Le Royaume de Belgique

KRIS DESCHOUWER

La Belgique est un petit pays de 32 500 kilomètres carrés, mais, avec ses 10 millions

d’habitants, elle atteint une forte densité de population. Elle fut créée en 1830,

lorsque le Sud du Royaume-Uni des Pays-Bas, une entité qui n'avait alors que 15 ans, se sépara du Nord. Les deux principaux motifs de cette sécession étaient la religion et la langue. La partie méridionale des Pays-Bas devenue l'État belge en 1830 — se composait majoritairement d’habitants de confession catholique, tandis que la région septentrionale abritait principalement des protestants. En outre, les élites du Sud parlaient le français, alors que le néerlandais prédominait dans le Royaume-Uni des Pays-Bas.

En 1830, les élites belges parlaient le français, mais il ne s'agissait pas de la langue de tous les Belges. En fait, la ligne de démarcation entre les régions latines du Sud de

l’Europe et les zones germaniques du Nord traverse précisément le territoire belge,

divisant le pays en une partie francophone au Sud et une partie néerlandophone au Nord. Les deux principales communautés linguistiques ne sont pas de taille égale : environ 60 pour cent des Belges parlent le néerlandais, 40 pour cent le français et

0,6 pour cent l’allemand.

Le pays qui a vu le jour en 1830 représentait une toute nouvelle entité. La Belgique rassemble des territoires ayant appartenu à de plus larges entités (telles que la France, l’Autriche et le Saint-Empire romain) et n’a pas d’histoire qui lui est propre avant 1830. Le pays nouvellement créé n'était cependant pas une fédération, mais bien un État-nation unitaire classique. La Belgique fédérale est beaucoup plus récente et résulte d'un patient et graduel processus de territorialisation des

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relations entre deux groupes linguistiques. Le mouvement fédéraliste émergea dans le Nord. Son origine est évidente : la Belgique de 1830 instaura le français comme seule langue officielle et on accéda aux requêtes concernant le droit d’utiliser le néerlandais dans les affaires publiques, et particulièrement dans le domaine de l'éducation, que très parcimonieusement. Durant la Première Guerre mondiale, les tensions linguistiques atteignirent leur point culminant. Des soldats de langue néerlandaise durent servir dans une armée où les principaux officiers étaient francophones. En outre, les élites néerlandophones collaborèrent avec les forces d'occupation allemandes afin d'obtenir le droit d'offrir quelques cours en

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néerlandais à l'Université de Gand. Le Mouvement flamandse mit également à revendiquer clairement « l'autonomie culturelle ». Dès 1918, il paraissait évident que l'État-nation unitaire de 1830 ne survivrait pas. Ce constat est illustré par la lettre souvent citée que le francophone Jules Destrée a adressé au Roi Albert en 1912 : « Sire, il n’y a plus de Belges, mais seulement des Flamands et des Wallons. »

Les années qui suivirent la Première Guerre mondiale furent marquées par l'octroi du suffrage universel (uniquement aux hommes) ce qui donna à la majorité démographique néerlandophone une majorité au Parlement – ainsi que par l’amorce d'une réorganisation administrative de la Belgique sur une base linguistique. Trois régions linguistiques furent créées : la région néerlandophone, la région francophone et la région bilingue de Bruxelles. Le rôle de cette dernière région est important : Bruxelles se situe au nord de la frontière linguistique et, historiquement, on y parlait principalement le néerlandais ; le français y est cependant devenu rapidement la langue prédominante après que Bruxelles ait été choisie capitale de la Belgique.

Les frontières des régions linguistiques étaient définies sur la base d'un recensement linguistique effectué tous les 10 ans. Étant donné que la langue

française jouissait d’un meilleur statut et qu’elle prédominait dans la région de

Bruxelles, les recensements déplacèrent la frontière linguistique vers le Nord. La région bilingue de Bruxelles s'étendit également dans des zones qui faisaient auparavant partie de la région néerlandophone. La communauté flamande exigea donc que la frontière linguistique devienne fixe plutôt que de changer en fonction du

recensement. La frontière est devenue fixe en 1963 et n’a pas été modifiée depuis

lors. Cette démarcation entre les régions linguistiques fut utilisée plus tard pour

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délimiter les unités constituantes de la fédération belge.

La constitutionnalisation de la nouvelle organisation de la Belgique, et plus particulièrement le mouvement vers une structure fédérale, débuta dans les années

70. Avec le recul, la Belgique semble avoir suivi un cheminement logique vers le fédéralisme, mais les changements se sont faits de façon irrégulière et n'avaient pas pour objectif la fédéralisation du pays. Il est difficile, et peut-être même impossible, d’identifier le « point de non-retour », le changement qui rendit la solution fédérale inévitable et incontournable pour la Belgique. Parmi les étapes importantes, on peut cependant relever les premières requêtes visant l’autonomie culturelle en 1918 ; les lois sur les langues des années 20 ; les luttes internes du Parti catholique dans les années 30 ; la fragmentation linguistique de la radio et de la télévision publiques en 1960 ; la fixation définitive de la frontière linguistique en 1963 ; la division linguistique du ministère de l'Éducation en 1965 ; sans oublier les changements majeurs intervenus au sein des partis politiques belges dans les années 60 et 70.

La première grande réforme de la Constitution remonte à 1970. Les principes de base du futur pays fédéral y furent élaborés, mais cette démarche visait plutôt à

éviter davantage de décentralisation qu’{ trouver une solution de type fédéral aux

tensions entre le Nord et le Sud. La réforme constitutionnelle de 1980 peut être considérée comme une étape essentielle ayant mené à la fédéralisation de la Belgique, car elle conféra aux unités constituantes des pouvoirs considérables et concrets, à savoir un Parlement (n'étant pas directement élu, cependant) et un gouvernement. Les réformes ultérieures ont été entreprises sur la base de ces pouvoirs et, en 1993, l'article premier de la Constitution belge a été remplacé par un article stipulant explicitement que la Belgique était un pays fédéral. Les Parlements régionaux sont directement élus depuis 1995 (1989 à Bruxelles).

Ainsi, en Belgique, le fédéralisme n'est pas le résultat d’un choix, mais de la gestion d’une série de conflits. En réalité, les mouvements appuyant la décentralisation de l’État belge unitaire furent les premiers { utiliser la notion de fédéralisme. Pour ces groupes, le fédéralisme signifiait décentralisation et autonomie et fut, à l'origine, appuyé par ceux qui rejetaient l'État existant. Le fait que le terme « fédéralisme » soit à présent officiellement utilisé pour définir le système belge représente donc un changement significatif.

Le système fédéral de la Belgique est issu de réformes sporadiques destinées à pacifier les tensions ethnolinguistiques. Cela signifie que les auteurs de la Constitution belge n'ont pas trouvé leur inspiration dans les pays fédéraux existants.

La fédération belge ne résulte pas de la mise en œuvre d’un modèle. Personne n’a

inventé ou imaginé la nouvelle Belgique. Elle est le produit de compromis subtils entre deux visions divergentes sur la manière dont l'ancien État unitaire devait être

réformé. C’est la raison pour laquelle la Constitution belge ne fait nullement état que

la signification ou des buts du fédéralisme. Ce système de gouvernement s'est simplement imposé un peu comme une conséquence indésirable de la recherche

d’un moyen permettant de garder unies deux parties de plus en plus divergentes du

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pays .

La présentation qui suit décrit le fédéralisme en Belgique en 2003, époque à laquelle

comme toujours depuis les années 60 plusieurs propositions de réforme demeuraient { l’étude.

UNE FÉDÉRATION BIPOLAIRE ET ASYMÉTRIQUE

La caractéristique fondamentale de la fédération belge réside probablement dans sa

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nature double. La Belgique est une fédération composée de « communautés » linguistiques et de « régions » territoriales. Cette dualité est le fait des visions divergentes des néerlandophones et des francophones sur la configuration idéale du pays. Les premières demandes de décentralisation ont été formulées par les néerlandophones et étaient basées sur la défense de leur langue. Ceux-ci revendiquaient l'autonomie des deux communautés linguistiques. Selon ce schéma, Bruxelles située au nord de la frontière linguistique aurait été incorporée, ou du moins intimement liée, à la communauté néerlandophone, appelée traditionnellement « communauté flamande ». Les francophones, eux,

revendiquaient plutôt l’autonomie des régions, un projet selon lequel Bruxelles

(dont la population comprend 85 pour cent de francophones) serait devenue une région de la fédération belge plutôt qu’une partie de la communauté flamande.

Alors que les francophones de Bruxelles optaient pour une division par régions comme système de défense de leur langue, ceux de Wallonie région située au sud de la frontière linguistique revendiquaient l’autonomie de la région wallonne pour des raisons économiques. Au XIXe siècle, la partie méridionale de la Belgique était

l’une des premières régions industrielles d’Europe, mais elle subit les conséquences

du déclin industriel dès les années 50. Comme les élites flamandes se mirent à occuper de plus en plus de postes de pouvoir au sein de l'État belge (en raison de leur poids démographique et de leur force économique croissante), les élites wallonnes commencèrent à craindre que l'État belge ne tienne pas compte des

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besoins spécifiques de la région wallonne. C’est pour ce motif qu’elles revendiquèrent une autonomie régionale susceptible de leur conférer plus de contrôle sur les affaires économiques.

Telles étaient les divergences de position sur la manière de réorganiser la Belgique

lorsque les tensions entre les groupes linguistiques s’intensifièrent dans les années

60. Un ensemble complexe de dissensions existe entre le Nord et le Sud (ainsi qu’avec Bruxelles). Ces dissensions résultent de différences de points de vue quant à l'utilisation de la langue, la composition sociale et économique des régions et le paysage politique du Nord et du Sud. Le Nord est dominé par le Parti chrétiendémocrate et le Sud par le Parti socialiste, et, au début des années 70, un parti francophone concerné par la défense de la langue française représentait la faction politique la plus forte à Bruxelles. Un consensus régnait sur la nécessité de réformer l'État unitaire, mais des désaccords fondamentaux demeuraient sur la façon dont

cette réforme devait être entreprise. Le Nord défendait l’autonomie pour les deux

principales communautés linguistiques et souhaitait incorporer Bruxelles à la

communauté flamande. Le Sud revendiquait l'autonomie des trois régions, d’une part pour obtenir l’autonomie économique de la Wallonie et d’autre part pour défendre la langue française à Bruxelles.

Une fédération bipolaire permit de sortir le pays de cette impasse. La Belgique créa deux catégories d’entités constituantes : les communautés linguistiques et les régions territoriales. Les trois régions sont la Wallonie, Bruxelles et la Flandre (sans Bruxelles). La communauté flamande pouvait ainsi exercer ses compétences dans la région flamande et à Bruxelles, et la communauté française pouvait exercer les siennes dans la région wallonne et aussi à Bruxelles. La communauté germanophone acquit également le statut autonome et put exercer ses compétences dans le territoire germanophone qui faisait partie de la région de Wallonie. Puisque les régions et les communautés se chevauchent dans une large mesure, la base de la fédération belge est effectivement territoriale. Toutefois, des exceptions à cette règle étaient nécessaires pour résoudre le problème du statut de Bruxelles, qui est maintenant une région à part entière. En raison de la nature bipolaire de la fédération de Belgique, la communauté flamande est en mesure de maintenir sa présence à Bruxelles et les francophones ne peuvent pas tirer parti du fait qu'ils sont majoritaires dans la ville pour dominer les néerlandophones.

Il n'existe aucune relation hiérarchique entre les régions et les communautés en

Belgique. Toutes les deux sont sur un pied d’égalité en tant qu'unités constituantes

de la fédération belge. Toutefois, elles fonctionnent de façon asymétrique à plusieurs égards. En premier lieu, la région de Bruxelles a un statut différent des autres entités. Son nom officiel est la Région de Bruxelles-Capitale, démontrant ainsi (aux néerlandophones, du moins) qu'il ne s'agit pas du même type de région que la Flandre et la Wallonie. Les règles votées par le Parlement régional de Bruxelles s'appellent des « ordonnances » tandis que les autres régions (et les communautés) adoptent des « décrets ». En principe, le gouvernement fédéral peut annuler une ordonnance, mais cela serait politiquement impensable en raison de la nécessité de

respecter l’équilibre linguistique dans le gouvernement fédéral (cf. infra). Les

tribunaux peuvent contrôler la constitutionnalité des ordonnances, mais pas celle des lois fédérales ou des décrets. À la différence des deux autres régions, Bruxelles

n'a pas d’autonomie constituante, ce qui signifie qu'elle ne peut pas décider du

fonctionnement de ses institutions gouvernementales. La raison de cette particularité réside dans la volonté de protéger la communauté néerlandophone de Bruxelles. Au Parlement régional de Bruxelles, 17 des 89 sièges et deux des cinq postes ministériels leur sont réservés. La seule autorité compétente pour changer cette composition est le gouvernement fédéral. En revanche, la Flandre et la Wallonie sont libres de déterminer le nombre de sièges de leurs Parlements régionaux, le nombre de ministres, le système électoral, et ainsi de suite. Cependant, pour toutes les questions de fond, la région de Bruxelles a les mêmes pouvoirs que la Flandre et la Wallonie.

Un autre exemple très important d'asymétrie réside dans les relations entre la région flamande et la communauté flamande. En effet, la Flandre souhaitant demeurer une communauté tout en maintenant des liens avec les néerlandophones de Bruxelles, les institutions gouvernementales de la région flamande et de la communauté flamande ont été fusionnées. Elles demeurent des entités distinctes

constitutionnellement, mais elles ne disposent que d’un seul Parlement et d’un seul

gouvernement. Le Parlement régional flamand (118 sièges) est directement élu par les habitants de la région. Le Parlement de la communauté flamande est composé de ces 118 membres régionaux ainsi que de six autres membres élus au cours de

l'élection du Parlement régional de Bruxelles sur la base d’une liste de candidats

néerlandophones. Les Parlements de la région et de la communauté flamandes se réunissent pour traiter des questions régionales et communautaires (ils forment alors ce qu’on appelle le « Parlement flamand »). Les membres élus à Bruxelles ne votent que sur des sujets relatifs à la communauté. On retrouve également un gouvernement flamand qui traite à la fois des questions régionales et communautaires (un ministre néerlandophone habitant Bruxelles ne peut

cependant s’occuper que d’affaires relatives { la communauté). Au moins un

ministre de ce type doit faire partie du gouvernement flamand, car, en raison de son appartenance à cette communauté linguistique, il symbolise le lien entre la Flandre et Bruxelles.

Une organisation similaire des relations entre la région française et la communauté française a occasionnellement été considérée par les francophones, mais, en fin de compte les institutions gouvernementales des francophones sont restées distinctes. Il y a certes un lien linguistique (le français) entre les Wallons et les francophones

de Bruxelles, mais le sentiment d'appartenance { la communauté linguistique n’est

pas aussi fort chez ceux-ci que chez les Flamands. Au bout du compte, la fédération belge comporte cinq unités constituantes : la Flandre (la communauté et la région), la Wallonie (la région), Bruxelles (la région), la communauté française et la communauté germanophone. Le Parlement régional wallon comprend 75 membres directement élus. Le Parlement de la communauté française est composé de ces 75 députés wallons ainsi que de 19 députés francophones issus du Parlement régional

de Bruxelles. La communauté germanophone dispose d’un Parlement (le Conseil de

la communauté germanophone) directement élu et constitué de 25 membres.

LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES

La répartition des compétences entre les régions et les communautés est contenue dans des lois spéciales plutôt que réglée de façon précise dans la Constitution. Cette façon de procéder remonte à 1970, année où le principe de décentralisation en faveur des régions et des communautés fut inscrit pour la première fois dans la Constitution. À cette époque, aucun accord sur les pouvoirs concédés aux régions n'était possible, particulièrement en raison des débats en cours sur le statut de

Bruxelles. C’est pourquoi la Constitution instaura l’instrument paraconstitutionnel

que sont les lois spéciales. La Constitution expose les principes de base régissant les compétences des régions et des communautés et spécifie que les détails peuvent être réglés par des lois spéciales. Celles-ci doivent être adoptées par les deux Chambres du Parlement à la majorité des deux tiers, qui doit aussi comprendre la majorité des membres de chaque groupe linguistique. Cette méthode est plus facile

et plus rapide qu’un amendement constitutionnel, bien que les exigences requises

pour adopter des lois spéciales soient plus élevées. L'utilisation des lois spéciales est devenue une pratique très répandue dès 1970. Non seulement les détails des statuts et des compétences des régions et des communautés, mais également les accords fiscaux ont été définis dans des lois spéciales.

Comme nous venons de le voir, la fédération belge n'a pas vu le jour intentionnellement. Elle représente plutôt l'aboutissement (provisoire) d'un ensemble de réformes institutionnelles concernant l'attribution de compétences aux régions et aux communautés et visant à apaiser les tensions entre le Nord et le Sud, et ce, afin d’éviter les impasses et les interminables conflits dans l'arène nationale. Chaque réforme était censée résoudre un problème immédiat. Ainsi, la Constitution ne contient-elle pas de concept clair quant à la philosophie de base ou aux buts généraux de la fédération belge. La fédération continue d’évoluer, mais ni la prochaine étape ni la phase finale ne sont connues (ou convenues). Cet état de fait est clairement illustré par la manière relativement confuse dont les compétences résiduelles de l'État fédéral sont définies. L'article 35 de la Constitution indique que

l'État fédéral n’a de compétences que dans les domaines que lui attribue la Constitution, mais il n’y a pas eu d’accord { ce sujet puisque les compétences

fédérales minimales n'y sont pas mentionnées. L'article 35 précise également que les régions et les communautés sont compétentes dans les autres domaines, selon les conditions fixées par une loi spéciale. Cette loi spéciale n'a cependant pas encore été élaborée, car, selon la Constitution, elle doit faire suite à l’insertion d'une liste de compétences minimales fédérales dans la Constitution. Dans la pratique, et bien que la Constitution dise le contraire, les régions et les communautés disposent uniquement des compétences que leur attribuent explicitement la Constitution et les lois spéciales, et les compétences résiduelles reviennent à l'État fédéral.

La construction fragmentaire de la politique fédérale et de sa Constitution a conduit à quelques fâcheuses ambiguïtés. La Constitution indique à plusieurs reprises qu'un domaine doit être régi « par une loi ». À proprement parler, une loi est une règle adoptée par le Parlement fédéral puisque les régions et les communautés émettent des décrets ou des ordonnances. Pourtant, le but de cette règle constitutionnelle est

d’expliquer qu'un organe exécutif ne peut pas réglementer seul un domaine. Par

conséquent, la théorie du droit admet maintenant que lorsque la Constitution requiert une « loi », ce terme peut également signifier « décret » ou « ordonnance » si le domaine se rapporte aux compétences des régions ou des communautés et si l'article exigeant une loi a été incorporé au texte après 1980.

En général, les compétences assignées aux régions et aux communautés sont plutôt vastes, bien que l'État fédéral ait conservé un certain nombre de mécanismes de contrôle, particulièrement dans le domaine fiscal. L'existence de deux entités, telles que les régions et les communautés, suppose une division claire des différents types de compétences qui peuvent être dévolues à chacune d'elles. En principe, la distinction est facile à faire : les régions reçoivent les compétences qui peuvent être organisées sur une base territoriale, tandis que les communautés reçoivent celles qui sont liées aux individus (cf. tableau 1). Toutefois, les domaines de la politique

sociale et de l’emploi laissent place { l'interprétation. En effet, si les compétences relatives { la sécurité sociale devaient être transférées, elles pourraient l’être tout aussi bien aux régions qu’aux communautés.

Un autre fait intéressant est qu'on a accordé aux régions et aux communautés des

compétences d’une grande portée dans les relations internationales. En effet, elles

peuvent toutes deux entretenir des relations internationales, ainsi que signer des traités et des accords de coopération dans tous les domaines liés à leurs compétences régionales ou communautaires, y compris dans le domaine du commerce international.

Bien que les deux entités exercent des pouvoirs en relation avec des personnes plutôt qu’avec le territoire, les compétences des communautés sont bel et bien liées au territoire. Ainsi, les communautés flamande et française de la Belgique ne sontelles pas composées de toutes les personnes qui parlent leur langue respective, indépendamment de l’endroit où elles vivent. La communauté flamande ne peut pas, par exemple, ouvrir des écoles en dehors des régions flamandes ou de Bruxelles, et la communauté française ne peut pas intervenir en Flandre. Ces restrictions résultent de la division de la Belgique en régions linguistiques dans les années 20, qui a entraîné des conséquences sur les pratiques linguistiques des services publics, mais non sur celles des individus. La Constitution stipule clairement qu'une personne peut utiliser la langue de son choix. Cependant, la Constitution et les lois sur les langues obligent les institutions gouvernementales à

utiliser la langue (ou les langues) d’une région dans leurs communications avec les citoyens de cette région. Les individus peuvent être tenus d’employer une langue spécifique seulement s'ils occupent un poste dans le secteur public. Les fonctionnaires des administrations locales qui doivent communiquer avec la population de Bruxelles, par exemple, sont tenus d'être bilingues. En revanche, les propriétaires de magasin n'ont aucun règlement à observer quant à la langue d'affichage de leurs enseignes.

Tableau 1 Les compétences des régions et des communautés de Belgique

Régions (Flandre, Bruxelles et Wallonie) Communautés (flamande, française et germanophone)
Planification du développement régional (p. ex. : urbanisme, monuments et sites, politique d’aménagement du territoire) Environnement (politiques de protection Domaines liés à la culture (p. ex. : défense et promotion des langues, arts, bibliothèques, émissions de radio et de télévision, politique de la jeunesse, loisirs et tourisme)
de l'environnement et de gestion des Éducation
déchets)
Domaines « personnalisables » pour lesquels la
Développement rural et protection de la pratique de la langue est importante (p. ex. : politique
nature (p. ex. : parcs, forêts, chasse et de la santé et assistance aux individus)
pêche)
Emploi des langues (sauf pour les localités ayant un
Logement statut spécial, c’est-à-dire qui offrent des
« protections » linguistiques)
Politiques relatives à l'eau (production et
approvisionnement, purification et Coopération internationale dans les limites de leurs
évacuation des eaux usées) compétences
Politique énergétique (sauf pour
l'infrastructure nationale et l'énergie
nucléaire)
Autorité subalterne (contrôle administratif
et financement des travaux publics)
Politique de l’emploi
Travaux publics et transports (p. ex. :
routes, ports et transports en commun)
Coopération internationale dans les
limites de leurs compétences

Le chevauchement des deux communautés linguistiques à Bruxelles représente un exemple bien singulier de fédéralisme non territorial. Les individus n'appartiennent pas officiellement { l’une des deux communautés. Il n'existe pas de sous nationalité basée sur l'identification à la communauté linguistique. À Bruxelles, les deux communautés offrent des services (p. ex. : écoles, événements culturels et programmes sociaux) et les citoyens ont le droit de choisir entre les deux. Ils peuvent choisir une langue pour un service et une autre pour un différent service, et modifier ces choix à leur guise. Pour l'élection du Parlement régional de Bruxelles, les électeurs doivent faire leur choix parmi une liste de candidats flamands ou parmi une liste de candidats francophones, mais le choix de la liste leur appartient.

Il subsiste un profond désaccord quant à l'imposition d'une organisation territoriale (et donc fortement régionale) aux communautés linguistiques de la Belgique. Les néerlandophones défendent une division stricte entre régions linguistiques parce qu'ils ont déj{ subi l’autorité dominante de la langue française et la « francisation » de Bruxelles et de ses environs. Les francophones préféreraient une organisation basée davantage sur les individus, car la communauté française ne peut pas offrir de services à certains francophones résidant en Flandre (surtout dans la périphérie de Bruxelles). Que les francophones de Flandre se définissent comme une minorité significative renforce la crainte des Flamands de perdre le contrôle de l'utilisation de leur langue en Flandre. En comparaison, les Flamands qui vivent en Wallonie ne se considèrent pas comme une minorité linguistique, la coutume voulant que les Néerlandais s'adaptent aux Français. La division de l'État belge en régions et en communautés est ainsi clairement un compromis, mais celui-ci n’a pas servi { réconcilier entièrement les points de vue divergents entre les communautés linguistiques du pays.

LES CONFLITS ET LA COOPÉRATION

La fédération belge résulte de nombreuses tentatives (souvent avortées) d’éviter que les conflits perdurent. La décentralisation des pouvoirs répond à une demande des unités constituantes visant à leur permettre de développer leurs propres politiques sans avoir à tenir compte des désirs des autres communautés linguistiques. Bien que la structure fédérale ait réduit les tensions entre les groupes linguistiques, le risque de conflit demeure élevé. En plus des tensions liées à la langue, la Belgique doit également faire face à celles qui sont propres aux pays fédéraux : les conflits liés aux compétences et les conflits d'intérêts.

Les contentieux relatifs à la répartition des compétences sont réglés selon une procédure judiciaire. Celle-ci peut prendre deux formes. En premier lieu, de tels

conflits peuvent être déférés { la section législative du Conseil d’État (Raad van State), laquelle rend une première décision sur tout projet de loi, qu’elle émane de l’entité fédérale ou des entités fédérées. Bien que le Conseil d’État soit une cour fédérale (la justice demeure un champ de compétence fédéral), il est composé de

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Chambres linguistiques séparées. Il vérifie que tout projet de loi, de décret ou

d’ordonnance est conforme aux règles de droit d'ordre supérieur, y compris,

naturellement, celles inscrites dans la Constitution. Les avis donnés par le Conseil

d’État n'ont pas force exécutoire, mais ce sont des avertissements importants ayant

des répercussions politiques. En second lieu, si un conflit lié à la répartition des compétences surgit après qu’une loi, un décret ou une ordonnance ait été promulgué, il est réglé par la Cour d'arbitrage (Arbitragehof). Cette dernière se compose de 12 juges (six néerlandophones et six francophones) nommés par le gouvernement fédéral sur recommandation du Sénat. La moitié des juges sont

d'anciens politiciens et l’autre travaille dans le milieu judiciaire.

Les conflits d'intérêts (autrement dit issus de désaccords sur le contenu des lois, des décrets ou des ordonnances) sont plus problématiques, car ils exigent qu'une solution politique soit trouvée dans un cadre institutionnel complexe, subordonné

au maintien d’équilibres subtils et sujet { des interprétations divergentes. Ces

conflits risquent le plus souvent de surgir entre les pôles flamand et français de la fédération bipolaire de Belgique et, en pratique, doivent être résolus par un accord

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entre les deux groupes. De tels conflits surgissent généralement lorsqu’une entité considère qu'une loi ou un règlement proposé par une autre entité ou par le gouvernement fédéral risque d'avoir des conséquences négatives pour l'entité qu'elle représente. Le Comité de concertation a été créé afin de traiter « officiellement » des conflits d'intérêts. Le Comité qui doit être parfaitement équilibré d’un point de vue linguistique est composé du premier ministre fédéral, de cinq ministres du gouvernement fédéral, ainsi que de six membres des gouvernements des régions et des communautés. Le conflit potentiel peut être porté devant le Comité par le gouvernement fédéral ou par celui de l’une des entités fédérées, ce qui suspend les débats pendant 60 jours. Si le Comité n’arrive pas {

trouver une solution consensuelle pendant ce laps de temps, la suspension est levée et le conflit reste sans solution.

Bien que la seule manière officielle de traiter des conflits d'intérêts consiste à faire appel au Comité de concertation, cette méthode est rarement employée. Dans la pratique, les présidents des partis au pouvoir, lesquels rencontrent régulièrement le premier ministre, s’occupent de la prévention de tels conflits. En effet, l'absence de partis fédéraux en Belgique oblige les partis au pouvoir à jouer dans les deux arènes (régionale et fédérale) et à résoudre entre eux les conflits potentiels.

Le caractère bipolaire de la fédération belge estompe souvent la différence entre les conflits de compétence et les conflits d'intérêts. Si les communautés linguistiques ne

s’entendent pas sur la manière dont la Constitution, une loi, un décret ou une

ordonnance doit être interprété, le désaccord ne sera pas réglé par une décision

judiciaire. Il s'agit d’une divergence de points de vue, et donc d’un conflit d'intérêts,

ce qui est un problème politique. Si l'interprétation d'un règlement demeure litigieuse, elle doit être reformulée et renégociée. La solution est donc politique.

La division des pouvoirs a engendré un ensemble assez homogène de compétences attribuées aux communautés et aux régions, car la réforme de l'État ne visait pas à favoriser la coopération, mais à éviter de devoir trouver une solution commune aux deux pôles du pays. Ainsi, on ne retrouve que très peu de compétences concurrentes et aucune hiérarchisation des règlements. Les lois fédérales et les décrets des régions et des communautés ont le même statut. La Belgique est à proprement parler une fédération bipolaire, mais la façon dont ce système fédéral est mis en

œuvre diffère de ce qu'on retrouve dans les autres systèmes bipolaires. Étant donné

que des compétences importantes ont été transférées à des territoires relativement

restreints au sein d’un petit pays, le besoin de coordination est important. L'existence de deux types d'unités constituantes les communautés linguistiques et les régions territoriales renforce également cette nécessité. De plus, le fait que certaines compétences doivent nécessairement être exercées par plus d'une entité rend la coopération inévitable. La politique en matière de santé, par exemple, est une responsabilité dévolue aux communautés, tandis que la sécurité sociale (y compris l’assurance-maladie) est une tâche fédérale. De même, la sécurité sociale comprend l'assurance-emploi, mais la politique de l’emploi est de compétence régionale. La politique des transports est également de compétence régionale, alors que le système ferroviaire relève du gouvernement fédéral. Enfin, les transports publics sont régionaux, bien que beaucoup de personnes fassent la navette en utilisant les transports publics entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles.

Étant donné que le maintien du contrôle fédéral sur toutes les compétences n'était

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pas une option, d'autres techniques et stratégies de coopération ont été élaborées. La forme la plus commune de coordination est la conclusion d'un accord de coopération entre une ou plusieurs entités. La Loi spéciale de 1988 permet aux régions, aux communautés et à l'État fédéral de conclure de tels accords de coopération, « notamment en vue de la création et de la cogestion de services et d’institutions communes, de l'exercice conjugué des compétences ou du

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développement de coentreprises. » Les accords peuvent être horizontaux ou verticaux, facultatifs ou obligatoires. Cette dernière solution peut paraître paradoxale, mais il s'agit d'une méthode qui a souvent été utilisée pour s'assurer que le transfert des compétences aux régions ou aux communautés ne conduise pas à des interruptions de service majeures. Une fois convenu, un transfert devient effectif seulement lorsque les régions et/ou les communautés ont signé un accord de coopération qui traite en détail du transfert et de la manière dont la tâche en question sera accomplie à l'avenir. Tel a été le cas, par exemple, lorsque la

compétence liée aux transports publics a été transférée de l’État fédéral aux régions.

Un accord de coopération en particulier mérite d'être mentionné : celui qui règle la représentation de la Belgique, de ses régions et de ses communautés au sein de

l'Union européenne (EU). En tant qu’État membre de cette dernière, la Belgique

n'est représentée qu'au sein du Conseil des ministres. Nombre de domaines régis

par l’UE sont toutefois de la compétence des régions et des communautés. De ce fait, un accord de coopération permet { un ministre d’une région ou d’une communauté,

plutôt qu'à un ministre fédéral, de représenter la Belgique lors des prises de

décision de l’UE. Une fois que les régions et les communautés ont convenu du point de vue qui sera défendu, l’un des ministres régionaux ou d’une communauté (en

alternance) peut occuper le siège de la Belgique en Europe. Un ministre régional ou

d’une communauté peut également présider le Conseil des ministres lorsque c'est {

la Belgique d'occuper ce poste. Si les entités fédérées ne peuvent obtenir un consensus sur une question, la Belgique s'abstient alors de voter.

Ce mécanisme de coopération fonctionne très bien. Les régions et les communautés

ont tendance { s’entendre facilement sur les prises de position { défendre en

Europe. L'UE joue un rôle très important en obligeant les régions et les communautés belges à travailler ensemble d'une manière constructive. Bien que l'UE n'ait pas joué un rôle actif en ce qui a trait au règlement des conflits de la

Belgique et { la création de l’État fédéral, sa seule présence stimule actuellement la

coopération entre des régions et des communautés qui aspiraient, et aspirent toujours, à mener librement leurs propres politiques.

Bien que les régions et les communautés possèdent un degré élevé d'autonomie constitutionnelle, leur autonomie politique demeure limitée, ce qui est paradoxal. La raison de cette situation est mentionnée ci-haut : le besoin constant, et parfois même l'obligation de coopérer. Un autre motif réside dans l'absence de partis politiques fédéraux. Tous les partis belges sont liés à leur communauté : ils ne recueillent donc des voix que dans leurs propres communautés linguistiques. La Belgique connaît deux systèmes de partis au sein desquels l'équilibre des pouvoirs est différent. Cependant, l'absence de partis fédéraux oblige les régions et les communautés à former des coalitions gouvernementales « conformes » à la coalition fédérale. Il est très peu probable qu'un parti politique important gouverne dans une arène et soit le parti d'opposition dans une autre arène, car on rencontre exactement les mêmes partis dans les deux sphères et non des sections communautaires ou régionales de ces partis. En effet, les coalitions gouvernementales ont toujours été (à quelques exceptions mineures près) conformes à tous les niveaux. En plus, le gouvernement fédéral a toujours été « symétrique », en ce sens que les partis du Nord et du Sud qui appartiennent à la même famille idéologique se sont toujours retrouvés côte à côte, que ce soit dans le gouvernement ou dans l'opposition. Pour ces raisons, l'autonomie politique des régions et des communautés demeure restreinte. Ces entités ne peuvent pas

s’engager dans des directions complètement différentes parce que les partis qui les

gouvernent doivent également gouverner au niveau national et donc maintenir le

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consensus fédéral.

Depuis 1993, la Constitution inclut le principe de « loyauté fédérale ». Ce principe

n’y est cependant pas détaillé et on ne trouve aucune obligation formelle de s’y conformer. En fait, la notion intervient dans les débats seulement quand l’une des

entités constituantes estime qu'une autre excède les limites de ses compétences (c’est-à-dire quand un conflit d'intérêts survient). C'est généralement le cas lorsque la Flandre revendique plus d'autonomie, mettant { l’épreuve les limites des

compétences qui lui ont été attribuées, ou lorsque les francophones essaient de contrevenir à leur obligation de limiter les actions de la communauté française à la Wallonie et à Bruxelles ou cherchent à ne pas se conformer aux exigences de bilinguisme. Le gouvernement fédéral ne se réfère jamais à la loyauté fédérale, bien que ce principe, ou du moins la cohésion fédérale, soit garanti à ce niveau (toujours par des politiciens qui n'ont été élus que par des membres de leurs propres communautés).

Le système de gouvernement belge étant le résultat de conflits, il comporte un

ensemble très complexe et symétrique d’entités fédérées dotées d’un large éventail

de compétences. Le bon fonctionnement de ce système exige un degré élevé de coopération. Les deux communautés disposent de nombreux droits de veto qu’ils peuvent opposer à tous les changements proposés, chaque fois qu'elles le souhaitent. Ayant pour base la bonne volonté des parties, le système incite à

travailler de concert plutôt qu’{ agir unilatéralement. Des actes unilatéraux se produisent toutefois régulièrement, conséquences d’un système où les partis sont

divisés et dans lequel tous les politiciens ne représentent que leurs propres communautés, et donc un seul des deux côtés de l'opinion publique. Ainsi, en l'absence de partis fédéraux, la présence de gouvernements régionaux, de gouvernements des communautés et du gouvernement fédéral rend indispensable la bonne volonté de continuer à travailler de concert. Toutefois, les pouvoirs de veto des communautés font courir le risque que le système devienne rapidement

conflictuel pour peu qu’un acteur refuse de coopérer. Il reste que si un ordre de

gouvernement est bloqué par un conflit, le système au complet cesse de fonctionner et tous doivent en payer le prix. Cela explique pourquoi la Belgique, bien qu’ayant été le théâtre de profondes crises, a toujours trouvé (et se doit de trouver) une solution négociée.

LA STRUCTURE DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

Depuis 1830, la Belgique est une monarchie parlementaire bicamérale. Le système parlementaire a changé en 1993 pour adapter la composition et le rôle du Sénat à la nouvelle structure fédérale du pays. La Chambre des représentants compte actuellement 150 membres, élus dans 11 circonscriptions électorales. Le nombre de sièges par circonscription dépend du nombre d'habitants et est réactualisé tous les 10 ans. La Chambre est renouvelée tous les quatre ans, mais peut être dissoute plus tôt par le roi (c’est-à-dire par le gouvernement fédéral).

La composition du Sénat est assez complexe. Quarante sénateurs sont élus directement : 25 néerlandophones et 15 francophones. Les habitants de la Flandre doivent voter à partir d'une liste de candidats flamands, ceux de la Wallonie, à partir d'une liste de candidats français, alors que les habitants de Bruxelles et de ses

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environs peuvent choisir celle des deux listes qu’ils désirent utiliser. Les Parlements de communauté fournissent également 21 sénateurs : 10 du Parlement de la communauté flamande, 10 du Parlement de la communauté française et 1 du Parlement de la communauté germanophone. Leur nombre par parti dépend de la distribution des voix en faveur des sénateurs directement élus. La troisième catégorie de sénateurs est formée par les sénateurs cooptés : six néerlandophones et quatre francophones. Ils sont choisis par les sénateurs directement élus ainsi que par les sénateurs des communautés (toujours en fonction des résultats électoraux par parti). Enfin, l'héritier du trône peut également y siéger. La composition du Sénat ({ l’exception des princes de la Couronne) reflète la division du pays en communautés linguistiques. Les régions ne sont pas directement représentées au Sénat.

La structure fédérale de la Belgique se retrouve toutefois dans la composition de la Chambre des représentants. Chaque membre de la Chambre (comme du Sénat) est

clairement rattaché { l’un des groupes linguistiques. Ce groupe est défini par la

circonscription électorale dans laquelle un membre a été élu (on retrouve le principe de territorialité). Chaque membre élu dans la circonscription de Bruxelles représente un groupe linguistique donné en prêtant serment dans sa langue. Il est impossible de rester neutre. La division en groupes linguistiques est nécessaire pour assurer la double majorité requise pour l'adoption de lois spéciales. Elle sert également de « garde-fou » : si les trois quarts des membres d’un groupe linguistique le demandent, l’étude d’un projet de loi peut être suspendue. Le

gouvernement fédéral a alors 30 jours pour proposer un contre-projet. Appelée « procédure de la sonnette d’alarme », cette mesure a été introduite en 1970, mais n'a jamais été employée.

Le bicaméralisme de la Belgique n’est pas symétrique : les pouvoirs du Sénat sont spécifiques et donc limités. Il a les mêmes pouvoirs que la Chambre des représentants dans les seuls domaines ayant trait aux structures fondamentales de

l’État, aux traités internationaux et { la monarchie. Les pouvoirs du Sénat dans le

premier de ces trois domaines sont particulièrement importants, car le Sénat est appelé à approuver toute réforme de la Constitution, toute loi spéciale modifiant le statut ou les compétences des régions ou des communautés, et toute loi traitant de l'organisation du système judiciaire. La Constitution indique clairement que seule la Chambre est responsable d'accorder la nationalité belge, de voter les lois réglant la responsabilité des ministres et le budget, de fixer le nombre de personnes

employées dans l’armée et, ce qui est important, d'accorder ou de retirer sa

confiance (par voie de motion) au gouvernement fédéral. Dans tous les autres domaines, la Chambre conserve la responsabilité finale. Bien que le Sénat puisse

demander (avec l'appui d’au moins 15 membres) un droit de regard sur tout projet

de loi adopté par la Chambre, celle-ci aura le dernier mot.

Le gouvernement fédéral belge exerce { la fois le pouvoir exécutif et, par l’entremise de son Parlement, le pouvoir législatif. La composition du gouvernement, qui reflète le désir de garder un certain équilibre dans les relations entre les communautés linguistiques, est décrite de façon plutôt détaillée dans la Constitution. Le nombre

maximum de ministres dans le gouvernement fédéral est de 15. Sept d’entre eux

doivent être néerlandophones et sept francophones. Cet arrangement applique une parité parfaite, car le premier ministre est considéré comme linguistiquement neutre. En pratique toutefois bien que le premier ministre joue le rôle d’intermédiaire et qu’il ait besoin de la pleine acceptation des deux groupes linguistiques il (ou elle) vient de Flandre. Voilà qui reflète la plus forte représentation de la population flamande et le fait que (jusqu'à présent) le plus

important parti politique du pays est flamand. Aux 15 ministres peuvent s’ajouter un certain nombre de secrétaires d’État (ministres de second rang) auxquels la règle de la parité linguistique ne s'applique pas. On retrouve habituellement deux ou trois secrétaires d'État, dont un nombre plus élevé de néerlandophones que de francophones.

La (quasi) parité du gouvernement fédéral demeure un principe important, bien que ce ne soit pas la seule chose qui oblige les deux groupes linguistiques à coopérer au gouvernement. Encore plus primordiale est la convention selon laquelle les décisions du gouvernement doivent être prises par consensus et non par vote. Tant

que les partis des deux groupes linguistiques qui disposent ensemble d’une majorité

de sièges à la Chambre sont disposés à travailler de concert, le gouvernement peut fonctionner. Si un des partis (groupes linguistiques) refuse expressément un projet,

cela n’est plus possible. La seule option consiste alors { négocier jusqu'{ ce qu’un

accord soit trouvé.

Selon la Constitution, le roi nomme les membres du gouvernement fédéral. Quand la Constitution parle du rôle du gouvernement, elle se réfère au « roi ». Néanmoins, celui-ci joue un rôle constitutionnellement limité, car aucun de ses actes n'a de valeur s'il n'est pas aussi signé par un membre du gouvernement. Le rôle du roi a diminué petit à petit pour laisser place à la domination du jeu politique par les

partis et leurs membres élus. La composition politique du gouvernement n’est pas

décidée par le roi, mais résulte plutôt de négociations entre les partis politiques. En pratique, les chefs de parti choisissent leurs ministres, après s'être assuré que ceuxci seraient acceptés par les autres partis. Dans quelques cas, les ministres proposés ont été refusés par le monarque, mais, si les avis sont foncièrement divergents, le parti politique qui cherche { placer l’un de ses membres dans le gouvernement trouvera toujours moyen de le faire.

Bien que les ministres des régions et des communautés ne soient pas nommés par le roi, mais élus par leurs Parlements respectifs, les premiers ministres de ces gouvernements prêtent serment devant le souverain. La procédure politique pour la formation des gouvernements de région et de communauté est la même que celle de

l’État fédéral. Dans le cas du gouvernement fédéral, le roi nomme d'abord un

« informateur » qui a pour rôle de déterminer comment les partis élus peuvent former un gouvernement et de proposer la candidature d'un premier ministre. Le candidat retenu doit ensuite être accepté par un certain nombre de partis formant une majorité au Parlement et souhaitant constituer une coalition. Le roi nomme alors ce premier ministre potentiel comme « formateur » et lui demande de former

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un nouveau gouvernement . Le rôle du roi dans ce processus demeure en grande partie protocolaire. Dans le cas des gouvernements de région et de communauté, les partis s’entendent entre eux, sans avoir recours à la nomination d'un « informateur » ou d'un « formateur » par le roi.

En 1990, le refus du roi Baudouin I de signer un projet de loi sur la libéralisation de l'avortement accepté par une majorité au Parlement fédéral contribua à diminuer encore l'influence politique du monarque. Ce projet ayant été proposé par le Parlement et non par le gouvernement, il n'a pas été cosigné par Baudouin I. Lorsque la loi fut votée, celui-ci déclara au premier ministre que sa conscience ne lui permettait pas de signer un tel projet de loi et qu'une solution devait être trouvée. On recourut alors à un article de la Constitution qui permet au Parlement de

déclarer que le roi se trouve dans l’impossibilité de régner (afin de garantir la

continuité, le gouvernement fédéral assume les pouvoirs de chef d'État dans de telles situations). Ainsi, tous les ministres fédéraux signèrent le projet de loi, y compris les chrétiens-démocrates qui s'y étaient opposés au Parlement, permettant de ce fait à la loi d'être promulguée. Un jour plus tard, le Parlement déclara que le roi Baudouin I pouvait à nouveau régner. Le problème fut résolu, mais il apparut alors clairement que les pouvoirs du roi au niveau politique n'étaient plus aussi importants qu'auparavant. Dans ses communications privées avec les membres du gouvernement, le roi peut faire des suggestions ou exprimer son mécontentement, mais les décisions finales sont prises par le gouvernement et déterminées par des accords entre les partenaires de la coalition. Toutefois, les relations entre les ministres et le roi étant privées, il est très difficile d'évaluer, et de vérifier, le véritable rôle joué par le monarque.

Dans un pays divisé comme la Belgique, on pourrait s'attendre à ce que le souverain joue un rôle unificateur. Ce sont cependant les élites politiques de la deuxième moitié du XXe siècle, et non le roi, qui ont préservé l’unité du pays en créant un État fédéral complexe basé sur de subtils compromis et sur l'obligation de coopérer. En fait, pendant une très longue période, le roi demeura extrêmement peu disposé à

soutenir la décentralisation, craignant qu’elle marque la fin de l'État belge. Mais les

élites politiques l'ont convaincu que le transfert des compétences aux communautés et aux régions représentait la meilleure manière de garder le pays uni.

Le rôle du roi en tant que symbole de la monarchie, l’une des dernières véritables

institutions belges, apparaît difficile à maintenir. La monarchie est très bien accueillie par le peuple, mais l’origine francophone de la famille royale suscite de plus en plus de critiques de la part des Flamands, qui appuyaient davantage la monarchie par le passé. Demander que le rôle (déjà très limité) du roi soit encore réduit est perçu par les francophones comme une tentative supplémentaire

d’attenter { l'unité belge et ils éprouvent une grande réticence { soulever ce débat.

Le statu quo semble être la meilleure solution pour tous puisqu'on ne peut pas arriver à un accord sur la question du changement formel du rôle du roi.

Manifestement, la pierre angulaire de l'unité belge et la garantie du bon

fonctionnement du système fédéral, c’est le gouvernement fédéral et, plus

spécifiquement, le rôle des partis dans la coalition fédérale. À quelques exceptions près, ces partis sont également au pouvoir dans les régions et les communautés. Depuis l'introduction de réformes importantes qui ont conféré de réelles compétences aux entités fédérées en 1988, les tensions entre les communautés linguistiques ont fortement diminué et le gouvernement fédéral est remarquablement stable depuis. Toutefois, en raison des nombreux pouvoirs de veto des communautés et de l'obligation pour tous les partis de coopérer, le risque de conflits profonds et inextricables reste élevé.

La stabilité et le fonctionnement au quotidien du système belge sont ainsi dictés par l'élite. Le rôle du peuple demeure restreint. En effet, la Constitution ne prévoit

aucune disposition relative { l’organisation de référendums. Elle stipule que tous les

pouvoirs émanent de la nation et que cette dernière est représentée au Parlement. C’est pourquoi celui-ci incarne la seule voix du peuple souverain. Un référendum n’aurait ainsi jamais force exécutoire. Mais un autre empêchement politique majeur vient s’ajouter aux limites constitutionnelles touchant le référendum : un

référendum est un outil favorisant la règle de la majorité, tandis qu’en Belgique, les

processus décisionnels reposent sur des négociations, des accords communs et des vetos mutuels. Le recours à un procédé basé sur la majorité aurait un effet néfaste et court-circuiterait les protections expressément prévues en faveur des francophones au niveau fédéral. De même, un système dans lequel les décisions nécessiteraient l'approbation non seulement de la majorité des personnes, mais également de la majorité des entités fédérées, serait extrêmement complexe étant donné l'existence des régions et des communautés et entrerait inévitablement en conflit avec le principe de base de la recherche du consensus des élites. Un référendum (sans force exécutoire) a tout de même été organisé en 1950 : on demanda au peuple si le Roi Léopold III pouvait retrouver son trône. La majorité du peuple a voté « oui », excepté en Wallonie et à Bruxelles. Le roi a finalement dû abdiquer. Cette expérience de référendum qui n'a offert aucune solution, mais a plutôt illustré clairement la manière dont une approche basée sur la majorité peut perturber une nation bipolaire – explique la réticence { organiser des référendums, même quand ils n’ont

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pas force exécutoire.

En dépit du transfert de l’essentiel des compétences aux régions et aux

communautés, le rôle du gouvernement fédéral et de ses partis politiques demeure crucial. C'est l’un des paradoxes du système belge. Le gouvernement fédéral a maintenu son autorité parce qu'un certain nombre de compétences importantes appartiennent encore à l'État fédéral. Le système judiciaire est resté complètement fédéral, ce qui signifie que les cours fédérales appliquent toutes les lois, y compris les décrets et les ordonnances des régions et des communautés. Le gouvernement

fédéral a conservé le contrôle d’instruments économiques importants, tels que la

politique du marché du travail et la réglementation des prix. Le système de la sécurité sociale est également entièrement fédéral. La Flandre a formulé des demandes visant une plus grande décentralisation de l'autorité fédérale, mais les francophones ne souhaitent pas s'engager dans cette voie, particulièrement en ce qui concerne les compétences sociales et fiscales.

LES COMPÉTENCES FISCALES

La fédération belge est une fédération bipolaire alliant régions et communautés et

dépendant d’un processus, flexible et constamment réadapté, de changements

sporadiques entraînés par les relations tendues qui existent entre le Nord et le Sud, et la manière dont les compétences fiscales y sont exercées le reflète bien. Étant donné que le transfert des compétences fiscales ne s'est pas produit au même rythme que celui des compétences politiques, les impôts perçus de manière centralisée ont été redistribués aux régions et aux communautés jusqu'en 2002. À ce moment, la révision de la loi spéciale sur les mesures financières a conféré davantage d'autonomie fiscale aux régions. En raison de la plus forte capacité fiscale de la Flandre et de sa meilleure situation économique, les Flamands revendiquèrent une autonomie encore plus grande. Mais les francophones se montrent peu disposés

{ voir s’accroître l’autonomie fiscale infranationale, car ils craignent que la

concurrence fiscale qui en résulterait n'avantage encore plus la Flandre, la seule région pouvant réduire les impôts.

Le caractère bipolaire de la fédération et son organisation asymétrique impliquent un certain nombre de conséquences directes sur l'organisation fiscale de la

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Belgique. Les communautés française et flamande sont toutes les deux présentes dans la région de Bruxelles, mais les habitants de la capitale ne sont pas obligés de

choisir une identité communautaire. C’est pourquoi les communautés ne savent pas

qui sont leurs propres citoyens. La population totale de la région de Bruxelles est connue, mais le nombre de membres de chaque communauté ne l'est pas. Ainsi, à Bruxelles, les impôts sont censés provenir de chaque communauté proportionnellement à sa capacité approximative : 20 pour cent de la part des néerlandophones et 80 pour cent des francophones. Les compétences liées à l'imposition ont été transférées aux régions territoriales plutôt qu'aux communautés linguistiques précisément pour éviter les problèmes occasionnés par

la dualité linguistique de Bruxelles. Si l'une des communautés décide d’introduire un

impôt, elle ne peut le faire qu'en coopération avec l'autre, ce qui veut dire que les communautés ne disposent pas vraiment de compétences d’imposition autonomes.

C’est la raison pour laquelle les communautés sont principalement financées par des

fonds fédéraux composés de trois éléments : transferts financiers ; compensation pour la redevance radio-TV qu'ils partageait autrefois ; et un fonds lié au nombre d'étudiants étrangers présents dans le système d'éducation de chaque communauté. Cet arrangement mixte et ad hoc illustre bien la manière dont l'organisation financière de la Belgique résulte de compromis politiques plutôt que de principes clairement définis.

Les transferts financiers sont composés de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des impôts sur le revenu. Chaque année, un certain montant est transféré aux communautés en fonction du niveau de transfert de 1989 et adapté à l'index des prix à la consommation. En 2002, il a été convenu qu’{ partir de 2012, le montant du transfert serait également adapté à la croissance du revenu national brut. Jusqu'en 2012, un paiement compensatoire qui augmentera chaque année sera rétrocédé aux communautés à la hauteur de la différence entre les montants

transférés sous l’ancien système et ceux qui le seront sous le nouveau système (plus

généreux). Le montant transféré à chaque communauté est également adapté aux changements de sa population estudiantine, car les dépenses principales des communautés concernent l'organisation de leurs systèmes scolaires. Il n'est pas nécessaire de recourir à un procédé garantissant le consensus dans la distribution de ces fonds, car ils sont basés sur les besoins (nombre d'étudiants) de chaque

communauté. La réforme de 2002 n’instaura d'ailleurs pas un tel procédé. Plus

exactement, le montant transféré à chaque communauté fut sensiblement augmenté et lié non seulement aux besoins des communautés, mais également à leurs capacités d'imposition. La première mesure répondait bien évidemment à une demande émanant de la communauté française et la seconde, à une requête de la communauté flamande.

Le montant des recettes des impôts sur le revenu transféré aux communautés est fixé par la Loi spéciale de 1989 et adapté annuellement à la croissance du revenu national. La proportion donnée à chaque communauté est basée sur leur contribution aux impôts sur le revenu la distribution des impôts perçus dans la région de Bruxelles est fixée à 80 pour cent pour la communauté francophone et à 20 pour cent pour la communauté flamande. Les transferts de la TVA et des impôts sur le revenu constituent la majeure partie des moyens financiers des communautés (environ 90 pour cent). Les paiements destinés à compenser la redevance sur la radio et la télévision, qui était autrefois transférée aux communautés, et les fonds recueillis proportionnellement au nombre d'étudiants étrangers dans chaque communauté (en plus grand nombre dans la communauté française) représentent des montants de moindre importance.

Les régions reçoivent également des paiements de transfert de la part de l'État

fédéral, mais, depuis 2002, elles disposent d’une plus grande autonomie fiscale que

les communautés. Les impôts fédéraux sur le revenu transférés aux régions sont traités de la même manière que les impôts sur le revenu transférés aux communautés. Fixé en 1989, le montant des transferts est adapté annuellement à l’index des prix { la consommation et { la croissance du revenu national brut. La distribution des impôts fédéraux sur le revenu entre les régions se base sur la

capacité fiscale de chacune d’elles. Les régions dont les recettes provenant des

impôts sur le revenu se trouvent en dessous de la moyenne nationale par habitant reçoivent un versement de péréquation. Le montant, fixé en 1989 et indexé en conséquence, est multiplié par le nombre d'habitants de la région et par le pourcentage de la différence entre les recettes provenant des impôts sur le revenu par habitant de la région et celles du pays dans son ensemble.

L'autonomie régionale introduite en 2002 permet aux régions de prévoir des réductions ou des augmentations globales du montant des impôts sur le revenu à percevoir. Les régions ont également le droit de réduire les impôts dans les domaines relevant des compétences régionales. Cela signifie, par exemple, qu'elles

peuvent introduire leurs propres mesures fiscales pour mettre en œuvre une

politique environnementale. Cependant, l'autonomie fiscale des régions dépend de mesures destinées à éviter une trop grande concurrence fiscale entre elles. Les réductions et les augmentations d'impôts introduites par les régions sont fixées à 6,75 pour cent des impôts sur le revenu perçus dans chaque région. La Loi spéciale de 2002 stipule également que les régions doivent s'abstenir de faire de la

concurrence déloyale au moyen des impôts, mais elle n’explique pas exactement ce

que cela signifie. Manifestement, toute interprétation relèvera de négociations politiques ad hoc.

Les régions gèrent également elles-mêmes un certain nombre de taxes : sur les jeux, l'ouverture des débits de boisson, les machines à sous, les dons, l'enregistrement des propriétés immobilières, l'enregistrement des automobiles et la possession de radios et télévisions. Étant donné que ces impôts étaient { l’époque administrés par le gouvernement fédéral, celui-ci déduit les recettes fiscales perdues des impôts sur le revenu transférés aux régions. Les régions sont également libres de fixer le montant de base des impôts fonciers (également perçus par l'État fédéral et par les municipalités). Ces mesures permettent aux régions de mener leur propre politique fiscale, mais uniquement dans les strictes limites imposées par la Loi spéciale de 2002.

Toutes les règles régissant l'organisation fiscale de la fédération belge sont inscrites dans des lois spéciales plutôt que dans la Constitution. Celle-ci ne contient pas même un principe général ou des lignes directrices concernant la conduite de la politique fiscale, et aucune loi spéciale ne vise à mettre en application un tel principe général. Les lois spéciales reflètent plutôt les accords provisoires conclus entre des régions et des communautés économiquement indépendantes ayant exprimé diverses demandes fiscales. Le Nord revendique davantage d'autonomie et le Sud plus de solidarité. La seule voie possible dans une fédération bipolaire où les unités

constituantes disposent mutuellement d’un droit de veto demeure un accord

détaillé reflétant une position de compromis.

LA PROTECTION DES DROITS DES MINORITÉS

Il va de soi que la position et la protection des minorités constituent une question

cruciale en Belgique. Il s’agit également d’un sujet très délicat. Bien que la création

du système fédéral soit basée sur un accord mutuel intervenu après de multiples négociations, chacun des deux principaux groupes linguistiques conserve une vision différente de la légitimité de la situation actuelle et de sa position future dans le système.

La transformation progressive de l'État unitaire en un État de type fédéral représenta une réponse ou plutôt un ensemble de réponses aux tensions provoquées par la décision du nouvel État belge de proclamer le français unique langue officielle en 1830. En raison de cette mesure, les néerlandophones peuvent être considérés comme la première minorité de la Belgique. Ils n'étaient pas une minorité du point de vue démographique, mais plutôt sur les plans politique,

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sociologique et psychologique. Les néerlandophones revendiquèrent donc la défense de leurs droits face à leur marginalisation politique dans le cadre de la nouvelle politique linguistique. Leur protection fut progressivement instaurée, d'abord en reconnaissant le néerlandais comme deuxième langue officielle et, au début des années 20, en délimitant les secteurs géographiques où l’unique langue officielle serait soit le néerlandais, soit le français. Une organisation territoriale claire fut ainsi élaborée afin de conférer à la deuxième langue une zone protégée. La fixation de la frontière linguistique en 1963 renforça la protection des Néerlandais face à la langue sociologiquement dominante. Cet arrangement fut plus tard préservé par la formation d'un État fédéral comprenant tant des régions (en évitant l'expansion progressive de la région de Bruxelles en Flandre) que des communautés

(en permettant aux Flamands d’établir un lien formel avec les néerlandophones de

Bruxelles).

Les francophones constituent la seconde minorité. Ils sont une minorité démographique qui, petit à petit en raison de l’octroi du suffrage { davantage de personnes et de la mise en œuvre des mesures de protection des néerlandophones –

devint également une minorité politique. En 1971, lorsque la Constitution belge créa les trois régions et les trois communautés linguistiques, des mesures de protection de la minorité française furent inscrites dans la Constitution. Elles stipulent que la moitié du gouvernement fédéral belge (excluant le premier ministre) doit être composée de ministres francophones. Elles confèrent également au groupe francophone du Parlement fédéral le droit d’opposer son veto (procédure dite « de la sonnette d'alarme ») à tout projet de loi considéré par lui comme nuisible. La « parité », soit une répartition égale des postes administratifs entre les deux principaux groupes linguistiques, est également utilisée comme « garde-fou » lors

du choix des juges { la Cour d’arbitrage et lors de la nomination des membres du

Comité de concertation. La réforme des lois spéciales qui constituent la base de la fédération belge exige une double majorité : les deux tiers des voix dans les deux Chambres du Parlement et une majorité simple dans chaque groupe linguistique au Parlement. Cette obligation empêche aussi la domination politique de la majorité démographique des néerlandophones. L'obligation des deux groupes linguistiques de coopérer et leur droit de veto mutuel demeurent des protections-clés pour la minorité de langue française.

La constitution des deux principales communautés linguistiques et des trois régions en 1971 conduisit { la formation d’un troisième groupe minoritaire : les néerlandophones de Bruxelles. La région de Bruxelles étant principalement francophone, le processus décisionnel visant une organisation équitable de ses institutions gouvernementales a pris un certain temps. C’est en 1988 seulement

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qu’un accord a été conclu au sujet de Bruxelles. Celui-ci reconnaît à la capitale le

statut de région à part entière, avec quelques exceptions symboliques à ce principe, comme nous l’avons rappelé ci-dessus. Il reconnaît les frontières de Bruxelles comme étant celles établies en 1963, ce qui signifie que le secteur situé en dehors de Bruxelles demeure dans la région flamande et donc dans le secteur où le néerlandais est la langue officielle des autorités. L'accord prévoit l'élection directe du Parlement

régional de Bruxelles, mais contient également des garanties en vue d’une

représentation équitable des partis représentant les néerlandophones (cela signifie que, depuis 2002, 17 sièges sur 89 sont réservés aux néerlandophones). Il garantit également à ces derniers un nombre égal de ministres (excluant le premier ministre) dans le gouvernement de la région de Bruxelles.

Chaque groupe linguistique perçoit et interprète ces processus institutionnels de manière différente. Les néerlandophones insistent sur le fait que les arrangements concernant Bruxelles sont l'équivalent des instruments de protection des francophones en place ailleurs en Belgique. En effet, les principes de base sont identiques : la parité et le droit de veto. Les francophones, quant à eux, tendent à soutenir que la situation à Bruxelles ne ressemble en rien à ce qui se passe généralement ailleurs en Belgique, car l'équilibre des forces entre les deux groupes linguistiques y est beaucoup plus inégal (15 pour cent de néerlandophones pour 85 pour cent de francophones à Bruxelles, contre 40 pour cent de francophones pour 60 pour cent de néerlandophones en Belgique en général). Ils préfèrent parler de protection des néerlandophones en tant que minorité, tandis que ces derniers

privilégient l’idée de compensation équitable pour l’abandon constitutionnel de leur statut de majorité { l’intérieur de l'État belge. Les francophones se plaignent

également souvent que le fait qu'on demande à un grand nombre de fonctionnaires

de Bruxelles (les juges et les policiers, par exemple) d’être bilingues équivaut { de la

discrimination injuste et excessive en faveur des néerlandophones.

Jusqu'en 1963, le déplacement de la frontière linguistique en fonction du recensement des langues reflétait le statut supérieur de la langue française. Quand la frontière linguistique fut fixée en 1963, un certain nombre de francophones habitant en dehors de la région de Bruxelles restèrent une fois pour toutes dans la partie néerlandophone du pays. Sous l’ancien système, six municipalités auraient simplement été ajoutées à la région bilingue de Bruxelles. Pour compenser ce nouvel aménagement, des « protections linguistiques » ont été offertes aux habitants de ces six municipalités, ainsi qu'à ceux de 10 autres municipalités abritant un nombre important de personnes appartenant à des minorités linguistiques le long de la frontière linguistique. Ces minorités restèrent une fois pour toutes d'un côté ou de

l’autre de la frontière et appartiennent ainsi clairement { l’une des trois régions

depuis 1971. Certaines de ces municipalités sont situées du côté francophone de la frontière et fournissent des protections linguistiques aux néerlandophones. La première demande de protection linguistique a toutefois été présentée par les francophones de Flandre, en particulier ceux qui vivent dans la périphérie de Bruxelles. Ces protections donnent aux habitants le droit de communiquer dans leur propre langue avec les services publics, même si celle-ci n’est pas la langue officielle de l'autorité. Si un nombre minimum de parents le demande, la municipalité locale

doit prévoir l’enseignement primaire dans l'autre langue. Ce sont des exceptions

manifestes au principe de territorialité régissant l'utilisation de la langue officielle et elles peuvent être considérées comme des dispositifs spéciaux protégeant les minorités linguistiques.

L{ encore, la définition, l'interprétation et l’étendue de ces droits demeurent

controversées. Les Flamands perçoivent ces protections comme une exception

temporaire au principe de territorialité, un moyen d’acclimater les minorités

linguistiques jusqu'à ce qu'elles connaissent suffisamment la langue d'une région pour pouvoir communiquer avec les services publics. Puisque l'utilisation de la langue est constitutionnellement libre, les lois sur les langues ne réglementent que l'utilisation des langues dans le cadre des services publics. Aucune restriction ne frappe l'utilisation de n'importe quelle langue dans toute autre sphère de la vie quotidienne. Bien que les protections linguistiques aient été incorporées dans la Constitution, la Flandre demande régulièrement qu'elles en soient retirées, car elles représentent une exception à la règle générale. Les Flamands affirment que les relations entre les groupes linguistiques ont été réglées par l'organisation fédérale de l'État belge. En effet, dans le système existant, la minorité francophone est

protégée au niveau fédéral et les minorités néerlandophones le sont { l’intérieur des

régions à prédominance francophone.

L’opinion des francophones en la matière est fondamentalement différente. Ils

considèrent leurs concitoyens de Flandre comme une minorité qui doit bénéficier de la même protection formelle que la toute petite minorité néerlandophone de

Bruxelles. Ils rejettent totalement l’idée selon laquelle les protections linguistiques

devraient être considérées comme des mesures transitoires. Au contraire, ils les perçoivent comme des droits fondamentaux qui les protègent et qui ne devraient pas être limités aux groupes minoritaires qui les ont reçus avant 1963 sur la base du dernier recensement linguistique. Les six municipalités situées dans la périphérie de Bruxelles sont aujourd'hui à majorité francophone, mais les activités gouvernementales se déroulent toujours en flamand. En outre, d'autres municipalités comportant des minorités francophones importantes ne reçoivent aucune protection du tout. On trouve (encore) des francophones habitant dans les deux principales villes flamandes, Anvers et Gand. Les francophones de Belgique s’appuient sur le droit international – en particulier la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales pour demander de manière générale une protection accrue des francophones vivant en Flandre. Ils les

présentent comme une minorité digne d’une protection culturelle spécifique, alors

que les néerlandophones prétendent que les droits linguistiques doivent être basés sur une étroite adéquation entre le territoire et la langue. Autrement dit, les

néerlandophones n’acceptent pas que des droits linguistiques ou culturels explicites

puissent être reconnus à des groupes minoritaires vivant dans la partie néerlandophone du pays. La position francophone sur l’octroi de tels droits signifierait également une meilleure protection des néerlandophones vivant en Wallonie, mais ceux-ci ne se considèrent pas comme une minorité, ne s'organisent pas en conséquence et ne réclament pas une telle protection.

En 2002, le Conseil de l'Europe adopta une motion exhortant la Belgique à accepter le concept des minorités linguistiques dans les régions, mais il ajouta que cela

devrait s’opérer conformément aux principes existants et dans l'esprit

constitutionnel de la protection des minorités en Belgique. Cependant, comme il n'y a pas de définition communément admise de ce qu'est une « minorité nationale » en

Belgique, la question n’a pas été réglée. C'est la raison pour laquelle la Belgique n'a

pas encore ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.

En attendant, les tensions persistent entre les francophones et les Flamands en ce qui a trait à la façon dont doit être interprétée la notion de protection linguistique. Dans la seule municipalité où les parents flamands ont demandé l'enseignement

primaire en néerlandais, la communauté française a refusé, ce qui signifie qu’il

appartient à la communauté flamande de financer l'école. En revanche, la communauté flamande finance les écoles primaires francophones dans la périphérie de Bruxelles, mais tient à garder le contrôle de l'inspection pédagogique de ces écoles. Le gouvernement flamand, qui exerce le contrôle administratif des municipalités qui disposent de protections linguistiques pour les francophones, tend à accorder des droits linguistiques d'une manière très restreinte, ce qui conduit à des conflits perpétuels entre le gouvernement régional flamand et les exécutifs francophones de ces municipalités. Le gouvernement de la communauté francophone subventionne les publications en français distribuées dans la

périphérie de Bruxelles, bien que la Cour d’arbitrage ait jugé que cette pratique

outrepassait les compétences (en fait le territoire) de cette communauté. Le gouvernement flamand a élaboré des plans ambitieux pour favoriser le caractère flamand de la périphérie et a officiellement déclaré qu'il n'y avait pas de minorité linguistique en Flandre. Ces interminables querelles ne trouveront pas de solution aussi longtemps que les deux groupes linguistiques maintiendront leur interprétation fondamentalement différente du statut des groupes et des minorités linguistiques en Belgique.

Une autre minorité mérite d'être mentionnée : les germanophones de Belgique. Formant une communauté relativement modeste (0,6 pour cent de la population belge), ils sont concentrés dans quelques municipalités de la région wallonne. Ils ont reçu un statut constitutionnel en tant que communauté de la fédération belge et possèdent les mêmes compétences que les deux principales communautés. La communauté allemande dispose d’un Parlement directement élu et de son propre gouvernement, et l’un des députés de la communauté siège au Sénat belge. Les

droits de cette communauté ne sont pas contestés, malgré sa petite taille. Les chefs de la communauté expriment toutefois régulièrement leur désir de se voir accorder

davantage d’autonomie ainsi que les compétences régionales que détient

actuellement la région wallonne.

LES CHANGEMENTS CONSTITUTIONNELS ET LES PERSPECTIVES D'AVENIR

Dès le début des années 60, la Constitution belge a fait l'objet de projets de modifications et, de fait, elle a souvent été révisée depuis lors. Des réformes institutionnelles majeures ont été adoptées en 1970, 1980, 1988, 1993 et 2002, et des changements mineurs ont été effectués dans l'intervalle. Il n’est pourtant pas aisé d’amender la Constitution. Pour ce faire, il faut d'abord établir une liste

d'articles qui pourraient être modifiés. Puis, les Chambres du Parlement et du gouvernement fédéral doivent s’accorder sur la même liste d'articles à réviser, ce qui conduit automatiquement à la dissolution du Parlement. Le Parlement nouvellement élu peut alors amender la Constitution, mais les changements sont limités aux seuls articles qui ont été énumérés pour la révision avant les élections. Un changement constitutionnel requiert la majorité des deux tiers à la Chambre des représentants et au Sénat. La quête de la majorité des deux tiers, soit pour former

un nouveau gouvernement soit pour essayer d’introduire des changements

constitutionnels, est devenue un thème de prédilection de la politique belge.

Cette procédure de révision de la Constitution a été instituée en 1830. Ce n’est

manifestement pas un procédé fédéral parce que l'approbation des entités constituantes n’est pas formellement nécessaire pour un changement constitutionnel. Seules les Chambres fédérales du Parlement doivent l’approuver.

Pourtant, dans la pratique, les principes fédéraux font partie de la procédure des changements constitutionnels grâce à l'utilisation fréquente des lois spéciales, qui sont adoptées et modifiées selon un procédé différent de celui qui est utilisé pour les amendements constitutionnels. À certains égards, les exigences pour réviser les lois spéciales sont moins élevées que pour les changements constitutionnels, car la dissolution et la réélection du Parlement fédéral ne sont pas requises. Les lois

spéciales peuvent être changées, parfois même { plusieurs reprises, au cours d’une seule législature. Cependant, { d’autres égards, les critères sont plus exigeants, car le changement de loi requiert non seulement la majorité des deux tiers à la Chambre des représentants et au Sénat, mais également une majorité dans chaque groupe linguistique. Concrètement, cela signifie que les gouvernements des régions et des communautés doivent accepter la proposition. Pour modifier une loi spéciale, le gouvernement fédéral s'efforce donc d'établir un consensus entre les partis politiques au pouvoir dans toutes les arènes. Les réformes de 2002 qui ont apporté des changements à la Constitution et aux lois spéciales ont été marquées par le fait que, pour la première fois, les gouvernements des régions et des communautés, ainsi que les présidents des partis, ont joué un rôle actif dans les négociations.

Les réformes de 2002 n'étaient certainement pas les dernières. On peut s'attendre à davantage de changements dans l'avenir, tant dans la répartition des compétences et que dans les arrangements fiscaux. On trouve encore des projets de réforme du Sénat, mais la majeure partie de ces projets sera réalisée en modifiant les lois spéciales plutôt que la Constitution. Il est cependant difficile de prédire sur quoi porteront les changements futurs en raison du nombre important d'enjeux sur lesquels de fortes divergences subsistent quant à la façon dont la situation actuelle évoluera, et même quant à la façon de percevoir la situation actuelle. La Flandre demeure la région dont l'économie est la plus vigoureuse et celle qui revendique davantage d'autonomie depuis le plus longtemps. Actuellement, la Flandre demande une plus grande autonomie fiscale ; la décentralisation d’une partie du système de la sécurité sociale (toujours entièrement fédéral) ; la décentralisation de toutes les compétences liées aux transports (les règlements sur la vitesse et les chemins de fer, par exemple) ; plus de compétence en ce qui concerne la politique de l'emploi ; une plus grande autonomie constitutionnelle pour les régions et les communautés ; de même que l'abolition des protections linguistiques pour la minorité francophone dans les municipalités flamandes de la périphérie de Bruxelles. Les deux plus grands partis politiques flamands défendent officiellement

l'idée que Bruxelles ne devrait pas être une région { part entière, mais qu’elle

devrait être gouvernée par les communautés flamande et française de la Belgique. La solution idéale semble être l'octroi d'une autonomie substantielle à la Flandre en

tant que région d’Europe, et accroître la décentralisation tout en limitant les

compétences de l'État fédéral serait un pas dans cette direction.

L’avenir idéal est cependant bien différent pour les francophones. La

décentralisation accrue des compétences ne leur semble pas aussi importante. L'élite politique francophone défend le statu quo en ce qui a trait à la répartition des compétences et aux règlements fiscaux (particulièrement les règlements concernant le système fédéral de sécurité sociale). Les efforts de la Flandre visant à devenir plus autonome sur le plan économique sont perçus comme des actes propres à ébranler la solidarité de base qui existe entre le Nord et le Sud. Toutefois, en ce qui concerne la défense des droits des minorités linguistiques, les francophones souhaiteraient voir la protection des néerlandophones de Bruxelles réduite et celle de leurs concitoyens de Flandre augmentée. Ils souhaitent également que Bruxelles

demeure une région { part entière et que son territoire s’étende un jour aux régions

périphériques, qui appartiennent actuellement à la région flamande.

La fédération belge représentera toujours un compromis complexe, résultat de visions divergentes voire incompatibles – du futur autant que d’interprétations disparates de la situation actuelle. Il n'existe pas vraiment de « fédération belge ». Il existe plutôt deux perceptions différentes de la Belgique actuelle et future. La fédération survit aujourd'hui en conciliant ces perceptions à l'aide d'un compromis complexe et, quoi que l'avenir lui réserve, on peut être presque certain que tout changement générera un nouveau compromis constitutionnel typiquement belge.

NOTES

1 Alexander Murphy, « Linguistic Regionalism and the Social Construction of Space in Belgium », The International Journal of the Sociology of Language, no 104 (1993): 4964 ; Alexander Murphy, « Belgium’s Regional Divergence: Along the Road to Federation », Federalism: The Multi-ethnic Challenge, ed. Graham Smith (London: Longman, 1995) : 73100.

2 Le terme « flamand » se rapporte à la langue, ainsi qu'à la région au nord de la frontière linguistique de la Belgique. Historiquement, le terme « Flandre » désignait la partie occidentale de la région, mais peu à peu il a aussi été employé pour se rapporter aux provinces d'Anvers et de Brabant (à l'origine, le comté de Brabant) et à la province de Limbourg (la partie néerlandophone de l'ancienne principauté de Liège).

3 Pour plus de détails sur l’histoire de la Belgique et sur l’évolution de ses tensions linguistiques et de ses solutions, cf. Els Witte, Jan Craeybeckx, et Alain Meynen, Politieke Geschiedenis van België van 1830 tot heden (Bruxelles : vub Press, 1997) ; Xavier Mabille, Histoire politique de la Belgique : facteurs et acteurs de changement (Brussels : Crisp, 1986) ; Kenneth McRae, Conflict and Compromise in Multilingual Societies: Belgium (Ontario: Wilfrid Laurier University Press, 1986).

4 Maureen Covell, « Political Conflict and Constitutional Engineering in Belgium », International Journal of the Sociology of Language, no 104 (1993) : 6586 ; Kris Deschouwer, « Falling apart Together: The Changing Nature of Belgian Consociationalism, 19612000 », Acta Politica 37, special issue on « Consociationalism and Corporatism in Western Europe: Still the Politics of Accommodation? » (été 2002) : 6885.

5 Pour une vue d’ensemble plus détaillée des institutions politiques belges, cf. André Alen et Rusen Ergec, La Belgique fédérale après la quatrième réforme de l’État de 1993 (Bruxelles : Département des affaires étrangères, du commerce et du développement international, 1998) ; Guido Craenen, ed., The Institutions of Federal Belgium: An Introduction to Belgian Public Law (Leuven: Acco, 1996);

Marc Uyttendaele, Regards sur un système institutionnel paradoxal : Précis de

droit constitutionnel belge (Bruxelles : Bruylant, 2001).

6 Michel Quévit, Les causes du déclin wallon (Bruxelles : Vie Ouvrière, 1978).

7 Jérôme Sohier, « Chambres flamandes et chambres francophones : Divergences et dissonances », Le Conseil d’État de Belgique: Cinquante ans après sa création, éd. Bernard Blero (Bruxelles: Bruylant, 1999) : 699731.

8 André Alen et coll., Les conflits d’intérêt: Quelle solution pour la Belgique de demain ? (Namur : Faculté de Droit, 1990).

9 Johanne Poirier, « Formal Mechanisms of Intergovernmental Relations in Belgium », Regional and Federal Studies 12 (Autumn 2002): 2454 ; Maarten Theo Jans and Herbert Tombeur, « Living apart Together: The Belgian Intergovernmental Cooperation in the Domains of Environment and Economy », Public Policy and Federalism, ed. Diermar Braun (Aldershot: Ashgate, 2000) : 14276.

10 Traduit dans l'article de Poirier, « Formal Mechanisms » : 36.

11 Kris Deschouwer, « Waiting for "the Big One": The Uncertain Survival of the Belgian Parties and Party Systems », Res Publica, n° 2 (1996): 295306.

12 Il s'agit d'une exception à la règle voulant que la communauté française ne puisse pas être présente en Flandre. La circonscription électorale de Bruxelles comprend en effet une partie de la Flandre située en dehors de Bruxelles, et les électeurs francophones peuvent voter pour un représentant francophone au Sénat. Les néerlandophones habitant en Wallonie ne peuvent en faire autant.

13 La règle générale veut en effet que le formateur devienne premier ministre, bien que deux formateurs (en 1980 et 1987) aient finalement laissé une autre personne accéder à ce poste.

14 Mark Van den Wijngaert, « De volksraadpleging van 12 maart 1950 », De Re Ferenda: Een meta-juridsiche conflictanalyse van het referendum, ed. F. Fleerackers (Gand: Larcier, 2001) : 13144.

15 Magali Verdonck and Kris Deschouwer, « Patterns and Principles of Fiscal and Financial Federalism in Belgium », Regional and Federal Studies 13, n° 4 (2003): 91110.

16 Val Lorwin, « Belgium: Conflict and Compromise », Consociational Democracy: Political Accommodation in Segmented Societies, ed. Kenneth McRae (Toronto: McLellan and Stewart, 1974) : 17594 ; Aristide Zolberg, « The Making of Flemings and Walloons, Belgium, 18301914 », The Journal of Interdisciplinary History 5, no 2 (1974): 180235.

17 Els Witte, André Alen, Hugues Dumont, et Rusen Ergec, Het statuut van Brussel: Bruxelles et son statut (Gand: Larcier, 1999).