. Parmi celles-ci, sept revêtaient un caractère vraiment mineur, et toutes ne visaient

que des buts relativement spécifiques. L’obstacle que constitue un référendum

semble avoir découragé les gouvernements de se lancer dans des amendements constitutionnels. Le nombre de succès dans les référendums a également diminué au cours des dernières décennies. Le dernier référendum qui a eu pour résultat la ratification des changements proposés a eu lieu en 1977, alors que trois des quatre propositions ont été adoptées. En revanche, les propositions de quatre autres référendums ont été rejetées en 1988 par d'écrasantes majorités. Deux nouvelles

propositions, visant respectivement l’adjonction d’un préambule { la Constitution et l’instauration d’une république, ont été rejetées en 1999. Quelques facteurs

permettent de comprendre ces multiples rejets : le caractère très contradictoire de la procédure, le manque de compréhension des propositions de changement et le conservatisme des électeurs australiens en ce qui a trait aux questions constitutionnelles.

Les véritables changements touchant le mode de fonctionnement de la Constitution

ont, pour l’essentiel, été réalisés par deux moyens. Le premier moyen est l’action

politique. Elle est facilitée par la manière dont la Constitution prévoit des dispositions sur les questions essentielles, puis s'en remet aux bons soins du Parlement australien pour leur application. Des changements de nature politique ont également été effectués par la coopération entre les niveaux de gouvernements, par exemple en utilisant la compétence du Commonwealth de légiférer sur des

questions qui lui sont soumises par le Parlement d’un État. Un récent transfert de

compétence des États vers le Commonwealth, par exemple, a permis à ce dernier

d’édicter une loi sur les sociétés nationales. Le second moyen qui a permis de mettre en place de véritables changements constitutionnels est l’interprétation

jurisprudentielle. Bien que les tribunaux se révèlent relativement conservateurs

dans leur manière d’interpréter la Constitution, leurs arrêts ont contribué { une

considérable extension des pouvoirs du Commonwealth au cours des 104 dernières années. Leur interprétation des compétences en matière de relations extérieures,

par exemple, pour permettre au Parlement australien d’appliquer les obligations

résultant des traités internationaux, a conféré au Commonwealth de larges pouvoirs touchant { la protection de l’environnement, au droit du travail et aux droits de la personne.

CONCLUSION

Comme la plupart des Constitutions fédérales, celle de l’Australie s'est inspirée de

sources très diverses. Certaines de ses caractéristiques originelles, cependant, entendaient refléter les réalités spécifiques du pays. De plus, quelque 104 ans

d’existence l’ont vu se développer dans un sens qui l’a rendue clairement

australienne.

Sous certains aspects, la Constitution s’est révélée une remarquable réussite. Elle a rassemblé et maintenu en paix toutes les unités constituantes d’un pays très vaste, et a survécu à au moins une sérieuse tentative de sécession. Elle a servi de principal

élément constitutif pour plus d’un siècle de gouvernement démocratique stable. Elle s’est révélée suffisamment souple pour s’adapter { de spectaculaires changements de circonstances, le moindre n’étant pas l’accession de l’Australie { l’indépendance.

Elle a fourni un cadre institutionnel dans lequel le Commonwealth, les États et les territoires ont pu se développer et prospérer.

Au fil du temps cependant, et en partie à cause de sa longévité, la Constitution est devenue étrangère à la structure et au fonctionnement des institutions australiennes, tout au moins de celles qui visent la structure du pouvoir et le contrôle de ses abus. Contrastant avec l’attitude des Américains vis-à-vis de leur constitution, par exemple, la Constitution australienne suscite peu l'admiration des

habitants du pays. En général, ces derniers se piquent de n’en connaître que très peu de chose. L’éducation civique se révèle d’autant plus difficile que le texte de la Constitution semble n’avoir que de vagues analogies avec la réalité institutionnelle.

Par ailleurs, les Australiens ont un rapport d’amour-haine envers le fédéralisme. Une opinion très largement répandue, par exemple, affirme que l’Australie n’a pas besoin d’un gouvernement fédéral et qu’un système de gouvernements national,

régional et local représente une évidente « surinstitutionnalisation » pour un pays de 20 millions d’habitants. Néanmoins, cette conception ne se traduit que rarement par une volonté de soutenir un référendum visant à renforcer les compétences du Commonwealth. Il semble peu probable, au surplus, que les électeurs des États plus petits ou plus éloignés favorisent un changement qui, en fin de compte, reviendrait à

confier les rênes de l’État { un seul et unique gouvernement national dominé par les

États les plus peuplés de la côte Est.

Au cours de la dernière décennie du XXe siècle, le débat constitutionnel en Australie s’est largement centré sur la question de savoir si oui ou non et, le cas échéant, quand et comment instaurer une république, et donc couper les liens de l'Australie

avec la Couronne britannique. Apparemment, l’échec du référendum sur cette

question est dû en grande partie aux défauts des nouveaux aménagements

proposés. Savoir s’il convient d’instaurer une république demeurera sans doute une

question constitutionnelle récurrente dans la première partie de ce siècle, non parce

qu’elle pose des difficultés pratiques particulières mais en raison de son poids symbolique. Le débat revêt également une dimension fédérale, qui n’a pas été

suffisamment mise en lumière par la proposition vainement soumise au référendum en 1999. Un prochain référendum devrait, par exemple, aborder la question de

savoir s’il est important pour les entités constituantes d’une fédération, mais aussi pour son centre, d’être impliqués dans la désignation du chef de l’État. Un autre sujet qui pourrait faire l’objet de vigoureux débats constitutionnels concerne la protection des droits de la personne. Voilà qui semble inévitable dans un pays qui, seul et unique dans le monde de la common law, ne dispose { l’heure actuelle d’aucune protection systématique de ces droits. Le fédéralisme vient également compliquer cette question. Une charte des droits de niveau législatif, adoptée par le Commonwealth, serait probablement plus acceptable pour la culture constitutionnelle australienne, mais elle annulerait les lois non conformes des États et risque pour cette raison de soulever leur opposition. Face à cette difficulté, il est probable que la protection des droits de la personne en Australie demeure cantonnée aux mécanismes traditionnels du Parlement et des tribunaux, ces derniers élaborant la common law particulière à l'Australie.

NOTES

1 Lange v. Australian Broadcasting Corporation (1997) 145 ALR 96.

2 Attorney-General of the Commonwealth of Australia v. The Queen [1957] AC 288 (PC).

3 Brian Opeskin et Fiona Wheeler (éds.), The Australian Federal Judicial System (Melbourne: Melbourne University Press, 2000).

4 McGinty v. Western Australia (1996) 186 CLR 140.

5 John Hirst, The Sentimental Nation: The Making of the Australian Commonwealth (Melbourne: Oxford University Press, 2000); Helen Irving, To Constitute a Nation: A Cultural History of Australia’s Constitution (Cambridge: Cambridge University Press, 1997).

6 Pour une revue des activités marquant le centenaire de la Constitution australienne, cf. Robert French, Geoffrey Lindell et Cheryl Saunders (éds), Reflections on the Australian Constitution (Sydney : The Federation Press, 2003).

7 Ce calcul du PIB est basé sur la parité actuelle du pouvoir d’achat ; cf. l’OCDE, http://www.oecd.org/dataoecd/48/5/2371372.pdf, site visité le 20 avril 2004.

8 L'article 95 permettait { l’Australie-Occidentale de continuer à percevoir des droits de douane, à un taux décroissant, pendant 10 ans.

9 Les appels au Conseil privé sont néanmoins restés possibles jusqu’au moment où a débuté leur progressive restriction, puis leur véritable suppression, en 1968, 1975 et 1986.

10 Federal Council of Australasia Act 1885 (Imp). L’Australie-Méridionale n’en a été membre que pendant deux ans.

11 L'article 121 permet à la Nouvelle-Zélande ou à tout autre pays d’être admis comme un nouvel État dans la fédération australienne. Une référence expresse à la Nouvelle-Zélande figure à l'article 6 du « Commonwealth of Australia Constitution Act 1900 » (Imp), qui est désormais dépourvue de toute signification légale.

12 Article 125.

13 Articles 121 et 124.

14 Alvin W. Hopper, “Territories and Commonwealth Places: The Constitutional Position,” Australian Law Journal 73 (March 1999): 181218.

15 Gregory Craven, Secession: The Ultimate States Right (Melbourne: Melbourne University Press, 1986).

16 Commonwealth Grants Commission Act 1973 ; Commonwealth Grants Commission, Equality in Diversity: History of the Commonwealth Grants Commission (Canberra: Australian Government Publishing Service, 1995).

17 Article 41 ; il s’agissait de l’Australie méridionale et de l’Australie occidentale.

18 Article 127.

19 James Bryce, The American Commonwealth, 1re éd. (Indianapolis : Liberty Fund, 1888) ; John S.F. Wright, « Anglicizing the United States Constitution: James Bryce’s Contribution to Australian Federalism », Publius: The Journal of Federalism 31 (Fall 2001): 10729.

20 En Australie, contrairement aux États-Unis, le consensus de la nation et des États étaient exprimés par le biais d’un référendum, le peuple votant directement à la fois au niveau national et dans les États.

21 John Quick et Robert Randolph Garran, The Annotated Constitution of the Australian Commonwealth (1901 ; nouvelle édition, Sydney : Legal Books, 1976),

p. 127.

22 Article 53.

23 Geoffrey Sawer, Federation Under Strain (Melbourne: Melbourne University
Press, 1977).
24 House of Representatives Standing Committee on Legal and Constitutional
Affairs, Constitutional Change: Select Sources on Constitutional Change in
Australia, 19011997 (Canberra: agps, 1997).
25 Lim v. Minister for Immigration, Local Government and Ethnic Affairs (1992)
176 CLR 1.
26 Lange v. Australian Broadcasting Corporation (1997) 145 ALR 96.
27 Article 128.
28 Australian Capital Television Pty Ltd v. Commonwealth (1992) 177 CLR 106.
29 Marbury v. Madison, 5 US 137 (1803).
30 Lange v. Australian Broadcasting Corporation (1997) 145 ALR 96.
31 Article 77(iii).
32 Re Wakim ; Ex parte McNally (1999) 198 CLR 511 et R. v. Hughes (2000) 202
CLR 535.
33 Article 51(xxxix).
34 Article 105A.

35 Article 120.

54

36 Amalgamated Society of Engineers v. Adelaide Steamship Co. (1920) 28 CLR

129. 37 Martin Painter, Collaborative Federalism: Economic Reform in Australia in the 1990s (Cambridge: Cambridge University Press, 1998). 38 Selon l'article 51(xxxvii) de la Constitution, la loi sur les sociétés relève désormais du Commonwealth, suivant un transfert de compétence opéré par les États en faveur du Parlement fédéral. 39 Respectivement, articles 7 et 124. 40 Respectivement, articles 51(ii) et 99. 41 Article 106. 42 Article 123. 43 Austin v. Commonwealth of Australia (2003) 77 ALJR 491. 44 Kable v. Director of Public Prosecutions (NSW) (1996) 189 CLR 51. 45 Lange v. Australian Broadcasting Corporation (1997) 145 ALR 96. 46 Cette opinion est défendue par Chris Tappere, « New States in Australia: The Nature and Extent of Commonwealth Power under Article 121 of the Constitution » Federal Law Review 17 (1987): 223 à 24849. 47 Article 51(xxvi). 48 Mabo v. Queensland (n o 2) (1992) 175 CLR 1.

49 Victoria v. Commonwealth and Hayden (1975) 134 CLR 338.

50 Le mariage et le divorce ont été incorporés dans la liste des compétences du
Commonwealth en raison du désir de disposer de lois uniformes en la
matière entre les États ; cf. Quick and Garran, The Annotated Constitution, p.
608.
51 Article 90.
52 Article 109.
53 Viskauskas v. Niland (1983) 153 CLR 280.
54 Respectivement, articles 92 et 117.
55 Respectivement, articles 51(xxxi) et 116.
56 Lange v. Australian Broadcasting Corporation (1997) 145 ALR 96.
57 Article 101.
58 Re Dingjan; Ex parte Wagner (1995) 183 CLR 323.
59 Ha v. New South Wales (1997) 189 CLR 465.
60 R. v. Kirby ; Ex parte Boilermakers’ Society of Australia (1956) 94 CLR 254 (HC);
subnom Attorney-General of the Commonwealth of Australia v. The Queen
[1957] AC 288 (PC).

61 Article 72.

62 Pour une revue des célébrations préparées par le Parlement { l’occasion du Centenaire de la Constitution, cf. G. Lindell et R. Bennett (éds), Parliament : The Vision in Hindsight (Sydney: The Federation Press, 2001).

63 Pour un aperçu général, cf. Brian Galligan, A Federal Republic : Australia’s Constitutional System of Government (Cambridge: Cambridge University Press, 1995).

64 Article 24.

65 Article 57.

66 Article 61.

67 Articles 75 et 76.

68 Federated Sawmill, Timberyard and General Woodworkers’ Employees’ Association (Adelaide Branch) v. Alexander (1912) 15 CLR 308; Leeth v. Commonwealth (1991) 174 CLR 455 ; Kable v. Director of Public Prosecutions (1996) 189 CLR 51 par Gaudron J. p. 103, par McHugh J. p. 110-11.

69 Article 118.

70 Articles 92 et 117.

71 Union Steamship Co. of Australia Pty Ltd v. King (1988) 166 CLR 1.

72 Article 51(xxiv).

57
73 Martin Painter, Collaborative Federalism (Melbourne: Cambridge University Press, 1998).
74 Hematite Petroleum Pty Ltd v. Victoria (1982) 151 CLR 599.
75 Le droit sur les ressources { l’intérieur de la bande côtière de trois miles est attribué aux États par le « Commonwealth Coastal Waters (State Title) Act » de 1980.
76 Articles 51(ii) et 99.
77 Broken Hill South Ltd v. Commissioner of Taxation (NSW) (1937) 56 CLR 337.
78 Cheryl Saunders, “The Uniform Income Tax Cases,” Australian Constitutional Landmarks, ed. H.P. Lee and George Winterton (Melbourne: Cambridge University Press, 2003), 6284, 62.
79 Australian Bureau of Statistics, 200102 Taxation Revenue, document 5506.0, 23 May 2003, p. 4.
80 New South Wales v. Commonwealth (1908) 7 CLR 179.
81 Article 81.
82 Victoria v. Commonwealth and Hayden (1975) 134 CLR 338.
83 Idem, 397 (Mason J.).
84 Victoria v. Commonwealth (1957) 99 CLR 575, per Dixon C.J. at 605-11.
58
85 Deputy Federal Commissioner of Taxation (NSW) v. W.R. Moran Pty Ltd (1939)
61 CLR 735 (HC).
86 Article 51(iii).
87 Pour un aperçu général, cf., Brian R. Opeskin et Donald R. Rothwell (éds.),
International Law and Australian Federalism (Melbourne, Melbourne
University Press, 1997).
88 Article 68.
89 Article 51(vi).
90 Article 114.
91 New South Wales v. Commonwealth (1975) 135 CLR 337.
92 Article 51(xxix).
93 Commonwealth v. Tasmania (1983) 158 CLR 1.
94 Article 119.
95 Pour un aperçu général, cf., Kim Rubenstein, Australian Citizenship Law in
Context (Sydney: Law Book Co., 2002).
96 Article 117.
97 Article 51(xix).

98 R. v. Pearson; Ex parte Sipka (1983) 152 CLR 254.99 McGinty v. Western Australia (1996) 186 CLR 140.100 Pour un aperçu général, cf., George Williams, Human Rights under the

Australian Constitution (Melbourne: Oxford University Press, 1999). 101 Human Rights Bill 2003. 102 L'article 117, quelque peu complexe, prévoit que « un sujet de la Reine,

résidant dans n’importe quel État, ne saurait être sujet, dans quelque autre État que ce soit, à une incapacité ou une discrimination qui ne lui serait pas

applicable de la même manière s’il était un sujet de la Reine résidant dans un

autre État ». 103 Brown v. The Queen (1986) 160 CLR 171. 104 Lange v. Australian Broadcasting Corporation (1997) 145 ALR 96. 105 Polyukhovich v. Commonwealth (1991) 172 CLR 501.