RENOSI MOKA TE
L’Afrique du Sud est l’un des derniers arrivés dans le groupe des nations disposant d’un système de relations financières intergouvernementales (Intergovernmental Fiscal Relations, IGFR). Ce système a été institué en 1994 lors de l’avènement de la démocratie, et il est fixé dans la Constitution. L’IGFR résulte d’un compromis politique obtenu au terme d’un processus de négociations multipartites. La disposition constitutionnelle vise à reconnaître la diversité régionale, économique et ethnique de l’Afrique du Sud, et elle considère l’expression de cette diversité dans la mesure où elle ne porte pas atteinte au fondement de l’unité nationale, ni à la création d’une société équitable.
Avec une population de 44,8 millions d’habitants, le produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique du Sud s’est élevé à 212,8 milliards USD en 2004, et le produit national brut (PNB) par habitant a atteint 3 630 USD. Son environnement macro-économique demeure stable, caractérisé par une croissance modérée, une inflation maîtrisée et des taux d’intérêts modestes.
Le système intergouvernemental de l’Afrique du Sud peut être considéré comme unitaire en dépit de sa décentralisation, avec un gouvernement composé de trois sphères : nationale, provinciale et locale. D’un point de
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vue pratique, les relations entre les sphères nationale et provinciales sont conçues de la manière suivante : la sphère nationale définit la politique, de même que les principes et les normes régissant les fonctions – tandis que les provinces agissent en qualité d’autorités d’exécution. Pour ce qui touche aux dépenses, les attributions de la sphère provinciale sont financées par le pouvoir central selon un modèle de partage des ressources. Le centre attribue aux provinces une certaine partie des revenus prélevés au plan national, par le biais de la Formule de partage équitable pour les provinces (Provincial Equitable Share, PES), mais également au moyen de subventions conditionnelles et à des buts spécifiques.
Contrairement aux sphères nationale et provinciales, les municipalités, et surtout les grandes zones métropolitaines, disposent d’une assiette fiscale suffisamment large pour couvrir leurs dépenses, et des ressources supplémentaires leur sont apportées par le biais de la Formule de partage équitable pour les collectivités locales (Local Government Equitable Share, LES). Néanmoins, d’énormes disparités demeurent entre les revenus que peuvent mobiliser les zones métropolitaines et ceux des plus petites municipalités. De manière générale, les premières disposent de larges assiettes fiscales et, dès lors, elles dépendent fort peu des transferts provenant de la sphère nationale. Cette réalité contraste de manière saisissante avec celle de nombre de municipalités rurales et modestes, qui disposent d’une capacité fiscale extrêmement faible et sont donc largement dépendantes des transferts en provenance du gouvernement national.
Toutes les sphères gouvernementales disposent de la capacité de générer leurs propres revenus. Néanmoins, les provinces ne peuvent percevoir ni de droits ni de contributions sur des produits à large base taxable, comme les revenus et bénéfices des entreprises, les revenus des particuliers, ou les taxes à la consommation et sur les transactions commerciales. La plupart des impôts qui leurs sont réservés disposent d’une assiette réduite ; ils se limitent aux taxes prélevées sur les permis de conduire, le jeu et les paris, les alcools et le tourisme, et les taxes d’hospitalisation. Les municipalités peuvent prélever des taxes foncières, des taxes sur la collecte des ordures ménagères et des droits sur l’utilisation de l’eau. Mais leur perception auprès des usagers représente un véritable casse-tête pour les deux sphères de gouvernement, pour de nombreuses raisons dont les principales sont les suivantes :
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Les relations financières intergouvernementales en Afrique du Sud se caractérisent donc par une relative centralisation en matière de revenus fiscaux, associée à des responsabilités extrêmement décentralisées pour ce qui concerne les dépenses. Bien que les charges relatives aux services sociaux représentent environ 89 % des dépenses totales des provinces, ces services génèrent très peu de revenus. Cependant, incapables de générer des recettes à partir des impôts qui leur sont attribués pour être à même
de remplir leur mandat constitutionnel, les
provinces en sont venues à se reposer complètement sur les subventions, ou transferts intergouvernementaux, qui atteignent 95% des revenus totaux dépensés au niveau provincial.
Le gouvernement s’est néanmoins lancé dans diverses stratégies afin de relever ces défis, notamment le renforcement des capacités, l’introduc-tion de systèmes de gestion et de contrôle financiers plus performants, l’amélioration des systèmes budgétaires, le renforcement de l’efficacité des audits financiers destinés à corriger les défauts de perception, sans compter l’amélioration des prestations. En outre, le gouvernement national a introduit la gratuité pour les services publics essentiels de distribution de l’eau, de l’électricité et de l’approvisionnement en eau et l’assainisse-
ment, afin de remédier aux problèmes de capacité de paiement. Cette stratégie comprend la fourniture d’un niveau de service minimal pour tous les citoyens, et un barème fixant les prix pour tout service supérieur à ce minimum. En ce qui concerne les services hospitaliers au niveau des provinces, un tarif minimal est facturé sur la base d’un examen des moyens d’existence. Dans ce contexte, des mécanismes et des outils d’examen des ressources plus efficaces et plus fiables ont été élaborés, de manière à améliorer la perception des revenus.
La Constitution exige que les fonds provenant des revenus perçus sur le plan national soient convenablement redistribués entre les trois sphères gouvernementales. Cette répartition verticale vient compléter la répartition horizontale équitable des revenus entre les neuf provinces et les 284 municipalités, sur la base de subventions tant conditionnelles qu’inconditionnelles. La répartition verticale des revenus entre les trois sphères gouvernementales est une politique instaurée par le gouvernement national, et elle reflète les priorités respectives assignées à chacune des sphères. La répartition horizontale des revenus est basée sur une formule qui tient compte des indices spécifiques de la démographie et de l’activité économique. Les disparités fiscales demeurent gigantesques – ce qui correspond aux différences entre les coûts et les capacités de fournir des services publics.
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La Constitution permet à la sphère nationale et aux provinces d’inter-venir provisoirement dans les affaires et la gestion d’une province ou d’une municipalité (pour les provinces), en cas de défaillance flagrante dans l’exécution des mandats assignés. Dans de tels cas, l’approche qui a été privilégiée par les sphères gouvernementales supérieures a consisté à prendre des mesures suffisamment tôt pour éviter une reprise en main complète de l’administration. Cette stratégie a permis de développer des solutions plus appropriées, de se concentrer sur l’amélioration des conditions plutôt que sur la punition des sphères gouvernementales mises en cause, et de mieux orienter et ainsi optimiser les maigres ressources humaines et financières mises en action pour résoudre le problème. La philosophie sous-jacente consiste à intervenir de manière à améliorer la prestation immédiate des services et à restaurer la capacité de réaliser de meilleures performances dans l’avenir, de la part de la province ou de la municipalité concernée.
Le système des relations intergouvernementales en Afrique du Sud ne cesse d’évoluer, dans la mesure où le pays est une démocratie encore jeune. La précision avec laquelle les compétences et les fonctions sont définies dans la Constitution préserve le pays d’une redistribution arbitraire des fonctions. Néanmoins, ces dix dernières années ont vu s’opérer certains glissements fonctionnels, comme le transfert des responsabilités en matière de subventions pour la sécurité sociale, qui sont passées du niveau provincial au niveau national, ou la réaffectation des soins de santé primaire, du niveau local aux provinces. Un cadre a été défini pour l’attri-bution effective des fonctions, et il sert à garantir que celle-ci demeure parfaitement fidèle à l’esprit de la Constitution.